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07/02/2018 | FRANCE | N°16-22501

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-22501


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 juin 2016), que la société Santelor a conclu, le 28 janvier 1992, une convention avec le centre hospitalier régional de Metz-Thionville (le CHR), ayant pour objet l'équipement et la mise à disposition d'un service de radio et de télévision en chambre pour les patients hospitalisés à l'hôpital de Bon secours à Metz ; que le 17 décembre 2012, il a été procédé au déménagement de l'hôpital sur un autre site et que le contrat n'a pas été poursuivi ; que la socié

té employait dans le cadre de son activité deux salariées dont le CHR a refusé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 juin 2016), que la société Santelor a conclu, le 28 janvier 1992, une convention avec le centre hospitalier régional de Metz-Thionville (le CHR), ayant pour objet l'équipement et la mise à disposition d'un service de radio et de télévision en chambre pour les patients hospitalisés à l'hôpital de Bon secours à Metz ; que le 17 décembre 2012, il a été procédé au déménagement de l'hôpital sur un autre site et que le contrat n'a pas été poursuivi ; que la société employait dans le cadre de son activité deux salariées dont le CHR a refusé de reprendre les contrats, estimant que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail n'étaient pas réunies ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Santelor fait grief à l'arrêt de dire que les contrats de travail des salariées n'avaient pas été transférés au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, de la débouter de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, de dire le licenciement d'une salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à cette dernière diverses sommes au titre du solde de l'indemnité de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire et en application de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner à délivrer à cette salariée l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés mentionnant la date du 30 avril 2007 comme date d'embauche et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel alors, selon le moyen :

1°/ que la reprise en régie directe d'une activité entraîne l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail lorsqu'elle s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le transfert d'une telle entité s'opère si l'activité est restée la même et qu'elle est servie par des éléments incorporels significatifs telle que la clientèle ; qu'en l'espèce, il était constant que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville avait déménagé ses locaux du site de Bon secours sur le site de Mercy et, à cette occasion, avait repris en régie directe l'activité de location de téléviseurs et de téléphones qui était exploitée par la société Santelor dans les locaux du site de Bon secours ; qu'il était également constant que le site de Mercy accueillait dorénavant, et notamment, la patientèle du site de Bon secours ; que pour écarter le transfert, la cour d'appel a retenu que l'hôpital avait déménagé, que le cessionnaire qui avait mis en place un système informatisé n'avait pas repris les téléviseurs et les téléphones, et avait décidé d'exploiter l'activité sans que des salariés y soient exclusivement affectés, en adjoignant les fonctions afférentes à l'exploitation de cette activité à celles des employés du service d'accueil du site de Mercy ou à celles des aides-soignantes (orientation des malades vers les bornes automatiques, intervention en l'absence de carte de crédit, remise des télécommandes et casques audio à l'arrivée des patients dans le service et règlement des problèmes techniques simples pouvant survenir) ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, sans à aucun moment s'expliquer sur le transfert de la clientèle attachée à l'activité reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ que la modernisation des équipements d'une activité et son adaptation aux nouvelles technologies ne fait pas perdre son identité à cette activité ; que dès lors, en estimant que le système d'accès à la location des téléviseurs et téléphones ayant été informatisé et qu'un accès internet et téléphonie y ayant été intégré, l'activité de location de téléviseurs avait perdu son identité, la cour d'appel a violé L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, pour la location de téléviseurs en chambre pour les patients hospitalisés sur le nouveau site de l'hôpital, le CHR avait mis en oeuvre un système automatisé, fonctionnant sans aucun personnel spécialement affecté à ce service et sans reprendre aucun élément corporel de la société Santelor la cour d'appel en a exactement déduit que l'entité économique n'avait pas conservé son identité et que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient dès lors pas réunies; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Santelor fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de Mme Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à cette dernière diverses sommes au titre du solde de l'indemnité de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire et de la condamner à délivrer à cette salariée divers documents alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir de l'arrêt ayant dit que l'employeur de Mme Y... était demeuré la société Santelor (critiqué au premier moyen) entraînera l'annulation du chef de l'arrêt l'ayant condamné au paiement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le second moyen inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Santelor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Santelor

