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31/01/2018 | FRANCE | N°16-27647

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2018, 16-27647


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à MM. Y... et X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lelièvre recyclage, titulaire de l'agrément exigé par les articles L. 511-1 et L. 512-2 du code de l'environnement l'autorisant à exercer une activité de démantèlement d'épaves d'automobiles et de recyclage de fers et métaux, a agi en concurrence déloyale contre MM. Y... et X..., pour avoir exercé cette activité sans être titulaires d

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Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à MM. Y... et X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lelièvre recyclage, titulaire de l'agrément exigé par les articles L. 511-1 et L. 512-2 du code de l'environnement l'autorisant à exercer une activité de démantèlement d'épaves d'automobiles et de recyclage de fers et métaux, a agi en concurrence déloyale contre MM. Y... et X..., pour avoir exercé cette activité sans être titulaires de cette autorisation ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il est formulé par M. X... :

Attendu que ce moyen ne formule aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision rendue à l'encontre de M. X... ; qu'il est inopérant ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il est formulé par M. Y... :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour retenir que M. Y... a exercé, sans autorisation, une activité similaire à celle légalement exercée par la société Lelièvre recyclage pour les années 2006 à 2010 et prononcer sa condamnation pour concurrence déloyale, l'arrêt constate que la juridiction administrative a, par jugement du 9 avril 2009, annulé pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation l'arrêté préfectoral du 4 septembre 2006 portant "agrément provisoire" afin d'exploiter une installation de découpage ou de broyage de véhicules hors d'usage, et en déduit que M. Y... a exercé cette activité, en tout cas depuis la date de cet "agrément provisoire", sans être titulaire des autorisations requises ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette activité était autorisée, entre la délivrance de "l'agrément provisoire" en 2006 et son annulation par le juge administratif en 2009, de sorte qu'elle n'était pas illégale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. Y... a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Lelièvre recyclage, en ce qu'il le condamne à payer à celle-ci la somme de 15 000 euros et en ce qu'il statue, entre ces parties, sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

Condamne la société Lelièvre recyclage aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me B..., avocat aux Conseils, pour MM. X... et Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé que MM. Y..., X... et Z... ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Lelièvre Recyclage et DE LES AVOIR condamnés, chacun, à verser à cette dernière une somme divise de 15 000 euros, avec intérêts légaux à compter du 11 juillet 2011, en réparation du préjudice qu'elle avait subi ;

