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07/02/2018 | FRANCE | N°16-19594

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-19594


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 avril 2016), que Mme Y... a été engagée par la fédération du secours populaire français de Haute-Savoie en qualité de secrétaire du 19 novembre 2008 au 18 novembre 2010 puis maintenue dans ses fonctions ; que par lettre du 19 septembre 2012, elle a été licenciée pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de juger qu'il n'est pas démontré qu'elle avait été victime de harcèlement moral dans le cadre d

e son travail et que son licenciement n'était pas nul et de la débouter de ses demandes,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 avril 2016), que Mme Y... a été engagée par la fédération du secours populaire français de Haute-Savoie en qualité de secrétaire du 19 novembre 2008 au 18 novembre 2010 puis maintenue dans ses fonctions ; que par lettre du 19 septembre 2012, elle a été licenciée pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de juger qu'il n'est pas démontré qu'elle avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que son licenciement n'était pas nul et de la débouter de ses demandes, alors selon le moyen :

1°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en outre, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve de faits juridiques ; qu'en retenant, dès lors, pour dire et juger qu'il n'était pas démontré que la salariée avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de la salariée n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, la salariée de ses demandes, que divers courriers, produits par la salariée pour étayer ses affirmations relatives au harcèlement moral qu'elle invoquait, étaient inopérants parce qu'ils avaient été écrits par elle-même, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que pour se prononcer sur un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en disant et jugeant, dès lors, qu'il n'était pas démontré que la salariée avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de la salariée n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, la salariée de ses demandes, sans prendre en considération les deux tentatives de suicide de la salariée, que celle-ci invoquait à l'appui de ses prétentions et au sujet desquelles celle-ci exposait qu'elles étaient liées aux faits de harcèlement moral qu'elle invoquait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que pour se prononcer sur un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en disant et jugeant, dès lors, qu'il n'était pas démontré que la salariée avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de la salariée n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, la salariée de ses demandes, sans prendre en considération la circonstance, qu'invoquait la salariée à l'appui de ses prétentions, que le syndrome anxio-dépressif réactionnel dont la salariée a souffert avait été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie comme une maladie professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, que la cour d'appel, examinant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, estimé que la salariée n'établissait pas la matérialité d'éléments de fait précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement n'est pas nul, qu'il repose sur une faute grave et de la débouter de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et n'est constituée que lorsqu'il est établi que l'intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux ; qu'il en résulte qu'un salarié ne peut être licencié pour avoir fait usage, pour dénoncer des faits de harcèlement moral, d'un document constitutif d'un faux que lorsqu'il est établi que le salarié savait que ce document était constitutif d'un faux; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour retenir que la salariée avait commis une faute grave, qu'un simple examen par la salariée de la lettre qui était arguée de faux et dont l'usage lui était reproché était à l'évidence suffisant pour lui permettre de mettre en doute l'authenticité de ce document, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que la salariée savait que cette lettre était constitutive d'un faux et quand elle relevait par ailleurs que l'usage de cette lettre qui était reproché à la salariée consistait à en avoir envoyé une copie à la fédération nationale de l'association Secours populaire français pour étayer ses accusations de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-2, L. 1152-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer, de manière générale, pour retenir que la salariée avait commis une faute grave, que tous les courriers émanant de l'employeur étaient établis selon un même modèle de présentation et que le seul courrier présentant un logo central émanait de la fédération nationale, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la salariée, si l'employeur n'avait pas adressé à la salariée une lettre en date du 26 décembre 2011 concernant son bulletin de salaire du mois de décembre 2011, sur laquelle le logo du Secours populaire français figurait au milieu de l'en-tête, et non à gauche, comme sur d'autres courriers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

