La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2018 | FRANCE | N°16-20995

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2018, 16-20995


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mai 2012, pourvoi n° 11-16.190), que par actes du 23 février 1996 publiés au bureau des hypothèques, la Société d'investissement et d' arbitrage immobilier antillais (la société SIAIA) a acquis des lots d'un ensemble immobilier en prenant l'engagement, en sa qualité de marchand de biens, de les revendre dans le délai de quatre années prévu par l'article 1115 du code général des impôts

; que le 23 février 2001, l'administration fiscale lui a notifié un redre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mai 2012, pourvoi n° 11-16.190), que par actes du 23 février 1996 publiés au bureau des hypothèques, la Société d'investissement et d' arbitrage immobilier antillais (la société SIAIA) a acquis des lots d'un ensemble immobilier en prenant l'engagement, en sa qualité de marchand de biens, de les revendre dans le délai de quatre années prévu par l'article 1115 du code général des impôts ; que le 23 février 2001, l'administration fiscale lui a notifié un redressement des droits d'enregistrement, en l'absence de revente ; qu'après mise en recouvrement des droits, la société SIAIA a saisi le tribunal de grande instance ; qu'en cours d'instance, l'administration a prononcé un dégrèvement total en se réservant la possibilité d'émettre une nouvelle proposition de rectification, ce qu'elle a fait le 9 mai 2005 ; qu'en l'absence de réponse à sa contestation, la société SIAIA a assigné le directeur des services fiscaux de la [...] afin d'être déchargée de l'imposition mise en recouvrement le 2 mai 2006 ; que par jugement du 8 juillet 2008, le tribunal de grande instance a prononcé la décharge des impositions contestées ; que le 16 décembre 2009, l'administration a prononcé un dégrèvement total, tout en poursuivant, en cause d'appel, l'infirmation du jugement ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir présentée par la société SIAIA, prise d'un dégrèvement antérieur, l'arrêt retient que ce dégrèvement paraît être la suite du dégrèvement exécutoire par provision résultant du jugement du 8 juillet 2008 soumis à l'appréciation de la cour d'appel et qu'à supposer qu'il s'interprétât comme valant exécution du jugement frappé d'appel, cette exécution serait nécessairement entachée de sérieuses réserves lui ôtant la valeur d'acquiescement ;

Qu'en se déterminant par de tels motifs, hypothétiques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'acte de dégrèvement du 16 décembre 2009 mentionnant « après un examen attentif de votre dossier, il a été décidé de vous accorder un dégrèvement de 468 822 euros » ne peut avoir pour effet de mettre fin à la présente instance dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il ait eu un caractère définitif et non celui d'un dégrèvement résultant du jugement du tribunal de grande instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le dégrèvement ne faisait aucune référence à ce jugement, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a méconnu le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2016,entre les parties, par la cour d'appel de Fort de France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la Société d'investissement et d'arbitrage immobilier antillais la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la Société d'investissement et d'arbitrage immobilier antillais

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens soulevés en cause d'appel par la SIAIA et tirés de l'existence d'un dégrèvement du 16 décembre 2009 portant sur l'ensemble des sommes dues et d'avoir rejeté la demande de dégrèvement de SIAIA des droits de mutation d'un montant total de 468.822 euros mis en recouvrement par le service des impôts de [...]       par avis n° [...] du 2 mai 2006 ;

