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07/02/2018 | FRANCE | N°16-18171

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-18171


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu les articles L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et L. 1134-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B...             est agent statutaire de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Martinique depuis 1987 et qu'il a été détaché au sein de l'Association martiniquaise éducation populaire, son détachement étant d'abord reconduit par arrêté du 8 janvier 2010 pour quatre

ans, puis limité à la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2010 par un nouvel arrêté d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu les articles L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et L. 1134-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B...             est agent statutaire de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Martinique depuis 1987 et qu'il a été détaché au sein de l'Association martiniquaise éducation populaire, son détachement étant d'abord reconduit par arrêté du 8 janvier 2010 pour quatre ans, puis limité à la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2010 par un nouvel arrêté du 19 janvier 2010 ; qu'il exerçait un mandat électif ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne démontre pas l'existence d'une discrimination à son encontre, la durée du détachement étant conditionnée par des raisons pédagogiques et administratives et le salarié n'étant pas le seul agent dont le terme du détachement a été fixé au 31 juillet 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, en faisant peser sur le salarié la charge de la preuve de la discrimination syndicale, alors qu'il avait présenté des conclusions selon lesquelles le renouvellement du détachement de l'ensemble des agents à l'exception de trois d'entre eux, dont il faisait partie, laissait supposer une discrimination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne l'Association martiniquaise éducation populaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. B...            

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 octobre 2013 par le conseil de Prud'hommes de Fort-de-France ayant débouté Monsieur B... de l'ensemble de ses demandes tendant à dire la rupture du contrat de travail nulle et de nul effet ; ordonner sa réintégration à son poste de travail dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard ; condamner l'AMEP à lui verser les salaires dur de septembre 2010 à sa réintégration effective, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; condamner l'AMEP à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes des lois sur la fonction publique territoriale et d'Etat à l'expiration d'un détachement, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et réaffecté dans l'emploi qu'il occupait antérieurement ; en application de ces textes et de l'article 33 in fine du statut du personnel des chambres des métiers et de l'artisanat, le détachement prend fin automatiquement au jour prévu par l'arrêté de détachement et l'agent est réintégré à temps complet dans son emploi d'origine ; qu'en l'espèce, le terme du détachement avait été ramené au 31 juillet 2010, par arrêté du 19 janvier 2010, venant modifier le précédent ; qu'il apparaît que la réintégration de M. B...             ne pouvant se faire avant la fin de l'année académique en cours, la société avait sollicité uniquement le renouvellement pour la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2010, et ce pour des raisons pédagoqiques et administratives ; que la société confirmait d'ailleurs le terme de son détachement à M. B...             et lui versait l'indemnité de détachement ; sur l'autorisation administrative au licenciement, l'appelant ne démontre pas avoir sollicité le renouvellement de son détachement auprès de l'AMEP et il résulte du courrier de l'inspection du travail que l'autorisation n'était pas nécessaire, le détachement étant parvenu normalement à son terme le 31 juillet 2010 ; M. B... ne démontre pas l'existence d'une discrimination à son encontre, la durée du détachement étant conditionnée par des raisons pédagogiques et administratives et M. B...             n'étant pas le seul agent dont le terme du détachement a été fixé au 31 juillet 2010 ; M. B...             sera débouté de toutes ses demandes et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QU' « A l'expiration d'un détachement, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et réaffecté dans l'emploi qu'il occupait antérieurement (art 67, Loi n° 84-53 pour la fonction publique territoriale et art 45, loi n° 84-16 pour la fonction publique d'Etat ). En application de ces textes et de l'article 33 in fine du statut du personnel des chambres de Métiers et de l'artisanat, le détachement prend fin automatiquement au jour prévu par l'arrêté de détachement et l'agent est réintégré à temps complet dans son emploi d'origine. L'employeur auprès duquel le fonctionnaire est détaché n'a donc pas à procéder au licenciement de l'intéressé, ni à demander une autorisation administrative de licenciement si le salarié exerçait un mandat dans l'entreprise de détachement (Soc. 23 mai 2006 n° de pourvoi 05-43633). Par un arrêt du 13 novembre 2012, la Cour de Cassation a précisé en outre que l'association n'est pas davantage tenue de respecter une procédure de licenciement, lorsqu'elle est à l'origine de l'absence de renouvellement du détachement demandé par le salarié ; « en vertu des dispositions combinées des articles 45 de la loi du 11 janvier 1984 et 22 du décret n ° 85-986 du 16 septembre 1985 à expiration d'un détachement, le fonctionnaire de l'État est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et affecté sur un emploi correspondant à son grade. Encourt par voie de conséquence la cassation l'arrêt qui, pour condamner l'association à verser diverses sommes à titre d'indemnités de préavis, de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive à un fonctionnaire détaché en son sein, retient que l'association n'avait pas respecté la procédure de licenciement qu'elle était tenue de suivre dès lors que le non-renouvellement du détachement résultait de sa décision». En l'espèce, Monsieur B...             fait grief à l' A.M.E.P de ne pas avoir sollicité l'autorisation de l'Inspecteur du Travail au terme de son détachement pour conclure à la nullité de la rupture ; A cet effet, il s'appuie sur l'arrêt rendu le 23 septembre 2009 par la Cour de cassation, laquelle a considéré qu'une autorisation administrative préalable au licenciement est nécessaire lorsque l'employeur s'est opposé au non renouvellement du détachement demandé par le salarié ou s'il est à l'origine de cette absence de renouvellement ; Ce moyen ne peut être retenu par la juridiction de céans, dès lors que cet arrêt est antérieur à la jurisprudence susvisée et qu'il résulte des constations de fait que le requérant, n'a pas sollicité le renouvellement de son détachement auprès de l'A.M.E.P du 30 janvier au 30 juillet 2010 ; En outre, Monsieur B...            , qui bénéficie d'un droit à réintégration à temps complet dans son emploi d'origine, en application de l'article 33 du statut du personnel des chambres de Métiers et de l'artisanat ne justifie des raisons pour lesquelles il aurait été empêché de réintégrer son corps d'origine ; Dès lors, il convient de débouter Monsieur B...             de l'ensemble de ses demandes ; Les considérations ne commandent pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l' AMEP ; Monsieur B...             Bernard qui succombe supportera les dépens » ;

