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07/02/2018 | FRANCE | N°16-15185

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-15185


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er février 2007 par la société Ecofi investissements, en qualité de responsable logistique et marketing, et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable service client, M. Y... a fait l'objet d'une mise à pied le 4 juin 2012, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 10 juillet 2012 ; qu'invoquant des faits de harcèlement moral, entachant, selon lui, son licenciement de nullité, le salarié a saisi la jur

idiction prud'homale le 5 octobre 2012 ;

Vu les articles 454 et 458 du cod...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er février 2007 par la société Ecofi investissements, en qualité de responsable logistique et marketing, et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable service client, M. Y... a fait l'objet d'une mise à pied le 4 juin 2012, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 10 juillet 2012 ; qu'invoquant des faits de harcèlement moral, entachant, selon lui, son licenciement de nullité, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 5 octobre 2012 ;

Vu les articles 454 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que les arrêts de la cour d'appel sont rendus par trois magistrats au moins, président compris ; que les jugements qui ne mentionnent pas les noms des juges sont nuls ;

Attendu que l'arrêt attaqué ne mentionne pour le délibéré que le nom de deux magistrats ;

D'où il suit que l'arrêt est nul ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Ecofi investissements aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ecofi investissements à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir été rendu après que l'affaire a été débattue le 24 septembre 2015 en audience publique devant la cour composé de Mme Catherine Métadieu, présidente de chambre, et de Mme Camille-Julia Guillermet, vice-présidente placée, qui en ont délibéré ;

ALORS QUE les arrêts de cour d'appel sont rendus par trois magistrats au moins, à peine de nullité de la décision ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (p. 1) que seuls deux magistrats, ayant assisté aux débats, ont délibéré sur l'affaire ; que l'arrêt attaqué qui a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article L.312-2 du code de l'organisation judiciaire et ne satisfait pas aux prescriptions des articles 454 et 458 du code de procédure civile encourt donc l'annulation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Franck Y... de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, M. Y... invoque les faits suivants : - il s'est plaint d'une situation de souffrance auprès du médecin du travail dès le mois de mars 2009 ; - cette situation a été médicalement constatée ; - il a fait l'objet, à partir de 2008, de diverses mesures telles que diminution de ses prérogatives, fonctions, et responsabilités managériales, il a notamment été exclu du comité de direction et d'autres réunions ; - il a été isolé sur un plateau non chauffé ; - il a fait l'objet de courriels à connotation antisémite ; - il n'avait jamais été mis en cause par quiconque, y compris son supérieur hiérarchique avant qu'il ne décide d'alerter formellement l'employeur qu'il estimait être victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'occasion d'un entretien avec le directeur des ressources humaines ; - tous les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont postérieurs à la dénonciation par lui de faits de harcèlement ; - bien qu'irrégulière, l'enquête ne conclut pas que les faits dénoncés sont mensongers ; que pour étayer ses affirmations, M. Y... produit notamment de multiples pièces, parmi lesquelles divers échanges de courriers entre lui-même et M. B..., des courriels relatifs au déménagement des 3 et 9 décembre 2008, des fiches médicales émanant de la médecine du travail, le déclarant apte avec toutefois des visites de surveillance régulières ; que M. Y... établit l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que l'employeur fait valoir, aux termes de très longues conclusions, que : - l'année 2010 s'est achevée dans de bonnes conditions, un bonus de 8.000 €