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les contrats de travail de Mmes Z... et Y... n'avaient pas été transférés au Centre Hospitalier Régional de Metz Thionville, d'AVOIR débouté la Société Santelor de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre du Centre Hospitalier Régional de Metz Thionville, d'AVOIR dit le licenciement de Mme Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Santelor à payer à Mme Y... les sommes de 94,00 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement, de 9405,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de 9 815,64 euros à titre de rappel de salaire, de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société Santelor à délivrer à Mme Y... l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés mentionnant la date du 30 avril 2007 comme date d'embauche, d'AVOIR condamné la société Santelor aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 2. Sur le transfert des contrats de travail

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; ainsi en cas de transfert d'une entité économique autonome, dont l'activité est poursuivie et conserve son identité, les contrats de travail qui y sont attachés sont transférés de plein droit ; constitue une telle entité un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.

Il ressort des pièces produites aux débats que par une « convention de mise à disposition de postes de télévision » signée entre le CHR de Metz Thionville le 28 janvier 1992, le groupement des hôpitaux de Metz et l'hôpital Bon Secours d'une part et la Compagnie Générale de Chauffe aux droits de laquelle est venue la Société Santelor d'autre part, le prestataire (la Société Santelor) a été autorisé à offrir un service de location de poste de télévision au sein notamment du CHR Bon Secours à Metz, à titre exclusif et pour une durée de 20 ans, après une période initiale de 6 mois au cours de laquelle il a été réalisé les travaux de câblage, le prestataire se voyant confier la conception, l'ingénierie et l'exploitation du réseau de distribution par câble du service de communication audiovisuelle à destination des patients hospitalisés ; il avait à charge de mettre à disposition des patients un poste de télévision couleur avec télécommande, disposait d'un local et était autorisé à utiliser les têtes de réseaux et réseaux en place au sein de l'hôpital ; il était autorisé en outre par le CHR à effectuer la promotion et la publicité du service dans l'enceinte des locaux, notamment par la mise en place de panneaux publicitaires aux différents points d'accueil.

Par une seconde convention du 1er février 1992 signée avec la Société Santelor, étaient fixées les modalités techniques d'exécution, prévoyant l'installation d'une antenne, son entretien, le renouvellement et la modernisation des équipements, l'adaptation aux nouvelles technologies et l'évolution vers l'interactivité, les téléviseurs restant la propriété du prestataire ; il était prévu une présence journalière minimale sur les sites concernés concomitante aux heures habituelles d'admission et de sorties des patients, en dehors desquelles le prestataire s'engageait à mettre en place un répondeur téléphonique interrogeable à distance ; la convention prévoyait en outre le coût de location et ses variations ainsi que les conditions de rachat de l'activité par le CHR ou un repreneur visé par lui, en payant une indemnité dont les modalités de calcul étaient prévues par la convention, à partir de la 15ème année, moyennant un préavis de six mois.

Enfin, la convention a été renouvelée en dernier lieu par un avenant n°4 signé entre les parties le 11 avril 2012, prévoyant le déménagement de l'hôpital Bon Secours à Mercy qui marquera la fin de la convention, à l'exception des hôpitaux Bel Air et Beauregard de Thionville.

La Société Santelor produit en outre :

- le contrat de travail de Mme Jocelyne Z... à effet du 1er août 1998 en qualité d'employée commerciale ;

- le contrat de travail de Mme Deborah Y... à durée déterminée et à temps partiel à compter du 30 avril 2007 pour remplacement de salariés en congés payés et en congé maternité, suivi d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à effet du 2 juillet 2010 ;

- le compte rendu d'une réunion avec le CHR du 6 juin 2012 concernant la situation des différents sites, mentionnant notamment l'arrêt du contrat sur le site de Bon Secours où sont affectées Mesdames Z... et Y... au mois de septembre ou octobre 2012 ; il y est indiqué qu'une nouvelle réunion est programmée avec la direction des ressources humaines du CHR aux fins d'aborder les questions concernant la reprise du personnel suite à sa décision d'assurer une gestion en régie du service ;