AUX MOTIFS QUE sur la portée du dégrèvement prononcé par l'administration fiscale au profit de la SIAIA ; la SIAIA prétend que le 16 décembre 2009, l'administration ayant prononcé le dégrèvement de l'ensemble des sommes dues, ce dégrèvement doit s'interpréter, d'une part, comme valant acquiescement à la décision du Tribunal de Grande Instance et, d'autre part, comme constituant une décision individuelle de l'administration après « réexamen du dossier » ; que ce dégrèvement du 16 décembre 2009, ne saurait valoir acquiescement de l'administration fiscale au jugement du Tribunal de Grande Instance de Basse-Terre du 8 juillet 2008 au sens des articles 409 et 410 du code de procédure civile invoqués par la partie intimée et dont il résulte que l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, lequel emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours ; qu'en effet, contrairement à ce que paraît considérer la SIAIA, le jugement déféré du 8 juillet 2008 n'est pas « un jugement non exécutoire » au sens de l'article 410 alinéa 2 du code de procédure civile puisqu'il résulte expressément de l'article R202-5 du livre des procédures fiscales qu'en pareille matière, le jugement du tribunal de grande instance est « exécutoire de droit à titre provisoire » ; que si l'administration fiscale n'a pas répliqué à ce moyen soulevé par l'intimée tenant à l'existence du dégrèvement du 16 décembre 2009 et n'a donc pas fait connaître à la Cour sa position à ce sujet, il n'en reste pas moins que celui-ci paraît être la suite du dégrèvement exécutoire par provision résultant du jugement du 8 juillet 2008 soumis à l'appréciation de la juridiction d'appel ; qu'en toute hypothèse, il est constant que l'administration a formé appel à l'encontre du jugement du 8 juillet 2008 par une déclaration du 27 août 2008 qui, n'ayant été suivie d'aucun désistement de sa part, a donné lieu à un arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Basse-Terre du 29 novembre 2010 à l'encontre duquel l'administration fiscale a formé un pourvoi ayant abouti à l'arrêt de cassation du 3 mai 2012 puis à saisine de la présente Cour de renvoi selon déclaration du 12 février 2014 de l'administration appelante ; que dès lors, à supposer que l'acte de dégrèvement du 16 décembre 2009, intervenu dans le cours de l'instance d'appel à laquelle l'administration fiscale n'a jamais renoncé, s'interprétât comme valant exécution du jugement frappé d'appel, cette exécution serait nécessairement entachée de sérieuses réserves lui ôtant la valeur d'acquiescement que l'intimée veut lui prêter ; que, de la même façon, la décision de dégrèvement du 16 décembre 2009 prononcée en faveur de la société SIAIA en ces termes « après un examen attentif de votre dossier, il a été décidé de vous accorder un dégrèvement de 468.822 euros », ne peut avoir pour effet de mettre fin à la présente instance dès lors qu'il n'est pas démontré que ce dégrèvement a le caractère définitif que veut lui prêter la société intimée en évoquant l'article L.80 du Livre des Procédures Fiscales, et non pas le caractère d'un dégrèvement prononcé en exécution de la décision du tribunal de grande instance prononçant judiciairement, avec l'exécution provisoire résultant de l'article R 202-5 précité, ledit dégrèvement ;

1°) ALORS QU'en retenant que le dégrèvement prononcé par l'administration le 16 décembre 2009 paraissait être la suite du dégrèvement exécutoire par provision résultant du jugement du 8 juillet 2008 soumis à l'appréciation de la juridiction d'appel, la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, le dégrèvement total des impositions litigieuses ayant d'ores et déjà été prononcé par le jugement entrepris, la décision ultérieure par laquelle l'administration avait indiqué à l'exposante qu'après un examen attentif de son dossier, il avait été décidé de lui accorder un dégrèvement de 468 822 € caractérisait un acquiescement au jugement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 410 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) ALORS QU'en retenant qu'il n'était pas démontré que le dégrèvement du 16 décembre 2009 avait un caractère définitif et non pas un caractère d'un dégrèvement prononcée en exécution de la décision du tribunal de grande instance prononçant judiciairement, avec l'exécution provisoire, ledit dégrèvement, quand la décision du 16 décembre 2009, sans faire aucune référence au jugement, indiquait expressément que l'administration avait décidé d'accorder ce dégrèvement après un examen attentif du dossier de la société exposante, la cour d'appel a dénaturé cette décision en méconnaissance de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de dégrèvement de SIAIA des droits de mutation d'un montant total de 468.822 euros mis en recouvrement par le service des impôts de [...] par avis n° [...] du 2 mai 2006 ;