ayant été alloué à M. Y... ; - ce dernier a bénéficié d'une formation de l'Essec ; - le premier écrit de M. Y... dénonçant des faits de harcèlement est en date du 4 avril 2012 et il a aussitôt déclenché une mesure d'enquête, confiée au délégué du personnel et à l'un des contrôleurs de gestion de la société, ce choix garantissant leur indépendance ; - dès son embauche, M. Y... a manifesté de la rancoeur comme n'ayant pas obtenu le montant de rémunération qu'il espérait et n'ayant pas vocation à remplacer le directeur commercial comme il l'espérait ; - ses moyens ont été renforcés par des embauches et une mobilité interne ; - le déménagement du [...]                             a été motivé par la décision de regrouper le service dont M. Y... était responsable dans les mêmes locaux que ceux occupés par ses propres équipes et la direction commerciale ; que la société Ecofi Investissements produit ses échanges avec l'intéressé, le justificatif de l'intervention relative au problème ponctuel de climatisation de janvier 2009, l'enquête interne au cours de laquelle 19 salariés ont été entendus, pour certains à deux reprises, a mis en évidence le fait que M. Y... tenait des propos très critiques vis-à-vis de la société, dévalorisants à l'égard de tous les collaborateurs, durs et virulents à l'endroit de M. B... et qu'il est à l'origine d'un malaise général ressenti par tous les collaborateurs commerciaux ; que les éléments ainsi versés permettent de constater que jusqu'à l'été 2011, M. Y... a bénéficié de conditions de travail favorables qui lui ont permis de bénéficier d'une formation reconnue, de percevoir en 2009 et 2010 un bonus ; que la dégradation indéniable des relations entre les parties à compter de 2011 est née du refus du directeur commercial, M. B..., de le faire participer, comme M. Y... le souhaitait, aux réunions commerciales hebdomadaires, alors même qu'il occupait des fonctions de responsable logistique de marketing et, ainsi que le soulignent les premiers juges, qu'il espérait remplacer ce dernier, absent et dont il a expressément déploré le retour ; que le climat conflictuel qui en est résulté ne peut être imputé à l'employeur seul qui établit avoir mis en oeuvre une mesure d'enquête, laquelle n'a pas permis de mettre en évidence des faits de harcèlement moral dont M. Y... aurait été la victime, la société Ecofi Investissements justifiant par ailleurs que le déménagement de ce dernier dans de nouveaux locaux ne lui a pas été spécifique mais s'inscrivait dans le cadre d'un regroupement de service relevant de son pouvoir de direction ; que la société Ecofi Investissements établit également avoir tout mis en oeuvre pour mettre fin au dysfonctionnement du système de chauffage dont M. Y... se plaint, cet incident étant ponctuel ; que l'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par M. Y... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les demandes relatives au harcèlement et au licenciement doivent par conséquent être rejetées ; que M. Y... n'apporte pas la preuve que la société Ecofi Investissements dont il est établi qu'elle a pris en considération ses doléances concernant ses conditions de travail, a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il ressort des pièces versées aux débats qu'engagé en qualité de responsable logistique et marketing à compter du 1er avril 2007, M. Y... ne devait connaître au départ aucune difficulté et que l'année 2010 s'achevait même dans les meilleures conditions puisque ses résultats lui avaient permis de percevoir un bonus en 2009 et 2010 ; que son employeur avait satisfait à sa demande de formation à l'Essec laquelle lui avait permis d'obtenir un diplôme valorisant et qu'il avait reçu les félicitations de sa direction et que seul son comportement au retour des vacances d'été de l'année 2011 devait être à l'origine du développement d'une situation conflictuelle ; qu'il apparaît en effet que M. Y... entreprenait alors de revendiquer une place aux réunions commerciales hebdomadaires et que M. B..., directeur commercial devait lui rappeler à plusieurs reprises et notamment le 11 octobre 2011 que les réunions commerciales ne pouvaient concerner le responsable logistique et marketing qu'il était ; que M. Y... qui avait pourtant manifesté le souhait de changer de métier en passant à la gestion décidait par ailleurs le 19 décembre 2011 de refuser le poste proposé dans ce secteur, ce refus devant s'expliquer par le fait qu'il nourrissait l'ambition de remplacer le directeur commercial depuis que celui-ci était absent du fait d'une lourde dépression, ambition qu'il ne dissimulait même pas puisqu'il écrivait : « le départ de Pierre-Henri, la montée en puissance de Jean-Luc, l'absence de Patrice (B...) font que, plus que jamais je peux espérer être amené à jouer un rôle important au sein de la Direction Commerciale » ; qu'il était clair qu'en écrivant cela, M. Y... se positionnait comme le successeur du directeur commercial en profitant de son absence ; que la situation aurait pu en rester là, mais que manifestement désappointé par le retour de M. B... qu'il jugeait « prématuré », il sollicitait un entretien avec M. C... du service ressources humaines qui se tenait alors le 2 avril 2012 et dont il adressait le compte rendu au directeur général le 4 avril 2012 ; qu'il apparait à la lecture de ce compte rendu qu'il dénonçait le comportement de M. B... et aussi de manière inattendue le harcèlement dont il serait la victime de la part de ce dernier ; que le directeur général estimait nécessaire de déclencher une enquête en raison des accusations portées contre M. B... ; qu'à partir du 10 avril 2012, M. Y... se trouvait en arrêt de travail, mais que son état de santé ne