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28/02/2018 | FRANCE | N°16-21476

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-21476


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2016), que la société CDC gestion, devenue la société Natixis Asset Management, créée en 1984 par filialisation des activités de gestion de comptes de tiers de la Caisse des dépôts et consignations, a été inscrite sur la liste des entreprises publiques et sociétés nationales soumises aux dispositions concernant la participation financière des salariés dans l'entreprise aux termes du décret n° 2001-177 du 12 décembre 2001 ; que p

ar acte du 5 janvier 2012, plusieurs salariés de la société CDC gestion ont sais...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2016), que la société CDC gestion, devenue la société Natixis Asset Management, créée en 1984 par filialisation des activités de gestion de comptes de tiers de la Caisse des dépôts et consignations, a été inscrite sur la liste des entreprises publiques et sociétés nationales soumises aux dispositions concernant la participation financière des salariés dans l'entreprise aux termes du décret n° 2001-177 du 12 décembre 2001 ; que par acte du 5 janvier 2012, plusieurs salariés de la société CDC gestion ont saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir reconnaître leur droit à la participation aux résultats de l'entreprise pour la période 1989-2001 en invoquant l'application à leur entreprise, pendant cette période, des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats des entreprises ;

Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande alors, selon le moyen que :

1°/ tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en ne répondant pas au moyen, péremptoire, tiré de ce qu'en raison de l'absorption de la société Natixis Asset Management par le Groupe Caisse d'épargne, cette structure n'était plus une entreprise au capital majoritairement détenu par une personne publique, au sens de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013, de sorte que la privation des salariés de leur droit de solliciter une participation, y compris dans les instances en cours, qui avait été imposée par cette décision, ne s'appliquait pas dans la présente affaire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ le droit à un procès équitable et à un recours effectif doit s'appliquer devant une Cour constitutionnelle y compris lorsque la procédure portée devant elle n'est pas une extension de celle portée devant les juridictions ordinaires, mais a été intentée directement par un requérant, dès lors que cette procédure porte sur une contestation relative à une question revêtant un caractère patrimonial et déterminante pour un droit de caractère civil ; que, dès lors, en l'espèce, à considérer que les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013 devraient être interprétés en ce sens qu'ils privaient les salariés de la société Natixis Asset Management de leur droit de solliciter une participation au titre de la période de 1989 à 2001, la cour d'appel, en faisant une application mécanique de cette solution, sans même examiner le fond des prétentions des demandeurs, et ce tandis qu'il était pourtant constant qu'ils n'avaient pas été parties à la procédure devant le Conseil constitutionnel, ni à la procédure devant la juridiction administrative, qui l'avait saisi, et qu'ils avaient été systématiquement privés de toute prérogative procédural dans ce contentieux, dont, notamment, celle de solliciter un report dans le temps des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité qui leur était préjudiciable, a porté atteinte à leurs droits à un procès équitable et à un recours effectif et a violé les articles 6 et 13, combinés, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ le bénéfice de droits reconnus par la loi et la jurisprudence à des personnes remplissant certaines conditions peut faire naître une espérance légitime dont l'autorité publique ne saurait les priver sans veiller, à tout le moins, à ménager un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que, dès lors, en l'espèce, à considérer que les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013 devraient être interprétés en ce sens qu'ils privaient les salariés de la société Natixis Asset Management de leur droit de solliciter une participation au titre de la période de 1989 à 2001, la cour d'appel, en faisant une application mécanique de cette solution, a porté une atteinte grave et disproportionnée au droit des salariés au respect de leurs biens dont les espérances légitimes qu'ils avaient nourries de participer aux résultats de leur entreprise, compte tenu des conditions précisées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'ils remplissaient indiscutablement à la date de l'introduction de leur action en justice, étaient ainsi entièrement anéanties, et a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ sont, en principe, incompatibles avec le marché commun, interdites et nulles de plein droit les aides d'Etat, lesquelles s'entendent, au-delà des prestations positives, de toute intervention qui, sous des formes diverses, allège les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise ou de certaines entreprises et qui, par là même, sans être une subvention au sens strict du mot, est de même nature et a des effets identiques ; que, dès lors, en l'espèce et quels que soient le sens et la portée de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013, la cour d'appel, qui, en sa qualité de juridiction nationale, tenue, indépendamment d'éventuelles considérations issues du droit constitutionnel interne, d'appliquer pleinement et efficacement le droit de l'Union Européenne, n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si l'exemption, par le législateur français, de l'obligation générale d'instituer un régime de participation des salariés au profit d'entreprises dont, telle la société CDC Gestion, devenue Natixis Asset Management, le capital avait été détenu par une personne publique, ne constituait pas une aide d'Etat prohibée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 85, 90 et 92 du traité instituant la communauté économique européenne, respectivement devenus les articles 81, 86 et 87 du traité instituant la communauté européenne, respectivement devenus les articles 101, 106 et 107 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne ;

