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08/02/2018 | FRANCE | N°16-28764

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 février 2018, 16-28764


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2016), que, par acte authentique du 19 mars 2008, les sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain ont conclu au profit de la société Soferim promotion (la société Soferim) une promesse unilatérale de cession de la totalité du capital social de la société Résidence du château dont l'objet social portait sur l'acquisition d'une propriété bâtie, avec démol

ition, construction et vente ; que l'acte de cession a été établi le 12 juin 2008 ; qu...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2016), que, par acte authentique du 19 mars 2008, les sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain ont conclu au profit de la société Soferim promotion (la société Soferim) une promesse unilatérale de cession de la totalité du capital social de la société Résidence du château dont l'objet social portait sur l'acquisition d'une propriété bâtie, avec démolition, construction et vente ; que l'acte de cession a été établi le 12 juin 2008 ; que, se plaignant d'une réticence dolosive et d'un retard des opérations du fait d'une erreur d'implantation, la société Soferim a assigné M. X..., architecte, et les sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain en indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Soferim, l'arrêt retient qu'antérieurement à l'acte de cession, la société Soferim avait organisé elle-même diverses réunions depuis le 20 février 2008, qu'il était prévu un plan de bornage et un relevé des héberges après démolition préconisés par l'architecte le 16 mars 2006, que les deux comptes-rendus des 21 avril et 28 avril 2008 révélaient que le géomètre devait être missionné par le représentant par la société Soferim, qu'une télécopie du cabinet X... adressée à cette dernière indiquait que, suite à la réunion de travail du 26 avril sur les plans d'exécution, il était "impératif que le géomètre établisse le plan de bornage afin que l'abandon de fait de la mitoyenneté par l'immeuble du 127 soit précisément et officiellement défini pour régularisation par un acte authentique" et que la société Soferim était parfaitement informée de la difficulté concernant les limites de la propriété de l'immeuble ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Soferim qui soutenait n'avoir pas reçu cette télécopie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... et les sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et les sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain à payer à la société Soferim promotion la somme globale de 3 000 euros ; rejette les demandes de M. X... et des sociétés Villancy immobilier et Groupe Saint-Germain ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Soferim promotion

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Soferim Promotion de l'intégralité de ses demandes en dommages et intérêts dirigées contre les sociétés Villancy Immobilier et le groupe Saint-Germain et contre M. X... ;

AUX MOTIFS QU' « il convient de rechercher quelles sont les compétences de celui qui se prétend victime d'un dol étant observé que la Soferim est un promoteur professionnel ;

que par ailleurs la Cour observe que la Soferim avait connu des difficultés pour payer le prix, et n'a d'ailleurs réglé qu'une partie de celui-ci ;

qu'enfin, il n'est pas contesté que la Soferim, pour tenter de se soustraire à ses obligations et échapper au payement des sommes restant dues, a tenté dans un premier temps de solliciter la garantie de passif au motif qu'elle venait de découvrir que le terrain était pollué ; que cependant aucun élément n'a pu établir la réalité de la pollution alléguée ; qu'une procédure judiciaire a été diligentée par la société Soferim qui s'est finalement désistée de son action ; que c'est alors qu'elle a fait état de la question de la mauvaise implantation du terrain objet du présent litige ;

que l'acte de cession est intervenu le 12 juin 2008 ;

que la Soferim avait organisé elle-même diverses réunions dont la première remonte au 20 février 2008 ; qu'aux termes du compte rendu rédigé par la Soferim, il est prévu un plan de bornage ainsi qu'un relevé des héberges après démolition préconisés par l'architecte le 16 mars 2006 ; que les deux comptes rendus des 21 avril et 28 avril 2008 révèlent que le géomètre devait être missionné par le représentant de la société Soferim, Mme Z... ; qu'une télécopie de Monsieur A..., du cabinet X..., adressée à Soferim, indique : « Suite à notre réunion de travail du 26 avril sur les plans d'exécution, je vous précise qu'il est impératif que le géomètre établisse le plan de bornage afin que l'abandon de fait de la mi-mitoyenneté par l'immeuble du 127, soit précisément et officiellement défini pour régularisation par un acte authentique. »;

que tous ces éléments permettent de comprendre qu'il existait une difficulté sur les limites de la propriété, puisque le mur de la nouvelle construction devait être construit sur le mur mitoyen avec la copropriété voisine ;