AUX MOTIFS QUE, sur la caractérisation de la concurrence déloyale, la société Lelièvre Recyclage, qui justifie de la régularité de l'exercice de son activité (dépôt de ferrailles ainsi que démantèlement et dépollution d'épaves) soumise à autorisations administratives, obtenues les 14 août 1979 et 2007, a dénoncé à la préfecture par courrier du 19 juillet 2004 l'illégalité de l'activité exercée par M. Y... et par courrier du 27 janvier 2011 celle de l'activité exercée par M. X... et M. Z... ; que, pour ce qui concerne M. Y..., la société Lelièvre Recyclage établit que, par jugement du 9 avril 2009, le tribunal administratif de Marseille, saisi par une requête de tiers en novembre 2006, a annulé pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 4 septembre 2006 portant « agrément provisoire » afin d'exploiter une installation de découpage ou de broyage de véhicules hors d'usage, en notant les éléments de fait caractérisant l'effectivité de l'exercice d'une telle activité ; qu'il s'en déduit que M. Y... a exercé en tout cas depuis la date de cet « agrément provisoire » une telle activité, similaire à celle exercée par la société Lelièvre Recyclage, sans être titulaire des autorisations requises ; que, dans ses écritures, M. Y... admet d'ailleurs avoir exercé pour la période 1997-2006 « une activité d'installation de stockage et de récupération de déchets métalliques et de VHU », située successivement sur deux lieux-dits à Briançon (05) et il reconnaît la conclusion donnée par le tribunal administratif à sa demande d'autorisation « ICPE » de 2007 à savoir l'annulation – avec donc effet rétroactif et sans aucune tolérance passée – de l'arrêté de 2006 par le jugement de 2009, de sorte qu'il ne peut arguer d'une activité légalement exercée ; qu'il est indifférent à ce sujet qu'il ait bénéficié de sursis à statuer de la part du préfet jusqu'au prononcé de la décision de la juridiction administrative ; qu'il résulte en outre de ses écritures que, pour la période à compter de 2009, il a tenté d'obtenir une autorisation d'installation classée, mais que sa requête a fait l'objet d'un refus, de sorte qu'il a totalement cessé son activité à Briançon et remis les lieux en état au 31 juillet 2010 ; qu'encore, la société Lelièvre Recyclage verse au débat trois attestations de particuliers qui ont déposé leur véhicule à détruire auprès de M. Y... en 2007 et 2009, ainsi que deux procès-verbaux d'huissier qui ont, le 26 janvier et 17 novembre 2011, constaté sur le site de l'entreprise de M. Y... la présence de carcasses de véhicules compactés ; qu'il en est conclu que M. Y... a bien exercé, sans autorisation, une activité similaire à celle légalement exercée par la société Lelièvre Recyclage en tous cas sur la période 2006-2010, ce qui caractérise une concurrence déloyale comme conduisant à une rupture d'égalité entre entreprises ; que la période postérieure ne sera pas retenue, dans la mesure où M. Y... justifie (attestation de M. D... du 4 février 2012) exercer son activité pour le compte de la société D... dont il n'est pas contesté qu'elle est titulaire des autorisations nécessaires ; que, s'agissant de M. X..., qui confirme dans ses écritures exercer, notamment, une activité d'enlèvement d'épaves de voitures, il tente, comme M. Y..., de justifier cet exercice réalisé pour le compte de la société D... ; que l'attestation de M. D... du 4 février 2012 ne peut pourtant valoir pour les années antérieures à 2010, année avant laquelle M. Y... n'a pas indiqué travailler pour le compte de la société D... ; que, de plus, la société Lelièvre Recyclage produit une publicité parue dans « Le Carton Briançon » dans laquelle M. X... présente son entreprise comme assurant notamment « démolition, enlèvement d'épaves
», ainsi qu'un encart publicitaire détaillant comme suit l'activité de M. X... : « achat fers métaux démolition enlèvement d'épaves
», tous documents qui ne sont pas déniés par ce dernier ; qu'encore le constat d'huissier de justice du 17 novembre 2011 a visualisé des carcasses de voitures compactées sur les lieux de l'entreprise notamment de M. X..., ce qui autorise la société Lelièvre Recyclage à en conclure l'exercice d'une activité similaire à la sienne propre sans détention des autorisations requises, caractérisant une concurrence déloyale telle que définie plus haut ; que, concernant M. Z..., la société Lelièvre recyclage communique un extrait d'un annuaire de professionnels pour les Hautes-Alpes mentionnant sous les noms distants de M. Z... ou de « Marcus E... » son enseigne commerciale et la même adresse lieu-dit [...] une activité de « déchets fers, métaux collecte recyclage valorisation », correspondant à la même rubrique sous laquelle quelques lignes plus loin la société Lelièvre Recyclage se trouve référencée ; que, pourtant, contrairement à l'affirmation de la société Lelièvre Recyclage, M. Z... n'est pas ici référencé sous la rubrique « traitement et revalorisation des métaux, batterie, VHU
» qui ne correspond qu'à une autre société GDE voire la société D... G... qui énonce une plus large activité de récupération générale de fer et métaux ; qu'en revanche, les constatations d'huissier de justice des 21 février et 7 mars 2011, ainsi que des 29 juin, 12 juillet et 10 septembre 2012, et du 25 mars 2014, apportent la preuve que sur le site exploité par M. Z... se trouvaient notamment des véhicules à détruire et des carcasses de véhicules compactés ; que ces éléments constituent des preuves déterminantes pour attester de l'effectivité de l'exercice par M. Z... d'une activité similaire à celle de la société Lelièvre Recyclage et sans autorisation, caractérisant une concurrence déloyale telle que définie plus haut ; que M. Z... ne peut sérieusement soutenir, d'une part, ne pas être responsable de son classement dans les pages jaunes de l'annuaire et, d'autre part, affirmer que son activité se limite à une entreprise de collecte de déchets non dangereux ; que, sur ce point, il produit certes un extrait du site « société.com » dans lequel il s'est référencé sous la rubrique « déchets non dangereux », ce qui n'efface nullement le faisceau de preuves largement concordantes détaillé précédemment ; qu'au demeurant, il a déposé le 17 février 2011 une déclaration au titre des installations classées ICPE, et justifie qu'à partir de 2012 il travaille pour le compte de la société D..., ce qui démontre une volonté de régularisation d'une activité exercée en toute illégalité, sans autorisation, portant une concurrence déloyale à la société Lelièvre Recyclage ; que, quant aux attestations de particuliers qu'il produit, elles ne valent que pour les deux véhicules concernés, qui ne seraient restés sur le site de l'entreprise qu'un temps provisoire avant leur récupération par leur propriétaire respectif, et non pour les autres véhicules visés dans les documents probatoires antérieurement analysés ; que, sur le préjudice de la société Lelièvre Recyclage, il s'infère nécessairement des actes de concurrence déloyale ; que, pour solliciter la condamnation de chacun des trois intimés à lui verser la somme de 101 266,67 euros en réparation de son préjudice, la société Lelièvre Recyclage soutient avoir perdu de manière significative des parts de marché correspondant à une chute de son chiffre d'affaires de plus de 50 % au cours de l'année 2009, en lien causal avec les actes de concurrence déloyale démontrés à leur charge ; qu'au vu des documents produits par l'appelante, la cour dispose d'éléments suffisants pour chiffrer son préjudice à la somme de 45 000 euros à diviser entre les trois intimés par parts égales, soit 15 000 euros chacun, aucun motif ne permettant le prononcé d'une solidarité sur ce principal de la dette ; que les intérêts légaux courent à compter de l'assignation du 11 juillet 2011 ;