- une lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2012 par laquelle le CHR lui fait savoir qu'il va mettre en place dans les nouveaux locaux de l'hôpital à Mercy, un nouveau service de location de téléviseurs par bornes automatisées ; considérant que « l'activité de location de téléviseurs aux patients existera toujours mais sous une forme incomparable à celle qu'exerçaient vos services : elle ne s'exercera plus sur le même site ; ses conditions de fonctionnement seront complètement automatisées ; elle ne nécessitera plus de personnel permanent ; les téléviseurs appartenant à Santelor ne sont pas repris », la directrice générale du CHR a contesté le transfert d'une entité économique autonome et a rappelé à la société Santelor qu'elle avait la possibilité de contester cette décision devant le Tribunal administratif dans le délai de deux mois.

Il ressort par ailleurs du rapport d'enquête du 13 novembre 2012 ordonnée par le Conseil des prud'hommes statuant par ordonnance de référé avant-dire droit du 11 octobre 2012, ayant en outre ordonné le renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement, qu'au jour de l'enquête :

- Madame Z... se trouve à son domicile, son salaire étant assuré par l'employeur jusqu'à l'audience de jugement, Madame Y... étant, quant à elle, affectée sur le site Félix C... du CHR ;

- dans le grand hall d'entrée du site de Mercy se trouvent deux bornes automatiques mises à la disposition des patients pour bénéficier des services de télévision et de téléphone dans leur chambre, à proximité desquelles se trouvent l'accueil de l'hôpital, une troisième borne de même type devant encore être installée ;

- les employés du service d'accueil orientent les malades vers ces bornes automatiques pour pouvoir disposer de la télévision, du téléphone ainsi que d'un accès internet dans leur chambre ; à cet égard les conseillers rapporteurs ont suivi un usager qui s'est rendu à la borne, a fait ses choix parmi les propositions présentées à l'écran et a introduit sa carte de paiement pour payer le type de mise à disposition et le nombre de jours choisis, en suite de quoi la borne a délivré une fiche comprenant une facturette et un code à saisir sur l'écran de télévision de la chambre du patient ;

- une télécommande et le cas échéant un casque audio pour les chambres à deux lits sont remis à l'arrivée du patient dans le service par l'aide-soignante de garde ; il a été précisé par la directrice adjointe du CHR que lorsque l'usager n'a pas de carte de paiement, la mise à disposition se fait par les hôtesses de l'accueil formées à cet effet, qui renvoient alors le patient à la régie de l'hôpital pour s'acquitter du paiement, si celui-ci n'a pas été effectué lors de la pré admission, 2 patients ayant été dans cette situation la veille de l'enquête et un seul le jour de l'enquête ;

- Mesdames Z... et Y..., s'agissant de leur activité exercée sur le site de Bon Secours, ont précisé qu'il leur arrivait de se rendre dans les chambres pour régler de petits problèmes techniques de type changement de piles de la télécommande, que les paiements ou les difficultés étaient réglées pendant leur service et leurs horaires de travail de 9 heures à 12 heures et de 12h30 à 17h30, les patients pouvant en outre appeler la télégestion à distance à Paris ;

- il était enfin précisé par le CHR que le matériel a évolué et qu'il n'a pas repris les téléviseurs appartenant à société Santelor, les appareils de télévision et de téléphone appartenant au CHR étant désormais fixés au mur ; il a été en outre indiqué que la remise de la télécommande par l'aide-soignante de garde à l'arrivée du patient dans le service est intégrée dans sa fiche de poste et qu'elle peut aussi intervenir pour régler un problème technique simple, le service technique de l'hôpital intervenant pour régler les difficultés plus sérieuses.