Mais attendu d'abord que, par décision QPC n° 2013-336 du 1er août 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1984 du 30 décembre 2004, et dit que cette inconstitutionnalité prendrait effet à compter de la publication de la présente décision mais que toutefois les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques ne pouvaient, en application du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que, par motifs adoptés, la cour d'appel a décidé qu'il convenait de se référer à la période sur laquelle portait la demande, soit la période antérieure à l'exercice 2001, pour apprécier si les salariés de la société Natixis Asset Management, alors filiale de la Caisse des dépôts et consignations, relevaient du report dans le temps de la déclaration d'inconstitutionnalité résultant de cette décision ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, par motifs adoptés, a retenu exactement que l'inconstitutionnalité des seules dispositions de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction alors applicable n'avait pas pour conséquence la reconnaissance d'un principe général d'assujettissement des entreprises publiques au régime de la participation ; qu'il en résulte que, les salariés ne pouvant revendiquer un droit reconnu en droit interne, l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 1er du Protocole n° 1 ne sont pas applicables ;

Attendu, enfin, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72/91 et C-73/91), que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État sont à considérer comme des aides d'Etat ; que les avantages accordés par d'autres moyens que des ressources d'État ne tombent pas dans le champ d'application des dispositions en cause et que la distinction entre aides accordées par l'État et aides accordées au moyen de ressources d'État est destinée à inclure dans la notion d'aide non seulement les aides accordées directement par l'État, mais également celles accordées par des organismes publics ou privés, désignés ou institués par l'État ; que l'absence d'assujettissement des entreprises publiques au régime de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, eu égard par ailleurs aux dispositions de l'article L. 3325-1 du code du travail, ne relève pas dès lors de la notion d'aide d'Etat ; que, par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... et cent quarante-six salariés ou ayants droit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X... et cent quarante-six salariés

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de la société Natixis Asset Management, anciennement dénommée CDC Gestion, de leur demande tendant à voir reconnaître leur droit à la participation aux résultats pour la période de 1989 à 2001 ;

Aux motifs propres que : « le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité de la CDC Gestion transmise le 13 mars 2013 par le tribunal administratif de Paris via le Conseil d'Etat, a jugé qu'en n'ayant ni défini un critère, tel celui de l'origine du capital ou de la nature de l'activité, ni fixé une liste des « entreprises publiques » auxquelles l'obligation d'instituer un dispositif de participation des salariés aux résultats de l'entreprise s'appliquait, le législateur, qui s'est borné à renvoyer au décret le soin de désigner celles des entreprises publiques qui y seraient néanmoins soumises, avait, par méconnaissance de sa compétence, soustrait les « entreprises publiques » à cette obligation ;

[
] que l'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail, ayant fait l'objet de la décision n° 2013-336 QPC du conseil constitutionnel en date du 1er août 2013, a pris effet, conformément à l'article 61-1 de la constitution, à compter de la publication de cette décision ; que, si la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut conduire à ce que les sommes versées au titre de la participation sur le fondement de ces dispositions donnent lieu à répétition, les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques, telle la société NATIXIS, ne peuvent, en application du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que : « en application d'un accord de participation de groupe signé le 30 octobre 2002, les droits à participation de l'exercice 2001 ont été versés aux salariés de la CDC Gestion.

Il convient de débouter les 187 salariés de leurs demandes formées au titre de cet exercice.

Pour les exercices antérieurs, la CDC Gestion soutient que la décision n° 2013-336 du Conseil constitutionnel du 1er août 2013 a éteint tous les contentieux en cours relatifs à l'application du régime de participation aux entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques.

Les salariés demandeurs soutiennent que cette décision ne leur interdit pas de solliciter le bénéfice de cette participation aux motifs qu'elle violerait l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et constituerait un déni de justice pour les salariés de la CDC Gestion en les privant d'un accès au juge et en ne respectant pas les droits de la défense.

Dans sa décision du 1er août 2013, le Conseil constitutionnel a jugé, au visa des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, Frantour et autres, dont se prévalent les 187 salariés dans la présente instance pour bénéficier d'un dispositif de participation et sur un grief soulevé d'office tiré de ce qu'en ne définissant pas la notion d'entreprise publique, les dispositions contestées méconnaîtraient l'étendue de la compétence du législateur dans des conditions qui affectent la liberté d'entreprendre et le droit de propriété, qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a soustrait les « entreprises publiques » à l'obligation d'instituer un dispositif de participation, qu'il n'a pas fixé la liste des « entreprises publiques » auxquelles, par dérogation à cette règle, cette obligation s'applique et qu'il s'est borné à renvoyer à un décret le soin de désigner les entreprises qui y seraient néanmoins soumises.

