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31/01/2018 | FRANCE | N°16-22828

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2018, 16-22828


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, qui est préalable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er février 2007 en qualité de directeur général de la société Le Quotidien dont il a été nommé directeur général délégué le 1er juillet 2008, M. X... a pris acte de la rupture du contrat de travail le 27 novembre 2012 et saisi la juridiction prud'homale aux fins d'o

btenir des sommes à ce titre ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, qui est préalable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé à compter du 1er février 2007 en qualité de directeur général de la société Le Quotidien dont il a été nommé directeur général délégué le 1er juillet 2008, M. X... a pris acte de la rupture du contrat de travail le 27 novembre 2012 et saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir des sommes à ce titre ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement de la part variable de sa rémunération, la cour d'appel énonce qu'aux termes du contrat de travail, une "prime annuelle" est attribuée "selon des modalités à fixer d'un commun accord", que le salarié appuie sa demande sur un accord fixant à 2 % le taux de cette prime ainsi que sur la production du chiffre d'affaires de la société, que ces deux éléments, qui ne sont attestés par aucune production de pièce, sont contestés par l'employeur, que le salarié, sur lequel repose la charge des griefs, ne démontre pas l'existence de ce grief ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le droit à rémunération variable résultait du contrat de travail, qui renvoyait à un accord entre l'employeur et le salarié sur son montant, et qu'il lui incombait, à défaut de conclusion d'un accord sur ce point, de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le second moyen emporte, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation du chef du dispositif critiqué par le premier moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Le Quotidien aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Quotidien à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de rupture du contrat de M. X... a les effets d'une démission, d'AVOIR débouté ce dernier de ses demandes en paiement de sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de congédiement conventionnelle, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de clause de garantie d'emploi, et de l'AVOIR condamné à payer à la société Le Quotidien la somme de 33 276 euros à titre d'indemnité de préavis non effectué ;

AUX MOTIFS QU'il est établi par les pièces produites par les parties à la procédure que :

- M. X... et la société Le Quotidien ont signé le 4 octobre [2006] un contrat de travail portant embauche de M. X... en qualité de directeur général avec un statut de cadre avec prise d'effet au 1er février 2007 ;

- M. X... a été nommé Directeur général délégué à compter du 1er juillet 2008 ;

- le 27 novembre 2012, M. X... a remis à la société Le Quotidien un courrier intitulé « prise d'acte » et ne s'est plus présenté sur ses lieux de travail ;

que les parties s'opposent sur les conséquences devant être tirées de cette prise d'acte ; qu'il est incontestable que le premier effet d'une prise d'acte est la rupture immédiate du contrat de travail lorsqu'elle est motivée par des manquements de l'employeur rendant impossible la poursuite des relations contractuelles et qu'elle est déclarée fondée, les griefs invoqués par le salarié étant suffisamment graves ; que rappel fait de ce qu'il appartient au seul salarié d'établir les faits qu'il allègue au soutien de sa prise d'acte et que s'il subsiste un doute sur leur réalité, sa prise d'acte doit produire les effets d'une démission, il y a lieu d'observer que M. X... articule trois griefs à l'encontre de son employeur qui doivent être examinés :

- sur la limitation de ses pouvoirs de directeur général :

les parties s'accordent sur le fait que le contrat de travail a donné l'exercice des « pouvoirs les plus larges » à M. X... qui doit démontrer en quoi le courrier du 14 août 2012 de la présidente du groupe, Mme Y... Z... Y..., l'empêche de les exercer ; qu'aux termes de ce courrier, Mme Y... Z... Y... déclare au directeur général, son salarié, que les nouvelles embauches, les engagements vis à vis des fournisseurs supérieures à 1 500 euros, les nouveaux engagements avec les partenaires financiers et les nouveaux investissements sont subordonnés à « l'autorisation préalable » de la présidente du groupe, rappel fait, au titre des motifs de « la situation déficitaire du Quotidien » et d'entretiens tenus avec le directeur ; que cette décision ne fait pas mention d'une suspicion envers le salarié mais relève de l'appréciation de la situation financière par la présidente du groupe possédant Le Quotidien qui fait mention d' entretiens préalables à sa décision avec le directeur ; qu'il appartient à M. X... de démontrer que cette situation factuelle ainsi expliquée a nui à l'exercice de ses obligations contractuelles, ce qu'il ne fait nullement, se contentant de l'affirmer sans l'illustrer d'exemples concrets ; qu'il produit aux débats un second courrier du 18 octobre 2012 faisant état d'un désaccord entre lui et la présidente du groupe auquel appartient Le Quotidien ; que cet incident unique survenu près de cinq ans après sa désignation n'est pas plus démonstratif d'un manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;

- sur le non-paiement des primes :

aux termes du contrat de travail, « une prime annuelle « est attribuée » selon des modalités à fixer d'un commun accord » ; que M. X... appuie sa demande sur un accord qui aurait fixé à 2 % le taux de cette prime ainsi que sur la production du chiffre d'affaires du Quotidien ; que deux éléments, qui ne sont attestés par aucune production de pièce, sont tous deux contestés par l'employeur et il y a lieu de constater que le salarié, sur lequel repose la charge des griefs, ne démontre pas l'existence de ce second grief qui ne peut s'appuyer sur les dires du salarié fussent-ils dans la lettre du 27 novembre 2012 intitulée « prise d'acte » ;

(
) ;

que l'ensemble de ces éléments ainsi étudiés conduisent à retenir que le salarié n'établit pas la réalité des griefs faits à son employeur ; que de plus, l'examen des dates met en évidence que M. X... a le 8 novembre 2012 été embauché comme Directeur général du groupe des caisses réunionnaises complémentaires, soit 21 jours avant la remise de sa lettre intitulé « prise d'acte », ce qui présume un entretien d'embauche antérieur ; que ce comportement est démonstratif de la volonté du salarié de démissionner de façons à pourvoir occuper pleinement le nouveau poste qu'il avait obtenu sans en avertir son employeur de ses démarches et de l'obtention du dit poste ; que la prise d'acte produi[t] les effets d'une démission de M. X... ;