Il ressort ainsi des explications du CHR que dans les nouveaux locaux de l'hôpital de Mercy, il a été mis en oeuvre un système de câblage multimédia comprenant l'accès Internet et divers autres services intégrés, qu'il a pourvu l'ensemble des chambres de terminaux adaptés aux services proposés et qu'au regard de l'évolution des techniques, il exploite désormais en régie le service de télévision, téléphone et internet en chambre au moyen de bornes automatisées permettant de répondre aux besoins d'une centaine d'admissions par jour ; les tâches marginales ne pouvant être automatisées ont été intégrées dans les fiches de poste des salariés du CHR en contact avec les patients, les hôtesses d'accueil intervenant lorsque les patients ne disposent pas de carte de crédit, soit moins de 10 % selon le CHR en 2013 et 2014, les aides-soignantes de garde assurant la remise des télécommandes en chambre, les techniciens du service informatique du CHR intervenant pour assurer la maintenance.

L'article L.1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, relatif au maintien et aux droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de partie d'entreprises ou d'établissement à un autre employeur, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome, dont l'activité est poursuivie ou reprise et qui conserve son identité.

Il résulte de ce qui précède que pour la location de téléviseurs en chambre pour les patients hospitalisés, le CHR a mis en oeuvre un système automatisé, fonctionnant sans aucun personnel spécialement affecté à ce service et sans reprendre aucun élément corporel de la Société Santelor sur le nouveau site de Mercy et au regard de l'activité telle que retracée par les conseillers rapporteurs, il y a lieu de dire que l'entité économique n'a pas conservé son identité après la modification.

Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article L.1224-1 ne sont pas réunies et il incombe de dire que les contrats de travail de Mesdames Z... et Y... n'ont pas été transférés au CHR et de débouter la Société Santelor de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre du Centre Hospitalier Régional de Metz Thionville » ;

1. ALORS QUE la reprise en régie directe d'une activité entraîne l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail lorsqu'elle s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le transfert d'une telle entité s'opère si l'activité est restée la même et qu'elle est servie par des éléments incorporels significatifs telle que la clientèle ; qu'en l'espèce, il était constant que le Centre Hospitalier Régional de Metz-Thionville avait déménagé ses locaux du site de Bon Secours sur le site de Mercy et, à cette occasion, avait repris en régie directe l'activité de location de téléviseurs et de téléphones qui était exploitée par la société Santelor dans les locaux du site de Bon Secours ; qu'il était également constant que le site de Mercy accueillait dorénavant, et notamment, la patientèle du site de Bon Secours (v. conclusions du CHR p. 13) ; que pour écarter le transfert, la cour d'appel a retenu que l'hôpital avait déménagé, que le cessionnaire qui avait mis en place un système informatisé n'avait pas repris les téléviseurs et les téléphones, et avait décidé d'exploiter l'activité sans que des salariés y soient exclusivement affectés, en adjoignant les fonctions afférentes à l'exploitation de cette activité à celles des employés du service d'accueil du site de Mercy ou à celles des aides-soignantes (orientation des malades vers les bornes automatiques, intervention en l'absence de carte de crédit, remise des télécommandes et casques audio à l'arrivée des patients dans le service et règlement des problèmes techniques simples pouvant survenir) ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, sans à aucun moment s'expliquer sur le transfert de la clientèle attachée à l'activité reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE la modernisation des équipements d'une activité et son adaptation aux nouvelles technologies ne fait pas perdre son identité à cette activité ; que dès lors, en estimant que le système d'accès à la location des téléviseurs et téléphones ayant été informatisé et qu'un accès internet et téléphonie y ayant été intégré, l'activité de location de téléviseurs avait perdu son identité, la cour d'appel a violé L. 1224-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Santelor à payer à Mme Y... les sommes de 94 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement, de 9 405 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de 9 815,64 euros à titre de rappel de salaire, de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société Santelor à délivrer à Mme Y... l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés mentionnant la date du 30 avril 2007 comme date d'embauche, d'AVOIR condamné la société Santelor aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 3. Sur les demandes de Mme Y...
Mme Y... fait valoir que suite à la fermeture du site Bon Secours et au transfert des activités hospitalières du CHR sur le site de Mercy, son employeur l'a informée qu'il avait attrait le CHR de Metz Thionville devant le Conseil des prud'hommes afin de solliciter la reprise de son contrat de travail par ce dernier et que dans l'attente de la décision, elle était dispensée de se présenter sur le site de l'hôpital Bon Secours et ne poursuivait son d'activité que sur le site Félix C..., sa rémunération étant intégralement maintenue ; elle a été licenciée pour motif économique, après l'intervention du jugement querellé.
Le licenciement pour cause économique
Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-3 du code travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité.
Pour que la réorganisation d'une entreprise soit une cause légitime de licenciement économique, elle doit être justifiée, soit par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mai 2013, Mme Y... était convoquée à un entretien préalable à un licenciement et par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2013, elle était licenciée pour motif économique ainsi caractérisé :
« Nous faisons suite à notre lettre RAR en date du 22/05/2013 par laquelle nous vous avons convoquée à un entretien préalable pour le 3 juin 2013, auquel vous ne vous êtes pas présentée, ainsi qu'à notre lettre RAR en date du 06/06/2013, reçue le 10/06/2013, par laquelle nous vous avons énoncé les motifs économiques du licenciement envisagé et vous en avons adressé la documentation et un dossier d'acceptation de Contrat de Sécurisation Professionnelle.
Nous vous avons alors ré exposé la situation et les difficultés économiques rencontrées par la société Santelor dans notre secteur d'activité.