3°/ que, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en retenant, dès lors, que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave avérée, quand elle relevait que les faits invoqués à l'appui du licenciement avaient été connus par l'employeur le 4 juillet 2012 et que l'employeur n'avait mis en oeuvre la procédure de licenciement que le 13 août 2012, soit plus d'un mois plus tard, et, donc, après l'expiration d'un délai restreint, et quand elle considérait que la fausseté de la lettre litigieuse était évidente, ce dont il résultait qu'aucune vérification n'était nécessaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté qu'un simple examen du courrier du 28 décembre 2012 par la salariée, qui exerçait les fonctions de secrétaire et connaissait donc parfaitement les caractéristiques habituelles du papier à en-tête et les habitudes de pagination, était suffisant pour lui permettre de mettre en doute l'authenticité de ce document et que la salariée a fait usage de ce courrier en toute connaissance de cause, sans prendre la peine d'une vérification par la transmission d'une copie avec demande d'explication à son employeur, utilisant ce document douteux pour étayer les accusations de harcèlement qu'elle adressait à la fédération nationale, la cour d'appel, qui a fait ainsi ressortir la mauvaise foi de la salariée, a pu en déduire que ce fait rendait impossible son maintien dans l'entreprise et était constitutif d'une faute grave ;

Attendu, ensuite, qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la salariée a soutenu devant la cour d'appel le moyen tenant au non-respect du délai restreint dans lequel doit être mise en oeuvre la procédure de licenciement disciplinaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches et est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa troisième branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR dit et jugé qu'il n'était pas démontré que Mme Pascale Y... avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de Mme Pascale Y... n'était pas frappé de nullité et D'AVOIR débouté en conséquence Mme Pascale Y... de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / L'article L. 1152-3 du même code sanctionne par la nullité de cette mesure toute rupture du contrat intervenue en méconnaissance des dispositions précédentes. / Enfin l'article L. 1154-1 prévoit qu'en cas de litige le salarié établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement à son détriment et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement. / En l'espèce, Madame Y... indique être victime de harcèlement depuis 2009 et évoque la remise en cause systématique de la qualité de son travail, des entretiens de recadrage humiliants, la mise en doute de sa pathologie cardiaque, des réflexions sur son handicap, des propos dégradants et des courriers incessants, qui ont eu pour effet une dégradation importante de son état de santé psychologique ; / pour étayer ses affirmations, elle produit outre divers courriers écrits par elle-même et qui sont donc inopérants, deux attestations ; la première émane de Madame A... qui indique que la " direction n''a pas cessé de se plaindre des mauvaises prestations de Madame Y... allant même à accuser l'handicap de cette personne étant l'élément principal de ses piètres résultats. Sur la méthode de management du SPF, je peux témoigner du harcèlement systématique qu'exerçait Madame B..., trésorière du SPF, auprès de Madame Y.... Cette personne procédait envers l'ensemble du personnel par des vexations régulières au quotidien " ; cette attestation ne décrit aucun fait précis et fait état d'un comportement constant à l'égard de tous qui ne correspond pas même aux déclarations de Madame Y... ; force est en outre de relever que Madame A..., seule salariée à attester pour le compte de sa collègue Madame Y..., est elle-même en litige prud'homal avec le Secours populaire, dénonce dans ce cadre un harcèlement et a reçu l'attestation de Madame Y.... / La seconde attestation évoquant des difficultés est celle de Madame C..., bénévole du Secours populaire jusqu'en juin 2011, date à laquelle Madame Y..., déclarée apte par le médecin du travail le 1er mars 2011 puis le 13 juillet 2011, n'avait encore fait état d'aucune doléance quant au comportement de Madame B... ou tout autre membre de la direction ; cette bénévole atteste des mauvaises conditions matérielles de travail " bureau ouvert à tous de 8 h à 12 h 30 de 13 h 30 à 17 h et plus, allées et venues