qu'avant la signature du contrat d'architecte, courant 2004, le Groupe Saint-Germain avait fait établir par un géomètre expert, Monsieur Philippe B..., un plan d'étude faisant référence à un mur présumé mitoyen côté [...] ainsi qu'un plan des héberges ; qu'il s'agit du mur en question ; que ce document graphique versé aux débats précise : « mur présumé mitoyen » et ajoute « zone inaccessible. Relevés à compléter-après démolition » ; que ce document a été remis à la société Soferim ;

que Monsieur Christian X... a établi en 2006 un dossier de demande de permis de construire au nom de la SCCV Résidence du Château qui a été signé par le représentant légal de cette société ; que le permis est daté 1er août 2006 ;

que l'architecte Monsieur X... avait écrit à la SCCV Résidence du Château, destinataire du permis, le 16 mars 2006 pour lui indiquer :

« Comme vous nous l'avez demandé, vu que l'immeuble du 127 a abandonné de fait sa mitoyenneté, nous avons accolé l'immeuble futur au pignon du 127. Cependant, nous n'avons pas pris en compte pour le calcul de la SHON, la surface de terrain de cette mitoyenneté abandonnée. Dès obtention du permis de construire, il sera nécessaire de vous rapprocher des voisins pour valider de façon officielle l'abandon de fait de la mitoyenneté. »

qu'en cours de chantier Monsieur B..., géomètre expert, avait par lettre du 3 septembre 2008 adressée à Soferim, soulevé une nouvelle fois la difficulté de l'implantation du bâtiment « projeté en limite des pignons de l'immeuble riverain sis [...] (conformément au permis de construire obtenu.) » ; que ce courrier poursuit :

« La limite entre ces deux propriétés est actuellement située à l'axe des murs des anciennes constructions en cours de démolition sur votre propriété. Lors de la construction de l'immeuble en copropriété au 127, les pignons ont été édifiés contre ces anciennes constructions, abandonnant de fait la mitoyenneté des murs. Le bâtiment projeté va donc être édifié sur une partie de la parcelle riveraine délaissée au moment de la construction de l'immeuble voisin. Il en résulte qu'il y a lieu de régulariser foncièrement cet abandon de mitoyenneté par un document d'arpentage cadastral qui devra être publié par acte notarié. Vous trouverez ci-joint le plan d'études que nous avions dressé en septembre 2004, sur lequel nous avons reporté la partie de sol concernée. »

que dès lors tout était prêt pour une régularisation sans dommage ni difficulté de la question de ce mur mitoyen sur lequel devait s'appuyer la construction projetée ;

que, bien plus, la copropriété voisine, propriétaire de la moitié du mur litigieux, avait donné son accord et même déclaré être favorable à la cession ; que par courrier du 21 juillet 2009 elle indiquait n'avoir jamais été sollicitée :

« Je vous confirme que je n'ai jamais été contacté par une quelconque personne de la société Soferim, ni par le propriétaire précédent du terrain. Nous n'avons donc jamais été contactés au sujet d'un quelconque problème de mitoyenneté.

Je peux vous assurer que nous n'aurions jamais été opposé à un rachat de la demi-mitoyenneté, car il est évident que nous n'aurions pas accepté un vide entre nos deux immeubles ».

que dès lors il résulte de ces éléments que la question de la copropriété du mur voisin ne constituait en aucune façon un obstacle à la construction projetée ; que cette difficulté apparaît comme un argument d'opportunité avancé par la société Soferim pour ne pas respecter ses engagements et alléguer l'existence de préjudices imaginaires ; qu'elle n'établit d'ailleurs l'existence d'aucune manoeuvre commise par ses cocontractantes, y compris par réticence puisqu'elle était parfaitement informée de la situation, ni l'existence d'aucune faute délictuelle commise par l'architecte qui au contraire avait oeuvré en vue de la construction de l'ouvrage et de la résolution de cette question qui était acquise au vu du courrier de la copropriété voisine rapporté ci-dessus ; »