Nous sommes au regret de vous informer de notre décision de poursuivre la procédure de licenciement pour motifs économiques.
Celui-ci est justifié par les éléments suivants :
Notre société a pour activité la mise à disposition d'un service de distribution de bouquets de programmes de radio et de télévision en chambre pour les patients hospitalisés.
Vous exercez actuellement, dans le cadre de la convention liant notre société au CHR de Metz Thionville, les fonctions de Gestionnaire en Location TV - Téléphone sur les deux sites suivants :
- site de l'hôpital Bon Secours - [...]
- site de l'hôpital Félix C..., [...]
A compter du 19 octobre 2012, la Convention concernant l'exploitation du site de Bon Secours a pris fin à la suite du déménagement de l'hôpital Bon Secours sur le nouveau site de l'hôpital de Mercy.
Santelor a en conséquence saisi le conseil de prud'hommes de Metz d'une demande ayant pour objet d'ordonner la reprise de votre contrat de travail par le CHR de Metz Thionville.
Par jugement en date du 23 janvier 2013 le Conseil de Prud'hommes de Metz a rejeté cette demande.
Compte tenu du refus notifié par le CHR de Metz Thionville de vous reprendre sur le nouveau site de l'hôpital de Mercy, nous vous avons proposé, par lettre en date du 18 octobre 2012 de vous dispenser de vous présenter sur le site de l'Hôpital de Bon Secours à compter du octobre 2012, votre rémunération étant intégralement maintenue jusqu'au prononcé du jugement du Conseil des Prud'hommes.
Ce motif nous a conduits à vous proposer de modifier votre contrat de travail de la manière suivante :
- suppression de l'activité que vous exerciez sur le site de l'hôpital Bon Secours,
- maintien intégral de l'activité que vous exercez actuellement sur le site de l'hôpital Félix Maréchal, soit 26 h/mois moyennant une rémunération brute mensuelle de 245,18 euros brute/mois,
- toutes les autres clauses de votre contrat de travail restant inchangées.
Nous avons par ailleurs recherché toutes les possibilités de reclassement.
Cependant aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée à ce jour.
Santelor exploite en effet actuellement des services de mise à disposition de bouquets de programmes de radio et de télévision en chambre pour les patients hospitalisés dans les hôpitaux suivants, pour lesquels tous les postes sont actuellement obligatoirement pourvus en application des dispositions contractuelles nous liant aux hôpitaux concernés, à savoir :
HOPITAL DE METZ FELIX MARECHAL ([...])
(II s'agit de votre poste)
- 1 poste de Gestionnaire -location TV/téléphone - CDI 26 Heures/mois HOPITAL DE NANCY BRABOIS  ([...])
- 2 postes de Gestionnaire en location TV ' 151,67 heures/mois
- 1 poste d'employé à 43,33 heures/mois
NANCY CENTRAL ([...])
- 1 poste de Gestionnaire -location TV/téléphone - 99,66 Heures/mois
- 2 postes de Gestionnaire location TV pour 151,67 heures/mois
- 1 poste de Technicien de Région pour 151,67 heures/mois
HOPITAL DE THIONVILLE BEL-AIR (1 [...])
- 1 poste de Gestionnaire -location TV/téléphone - 86,67 Heures/mois
- 1 poste de gestionnaire Télévision/téléphone pour 99,67 heures/mois HOPITAL DE THIONVILLE BEAUREGARD ([...])
- 1 poste de gestionnaire Télévision/téléphone pour 8,67 heures/mois Dans le cadre des recherches que nous avons effectuées, nous avons été en mesure de vous proposer les postes suivants, disponibles au sein de la société Télécom Services :
1. Hôpital Cochin
Type de contrat : CDI
Fonctions: Gestionnaire
Horaire hebdomadaire: 18 heures
Rémunération: SMIC
Lieu de travail : CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE, HOPITAL Cochin, [...].
2. Hôpital MINJOZ
Type de contrat: CDI
