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07/02/2018 | FRANCE | N°16-15848

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 février 2018, 16-15848


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 février 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.399) qu'un arrêt du 28 avril 2005 a condamné la société Sew, de droit belge, la société Entreprise Zolli frères et la Société d'armatures spéciales (la société SAS) à se payer réciproquement diverses sommes au titre de créances et dettes nées de la réalisation de tra

vaux de construction d'une station d'épuration ; que cet arrêt a, notamment, condamn...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 février 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.399) qu'un arrêt du 28 avril 2005 a condamné la société Sew, de droit belge, la société Entreprise Zolli frères et la Société d'armatures spéciales (la société SAS) à se payer réciproquement diverses sommes au titre de créances et dettes nées de la réalisation de travaux de construction d'une station d'épuration ; que cet arrêt a, notamment, condamné la société SAS, in solidum avec la société Entreprise Zolli frères, à payer aux cocurateurs de la faillite de la société Sew la somme de 33 077,73 euros correspondant au montant des sommes mises à sa charge en proportion de sa responsabilité au titre des malfaçons et des pénalités de retard et à garantir la société Entreprise Zolli frères à concurrence de cette somme ; qu'en exécution de cet arrêt, la société SAS a, le 28 mai 2005, versé ladite somme à la société Sew ; que, sur requête de la société Entreprise Zolli frères en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer, la cour d'appel a, par arrêt du 26 janvier 2006, rectifié le montant de la créance de cette société sur la société Sew au titre de factures impayées et ordonné la compensation entre les créances et dettes réciproques des trois sociétés ; qu'invoquant cette compensation, la société Entreprise Zolli frères a demandé l'annulation du commandement de payer avant saisie vente que lui a fait délivrer la société SAS le 21 juillet 2011 pour obtenir le règlement de sa créance sur elle ; que, devant la cour de renvoi, cette société a soutenu qu'en application de l'article 1240 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, elle était définitivement libérée de sa dette de 33 077,33 euros à l'égard de tous et que la compensation ultérieurement ordonnée ne pouvait lui être opposée ;