l'empêchait toutefois pas de communiquer par courriels avec de multiples personnes et d'expédier le 17 mai 2012, alors qu'il était toujours absent pour maladie, un courrier recommandé avec accusé de réception à l'actionnaire d'Ecofi Investissements et au directeur général du Crédit Coopératif dans lequel il dénonçait à nouveau le comportement de M. B... mais mettait également en cause M. D..., directeur général, accusé entre autres choses de mensonges nombreux répétés, de choix stratégiques hasardeux, de pratiques à son égard inadmissibles comme le fait de l'avoir placé seul plusieurs mois dans les locaux insalubres, de l'avoir injustement privé de sa rémunération variable ou d'avoir contraint des salariés à signer de fausses attestations ; que tout d'abord, il convient de s'étonner que M. Y... qui a exercé dans le passé des fonctions de haute direction, ayant été directeur général d'une société de gestion et directeur de banque, qui est doté d'une forte personnalité, qui est de l'avis de tous peu influençable, autonome, indépendant et exigeant, ait pu subir selon ses dires « depuis 4 ans déjà la haine de M. D..., relayée par M. B... » sans jamais s'adresser à quiconque pour faire cesser cette situation ; qu'ensuite, il faut bien observer que M. Y... n'apporte pas la preuve des faits qu'il allègue et que l'enquête diligentée à la suite des accusations de ce dernier n'apporte aucun élément au soutien de ces accusations et démontre au contraire que c'était la soi-disant victime tenait des propos récurrents dénigrant la plupart des collaborateurs d'Ecofi Investissements mais aussi les choix et décisions prises par MM. D... et B... ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit prendre en compte l'ensemble des faits invoqués par le salarié au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué qu'au soutien de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral, M. Y... a indiqué avoir, dès 2008, fait l'objet de diverses mesures telles que diminution de ses prérogatives et responsabilités et, par ailleurs, s'être plaint dès le mois de mars 2009, auprès du médecin du travail, d'une situation de souffrance au travail, laquelle a été médicalement constatée ; que pour écarter l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a notamment énoncé que les éléments versés au débat « permettent de constater que jusqu'à l'état [lire sans doute l'été] 2011, Franck Y... a bénéficié de conditions de travail favorables qui lui ont permis de bénéficier d'une formation reconnue, de percevoir en 2009 et 2010 un bonus » et que « la dégradation indéniable des relations entre les parties » n'est intervenue qu'à « compter de 2011 » ; qu'en statuant ainsi, sans examiner concrètement les éléments produits par M. Y... portant sur la période antérieure à 2011, et notamment les pièces médicales attestant de sa souffrance au travail dès 2009 ni, partant, rechercher si ces éléments ne démontraient pas l'existence d'un harcèlement moral antérieur à 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que les agissements incriminés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, après avoir relevé qu'au soutien de sa demande M. Y... produisait divers échanges de courriers entre lui-même et M. B..., des courriels relatifs au déménagement des 3 et 9 décembre 2008 et des fiches médicales émanant de la médecine du travail, et avoir estimé en cet état que M. Y... établissait l'existence de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettaient de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, la cour d'appel a, pour le débouter, successivement relevé que la dégradation des relations entre les parties à partir de 2011 était née du refus du directeur commercial de faire participer M. Y... aux réunions commerciales hebdomadaires, qu'il en était résulté un climat conflictuel qui « ne peut être imputé à l'employeur seul », que l'enquête diligentée par l'employeur n'avait pas permis de mettre en évidence des faits de harcèlement moral, enfin que l'employeur avait tout mis en oeuvre pour mettre fin au dysfonctionnement du système de chauffage équipant le bureau du salarié ; qu'en l'état de ces seuls motifs, impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et en particulier impropres à démontrer que la souffrance au travail médicalement constatée s'expliquait par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE pour satisfaire à l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1, L. 4121-2 et R 4121-1 du code du travail et doit, lorsqu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, prendre les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Y... de ses demandes au titre du harcèlement moral, qui étaient notamment justifiées par le fait que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel s'est bornée à relever, d'une part, que l'employeur démontrait avoir tout mis en oeuvre pour mettre fin au dysfonctionnement du système de chauffage du bureau du salarié et, d'autre part, que l'employeur