Fonctions : Gestionnaire
Horaire hebdomadaire: 13 heures
Rémunération: SMIC
Lieu de travail: CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE, hôpital Jean Minjoz, Hall entrée [...].
A ce jour, vous ne nous avez pas fait connaître votre position concernant ces propositions de reclassement.
Nous vous avons par ailleurs convoqué à un entretien préalable qui devait se tenir le 3 juin 2013, auquel vous ne vous êtes pas présentée.
Nous n'avons en conséquence pas été en mesure de vous proposer le bénéfice d'un Contrat de Sécurisation Professionnelle au cours de cet entretien.
Nous vous avons dès lors adressé, par lettre RAR en date du 06/06/2013 reçue le 10/06/2013, une documentation d'information établie par Pôle emploi ainsi qu'un dossier d'acceptation du Contrat de Sécurisation Professionnelle, en précisant que vous disposiez d'un délai de réflexion de 21 jours pour faire votre choix.
Ce délai courant à compter du lendemain de la date de réception de la lettre RAR d'information en date du 06/06/2013, soit à compter du 11/06/2013, est donc maintenant expiré.
Vous êtes en conséquence réputée avoir refusé d'adhérer à cette possibilité.
Le licenciement prendra effet à compter de la date de présentation de cette lettre, et cette notification fera courir votre période de préavis, d'une durée de deux mois'»
Il en ressort que la Société Santelor a procédé au licenciement de Mme Y... pour motif économique en raison de la fin « de la convention concernant l'exploitation du site de Bon Secours » à compter du 19 octobre 2012.
Il appartient à l'employeur dans la mesure où la perte d'un marché ne constitue pas en soi un motif économique, de préciser l'incidence de la perte du marché passé avec le CHR de Metz Thionville sur la situation économique de l'entreprise et de démontrer qu'il en est résulté des difficultés économiques.
Or ni dans la lettre de licenciement, ni dans la lettre d'exposé des motifs du 6 juin 2013 établie dans les mêmes termes que la lettre de licenciement, pas plus que dans ses développements, la Société Santelor n'expose les difficultés économiques qu'elle aurait pu rencontrer en suite de la perte du marché en cause, étant relevé que la Cour n'est pas en capacité d'appréhender l'incidence de la perte de ce marché sur la situation de l'entreprise en l'absence de production des annexes financières du contrat et des comptes sociaux de l'entreprise ou du groupe, l'appelante ne produisant, ni ne faisant état de la moindre situation comptable.
Il s'ensuit que dans la mesure où la lettre de licenciement se borne à invoquer la perte d'un contrat de prestations de services entraînant la suppression du poste de la salariée, sans préciser l'incidence de cette circonstance sur la situation économique de l'entreprise, il y a lieu de dire que le licenciement de Mme Y... n'a pas de cause économique.
Il incombe en conséquence de dire que le licenciement de Mme Y..., conformément à sa demande formée à hauteur de Cour, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit utile d'appréhender sa demande visant à voir dire que son employeur a manqué à son obligation de reclassement.
Les indemnités de rupture pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse Mme Y... comptait lors du licenciement plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise dont il n'est pas allégué ni a fortiori démontré qu'elle employait de manière habituelle moins de onze salariés, de sorte qu'elle relève du régime d'indemnisation de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Il résulte des dispositions précitées que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité.
