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15/02/2018 | FRANCE | N°17-10418

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 février 2018, 17-10418


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 novembre 2016), qu' ancien salarié de la Société européenne des produits réfractaires (SEPR) en qualité d'agent de laboratoire, M. Z..., reconnu atteint, le 12 novembre 2010, d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30 bis, a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et accepté les offres d'indemnisation qui lui ont été adressées ; que ce fonds a saisi, le 6 décembre 2012, une juridiction de sécurité sociale aux fins d

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 novembre 2016), qu' ancien salarié de la Société européenne des produits réfractaires (SEPR) en qualité d'agent de laboratoire, M. Z..., reconnu atteint, le 12 novembre 2010, d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30 bis, a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et accepté les offres d'indemnisation qui lui ont été adressées ; que ce fonds a saisi, le 6 décembre 2012, une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Savoie réfractaires qui a repris l'établissement de la SEPR aux termes d'un traité d'apport partiel d'actifs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Savoie réfractaires (la société cessionnaire) fait grief à l'arrêt de dire non prescrit le recours du FIVA, alors, selon le moyen, que le droit aux indemnités prévues par le code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur se prescrit par deux ans à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, et qu'en cas de cession de l'activité à l'occasion de laquelle la victime a été exposée au risque, celle-ci ou le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante qui lui est substitué a le choix d'agir contre le cédant ou contre le cessionnaire ; qu'en jugeant qu'une demande à la caisse primaire d'assurance-maladie de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur cédant avait interrompu le délai de prescription à l'égard du cessionnaire de l'activité, la cour d'appel a violé l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des articles L. 431-2, L. 452-4 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, que si les droits de la victime ou de ses ayants droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans à compter, notamment, de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, le délai est interrompu, en cas de circonstances susceptibles d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, par l'exercice de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ;

Que, d'autre part, l'opération de cession partielle d'actifs n'ayant pas fait disparaître la personne morale qui avait été l'employeur, lequel demeure responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de sa faute inexcusable en application des dispositions de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, il en résulte que le FIVA, subrogé dans les droits du salarié victime d'une faute inexcusable, peut agir en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur qu'il estime auteur de cette dernière ou contre le tiers cessionnaire des droits et obligations de toute nature afférents à la branche complète d'activités constituée par l'établissement où le salarié travaillait lors de son exposition au risque considéré ;

Et attendu que l'arrêt relève que le fait pour M. Z... d‘avoir saisi la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère le 26 février 2011 d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur, la SEPR, a eu pour effet d'interrompre la prescription afférente à la reconnaissance de la faute inexcusable à l'égard de la société Savoie réfractaires venant aux droits de la SEPR ; que la prescription biennale n'a recommencé à courir qu'après la notification du 11 mai 2011 par l'organisme social du procès-verbal de carence ; qu'en conséquence, l'action introduite le 6 décembre 2012 par le FIVA à l'encontre de la société Savoie réfractaires n'est pas prescrite ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par le FIVA à l'encontre de la société cessionnaire de l'établissement où le salarié travaillait lors de son exposition au risque n'était pas prescrite ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Savoie réfractaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Savoie réfractaire et la condamne à verser la somme de 3 000 euros au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et celle de 2 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Savoie réfractaires.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception de prescription de la société Savoie Réfractaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000, prévoit que lorsque la proposition du FIVA est acceptée, celui-ci est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède la personne indemnisée contre le responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes ; que l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les droits de la victime ou ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par 2 ans à dater :
– du jour de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie,
– de la cessation du travail,
– du jour de la clôture de l'enquête,
– du jour de la cessation de paiement des indemnités journalières,
– du jour de la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie ;
qu'en l'espèce, l'organisme social a notifié le 12 novembre 2010 à M. Z... la prise en charge au titre de la législation professionnelle de son affection constatée le 29 juin 2010 ; qu'il est constant que la Société Européenne des Produits Réfractaires (SEPR) avait la qualité d'employeur de M. Z... en 1973 ; qu'en 1980 cette société a cédé l'ensemble de sa branche d'activité réfractaire à la société Lafarge Réfractaires dans le cadre d'un apport partiel d'actifs parmi lesquels figurait l'établissement de Vénissieux ; qu'enfin, la société Lafarge Réfractaires a apporté le 31 décembre 1984, notamment l'établissement de Vénissieux à la société Savoie Réfractaires ; que le salarié avait la possibilité d'agir en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur cédant qu'il estime auteur de cette faute à savoir la SEPR ou contre le tiers cessionnaire des droits et obligations afférents à la branche d'activités constituée par l'établissement où il travaillait lors de son exposition au risque à savoir la société Savoie Réfractaires, étant précisé que l'exercice d'une action en reconnaissance de faute inexcusable a pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable ; que le fait pour M. Z... d'avoir saisi la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère le 26 février 2011 d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur, la SEPR, a eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la société Savoie Réfractaires venant aux droits de la SEPR ; que la prescription biennale n'a recommencé à courir qu'après la notification du 11 mai 2011 par l'organisme social du procès-verbal de carence ; qu'en conséquence, l'action introduite le 6 décembre 2012 par le FIVA à l'encontre de la société Savoie Réfractaires n'est pas prescrite ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE le FIVA est subrogé en application de l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000 à due concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre le responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation et intervient devant les juridictions civiles, notamment dans les actions en faute inexcusable ; qu'en l'espèce, le FIVA a indemnisé M. Z... au titre de ses préjudices personnels pour un montant de 19 700 euros ; qu'il est donc subrogé dans les droits de M. Z..., à due concurrence des sommes versées, afférentes au préjudice personnel et a donc qualité à agir ; qu'en outre, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la majoration de l'indemnité en rente constitue une prestation de sécurité sociale due par la CPAM dans tous les cas de faute inexcusable, de sorte que le FIVA est recevable dans son action en reconnaissance de la faute inexcusable et peut demander que soit fixée la majoration de l'indemnité en rente ; qu'en l'espèce, la société Savoie Réfractaires se fondant sur l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, soulève la prescription de l'action du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, prétendant que la subrogation de l'article 53-VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ne saurait conférer au FIVA plus de droits que la personne indemnisée, de sorte que l'action en faute inexcusable de l'employeur exercée par le FIVA en tant que subrogé dans les droits d'un salarié est soumise à la prescription biennale qui court à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, qu'ainsi son action est prescrite puisque la décision de prise en charge de cette maladie au titre d'une maladie professionnelle est intervenue le 12 novembre 2010 et que le FIVA n'a saisi le tribunal de recours contre la société Savoie Réfractaires qu'à compter du 6 décembre 2012, soit au-delà du délai de deux ans ; qu'or, force est de constater qu'en l'espèce, si la CPAM de l'Isère a reconnu le caractère professionnel de la pathologie de M. Z..., le 12 novembre 2010, celui-ci a saisi l'organisme social le 26 février 2011 d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et qu'un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 11 mai 2011 ; qu'il suit de là que le délai de prescription biennale de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, interrompu par la saisine de la caisse, a recommencé à courir à compter du 11 mai 2011, de sorte que l'action du fonds introduite le 6 décembre 2012 n'est pas prescrite ;