Attendu que la société SAS fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement de payer avant saisie-vente du 21 juillet 2011 et de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société Entreprise Zolli frères était débitrice envers elle de la somme de 46 960,54 euros, dont 22 912 euros payés le 15 octobre 2012, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1240 du code civil, le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé ; que la question de la bonne foi du débiteur et celle de savoir si celui qui reçoit le paiement est en "possession de la créance", c'est-à-dire s'il passe pour le véritable créancier, s'apprécient au jour du règlement ; qu'en considérant que la Société d'armatures spéciales ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte au motif que "lorsque la société SAS règle la somme de 33 077,73 euros, la société Sew n'est plus en possession de la créance, ce depuis le 1er septembre 1999 par l'effet de la compensation avec la créance détenue à son égard par la société entreprise Zolli Frères", la cour d'appel, qui devait se placer au jour du règlement pour apprécier la question de la possession de la créance sans pouvoir prendre en compte des éléments qui ne pouvaient être connus des intéressés au jour du règlement litigieux, en l'occurrence la compensation judiciaire ordonnée ultérieurement, a violé l'article 1240 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'effet extinctif de la compensation judiciaire des créances réciproques connexes est réputé s'être produit au jour de l'exigibilité de la première d'entre elles, puis relevé que l'arrêt du 28 avril 2005 a arrêté, d'un côté, la créance de la société Entreprise Zolli frères sur la société Sew au titre des factures impayées, avec intérêts à compter du 1er septembre 1999, ce qui permet de retenir que cette somme était exigible à cette date, et de l'autre, la créance de la société Sew sur la société Entreprise Zolli frères à la somme de 57 771,50 euros au titre des malfaçons et pénalités de retard, en mettant une partie de cette somme, soit 33 077,73 euros, à la charge de la société SAS, tenue in solidum avec la société Entreprise Zolli frères, et condamné la société SAS à garantir la société Entreprise Zolli frères du paiement de cette somme, puis que l'arrêt du 26 janvier 2006 a ordonné la compensation entre la créance de la société Sew à l'égard de la société Entreprise Zolli frères d'un montant de 57 771,50 euros et la créance de la société Entreprise Zolli frères à l'égard de la société Sew d'un montant rectifié de 117 313,85 euros, l'arrêt retient que la société Entreprise Zolli frères a ainsi payé par compensation, le 1er septembre 1999, date d'exigibilité de la première créance, ou à tout le moins, au jour de l'arrêt, à la société Sew l'intégralité de la dette de dommages-intérêts des deux sous-traitants, de sorte que, lorsque la société SAS a, le 28 mai 2005, payé la somme de 33 077,33 euros à la société Sew, la dette avait déjà été payée ; qu'il en déduit que la société SAS restait tenue de garantir la société Entreprise Zolli frères du montant de 33 077,73 euros, sous déduction de sa propre créance sur cette même société ; qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que la société SAS a payé au créancier une dette qui avait déjà été payée par la société Entreprise Zolli frères, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 1240 du code civil pour opposer à cette dernière l'extinction de sa dette de garantie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société d'armatures spéciales aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Entreprise Zolli frères la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société d'armatures spéciales.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le commandement de payer avant saisie-vente du 21 juillet 2011 et d'avoir débouté la société d'Armatures Spéciales de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société Entreprise Zolli Frères était débitrice envers elle de la somme de 46.960,54 euros, dont 22.912 euros payés le 15 octobre 2012 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, "le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie" ; en vertu de l'article 1290 du code civil, "la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives" ; l'article 1291 ajoute que "la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles" ; selon l'article 463 du code de procédure civile, "la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens (
). La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci" ; par arrêt du 28 avril 2005, la cour d'appel de Rouen a arrêté : d'une part la créance de la société entreprise Zolli Frères sur la société SEW à la somme en principal de 89.513,10 euros (montant rectifié par l'arrêt du 26 janvier 2006 à 117.313,85 euros) au titre des factures impayées, avec intérêts à compter du 1er septembre 1999 (ce qui permet de retenir que cette somme était exigible à cette date) ; d'autre part, la créance de la société SEW sur la société entreprise Zolli Frères à la somme de 57.771,50 euros au titre des malfaçons et pénalités de retard, en mettant une partie de cette somme, 33.077,73 euros, à la charge de la société SAS, tenue in solidum avec la société entreprise Zolli Frères ; enfin, la créance de la société SAS sur la société entreprise Zolli Frères à la somme de 48.845,10 euros au titre des factures impayées (étant observé que, par l'effet de l'adoption d'un plan de redressement de la société entreprise Zolli Frères, cette somme a été ramenée à 19.538,04 euros) ; il convient de rappeler que l'effet extinctif de la compensation judiciaire des créances réciproques connexes est réputé s'être produit au jour de l'exigibilité de la première d'entre elles ; dès lors, si la décision du 28 avril 2005 avait, comme le demandait la société entreprise Zolli Frères, ordonné la compensation des créances réciproques, cette dernière aurait vu sa dette envers la société SEW s'éteindre, avec effet au 1er septembre 1999, date d'exigibilité de la première créance, ou à tout le moins, comme le soutient la société Entreprise Zolli Frères, au jour de l'arrêt ; corrélativement, la société entreprise Zolli Frères ayant ainsi payé par compensation à la société SEW l'intégralité de la dette de dommages-intérêts due par les deux sous-traitants, la société SAS restait tenue de garantir la société Entreprise Zolli Frères du montant de 33.077,73 euros, sous déduction de sa propre créance sur cette même société, soit 33.077,73 - 19.538,04 = 13.539,69 euros ; le fait que la compensation ait été ordonnée par un arrêt ultérieur venant statuer sur omission est sans incidence sur la date d'effet de la dite compensation ; en effet, la décision rectificative s'incorpore à la décision qu'elle modifie ; les nouvelles dispositions s'adjoignent à celles figurant dans le jugement rectifié, pour aboutir à une décision judiciaire unique ; il s'en déduit que lorsque la société SAS règle à la société SEW 33.077,73 euros, il s'agit d'un paiement indu puisque la société Entreprise Zolli Frères a déjà payé cette somme par compensation avec la créance détenue sur la société SEW ; la société SAS ne peut exciper d'aucun droit acquis sur l'une des créances réciproques qui participe à la compensation intervenue dans les rapports entre SEW et Zolli Frères, de sorte que les dispositions de l'article 1298 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer ; M. Jean-Jacques Z..., professeur de droit, dont la société SAS produit aux débats la consultation, souligne lui-même que "l'application de l'article 1298 du code civil au contentieux étudié suscite une difficulté en ce que la SAS ne dispose pas a priori de droits acquis au sens de la jurisprudence étudiée sur l'une des créances réciproques qui participe à la compensation intervenue dans les rapports entre la société Zolli Frères et la société SEW" ; la société SAS ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article 1240 du code civil selon lesquelles "le paiement de bonne foi à celui qui est en possession de la créance, est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé" ; en effet, lorsque la société SAS règle la somme de 33.077,73 euros, la société SEW n'est plus en possession de la créance, ce depuis le 1er septembre 1999 par l'effet de la compensation avec la créance détenue à son égard par la société entreprise Zolli Frères ; enfin, c'est vainement que la société SAS tente de soutenir que sa créance serait en réalité de 48.845,10 euros car d'une part tel n'est pas ce qui ressort du propre commandement qu'elle a fait délivrer, d'autre part, le jugement du tribunal de commerce a été respecté puisque lorsque la créance de la société SAS a été admise définitivement, celle-ci se trouvait d'ores et déjà éteinte par le jeu d'une double compensation qui s'est opérée entre les créances réciproques de la société SEW et de la société entreprise Zolli Frères, et les créances réciproques de la société Zolli Frères et de la société SAS ; dans ces conditions, c'est à bon droit que le juge de l'exécution d'Evreux a considéré que le commandement de payer n'était pas valable puisque la société SAS étant redevable envers la société entreprise Zolli Frères de 33.077,73 euros au titre du recours en garantie de cette dernière, l'acte d'huissier visait une somme qui n'était pas due (arrêt attaqué pp. 6-7-8) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE c'est à tort que la société SAS prétend que la compensation n'est intervenue que postérieurement au paiement (le 25 mai 2005 d'une somme de 37.077,73 euros) et qu'en conséquence, la société SNCT/ZOLLI ne peut invoquer la compensation intervenue postérieurement suivant arrêt en date du 26 janvier 2006 car au visa de l'article 1290 du code civil, la compensation s'opère "de plein droit, même à l'insu des débiteurs et que les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives" ; l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 26 janvier 2006 ne s'analyse pas comme une deuxième décision mais se substitue à la première décision à effet du 28 avril 2005 ; en conséquence, dans la mesure où les organes de la procédure collective ont reçu un paiement de la société SAS qui n'avait pas lieu d'être, il revenait à la société SAS de solliciter la répétition de l'indu auprès d'eux (jugement p. 3) ;