avait pris en considération les doléances du salarié concernant ses conditions de travail ; qu'en statuant ainsi, par une motivation lapidaire et abstraite, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel du salarié, développé oralement à l'audience, faisant valoir que l'employeur n'avait pas mis en place des actions de prévention des risques professionnels ni une organisation et des moyens adaptés à cet égard, dès lors notamment qu'il n'avait pas daigné répondre aux alertes du médecin du travail signalant plusieurs cas de souffrance au travail, n'avait pas été en mesure de présenter immédiatement le Document Unique d'Evaluation des Risques Professionnels réclamé par l'inspecteur du travail lors d'une visite du 27 juin 2012, ni à aucun moment avant le licenciement de M. Y..., et n'avait entrepris aucune action d'information ou de prévention devant permettre de gérer les cas de harcèlement dénoncés par les salariés (conclusions d'appel, p. 49 à 54), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU' il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; qu'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Ecofi Investissements reproche notamment à M. Y... d'avoir accusé de mauvaise foi son supérieur hiérarchique de faits de harcèlement par des écrits, discrédité l'enquête menée de façon indépendante et impartiale par le responsable du contrôle et suivi de gestion assisté d'un délégué du personnel, portant atteinte à l'honneur et à la considération tant de la direction générale d'Ecofi que des collaborateurs, ses collègues en charge de l'enquête, d'avoir tenté d'influencer le résultat de l'enquête par un e-mail du 4 avril 2012, d'avoir adressé le 4 avril 2012 un e-mail faisant référence à des faits et accusations graves, à savoir avoir tenté d'obtenir de fausses attestations, d'avoir fait preuve de mauvaise foi en se prêtant à un chantage, puis en proférant, faute d'avoir obtenu satisfaction, des accusations gratuites, mensongères et/ou en jetant le discrédit sur la direction générale, son supérieur hiérarchique immédiat, des collègues, les enquêteurs ; qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que sur le harcèlement moral, selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, M. Y... invoque les faits suivants : - il s'est plaint d'une situation de souffrance auprès du médecin du travail dès le mois de mars 2009 ; - cette situation a été médicalement constatée ; - il a fait l'objet, à partir de 2008, de diverses mesures telles que diminution de ses prérogatives, fonctions, et responsabilités managériales, il a notamment été exclu du comité de direction et d'autres réunions ; - il a été isolé sur un plateau non chauffé ; - il a fait l'objet de courriels à connotation antisémite ; - il n'avait jamais été mis en cause par quiconque, y compris son supérieur hiérarchique avant qu'il ne décide d'alerter formellement l'employeur qu'il estimait être victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'occasion d'un entretien avec le directeur des ressources humaines ; - tous les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont postérieurs à la dénonciation par lui de faits de harcèlement ; - bien qu'irrégulière, l'enquête ne conclut pas que les faits dénoncés sont mensongers ; que pour étayer ses affirmations, M. Y... produit notamment de multiples pièces, parmi lesquelles divers échanges de courriers entre lui-même et M. B..., des courriels relatifs au déménagement des 3 et 9 décembre 2008, des fiches médicales émanant de la médecine du travail, le déclarant apte avec toutefois des visites de surveillance régulières ; que M. Y... établit l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que l'employeur fait valoir, aux termes de très longues conclusions, que : - l'année 2010 s'est achevée dans de bonnes conditions, un bonus de 8.000 € ayant été alloué à M Y... ; - ce dernier a bénéficié d'une formation de l'Essec ; - le premier écrit de M. Y... dénonçant des faits de harcèlement est en date du 4 avril 2012 et il a aussitôt déclenché une mesure d'enquête, confiée au délégué du personnel et à l'un des contrôleurs de gestion de la société, ce choix garantissant leur indépendance ; - dès son embauche, M. Y... a manifesté de la rancoeur comme n'ayant pas obtenu le montant de rémunération qu'il espérait et n'ayant pas vocation à remplacer le directeur commercial comme il l'espérait ; - ses moyens ont été renforcés par des embauches et une mobilité interne ; - le déménagement du [...]                                