LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2143-3, alinéa 4, et L. 2143-5 du code du travail ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que, selon le second, dans les entreprises d'au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d'au moins cinquante salariés chacun, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la Fédération nationale des salariés de la construction, du bois et de l'ameublement CGT a procédé le 23 décembre 2016 à la désignation de délégués syndicaux au sein des différents établissements de la société Frans Bonhomme et de M. Y... en qualité de délégué syndical central ;
Attendu que pour valider la désignation d'un délégué syndical central, le jugement retient que le cadre de la désignation du délégué syndical central n'est pas limité à celui de l'établissement pour la mise en place du comité d'établissement, que l'absence de comité central d'entreprise est sans incidence sur le droit pour un syndicat représentatif de désigner un délégué central d'entreprise ; que le protocole d'accord du 27 septembre 2016 pour les élections des délégués du personnel a reconnu des établissements distincts correspondant aux Directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège, dont la liste est annexée au protocole ; que ces établissements distincts ont été institués dans un périmètre plus restreint que celui relatif au comité d'établissement, soit les directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège ; qu'ils constituent à l'évidence au niveau régional une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, peu important que le représentant de l'employeur n'ait pas le pouvoir de se prononcer sur ces revendications ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'établissements au sens de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours de la société Frans Bonhomme, le jugement rendu le 10 février 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Tours ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Blois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Frans bonhomme
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté la SAS Frans Bonhomme de sa demande d'annulation de la désignation d'un délégué syndical central CGT opérée par la FNSCBA CGT, dit que la Fédération avait valablement pu procéder à la désignation d'un délégué syndical central dans le périmètre de l'entreprise, même en l'absence d'un comité central d'entreprise, en conséquence, déclaré valide et régulière la désignation de M. Y... en qualité de délégué syndical central CGT et d'avoir condamné la SAS Frans Bonhomme à payer à la FNSCBA CGT la somme de 1 000 €
en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que selon l'article L. 2143-3 alinéa 4 modifié par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises d'au moins cinquante salariés « peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques » ; que le cadre de la désignation du délégué syndical n'est donc pas limité au cadre de l'établissement pour la mise en place du comité d'établissement ; que l'absence de comité central d'entreprise est sans incidence sur le droit pour un syndicat représentatif de désigner un délégué syndical central d'entreprise ; que la Cour de cassation a donné une définition de l'établissement distinct au sens du droit syndical : « caractérise un établissement distinct permettant la désignation de délégués syndicaux, le regroupement sous la direction d'un représentant de l'employeur, d'au moins cinquante salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptible de générer des revendications communes et spécifiques, peu important que le représentant de l'employeur ait le pouvoir de se prononcer sur ces revendications » (Soc. 24 avril 2003, n° 01-60876 ; Soc. 13 septembre 2005, n° 05-60007) ; qu'il peut résulter d'un accord collectif ou du principe de la liberté syndicale, de prévoir un périmètre de désignation du délégué syndical plus restreint que celui retenu pour l'élection du comité d'entreprise, à savoir dans le même périmètre que celui prévu pour l'élection des délégués du personnel, dès lors que la condition d'ordre public de la légitimité électorale est respectée et que l'établissement correspond aux critères légaux et jurisprudentiels supra ; que lors des élections professionnelles du 24 et 14 septembre 2016, la société Frans Bonhomme avait un effectif de 2 804 salariés ; que les modalités des élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise ont été définies dans le cadre de deux protocoles préélectoraux du 27 septembre 2016 négociés entre la direction de Frans Bonhomme et les organisations syndicales CFDT, CFE-CGC, CFTC et CGT ; que le protocole d'accord pour les élections 2016 des délégués du personnel a reconnu des établissements distincts correspondant aux Directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège, dont la liste est annexée au protocole ; que celui du comité d'entreprise a prévu un comité d'entreprise au niveau de l'entreprise ; que la condition de légitimité électorale des délégués syndicaux de la CGT n'est pas discutée ; qu'en application des nouvelles dispositions légales et jurisprudentielles susvisées, lors des élections litigieuses, le cadre de l'élection et de la désignation n'étaient pas nécessairement les mêmes ; que d'autre part, l'accord collectif du 27 septembre 2016 a précisément déterminé la liste des établissements distincts, au sens du droit syndical applicable tant aux délégués du personnel que syndicaux ; que ces établissements distincts ont été institués dans un périmètre plus restreint que celui relatif au comité d'établissement, soit les Directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège ; qu'ils constituent au niveau régional une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, peu important que le représentant de l'employeur n'ait pas le pouvoir de se prononcer sur ces revendications, en l'espèce, la gestion du personnel, l'exécution du service, la gestion administrative, budgétaire, commerciale et sociale étant centralisée au siège de la société ; que d'une dernière part, une organisation syndicale avait donc la possibilité de désigner un délégué syndical central dès lors que - la société Frans Bonhomme est une entreprise de plus de 2 000 salariés qui comporte au moins deux établissements de 50 salariés – l'organisation syndicale CGT est représentative au niveau de l'entreprise ; qu'en conséquence, il convient de débouter la SAS Frans Bonhomme de sa demande d'annulation de la désignation d'un délégué syndical central CGT opérée par la FNSCBA CGT le 23 décembre 2016, de dire que la Fédération a valablement pu procéder à la désignation d'un délégué syndical central dans le périmètre de l'entreprise même en l'absence d'un comité central d'entreprise, de déclarer valide et régulière la désignation de M. Y... en qualité de délégué syndical central CGT ;
Alors qu'une organisation syndicale représentative peut, dans une entreprise de plus de 2 000 salariés qui comporte au moins deux établissements de 50 salariés, désigner un délégué syndical central ; que l'établissement regroupe des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; qu'en l'espèce, ayant constaté que la gestion du personnel, l'exécution du service, la gestion administrative, budgétaire, commerciale et sociale étaient centralisées au siège de la société Frans Bonhomme, que le protocole d'accord pour les élections du comité d'entreprise avait prévu un comité au seul niveau de l'entreprise, ce qui était de nature à caractériser, au regard des prérogatives d'un délégué syndical, une communauté de travail existant au seul niveau de l'entreprise, le tribunal, qui s'est borné à retenir que le protocole d'accord pour les élections 2016 des délégués du personnel, institution différente, avait reconnu des établissements distincts correspondant aux directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège, qu'ils constituaient « à l'évidence » au niveau régional une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, sans avoir caractérisé en quoi, pour l'institution des délégués syndicaux, existait une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, de nature à justifier la désignation de délégués syndicaux au sein de chaque direction régionale et d'un délégué syndical central, ce qui devait d'autant plus être démontré qu'aucune des organisations syndicales autres que la FNSCBA CGT n'avait choisi le périmètre de l'élection des délégués du personnel pour désigner des représentants et qu'aucune n'avait désigné de délégué syndical central, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-5 du code du travail.