Jugeant que le législateur, en s'abstenant de définir le critère en fonction duquel les entreprises sont soumises à cette obligation, a méconnu l'étendue de sa compétence, le Conseil constitutionnel a déclaré le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 précitée, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004- 1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, contraire à la Constitution.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution :

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 [relatif à la QPC] est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoir publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »

Le Conseil constitutionnel a jugé que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.

Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans son considérant 22, « la déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004, prend effet à compter de la publication de la présente décision ; que les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques ne peuvent, en application du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur. »

Selon l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Il convient de rappeler que la CDC Gestion ne conclut pas à l'irrecevabilité des demandes formées mais à leur débouté au vu de la décision rendue par le Conseil constitutionnel de sorte que les salariés ne peuvent prétendre qu'ils seraient privés du droit d'accès au juge garanti par l'article 6 de la CEDH.

En outre, la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur constitutionnelle.

Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du Conseil constitutionnel, rendue sur le fondement des articles de la Constitution, seraient contraires à la CEDH, qui tend à remettre en cause la conventionnalité de l'article 62 de la Constitution, doit être écarté.

Les salariés font encore valoir qu'ils fondent leur action non pas sur les dispositions de l'article L. 442-9 ancien du code du travail, mais sur celles de l'article L. 442-1 qui n'ont pas, pour leur part, été déclarées inconstitutionnelles de sorte que cette décision ne leur interdirait pas de solliciter dans le cadre de la présente instance le bénéfice de la participation sur cet autre fondement textuel.

La circonstance que les seules dispositions de l'article L. 442-9 aient été déclarées inconstitutionnelles n'a pas pour conséquence, comme le soutiennent les salariés demandeurs, que « demeure[rait] en droit positif qu'un principe général d'assujettissement à la participation posé par l'article L. 442-1 » sur lequel ils fonderaient leur action.

La déclaration d'inconstitutionnalité n'a pas remis en cause le principe d'exclusion des entreprises publiques du régime de droit commun de la participation.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur, pour l'avenir, de définir les entreprises publiques qui sont soumises à cette obligation, ce dernier ne pouvant renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de le faire.

Pour les années antérieures à 2001, dans la décision critiquée, qui s'impose à la présente juridiction, le Conseil constitutionnel a jugé que les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques ne peuvent, en application du chapitre II de l'ordonnance de 1986 relatif à la participation, demander dans les instances en cours qu'un dispositif de participation soit prévu au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur.

La CDC Gestion était, sur la période considérée, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier le point litigieux, majoritairement détenue par la CDC personne publique, en l'occurrence à hauteur d'au moins 60 % de son capital.

Il convient dès lors de débouter Mme X... et autres de l'ensemble de leurs demandes » ;

1. Alors que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en ne répondant pas au moyen, péremptoire, tiré de ce qu'en raison de l'absorption de la société Natixis Asset Management par le Groupe Caisse d'Epargne, cette structure n'était plus une entreprise au capital majoritairement détenu par une personne publique, au sens de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013, de sorte que la privation des salariés de leur droit de solliciter une participation, y compris dans les instances en cours, qui avait été imposée par cette décision, ne s'appliquait pas dans la présente affaire (conclusions, p. 35), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de Procédure civile ;

2. Alors que, à titre subsidiaire, le droits à un procès équitable et à un recours effectif doit s'appliquer devant une Cour constitutionnelle y compris lorsque la procédure portée devant elle n'est pas une extension de celle portée devant les juridictions ordinaires, mais a été intentée directement par un requérant, dès lors que cette procédure porte sur une contestation relative à une question revêtant un caractère patrimonial et déterminante pour un droit de caractère civil ; que, dès lors, en l'espèce, à considérer que les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013 devraient être interprétés en ce sens qu'ils privaient les salariés de la société Natixis Asset Management de leur droit de solliciter une participation au titre de la période de 1989 à 2001, la Cour d'appel, en faisant une application mécanique de cette solution, sans même examiner le fond des prétentions des demandeurs, et ce tandis qu'il était pourtant constant qu'ils n'avaient pas été parties à la procédure devant le Conseil constitutionnel, ni à la procédure devant la juridiction administrative, qui l'avait saisi, et qu'ils avaient été systématiquement privés de toute prérogative procédurale dans ce contentieux, dont, notamment, celle de solliciter un report dans le temps des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité qui leur était préjudiciable, a porté atteinte à leurs droits à un procès équitable et à un recours effectif et a violé les articles 6 et 13, combinés, de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