1°- ALORS QUE constitue une modification du contrat de travail justifiant la prise d'acte de rupture du contrat par le salarié, directeur général, aux torts de l'employeur, la limitation unilatérale de ses pouvoirs vidant de sa substance sa fonction ; qu'ayant constaté que M. X... avait été investi en sa qualité de directeur général salarié de la société Le Quotidien, des pouvoirs les plus larges pour prendre toute décision de gestion et que par courrier du 14 août 2012, Mme Y... Z... Y..., présidente du groupe possédant Le Quotidien, avait imposé à M. X... que les nouvelles embauches, les engagements vis à vis des fournisseurs supérieurs à 1 500 euros, les nouveaux engagements avec les partenaires financiers et les nouveaux investissements soient subordonnés à son autorisation préalable et en jugeant cependant que cette limitation considérable des pouvoirs et responsabilités de M. X... ne constituait pas une modification du contrat caractérisant un manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat au motif inopérant que la décision prise par la présidente du groupe était liée à la situation financière du groupe Le Quotidien et qu'elle n'exprimait aucune défiance à l'égard du salarié, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil alors en vigueur et l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°- ALORS de plus que M. X... a versé aux débats un courrier de Mme Y... Z... Y..., présidente du groupe possédant Le Quotidien, du 18 octobre 2012, venant corroborer l'acharnement de cette dernière à lui retirer une large part de ses responsabilités ; qu'en retenant qu'il ne s'agirait que d'un incident unique survenu près de cinq ans après sa désignation pour écarter tout manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat sans rechercher si, pris en leur ensemble, les courriers du 14 août 2012 et du 18 octobre 2012, ne traduisaient pas une volonté de supprimer toute autonomie de décision dont était investi M. X..., réduisant à néant sa fonction de directeur général à compter du 14 août 2012 et de nature à empêcher la poursuite de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil alors en vigueur et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°- ALORS QUE le non-paiement d'une prime contractuelle obligatoire constitue une faute de l'employeur justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts ; qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, une cassation sur le second moyen de cassation dont il résultera que la société Le Quotidien a failli à son obligation de payer la prime contractuelle due à M. X..., emportera par voie de conséquence, l'annulation du chef de dispositif critiqué ;

4° ALORS de surcroît que, subsidiairement, ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner, le seul fait pour un salarié en litige avec son employeur qui a vidé de sa substance les fonctions de direction dont il était investi, d'avoir postulé au sein d'une autre entreprise qui a promis de l'embaucher ; qu'en l'espèce, il est constant que le 14 août 2012, Mme Y... Z... Y..., présidente du groupe possédant Le Quotidien a imposé à M. X... une limitation drastique de ses fonctions de directeur général, ce qui a conduit l'exposant à protester immédiatement ; que M. X... a continué à travailler au sein de la société Le Quotidien jusqu'à sa prise d'acte de rupture du 27 novembre 2012 ; qu'en retenant que M. X... a été « embauché » comme directeur général du groupe le 8 novembre 2012 comme directeur général du groupe des caisses réunionnaises complémentaires, pour en déduire qu'un tel élément laisse présumer un entretien d'embauche antérieur et que ce comportement est démonstratif de la volonté du salarié de démissionner, la cour d'appel qui a statué par des motifs impuissants à caractériser une démission et n'a pas vérifié si la candidature de M. X... au sein d'un autre groupe n'était pas la conséquence de la modification unilatérale de ses fonctions, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil alors en vigueur et de l'article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement d'une somme de 122 000 euros au titre de la part variable de sa rémunération ;

AUX MOTIFS QUE sur le non-paiement des primes

aux termes du contrat de travail, « une prime annuelle « est attribuée » selon des modalités à fixer d'un commun accord » ; que M. X... appuie sa demande sur un accord qui aurait fixé à 2 % le taux de cette prime ainsi que sur la production du chiffre d'affaires du Quotidien ; que deux éléments, qui ne sont attestés par aucune production de pièce, sont tous deux contestés par l'employeur et il y a lieu de constater que le salarié, sur lequel repose la charge des griefs, ne démontre pas l'existence de ce second grief qui ne peut s'appuyer sur les dires du salarié fussent-ils dans la lettre du 27 novembre 2012 intitulée « prise d'acte. ».

1°- ALORS QU' il incombe à l'employeur de démontrer que le salarié a été rempli de ses droits au titre d'un salaire dû ; qu'ayant constaté qu'une prime annuelle contractuelle était due à M. X... et en le déboutant de sa demande en paiement de la prime au motif qu'il ne rapporte pas la preuve des modalités d'un accord ayant fixé à 2 % le taux de cette prime ainsi que le chiffre d'affaires du Quotidien, la cour d'appel qui a fait peser sur le salarié la charge de preuve qui ne lui incombait pas, a violé l'article 1315 du code civil ;

2°- ALORS QU' en tout état de cause, à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de la prime contractuelle , il incombe au juge de le déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes ; qu'ayant constaté que le contrat de travail stipule qu'une prime annuelle sera attribuée à M. X... selon des modalités à fixer d'un commun accord et en rejetant sa demande en paiement de primes aux motifs inopérants qu'il ne rapporte pas la preuve d'un accord sur les modalités de calcul de la prime, la cour d'appel qui a failli à son office, a violé les articles 1134 du code civil alors en vigueur et l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22828
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 24 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 jan. 2018, pourvoi n°16-22828


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22828
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