1) ALORS QUE les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; que la société exposante contestait expressément avoir reçu, avant la cession litigieuse, une télécopie adressée par M. A... du Cabinet X... qui l'aurait informée de ce que le terrain d'assiette du permis de construire comprenait un mur mitoyen et nécessitait une régularisation ; qu'elle faisait ainsi valoir que « Monsieur X... prétend qu'un fax aurait été adressé le 20 avril 2008 [
] que, cependant, d'une part, le tribunal a, à bon droit, retenu que monsieur X... n'établit aucunement que cette pièce « ait été envoyée, ni réceptionné et ce, en l'absence de mention ad' hoc (cf jugement en page 15) » ; que, notamment, ce fax ne comporte aucun rapport d'activité » (conclusions récapitulatives n° 2, p. 31 ; § 4.1.2.1) ; qu'en se fondant sur l'existence de cette télécopie pour en conclure que la société exposante était informée de l'existence de l'irrégularité du permis de construire et écarter ainsi toute réticence dolosive, sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant valoir que ce document ne lui avait jamais été transmis et que la preuve de la prétendue transmission faisait défaut, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée, même commise par un professionnel ; que pour exclure l'existence d'une réticence dolosive, la cour d'appel a estimé qu'il « convient de rechercher quelles sont les compétences de celui qui se prétend victime d'un dol, étant observé que la Soferim est un promoteur professionnel » (arrêt, p. 6) et a relevé que la société exposante devait missionner un géomètre-expert avant la cession litigieuse pour réaliser un plan de bornage ; qu'en retenant ainsi, que la société Soferim Promotion pouvait, par elle-même, se rendre compte de l'irrégularité du permis de construire, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1116 du code civil, dans leur version applicable à l'espèce ;

3) ALORS QUE l'existence d'une réticence dolosive s'apprécie au jour de la conclusion du contrat ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'un plan d'étude faisant référence à un mur présumé mitoyen avait été remis à la société Soferim, sans préciser si cette remise avait eu lieu avant la cession litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1116 du code civil, dans leur version applicable à l'espèce ;

4°) ALORS QUE, pour exclure l'existence d'une réticence dolosive, la cour d'appel a relevé qu'« en cours de chantier Monsieur B..., géomètre-expert, avait par lettre du 3 septembre 2008 adressée à Soferim, soulevé une nouvelle fois la difficulté d'implantation du bâtiment » (arrêt, p. 7, § 6) ; qu'en se fondant sur une circonstance postérieure à la conclusion du contrat de cession intervenue le 12 juin 2008, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1116 du code civil, dans leur version applicable à l'espèce ;

5°) ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que, pour écarter la responsabilité des sociétés cédantes et de l'architecte qui avaient sciemment omis d'informer l'exposante de ce que le permis de construire était irrégulier car implanté sur la copropriété voisine, la cour d'appel a relevé qu'il était loisible à la société Soferim Promotion de régulariser la situation en se rapprochant de la copropriété voisine pour racheter le mur mitoyen et qu'à défaut de l'avoir fait, elle ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice ; qu'en statuant ainsi, quand la société exposante n'avait aucune obligation de se rapprocher de la copropriété voisine afin de racheter un mur mitoyen pour limiter son préjudice dans l'intérêt des responsables, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

6°) ALORS, subsidiairement, QUE nul ne peut être contraint de céder sa propriété ; qu'en application de l'article 25 de la loi 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les décisions relatives à la cession de droit sur la mitoyenneté sont prises en assemblée générale des copropriétaires à la majorité des voix ; que, pour juger que « la copropriété du mur voisin ne constituait en aucune façon un obstacle à la construction projetée » (arrêt p. 8, § 2), la cour d'appel s'est fondée sur un simple courrier émanant de président du conseil syndical qui a déclaré ne pas être opposé à un rachat de la demi-mitoyenneté, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires était acquis et selon quelles modalités financières (conclusions récapitulatives n° 2, p. 8, 9 et 32), privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, ensemble les articles 545, 653 et 656 du même code, et l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 précitée ;

7°) ALORS QUE l'architecte doit concevoir un projet réalisable, qui respecte les règles d'urbanisme ; qu'après avoir constaté que le projet conçu par M. X..., architecte, prévoyait une implantation sur une parcelle n'appartenant pas au pétitionnaire et supposait la démolition d'un mur mitoyen, la cour d'appel a estimé que l'architecte n'avait commis aucune faute ; qu'en statuant de la sorte, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, elle a ainsi violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-28764
Date de la décision : 08/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 fév. 2018, pourvoi n°16-28764


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28764
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