1) ALORS QUE le fonctionnaire détaché auprès d'une personne morale de droit privé pour exercer des fonctions dans un rapport de subordination est lié à cette personne morale par un contrat de travail de droit privé ; que lorsque la personne morale de droit privé demande à l'autorité administrative compétente de mettre fin au détachement avant le terme initialement prévu, cette rupture s'analyse en un licenciement régi par les dispositions du code du travail ; qu'en conséquence, si le fonctionnaire détaché est titulaire d'un mandat représentatif, l'employeur privé est tenu de solliciter une autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail avant le terme normal du détachement ; que tel est notamment le cas lorsque la durée du détachement initialement prévue a été réduite par un arrêté modificatif édicté à la demande de l'employeur privé ; qu'en l'espèce, l'exposant avait fait valoir que la modification du terme du renouvellement de son détachement, initialement prévu au 31 décembre 2013 et ramené au 31 juillet 2010, résultait du fait de l'AMEP et qu'en conséquence l'AMEP devait obtenir l'autorisation administrative de mettre fin au contrat (conclusions p. 7) ; que l'AMEP admettait d'ailleurs expressément avoir demandé à la Chambre des métiers et de l'artisanat de modifier l'arrêté de détachement prévoyant un renouvellement jusqu'au 31 décembre 2013 (conclusions d'appel, p. 5) ; qu'il était donc constant et non contesté que l'AMEP, employeur privé, s'était opposée au renouvellement du détachement de l'exposant jusqu'en 2013 et que l'arrêté modifiant le terme de détachement en le ramenant au 31 juillet 2010 avait été édicté à la demande de l'AMEP, ce dont il résultait qu'une autorisation administrative de mettre fin au contrat de l'exposant, salarié protégé, était obligatoire ; qu'en jugeant toutefois que l'AMEP n'avait pas à solliciter l'autorisation administrative de mettre fin au contrat dès lors que le détachement était « parvenu normalement à son terme le 31 juillet 2010 » (arrêt p. 4, §1), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la réduction de la durée du détachement n'était pas le fait de l'AMEP et ne devait pas s'analyser en un licenciement, ou à tout le moins en un refus de renouvellement du détachement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 67 de la loi n°84-83 du 26 janvier 1984, ensemble les articles L. 2411-3 et L. 2412-2 du code du travail ;

