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07/02/2018 | FRANCE | N°16-18113

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-18113


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée à compter du 2 janvier 1985 en qualité de secrétaire comptable par la société Norelec, aux droits de laquelle est venue la société Forclum Antilles Guyane, devenue depuis lors la société Eiffage Energie Martinique ; qu'elle a été licenciée pour faute grave ; que les parties ont conclu un accord transactionnel ;

Attendu que, pour juger le licenci

ement fondé sur une faute grave et débouter la salariée de ses demandes en paiement d'ind...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée à compter du 2 janvier 1985 en qualité de secrétaire comptable par la société Norelec, aux droits de laquelle est venue la société Forclum Antilles Guyane, devenue depuis lors la société Eiffage Energie Martinique ; qu'elle a été licenciée pour faute grave ; que les parties ont conclu un accord transactionnel ;

Attendu que, pour juger le licenciement fondé sur une faute grave et débouter la salariée de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la société prouve le dépôt de la lettre de licenciement mais n'en produit pas l'accusé de réception, et en avoir déduit la nullité de la transaction, retient que le comportement reproché à la salariée est constitutif d'une faute grave ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater la réalité, contestée, de la notification à la salariée de la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté la salariée de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne la société Eiffage énergie Martinique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eiffage énergie Martinique à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me G..., avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Madame Jeanne Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que son licenciement reposait sur une faute grave, et en conséquence, de l'AVOIR débouté de ses demandes d'indemnité de rupture.

AUX MOTIFS QUE : « Sur la transaction : Une transaction ayant pour objet de prévenir ou de terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par la salariée licenciée que lorsqu'elle a eu connaissance des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement. Une transaction doit être l'expression de concessions réciproques. En l'espèce, force est de constater que la société ne produit pas l'accusé de réception de la lettre de licenciement et qu'il est permis de penser que la salariée, non assistée par un conseil, a par erreur, admis avoir reçu ladite lettre lors de la transaction. Le doute devant profiter au salarié, la transaction doit être annulée. Sur le licenciement : Il doit tout d'abord être rappelé que les arguments relatifs à l'existence d'une UES ne peuvent prospérer, la reconnaissance d'une unité économique et sociale ne pouvant résulter que d'un accord collectif ou d'une décision du tribunal d'instance. Le prétendu détournement de la procédure de licenciement économique ne pourra non plus être admis, les licenciements ayant été prononcés pour motifs personnels et les demandes d'homologation n'ayant pas dépassé le seuil. En l'espèce, la reconnaissance d'une telle unité économique n'a jamais été établie et les soupçons de fraude n'auront pas lieu d'être examinés. L'employeur qui envisage de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. En l'espèce, il est reproché une absence de plusieurs jours de Madame Y... à compter du 28 mars 2011, sans aucune justification. Il ressort des pièces produites aux débats, que la société avait mis en demeure la salariée de reprendre son poste et que faute d'y avoir donné suite, son salaire d'avril 2011 était amputé des jours d'absence injustifiés. Ce comportement est constitutif d'une faute grave justifiant le licenciement. Sur les demandes. A titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure : Il n'existe aucune irrégularité de la procédure de licenciement, même si celle-ci était interrompue en raison de la transaction conclue. Au demeurant compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de l'effectif de la société, elle n'aurait pu y prétendre. A titre d'indemnité de licenciement et de préavis Compte tenu de la faute grave, ces demandes ne peuvent prospérer. A titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Le licenciement étant bien fondé, cette demande doit être rejetée. A titre de dommages-intérêts pour harcèlement Aux termes des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » En cas de litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que les agissements reprochés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, plusieurs attestations démontrent l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral à l'égard de Madame Y... et leurs conséquences sur la santé de la salariée. Madame B... indique «
/
Souvent je me retrouvais avec Mme Y... en pleurs, désespérée et anéantie par les reproches perpétuels qui lui étaient infligés. Lors des réunions du service Paie, Mme Y... était tenue, je ne saisi pour quelles raisons, à l'écart.
J'ai été témoin le 31/05/2011 du message vocal qu'a laissé Mme C...Nicole sur le téléphone portable de Mme Y..., afin de régler les comptes. Cette dame a laissé entendre d'une voie ferme et déterminée qu'elle ferait tout cela cesser non par téléphone mais sur place ». M. D..., ancien directeur régional délégué de Forclum déclare : « Mme Y... a toujours fait preuve de beaucoup d'assiduité et d'engagement dans son travail et l'entreprise Forclum n'a jamais eu aucun reproche à son égard. Durant les deux années pendant lesquelles j'ai dirigé Forclum en Martinique, j'ai pu constater les relations extrêmement conflictuelles entretenues entre par Mme C... Lebrun à l'égard de Mme Y..., sa subordonnée. J'ai eu à craindre un risque psycho social important et j'ai dû régulièrement afin d'apaiser ces relations, me poser en interface entre Mme C... Lebrun et Mme Y..., très affectée par cette situation. Il est certain que mon départ a dû ensuite favoriser le conflit et dégrader les conditions de travail de Mme Y..., jusqu'à sa sortie de l'entreprise ». Mme E..., responsable administrative déclare : «
j'ai été très surprise d'être interpellée par les collègues des autres départements sur les rapports professionnels tendus de Mme Y... avec certaines collègues de son propre service, alors que la principale concernée ne se doutait pas de cette animosité grandissante envers elle et qui l'a rongée au fil des années
Mme F..., agent administratif au service comptabilité indique : «
Mme Y... arrivait chaque matin sur son lieu de travail avec des migraines, avec l'appréhension d'ouvrir sa messagerie se demandant quels reproches professionnels ou personnels l'attendaient. Mme Y... en est sortie grandement éprouvée physiquement et émotionnellement
/
»Mme H... affirme : «
/ j'ai été la collègue de Mme C... Lebrun. Les dernières années avant mon départ de l'entreprise, Mme C... Lebrun n'a cessé de se plaindre du travail de Mme Y... et disait souvent qu'il fallait que cette dernière ne fasse plus partie de son service. Au départ de M. D..., elle en a conclu que la prochaine personne à licencier serait Mme Y... parce qu'elle l'empêchait d'exercer pleinement sa fonction de chef
Avec son caractère autoritaire, pas un jour ne passait sans qu'elle ne parle mal d'elle, la critiquant et proférant à son égard des propos aussi désagréables qu'humiliants
Mme Y... était son souffre-douleur, elle était responsable de tous ses maux. Mme Y... était humiliée en permanence
» Deux autres témoignages viennent encore attester du harcèlement moral dont Mme Y... était quotidiennement victime. L'ensemble des attestations démontre de manière unanime le sérieux, le professionnalisme et le dévouement de Mme Y.... Les attestations produites par la société ne permettent pas de mettre sérieusement en doute l'existence de ce harcèlement. La cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par Mme Y... à hauteur de la somme de 45 000 €, somme qui viendra en déduction de celle que Mme Y... a perçue au titre de la transaction et qu'elle devra rembourser. La société devra remettre la lettre de licenciement et l'attestation assedic, sans astreinte ».