" générant une tension " sans que cela aboutisse à une véritable volonté de repenser la fonctionnalité, l'amélioration des conditions de travail pour les personnels et leurs incidences sur les personnes accueillies dans les locaux administratifs du SPF " ; cette attestation ne décrit aucun comportement de harcèlement de quiconque à l'égard de quiconque. / Il apparaît en outre que pendant cette période où elle déclare avoir été victime de harcèlement, Madame Y... a pourtant signé un contrat à durée indéterminée faisant suite à son contrat à durée déterminée en novembre 2010, elle a par ailleurs été vue à plusieurs reprises par le médecin du travail sans lui faire part de ses difficultés autres que physiques et nécessitant l'adaptation de son poste de travail ; il apparaît encore que si son médecin indique avoir suivi Madame Y... dès février 2012 pour un état dépressif réactionnel, Madame Y... était à cette date en arrêt de travail depuis le 22 novembre 2011, aucun certificat d'arrêt de travail pour maladie professionnelle n'a alors été régularisé, cette régularisation étant intervenue a posteriori et même après le licenciement ; / en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ; les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement et de nullité pour licenciement pour ce motif, doivent par conséquent être rejetées comme l'ont retenu les premiers juges » (cf., arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'article L. 1152-1 du code du travail dispose que : " aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". / que l'article L. 1154-1 du même code stipule que lorsqu'un litige survient dans ce cadre, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. / Attendu que Madame Y... a eu son contrat de travail suspendu au sein de la fédération du Secours populaire français de Haute-Savoie à partir du 22 novembre 2011, date de son accident du travail causé par l'utilisation d'un massicot et jusqu'à son licenciement pour faute grave notifié le 19 septembre 2012. / Qu'ainsi les faits de harcèlement invoqués par Madame Y... sont antérieurs au 22 novembre 2011. / Attendu que Madame Y... a évoqué pour la première fois, par mail adressé le 21 septembre 2011 à son médecin du travail, subir un harcèlement moral de la part de deux personnes, sans les citer, et rappelant également des faits signalés au médecin en mai 2011, sans plus de précisions. / Qu'il faut relever qu'à ce moment-là, la fédération du Secours populaire français de Haute-Savoie n'a pas été informée de ces faits et il n'est pas rapporté au dossier la justification d'une intervention du médecin auprès de l'employeur ou sur le lieu de travail suite aux affirmations de Madame Y.... / Que de surcroît, à la lecture des avis d'aptitude rendus par le médecin du travail les 1er mars 2011, 13 juillet 2011 et 27 septembre 2011, il n'est aucunement fait état de problèmes de harcèlement au sein de l'association pouvant causer un problème de santé à Madame Y.... / Attendu que le certificat médical établi par le médecin traitant de Madame Y..., le docteur D..., le 21 septembre 2011 indique que Madame Y... lui a rapporté avoir été victime d'une agression verbale le 20 septembre 2011 et qu'elle " se plaint de douleurs thoraciques angineuses et dyspnée ". / Que cette agression verbale n'est pas prouvée et met en évidence un problème ponctuel plutôt que des agissements répétés pouvant caractériser des faits de harcèlement moral. / Attendu que le certificat médical établi par le médecin traitant de Madame Y... le 3 octobre 2011 indiquant que les problèmes de santé de sa patiente " contre indiquent tout stresse psychologique au travail et dans sa vie personnelle " met simplement en évidence la fragilité de celle-ci et n'apporte pas d'élément quant à un éventuel harcèlement sur le lieu du travail. / Attendu que dans le courrier qu'elle a adressé à son employeur le 12 janvier 2012, Madame Y... évoque des difficultés avec une bénévole depuis selon elle " plus d'un an ", Madame Janine B..., une altercation avec Wafa E... et rapporte également des faits s'étant produits pendant son absence mais sans en rapporter la preuve. / Attendu que dans la déclaration de maladie professionnelle faite par Madame Y... le 26 décembre 2012, elle indique qu'elle est victime de harcèlement, cette fois, plus depuis 2011 comme indiqué précédemment mais depuis 2009 de la part toujours de Madame B... mais également Monsieur F.... / Qu'ainsi les affirmations de Madame Y... sur sa situation de harcèlement divergent et le conseil s'étonne que dans ce contexte Madame Y... ait accepté à compter du 19 novembre 2010 de conclure avec son employeur un Cdi à l'issue du Cdd sans exprimer ses difficultés. / Attendu que les attestations produites dans l'intérêt de Madame Y... ne permettent pas d'apporter des éléments probants justifiant un harcèlement. / Qu'ainsi, l'attestation de Madame Angela A... fait effectivement état de " harcèlement systématique " exercé par Madame B... auprès de Madame Y... mais il n'est rapporté aucun élément précis et circonstancié permettant au conseil de