AUX MOTIF QUE, sur la prescription, aux termes de l'article L.186 du Livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court ; que si l'article L.180 du Livre des procédures fiscales, prévoit que pour les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration, ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ; que la SIAIA soutient que se trouve applicable la prescription triennale dont le délai était, selon elle, écoulé à la date de la proposition de rectification du 09 mai 2005, intervenue ainsi après le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du 23 février 2001 (31/12/2004), date à laquelle elle lui a adressé deux notifications de redressement invoquant ce délai de prescription et sur le simple constat que les actes notariés de 1996 n'avaient pas été suivis du respect de l'engagement de construire dans le délai de quatre ans ; qu'elle soutient que la proposition de rectification du 9 mai 2005 qui lui a été notifiée après annulation des deux notifications de redressement de 2001 pour vice de procédure, se fonde sur la prescription décennale alors que celle-ci est inapplicable puisque l'administration n'a pas eu besoin, au cas d'espèce, d'effectuer des recherches ; que, pour la SIAIA, les actes notariés passés en 1996 introduisaient une condition suspensive de respect de l'engagement de revendre dans les 4 ans, condition connue de l'administration car révélée par les actes authentiques et identifiée clairement par les deux notifications de 2001 ; qu'ainsi, selon l'intimée, il serait indéniable que les actes de l'administration manifestant sa connaissance de la situation, impliquent l'application de la prescription abrégée ; qu'elle estime en effet que la prescription abrégée est applicable dès lors que le redressement initialement notifié étant fondé sur la déchéance du régime de faveur dont elle a bénéficié en tant que marchand de biens, l'exigibilité des droits nés du manquement allégué à son engagement de revente a été suffisamment révélée à l'administration sans qu'il lui ait été nécessaire de recourir à des recherches ultérieures ; que la SIAIA considère que la première proposition de rectification de 2001 démontre que l'administration connaissait l'acte authentique de 1996 et l'engagement de revendre dans le délai de 4 ans en conséquence de quoi, selon elle, l'exigence des droits de mutation se déduit de la simple absence de déclaration de vente dans les quatre ans à compter de l'acte d'achat de l'ensemble immobilier, sans qu'il soit besoin d'effectuer des recherches ; qu'ainsi, la démonstration est faite selon la société intimée que l'exigibilité des droits nés de l'absence de revente du bien immobilier dans les quatre années suivant l'acquisition, a été suffisamment révélée à l'administration fiscale sans qu'il lui ait été nécessaire d'effectuer des recherches ultérieures pour asseoir les droits, raison pour laquelle la prescription triennale est applicable ; que, sur ce, les actes notariés du 23 février 1996 d'acquisition des deux immeubles que la SIAIA, en tant que marchand de biens, s'est engagée à revendre dans le délai de quatre ans, pas plus que les deux propositions de rectifications du 23 février 2001 dont les énonciations sont à cet égard dépourvues d'intérêt, au contraire de ce que soutient l'intimée, ne peuvent en aucun cas constituer les actes révélateurs de l'exigibilité des droits d'enregistrement initialement bénéficiaires de l'exonération, dispensant l'administration fiscale de toutes recherches ultérieures au sens de l'article L.180 du livre des procédures fiscales ; que la vérification du respect des conditions d'application du régime de faveur bénéficiant aux marchands de biens suppose nécessairement des recherches extérieures à l'acte d'acquisition tel que présenté à l'enregistrement ; qu'en effet, le constat de la déchéance ou de l'absence de déchéance de ce régime, impose nécessairement à l'administration fiscale d'effectuer des recherches pour établir l'existence ou l'absence de pièces ou actes entérinant, durant le délai quadriennal, la revente effective du bien immobilier acquis en exonération des droits ; que ces recherches indispensables, qui constituent les recherches ultérieures prévues par l'article L.180 du Livre des procédures fiscales rendent donc inopposable à l'administration le délai de prescription abrégée ; qu'en conséquence, quand bien même l'administration fiscale ne rend pas compte des recherches engagées en vue de notifier la proposition de rectification du 9 mai 2005, il est suffisamment établi que s'imposaient à elle des recherches ultérieures à l'enregistrement et à la publication des actes d'acquisition des immeubles et qu'en conséquence, seule s'applique en l'espèce la prescription décennale prévue par l'article L.186 du Livre des procédures fiscales ; que l'exigibilité des droits de mutation à titre onéreux se trouvant frappée d'une condition suspensive, la prescription décennale n'a pu commencer à courir qu'à l'expiration du délai imparti pour que la condition du maintien du régime soit remplie ; que les immeubles acquis le 23 février 1996 par la société SIAIA et enregistrés à la conservation des hypothèques de Basse Terre les 12 avril 1996 et 16 août 1996, compte tenu de l'engagement de revente dans le délai de quatre ans, devaient être cédés avant le 23 février 2000 ; que dès lors, la prescription décennale a commencé à courir le 23 février 2000 ; qu'en conséquence, la proposition de rectification du 9 mai 2005 qui a été suivie de l'avis de mise en recouvrement du 02 mai 2006 établi pour un montant total de 468.822 euros, a produit valablement ses effets à l'encontre de la société SIAIA durant le délai de la prescription décennale venant à expiration le 23 février 2010 ;

ALORS QU'en cas d'acquisition placée sous le régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce, l'exigibilité des droits, au sens de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales est révélée par l'acte d'acquisition publié et l'écoulement du délai pour revendre, sauf à ce que l'administration démontre avoir procéder à des recherches ultérieurement à l'expiration de ce délai, pour avoir connaissance de l'exigibilité des droits ; qu'en décidant au contraire que la vérification du respect des conditions d'application du régime de faveur bénéficiant aux marchands de biens supposait nécessairement des recherches extérieures à l'acte d'acquisition tel que présenté à l'enregistrement, la cour d'appel a violé les articles 1115 du code général des impôts et L. 180 du livre des procédures fiscales dans leurs rédactions applicables.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-20995
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 26 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2018, pourvoi n°16-20995


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20995
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award