ALORS QUE 1°) lorsque l'employeur décide de licencier son salarié, il doit lui notifier sa décision par lettre recommandée, laquelle doit exposer les motifs du licenciement ; la cause réelle et sérieuse du licenciement étant appréciée au regard des motifs exposés dans la lettre de licenciement, en l'absence d'une telle lettre, le licenciement est nécessairement dépourvu de motivation et par voie de conséquence de cause réelle et sérieuse ; en l'absence de notification par lettre recommandée parvenue au salarié, il appartient à l'employeur d'établir que la lettre de licenciement a bel et bien été notifiée au salarié ; en examinant le bien fondé des motifs de la lettre de licenciement dont se prévalait l'employeur, alors même qu'elle avait retenu qu'il n'était pas rapporté la preuve d'une notification effective de la lettre de licenciement et que l'employeur aurait dû la délivrer au salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, ce faisant, violé les articles L. 232-1 et L.1232-6 du code du travail.

ALORS QUE 2°) le licenciement, lorsqu'il est prononcé à titre disciplinaire et pour faute grave, n'est justifié que lorsque la faute reprochée est constitutive d'une violation d'une obligation contractuelle imputable au salarié et rend impossible son maintien dans l'entreprise, l'impossibilité de maintenir le salarié dans l'entreprise est notamment apprécié au regard de son ancienneté, de son caractère irréprochable et des circonstances entourant le fait considéré fautif ; qu'en estimant qu'était établie l'absence de plusieurs jours sans justification, qu'il ressortait « des pièces produites aux débats, que la société avait mis en demeure la salariée de reprendre son poste et que faute d'y avoir donné suite, son salaire d'avril 2011 était amputé de jours d'absence injustifiés » et que « ce comportement est constitutif d'une faute grave justifiant le licenciement » (arrêt attaqué p. 7), alors qu'elle avait retenu qu'il était démontré son sérieux, son professionnalisme et son dévouement (arrêt attaqué p. 8-9) et surtout qu'il était démontré « l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral à l'égard de Mme Y... et leurs conséquences sur la santé de la salariée » (arrêt attaqué p.7 §12) la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail.

ALORS QUE 3°) la faute grave est celle qui rend le maintien du salarié dans l'entreprise impossible, que pour retenir la qualification de faute grave, les juges du fond sont tenus de caractériser en quoi la ou les fautes reprochées au salarié rendent son maintien impossible ; qu'en se bornant à relever que « il est reproché une absence de plusieurs jours de Madame Y... à compter du 28 mars 2011, sans aucune justification. Il ressort des pièces produites aux débats, que la société avait mis en demeure la salariée de reprendre son poste et que faute d'y avoir donné suite, son salaire d'avril 2011 était amputé des jours d'absence injustifiés. Ce comportement est constitutif d'une faute grave justifiant le licenciement » (arrêt attaqué p.7) sans caractériser en quoi le maintien de son contrat de travail aurait été impossible, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18113
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 26 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-18113


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, Me Rémy-Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18113
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