ALORS QUE le droit aux indemnités prévues par le code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur se prescrit par deux ans à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, et qu'en cas de cession de l'activité à l'occasion de laquelle la victime a été exposée au risque, celle-ci ou le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante qui lui est substitué a le choix d'agir contre le cédant ou contre le cessionnaire ; qu'en jugeant qu'une demande à la caisse primaire d'assurance-maladie de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur cédant avait interrompu le délai de prescription à l'égard du cessionnaire de l'activité, la cour d'appel a violé l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la maladie de M. Z... est due à la faute inexcusable de son employeur, la société Savoie Réfractaires ; dit n'y avoir lieu à l'instauration d'une expertise judiciaire ; dit que la Caisse d'assurance-maladie de l'Isère devra verser la majoration du capital au Fiva, créancier subrogé, dans la limite de la somme de 6 155,59 € ; dit que la majoration pour faute inexcusable devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. Z... et dit qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ; et d'avoir condamné la société Savoie Réfractaires à rembourser à la Caisse d'assurance-maladie de l'Isère les sommes dont elle a fait l'avance en application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement ;

AUX MOTIFS QUE l'article R 441-11-II du code de la sécurité sociale prévoit que « la victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. (
) » ; qu'il est constant que la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Z... a été menée à l'égard de son dernier employeur la société Sofradir au sein de laquelle il a été salarié de 2003 à 2010 ; qu'il ressort du rapport d'enquête de la caisse en date du 27 septembre 2010 que le salarié a indiqué n'avoir été exposé à l'amiante qu'à l'occasion de son activité professionnelle de 1973 à 1977 chez SEPR à Vénissieux ; qu'il en résulte que la société Sofradir dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait exposé le salarié au risque d'amiante, n'était pas un employeur à qui la décision de prise en charge était susceptible de faire grief ; que dans ces conditions, il apparaît que la caisse n'a pas régulièrement mené la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie auprès de l'employeur à qui la décision était susceptible de faire grief ; qu'il convient en conséquence de déclarer la décision de prise en charge de l'affection inopposable à la société Savoie Réfractaires et d'infirmer le jugement sur ce point ; que l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, de la maladie au titre de la législation professionnelle, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, le cas échéant, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; que la seule conséquence est que l'employeur ne verra pas augmenter le taux de ses cotisations ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif, et qu'il résulte de l'article 86, V, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, disposant que « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L 452-1 à L 452-3 », est applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013 ; que s'agissant d'une action introduite le 6 décembre 2012, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge en faisant une application rétroactive des dispositions citées, a violé l'article 2 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-10418
Date de la décision : 15/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 fév. 2018, pourvoi n°17-10418


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10418
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