ALORS, d'une part, QUE le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées ; que l'exposé succinct par le juge des prétentions et moyens des parties ne peut suppléer le visa erroné des conclusions, lorsque cet exposé n'est pas conforme aux dernières écritures ; qu'en visant les "dernières conclusions" de la société d'Armatures Spéciales du 15 décembre 2015 (arrêt attaqué, p. 5 al. 1er), quand celle-ci avait déposé de nouvelles conclusions le 12 janvier 2016, soit avant l'ordonnance de clôture fixée au 13 janvier suivant (arrêt attaqué, p. 6 al. 6), l'exposé succinct des prétentions et moyens de la société d'Armatures Spéciales par l'arrêt attaqué n'étant pas conforme à ces dernières conclusions faute de faire mention ni des longs développements consacrés à la mise en oeuvre en l'espèce des dispositions de l'article 1240 du code civil (conclusions du 12 janvier 2016, p. 6 et 7), ni de la réfutation des arguments développés par la société entreprise Zolli Frères dans ses écritures déposées la veille (conclusions du 12 janvier 2016, p. 5 et 6), la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QU' aux termes de l'article 1240 du code civil, le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé ; que la question de la bonne foi du débiteur et celle de savoir si celui qui reçoit le paiement est en "possession de la créance", c'est-à-dire s'il passe pour le véritable créancier, s'apprécient au jour du règlement ; qu'en considérant que la société d'Armatures Spéciales ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte au motif que "lorsque la société SAS règle la somme de 33.077,73 euros, la société SEW n'est plus en possession de la créance, ce depuis le 1er septembre 1999 par l'effet de la compensation avec la créance détenue à son égard par la société entreprise Zolli Frères", la cour d'appel, qui devait se placer au jour du règlement pour apprécier la question de la possession de la créance sans pouvoir prendre en compte des éléments qui ne pouvaient être connus des intéressés au jour du règlement litigieux, en l'occurrence la compensation judiciaire ordonnée ultérieurement, a violé l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-15848
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 24 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-15848


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15848
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