2) ALORS QUE lorsque la durée du détachement d'un fonctionnaire titulaire d'un mandat représentatif a été réduite à la demande de l'employeur privé, ce dernier est tenu de solliciter une autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail ; que le courrier par lequel l'inspecteur du travail se borne, à titre purement informatif, à rappeler à l'employeur privé les cas dans lesquels une autorisation de licenciement est nécessaire, est dépourvu de caractère décisoire et ne dispense pas l'employeur privé de présenter une demande d'autorisation administrative de mettre fin au contrat lorsque le détachement ne prend pas fin à son terme normal ; qu'en l'espèce, pour dire que l'AMEP n'était pas tenue de solliciter l'autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail de l'exposant, la cour d'appel a relevé qu' « il résulte du courrier de l'inspection du travail que l'autorisation n'était pas nécessaire » (arrêt p. 4, § 1) ; que toutefois, l'inspecteur du travail a indiqué dans son courrier du 2 juillet 2010 que « si l'on tient compte du 1er arrêté, il s'agit d'une fin anticipée de détachement. Dans ce cas précis, l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise pour mettre fin au détachement de Monsieur B... qui détient un mandat de délégué du personnel. Si l'on tient compte du second arrêté, il s'agit alors du terme normal du détachement, lequel ne donne pas lieu à saisine de l'inspecteur du travail » (prod. n°8) ; que ce courrier, purement informatif, était donc dépourvu de tout caractère décisoire ; qu'en se fondant sur ce courrier pour juger que l'AMEP n'était pas tenue de solliciter l'autorisation administrative de mettre fin au détachement de l'exposant, la cour d'appel a retenu un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 67 de la loi n°84-83 du 26 janvier 1984, ensemble les articles L. 2411-3 et L. 2412-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le détachement d'un fonctionnaire est prononcé par l'autorité investie du pouvoir de nomination ; que la demande de détachement, ou de renouvellement d'un détachement, doit donc être présentée par le fonctionnaire à l'administration dont il est titulaire, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant au fonctionnaire d'adresser une demande de renouvellement à l'employeur privé auprès duquel il est détaché ; qu'en l'espèce, pour juger que l'AMEP n'était pas tenue de solliciter l'autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail de l'exposant, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que ce dernier « ne démontre pas avoir sollicité le renouvellement de son détachement auprès de l'AMEP » (arrêt, p. 4, § 1) ; qu'en se fondant sur un tel motif, inopérant, la cour d'appel a violé l'article 67 de la loi n°84-83 du 26 janvier 1984, les articles L. 2411-3 et L. 2412-2 du code du travail, ensemble l'article 33 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut faire peser la charge de la preuve de l'existence d'une discrimination sur le salarié ; que pour débouter l'exposant de ses demandes formulées au titre de la discrimination syndicale, la cour d'appel a retenu que « M. B...             ne démontre pas l'existence d'une discrimination à son encontre » (arrêt p.4, §2) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière de discrimination, le salarié ne supporte pas la charge de la preuve, mais celle de ses allégations, la cour d'appel, qui a méconnu les règles relatives à la dialectique de la preuve, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;

5°) ALORS QUE Monsieur B...             avait fait valoir que le refus de renouvellement de son détachement était une mesure discriminatoire dès lors « les détachements de tous ses collègues issus de la CMAM avaient été renouvelées pour une période de 3 ans ; que seul son détachement et celui de deux autres agents soit Monsieur Z... et Madame A... n'avaient été, en définitive, renouvelés que pour une très courte durée de 7 mois » (conclusions d'appel, p. 9) ; qu'en se bornant à énoncer que l'exposant n'était « pas le seul agent dont le terme du détachement a été fixé au 31 juillet 2010 » (arrêt p. 4, §2), sans répondre aux conclusions de l'exposant selon lesquelles le renouvellement du détachement de l'ensemble des agents à l'exception de trois d'entre eux, dont il faisait partie, laissait présumer une discrimination, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences légales de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18171
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 15 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-18171


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18171
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