3. Alors que toujours à titre subsidiaire, le bénéfice de droits reconnus par la loi et la jurisprudence à des personnes remplissant certaines conditions peut faire naître une espérance légitime dont l'autorité publique ne saurait les priver sans veiller, à tout le moins, à ménager un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que, dès lors, en l'espèce, à considérer que les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013 devraient être interprétés en ce sens qu'ils privaient les salariés de la société Natixis Asset Management de leur droit de solliciter une participation au titre de la période de 1989 à 2001, la Cour d'appel, en faisant une application mécanique de cette solution, a porté une atteinte grave et disproportionnée au droit des salariés au respect de leurs biens dont les espérances légitimes qu'ils avaient nourries de participer aux résultats de leur entreprise, compte tenu des conditions précisées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'ils remplissaient indiscutablement à la date de l'introduction de leur action en justice, étaient ainsi entièrement anéanties, et a violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés Fondamentales ;

4. Alors qu'enfin et en tout état de cause, sont, en principe, incompatibles avec le marché commun, interdites et nulles de plein droit les aides d'Etat, lesquelles s'entendent, au-delà des prestations positives, de toute intervention qui, sous des formes diverses, allège les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise ou de certaines entreprises et qui, par là même, sans être une subvention au sens strict du mot, est de même nature et a des effets identiques ; que, dès lors, en l'espèce et quels que soient le sens et la portée de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-336 QPC du 1er août 2013, la Cour d'appel, qui, en sa qualité de juridiction nationale, tenue, indépendamment d'éventuelles considérations issues du droit constitutionnel interne, d'appliquer pleinement et efficacement le droit de l'Union Européenne, n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si l'exemption, par le législateur français, de l'obligation générale d'instituer un régime de participation des salariés au profit d'entreprises dont, telle la société CDC Gestion, devenue Natixis Asset Management, le capital avait été détenu par une personne publique, ne constituait pas une aide d'Etat prohibée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 85, 90 et 92 du Traité instituant la Communauté Economique Européenne, respectivement devenus les articles 81, 86 et 87 du Traité instituant la Communauté Européenne, respectivement devenus les articles 101, 106 et 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-21476
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Participation aux résultats de l'entreprise - Régime obligatoire de participation - Champ d'application - Fondement - Premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004 - Déclaration de contrariété à la Constitution - Décision QPC n° 2013-336 du 1er août 2013 du Conseil constitutionnel - Portée

UNION EUROPEENNE - Concurrence - Aides accordées par les Etats - Définition (CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72/91 et C-73/91) - Exclusion - Cas - Absence d'assujettissement des entreprises publiques au régime de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise

Par décision QPC n° 2013-336 du 1er août 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1984 du 30 décembre 2004, et dit que cette inconstitutionnalité prendrait effet à compter de la publication de la présente décision mais que toutefois les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques ne pouvaient, en application du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur. L'inconstitutionnalité des seules dispositions de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction alors applicable n'ayant pas pour conséquence la reconnaissance d'un principe général d'assujettissement des entreprises publiques au régime de la participation, il en résulte que, les salariés ne pouvant revendiquer un droit reconnu en droit interne, l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole n° 1 qu'ils invoquent pour obtenir le bénéfice en leur faveur d'un dispositif de participation pour la période antérieure à la décision du Conseil constitutionnel ne sont pas applicables. Les salariés des entreprises visées par la décision du Conseil constitutionnel ne peuvent pas non plus faire valoir que l'absence de droit à participation constitue une aide d'Etat déguisée dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72/91 et C-73/91), que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'Etat sont à considérer comme des aides d'Etat ; que les avantages accordés par d'autres moyens que des ressources d'Etat ne tombent pas dans le champ d'application des dispositions en cause et que la distinction entre aides accordées par l'Etat et aides accordées au moyen de ressources d'Etat est destinée à inclure dans la notion d'aide non seulement les aides accordées directement par l'État, mais également celles accordées par des organismes publics ou privés, désignés ou institués par l'Etat, dès lors, l'absence d'assujettissement des entreprises publiques au régime de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, eu égard par ailleurs aux dispositions de l'article L. 3325-1 du code du travail, ne relève pas de la notion d'aide d'Etat


Références :

article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004

article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 1er du protocole additionnel n° 1 à la conve
ntion de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article L. 3325-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2018, pourvoi n°16-21476, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 35
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 35

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21476
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