vérifier la matérialité de ces affirmations. / Qu'en outre, l'attestation de Monsieur Daniel G... porte sur des faits relatifs à Madame A... et aucunement sur la situation de Madame Y.... / Que par ailleurs, dans son attestation, Madame Michèle C... évoque un point d'aménagement de bureau et fait état de considérations générales sur le fonctionnement de la structure haut-savoyarde du Secours populaire français mais il n'est rapporté aucun élément précis et circonstancié permettant au conseil de relever des actes de harcèlement moral sur la personne même de Madame Y.... / Qu'enfin, l'attestation de Pauline Y..., fille de la demanderesse, relate les circonstances dans laquelle elle a trouvé sa maman après que celle-ci ait attenté à ses jours. / Attendu que dans son avis rendu le 23 octobre 2013 suite à la déclaration de maladie professionnelle faite par Madame Y... le 31 décembre 2012, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a reconnu le caractère professionnel du syndrome de stress traumatique subi par Madame Y... et a mis en évidence pour justifier sa décision des " dysfonctionnements importants au sein de la fédération départementale avec des conflits entre les bénévoles et les salariés ". / Que ce constat ne permet pas de retenir des faits de harcèlement sur la personne même de Madame Y... mais met en évidence un environnement de travail pouvant générer du stress. / Attendu que ledit comité retient également que, suite à l'avis donné au sujet du dossier d'une autre salariée par le secrétaire général, il y a " explicitement un déficit de gestion du personnel et de non accomplissement d'une mission dans cette structure ". / Que cet autre constat ne permet pas de retenir des faits de harcèlement sur la personne même de Madame Y.... / Qu'en conséquence de tout ce qui précède, le conseil dit et juge que les faits répétitifs de harcèlement moral dont Madame Y... prétend avoir été victime ne sont pas matériellement prouvés. / De ce fait, le conseil déboute Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts pour ce motif. / Attendu qu'aux termes des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, tout licenciement survenu pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement est sanctionné par la nullité du licenciement. / Attendu qu'en l'espèce, les faits de harcèlement moral n'ayant pas été établis comme développé ci-avant, le conseil rejette la nullité du licenciement pour ce motif » (cf., jugement entrepris, p. 5 à 8) ;

ALORS QUE, de première part, en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en outre, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve de faits juridiques ; qu'en retenant, dès lors, pour dire et juger qu'il n'était pas démontré que Mme Pascale Y... avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de Mme Pascale Y... n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, Mme Pascale Y... de ses demandes, que divers courriers, produits par Mme Pascale Y... pour étayer ses affirmations relatives au harcèlement moral qu'elle invoquait, étaient inopérants parce qu'ils avaient été écrits par elle-même, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, de deuxième part, pour se prononcer sur un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en disant et jugeant, dès lors, qu'il n'était pas démontré que Mme Pascale Y... avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de Mme Pascale Y... n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, Mme Pascale Y... de ses demandes, sans prendre en considération les deux tentative de suicide de Mme Pascale Y..., que celle-ci invoquait à l'appui de ses prétentions et au sujet desquelles celle-ci exposait qu'elles étaient liées aux faits de harcèlement moral qu'elle invoquait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS QUE, de troisième part, pour se prononcer sur un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en disant et jugeant, dès lors, qu'il n'était pas démontré que Mme Pascale Y... avait été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail et que le licenciement de Mme Pascale Y... n'était pas frappé de nullité et pour débouter, en conséquence, Mme Pascale Y... de ses demandes, sans prendre en considération la circonstance, qu'invoquait Mme Pascale Y... à l'appui de ses prétentions, que le syndrome anxio-dépressif réactionnel dont Mme Pascale Y... a souffert avait été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie comme une maladie professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt, sur ce point, infirmatif attaqué D'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Mme Pascale Y... n'était pas frappé de nullité, D'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une faute grave avérée et D'AVOIR, en conséquence, débouté Mme Pascale Y... de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « Madame Y... a été licenciée pour faute grave par courrier du 19 septembre 2012. / La faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée dudit préavis. / La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée : " Nous vous rappelons les termes de notre courrier du 26 juillet 2012 concernant la " pièce 7 " jointe au dossier adressé le 14 juin 2012 à notre siège national. Nous avons eu connaissance de l'existence de " cette pièce " le 4 juillet 2012. Vous êtes secrétaire de la fédération depuis novembre 2008 et dans le cadre de vos fonctions vous étiez appelées à saisir des lettres pour Monsieur F.... Vous connaissez donc parfaitement le papier en-tête utilisé par la fédération de Haute-Savoie, les références utilisées et les signatures autorisées. Vous savez aussi que la signature apposée sur cette " pièce 7 " est une signature scannée. Vous ne pouviez donc ignorer que ce document est un faux. Ce courrier n'a de plus aucun sens dès lors que votre poste de secrétaire est bien évidemment toujours disponible, même s'il a fait l'objet d'un remplacement temporaire dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, en raison de voter absence pour maladie. En utilisant ce courrier daté du 28 décembre 2011, vous vous êtes rendue coupable d'usage de faux auprès des instances nationales de notre fédération. Ce fait est constitutif d'une faute grave et votre maintien dans l'association s'avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis ". / L'employeur affirme avoir pris connaissance du courrier litigieux daté du 28 décembre 2011 et qui lui est attribué, suite à sa transmission par la fédération nationale le 3 juillet 2012 ce que conteste Madame Y... en arguant de son courrier du 12 janvier 2012 adressé à Monsieur F... et accusant réception " de ton courrier du 28 décembre concernant mes changements de fonction de poste ". / Il n'est aucunement soutenu par Madame Y... et il ne résulte au demeurant pas de son courrier, que la lettre datée du 28 décembre ait été jointe en copie à son courrier du 12 janvier 2012 de sorte que la critique de son formalisme n'était pas possible ; il ne peut par ailleurs être tiré argument de l'absence de réaction de l'employeur sur cet accusé de réception alors d'une part que Madame Y... demande expressément au terme de ce courrier à ne pas être contactée pendant son arrêt de travail, d'autre part que cet accusé de réception intervient en page 7 sur 7 d'une longue lettre de doléances et n'a pas davantage réagi à ces accusations sans pour autant en valider le bien-fondé ; / il est au contraire établi que Madame Y... a adressé copie du courrier litigieux à la fédération nationale en la personne de Monsieur H..., le 13 juin 2012, et que suite à sa retransmission à la fédération de Haute-Savoie, celle-ci a rapidement interrogé Madame Y... par courrier du 26 juillet contestant le fond de cette lettre litigieuse et s'interrogeant sur son authenticité, convoquant alors la salariée à un entretien munie de l'original du document et de son enveloppe d'expédition (entretien qui sera décliné par Madame Y...). / Il doit dès lors être retenu que les faits invoqués à l'appui du licenciement ont été connus le 4 juillet 2012 et ont donné lieu à la mise en oeuvre du licenciement par convocation du 13 août 2012, ne sont pas prescrits. / Au fond, il résulte d'un simple examen du courrier litigieux que celui-ci diffère de manière notable sinon grossière des courriers émanant du Secours populaire français de Haute-Savoie qui sont tous - contrairement aux affirmations de la salariée, établis sur un même modèle de présentation, le seul courrier présentant un logo central émanant de la fédération nationale - ; / ainsi l'ensemble des courriers adressés par l'employeur à Madame Y..., ou encore à Madame A... et à la caisse primaire d'assurance maladie, présentent en marge gauche les coordonnées de l'association (en noir, en bleu et en rouge), ses caractéristiques principales et son agrément, comportent en bas de page la mention en noir, bleu et rouge " TOUT CE QUI EST HUMAIN EST NÔTRE " et font apparaître l'identité complète et l'adresse intégrale de leur destinataire, sous la mention " Annecy, le " suivie de la date d'envoi ; le texte des courriers est par ailleurs totalement aligné à gauche, sans retrait ou tabulation et un intervalle est laissé entre la mention " Le secrétaire général " et le nom de Monsieur F..., destiné à recevoir la signature ; / le courrier litigieux comporte exclusivement le logo du Secours populaire (un peu plus haut que sur l'ensemble des autres courriers), aucune marge à gauche et en conséquence, aucune information dans cette marge, aucune mention de bas de page, seul le nom du destinataire est porté sur ce courrier, sans adresse, en haut à droit et au dessus de la mention " Annecy, le 28 décembre 2011 " ; il est rédigé avec un retrait de l'en-tête et des paragraphes, la présentation de la référence diffère de l'ensemble des autres présentations constatées et aucun écart n'est laissé entre la fonction et le nom du signataire dont la signature apparaît