ALORS, 1°), QUE le bien-fondé de l'action en concurrence déloyale est subordonné à la démonstration d'un comportement déloyal ayant causé un dommage à la victime ; que l'annulation par le juge administratif de l'autorisation administrative en vertu de laquelle le défendeur à l'action en concurrence déloyale a exercé son activité ne saurait avoir pour effet de rendre fautif l'exercice de cette activité, peu important que l'annulation ait un effet rétroactif ; qu'en se fondant, pour considérer que M. Y... avait commis des actes de concurrence déloyale sur la période 2006-2010, en exerçant illégalement une activité similaire à celle exercée par la société Lelièvre Recyclage, sur la circonstance que l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2006 autorisant M. Y... à exercer son activité, prononcée par le juge administratif le 9 avril 2009, avait, de par son effet rétroactif, eu pour effet de conférer un caractère illicite à l'exercice de cette activité depuis 2006, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE le bien-fondé de l'action en concurrence déloyale est subordonné à la démonstration d'un lien de causalité direct et certain entre le comportement déloyal et le dommage subi par la victime ; qu'en se bornant à énoncer que le préjudice s'infère nécessairement des actes de concurrence déloyale, puis à relever que la société Lelièvre Recyclage impute la baisse significative de son chiffre d'affaires au cours de l'année 2009 aux actes de concurrence déloyale commis par MM. Y... et X... et, enfin, à évaluer le préjudice, sans expliquer en quoi cette baisse constatée au cours de la seule année 2009 était la conséquence des actes déloyaux dont elle avait observé qu'ils avaient débuté en 2006 et perduré jusqu'en 2010, pour M. Y..., et jusqu'en 2011, pour M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-27647
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 jan. 2018, pourvoi n°16-27647


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27647
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