Au moment du licenciement, Mme Y... était âgée de 31 ans et avait une ancienneté de 6 ans dans l'entreprise.
Conformément à sa demande, il y a lieu de retenir un salaire mensuel brut moyen de euros en excluant la période postérieure à la dénonciation du marché, dès lors que ses bulletins de paye font effectivement apparaître qu'à compter de cette date, elle n'a plus exécuté d'heures complémentaires ; il n'est pas inutile d'observer que le bulletin de paie du mois de décembre 2012 laisse apparaître un salaire cumulé brut de 12 737 euros, soit un salaire mensuel moyen de 1 061 euros.
Au-delà de l'indemnité minimale, le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice supplémentaire et il appartenait à l'appelante d'exposer sa situation depuis le licenciement et, notamment, les éventuelles difficultés rencontrées, les recherches infructueuses d'emploi, la perte de ressources.
Force est de constater que Mme Y... ne fournit aucune indication sur sa situation postérieure au licenciement et ne produit aucune pièce. Compte tenu de son âge au moment du licenciement, de son expérience et de sa qualification, il ne saurait être exclu qu'elle ait rapidement retrouvé un emploi.
Il convient en conséquence de lui allouer à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse une indemnité que la Cour évalue à la somme de euro.
Il y a lieu par ailleurs de faire droit à la demande de Mme Y... visant à la rectification des documents sociaux de rupture, et plus particulièrement de l'attestation Pôle Emploi et du certificat de travail qui mentionnent une date d'embauche comme étant le 8 août 2010, alors qu'elle a été embauchée suivant contrat à durée déterminée à effet du 30 avril 2007, date qui figure d'ailleurs au titre de l'ancienneté sur l'ensemble de ses bulletins de paie jusqu'au dernier établi en septembre 2013.
Il incombe en outre de faire droit à la demande Mme Y... en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement à hauteur de 94 euro, dès lors que l'employeur n'a pas retenu le salaire moyen de la salariée avant la modification survenue dans l'exécution de son contrat de travail liée à la fermeture du site de Bon Secours, de sorte qu'il lui a été payé la somme de 1 229,64 euro à ce titre, alors qu'elle était en droit de prétendre, au regard de son ancienneté de 6 ans et 4 mois à une indemnité de 1.323,64 euro sur la base d'un salaire moyen brut mensuel de 1 045 euro jusqu'en juin 2013.
Enfin, Mme Y... sollicite une indemnité pour non-respect de la procédure par application des dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail, faisant valoir qu'elle a été convoquée à l'entretien préalable dans les locaux de l'hôpital Bel Air à Thionville, soit ni au siège social de l'entreprise, ni sur son lieu de travail.
Dans la mesure où l'indemnité pour non-respect de la procédure visée à l'article L.1235-2 du code du travail ne peut se cumuler avec l'indemnité visée à l'article L.1235-3 du code du travail et qu'il a été fait droit à la demande de la salariée à ce titre, il y a lieu de débouter Mme Y... de sa demande de ce chef, sans qu'il soit utile d'appréhender le bien-fondé du manquement invoqué » ;

ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt ayant dit que l'employeur de Mme Y... était demeuré la société Santelor (critiqué au premier moyen) entraînera l'annulation du chef de l'arrêt l'ayant condamné au paiement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22501
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 21 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-22501


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22501
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