a été motivé par la décision de regrouper le service dont M. Y... était responsable dans les mêmes locaux que ceux occupés par ses propres équipes et la direction commerciale ; que la société Ecofi Investissements produit ses échanges avec l'intéressé, le justificatif de l'intervention relative au problème ponctuel de climatisation de janvier 2009, l'enquête interne au cours de laquelle 19 salariés ont été entendus, pour certains à deux reprises, a mis en évidence le fait que M. Y... tenait des propos très critiques vis-à-vis de la société, dévalorisants à l'égard de tous les collaborateurs, durs et virulents à l'endroit de M. B... et qu'il est à l'origine d'un malaise général ressenti par tous les collaborateurs commerciaux ; que les éléments ainsi versés permettent de constater que jusqu'à l'été 2011, M. Y... a bénéficié de conditions de travail favorables qui lui ont permis de bénéficier d'une formation reconnue, de percevoir en 2009 et 2010 un bonus ; que la dégradation indéniable des relations entre les parties à compter de 2011 est née du refus du directeur commercial, M. B..., de le faire participer, comme M. Y... le souhaitait, aux réunions commerciales hebdomadaires, alors même qu'il occupait des fonctions de responsable logistique de marketing et, ainsi que le soulignent les premiers juges, qu'il espérait remplacer ce dernier, absent et dont il a expressément déploré le retour ; que le climat conflictuel qui en est résulté ne peut être imputé à l'employeur seul qui établit avoir mis en oeuvre une mesure d'enquête, laquelle n'a pas permis de mettre en évidence des faits de harcèlement moral dont M. Y... aurait été la victime, la société Ecofi Investissements justifiant par ailleurs que le déménagement de ce dernier dans de nouveaux locaux ne lui a pas été spécifique mais s'inscrivait dans le cadre d'un regroupement de service relevant de son pouvoir de direction ; que la société Ecofi Investissements établit également avoir tout mis en oeuvre pour mettre fin au dysfonctionnement du système de chauffage dont M. Y... se plaint, cet incident étant ponctuel ; que l'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par M. Y... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les demandes relatives au harcèlement et au licenciement doivent par conséquent être rejetées ; que M. Y... n'apporte pas la preuve que la société Ecofi Investissements dont il est établi qu'elle a pris en considération ses doléances concernant ses conditions de travail, a manqué à son obligation de sécurité de résultat ; que sur le licenciement, c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le conseil de prud'hommes a estimé que les accusations portées par M. Y... dont la réalité n'est pas établie si elles ne justifiaient pas la cessation immédiate des relations contractuelles étaient toutefois constitutives d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, les premiers juges ayant procédé à une exacte appréciation des indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre ; que vainement M. Y... sollicite une indemnité pour irrégularité de procédure au motif que l'employeur a indiqué au CHSCT avoir pris la décision de le licencier dès le 17 mai 2012, s'agissant d'une maladresse d'expression, reprise ensuite par son auteur qui a précisé avoir pris la décision de le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement, la procédure de licenciement ayant été mise en oeuvre le 4 juin 2010 [lire 4 juin 2012] ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il ressort des pièces versées aux débats qu'engagé en qualité de responsable logistique et marketing à compter du 1er avril 2007, M. Y... ne devait connaître au départ aucune difficulté et que l'année 2010 s'achevait même dans les meilleures conditions puisque ses résultats lui avaient permis de percevoir un bonus en 2009 et 2010 ; que son employeur avait satisfait à sa demande de formation à l'Essec laquelle lui avait permis d'obtenir un diplôme valorisant et qu'il avait reçu les félicitations de sa direction et que seul son comportement au retour des vacances d'été de l'année 2011 devait être à l'origine du développement d'une situation conflictuelle ; qu'il apparaît en effet que M. Y... entreprenait alors de revendiquer une place aux réunions commerciales hebdomadaires et que M. B..., directeur commercial devait lui rappeler à plusieurs reprises et notamment le 11 octobre 2011 que les réunions commerciales ne pouvaient concerner le responsable logistique et marketing qu'il était ; que M. Y... qui avait pourtant manifesté le souhait de changer de métier en passant à la gestion décidait par ailleurs le 19 décembre 2011 de refuser le poste proposé dans ce secteur, ce refus devant s'expliquer par le fait qu'il nourrissait l'ambition de remplacer le directeur commercial depuis que celui-ci était absent du fait d'une lourde dépression, ambition qu'il ne dissimulait même pas puisqu'il écrivait : « le départ de Pierre-Henri, la montée en puissance de Jean-Luc, l'absence de Patrice (B...) font que, plus que jamais je peux espérer être amené à jouer un rôle important au sein de la Direction Commerciale » ; qu'il était clair qu'en écrivant cela, M. Y... se positionnait comme le successeur du directeur commercial en profitant de son absence ; que la situation aurait pu en rester là, mais que manifestement désappointé par le retour de M. B... qu'il jugeait « prématuré », il sollicitait un entretien avec M. C... du service ressources