très deçà ; / un simple examen de ce courrier par Madame Y..., qui exerçait les fonctions de secrétaire et connaissait donc parfaitement les caractéristiques habituelles du papier à en-tête et les habitudes de pagination, était à l'évidence suffisant pour lui permettre de mettre en doute l'authenticité de ce document ; elle ne peut arguer à cet égard de son état de santé déjà défaillant alors que son médecin atteste d'un suivi pour un état dépressif à compter du 16 février 2012 uniquement et que, compte tenu de la teneur, la longueur et la précision de son courrier du 12 janvier 2012, elle était en capacité de relever les incohérences au moins formelles de ce courrier. / Les fautes présentées et le fond du courrier confirment le caractère apocryphe de ce document qui fait écho aux accusations de Madame Y... et relate des faits inexacts telle l'embauche de Madame I... ; / Madame Y... a fait usage de ce courrier en toute connaissance de cause et sans prendre la peine d'une vérification par la simple transmission d'une copie avec demande d'explication à son employeur, utilisant ce document douteux pour étayer les accusations de harcèlement qu'elle adressait à la fédération nationale ; ce comportement traduit un manquement certain à l'obligation de loyauté empêchant toute poursuite du contrat de travail compte tenu des dénonciations effectuées ; il n'y a pas lieu dès lors de remettre en cause le licenciement de Madame Y... pour faute grave ; / le licenciement ayant été prononcée pour faute grave, aucune infraction à l'article L. 1226-9 du code du travail ne peut être constatée étant observé en tout état de cause qu'au moment du licenciement, l'employeur n'avait aucune information sur le caractère professionnel de l'arrêt de travail ; la salariée sera déboutée de toutes ses demandes au titre du licenciement » (cf., arrêt attaqué, p. 6 à 8) ;

ALORS QUE, de première part, le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et n'est constituée que lorsqu'il est établi que l'intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux ; qu'il en résulte qu'un salarié ne peut être licencié pour avoir fait usage, pour dénoncer des faits de harcèlement moral, d'un document constitutif d'un faux que lorsqu'il est établi que le salarié savait que ce document était constitutif d'un faux ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour retenir que Mme Pascale Y... avait commis une faute grave, qu'un simple examen par Mme Pascale Y... de la lettre qui était arguée de faux et dont l'usage lui était reproché était à l'évidence suffisant pour lui permettre de mettre en doute l'authenticité de ce document, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que Mme Pascale Y... savait que cette lettre était constitutive d'un faux et quand elle relevait par ailleurs que l'usage de cette lettre qui était reproché à Mme Pascale Y... consistait à en avoir envoyé une copie à la fédération nationale de l'association Secours populaire français pour étayer ses accusations de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-2, L. 1152-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS QUE, de deuxième part, en se bornant à affirmer, de manière générale, pour retenir que Mme Pascale Y... avait commis une faute grave, que tous les courriers émanant de l'association Secours populaire français - fédération de la Haute-Savoie étaient établis selon un même modèle de présentation et que le seul courrier présentant un logo central émanait de la fédération nationale, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme Pascale Y..., si l'association Secours populaire français - fédération de la Haute-Savoie n'avait pas adressé à Mme Pascale Y... une lettre en date du 26 décembre 2011 concernant son bulletin de salaire du mois de décembre 2011, sur laquelle le logo du Secours populaire français figurait au milieu de l'en-tête, et non à gauche, comme sur d'autres courriers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS QUE, de troisième part et à titre subsidiaire, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en retenant, dès lors, que le licenciement de Mme Pascale Y... reposait sur une faute grave avérée, quand elle relevait que les faits invoqués à l'appui du licenciement avaient été connus par l'employeur le 4 juillet 2012 et que l'association Secours populaire français - fédération de la Haute-Savoie n'avait mis en oeuvre la procédure de licenciement que le 13 août 2012, soit plus d'un mois plus tard, et, donc, après l'expiration d'un délai restreint, et quand elle considérait que la fausseté de la lettre litigieuse était évidente, ce dont il résultait qu'aucune vérification n'était nécessaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19594
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 28 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-19594


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19594
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