humaines qui se tenait alors le 2 avril 2012 et dont il adressait le compte rendu au directeur général le 4 avril 2012 ; qu'il apparait à la lecture de ce compte rendu qu'il dénonçait le comportement de M. B... et aussi de manière inattendue le harcèlement dont il serait la victime de la part de ce dernier ; que le directeur général estimait nécessaire de déclencher une enquête en raison des accusations portées contre M. B... ; qu'à partir du 10 avril 2012, M. Y... se trouvait en arrêt de travail, mais que son état de santé ne l'empêchait toutefois pas de communiquer par courriels avec de multiples personnes et d'expédier le 17 mai 2012, alors qu'il était toujours absent pour maladie, un courrier recommandé avec accusé de réception à l'actionnaire d'Ecofi Investissements et au directeur général du Crédit Coopératif dans lequel il dénonçait à nouveau le comportement de M. B... mais mettait également en cause M. D..., directeur général, accusé entre autres choses de mensonges nombreux répétés, de choix stratégiques hasardeux, de pratiques à son égard inadmissibles comme le fait de l'avoir placé seul plusieurs mois dans les locaux insalubres, de l'avoir injustement privé de sa rémunération variable ou d'avoir contraint des salariés à signer de fausses attestations ; que tout d'abord, il convient de s'étonner que M. Y... qui a exercé dans le passé des fonctions de haute direction, ayant été directeur général d'une société de gestion et directeur de banque, qui est doté d'une forte personnalité, qui est de l'avis de tous peu influençable, autonome, indépendant et exigeant, ait pu subir selon ses dires « depuis 4 ans déjà la haine de M. D..., relayée par M. B... » sans jamais s'adresser à quiconque pour faire cesser cette situation ; qu'ensuite, il faut bien observer que M. Y... n'apporte pas la preuve des faits qu'il allègue et que l'enquête diligentée à la suite des accusations de ce dernier n'apporte aucun élément au soutien de ces accusations et démontre au contraire que c'était la soi-disant victime tenait des propos récurrents dénigrant la plupart des collaborateurs d'Ecofi Investissements mais aussi les choix et décisions prises par MM. D... et B... ; que les accusations portées contre ces deux personnes dont la réalité n'a pu être établie constituaient une faute qui justifiait le licenciement du demandeur mais ne faisait pas obstacle à son maintien dans l'entreprise pendant la période du préavis ; que par ailleurs, M. Y... ne démontre pas la commission par la société Ecofi Investissements d'une irrégularité dans la procédure de licenciement et n'apporte pas la preuve que des primes auraient dû lui être versées en complément de celles qu'il a normalement perçues ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la dénonciation, par un salarié, de faits de harcèlement moral dont il se prétend victime ne peut constituer une cause légitime de licenciement, sauf mauvaise foi du salarié, laquelle ne peut résulter du seul fait que la réalité de ces agissements n'a pas été établie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur démontrait que les faits matériellement établis par M. Y... et dénoncés par celui-ci comme constitutifs d'un harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, pour en déduire que ses demandes relatives au harcèlement, comme au licenciement, devaient être rejetées et, partant, que ledit licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi du salarié qui seule aurait permis à l'employeur de motiver la rupture du contrat de travail par la dénonciation des faits litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-2 du code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE, sauf mauvaise foi du salarié, est nul de plein droit le licenciement motivé par la dénonciation par celui-ci de faits de harcèlement moral dont il se prétend victime, peu important que d'autres faits soient retenus à son encontre dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a relevé, par motifs propres, que l'employeur démontrait que les faits matériellement établis par M. Y... et dénoncés par lui comme constitutifs d'un harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et, par motifs adoptés des premiers juges, que c'est M. Y... qui tenait des propos dénigrant la plupart des collaborateurs de l'entreprise ainsi que les choix et décisions de MM. D... et B... ; qu'en estimant, en cet état, que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, quand l'invocation par l'employeur du grief tiré de la dénonciation de faits de harcèlement emportait, à elle seule, nullité de plein droit du licenciement, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération d'autres griefs articulés dans la lettre de rupture, la cour d'appel a violé l'article L.1152-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15185
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-15185


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15185
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