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24/01/2018 | FRANCE | N°16-20016

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 janvier 2018, 16-20016


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par délibération du 20 juin 2011, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier Ariège Couserans (le CHSCT) a décidé le recours à un expert agréé afin d'étudier les conséquences d'un « plan de retour à l'équilibre » sur la santé et la sécurité des salariés concernés ; que l'employeur a saisi le juge des référés d'une demande d'annulation de cette délibération ; qu'en cours d'instance d'appel, le 28 juin 2012, le CHSCT

a décidé le recours à un expert agréé en raison d'un risque grave pour la santé des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par délibération du 20 juin 2011, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier Ariège Couserans (le CHSCT) a décidé le recours à un expert agréé afin d'étudier les conséquences d'un « plan de retour à l'équilibre » sur la santé et la sécurité des salariés concernés ; que l'employeur a saisi le juge des référés d'une demande d'annulation de cette délibération ; qu'en cours d'instance d'appel, le 28 juin 2012, le CHSCT a décidé le recours à un expert agréé en raison d'un risque grave pour la santé des agents du centre hospitalier ;

Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :

Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt de dire sans objet l'expertise décidée le 20 juin 2011 ;

Mais attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;

Et attendu que le moyen critique le motif par lequel l'arrêt décide d'annuler la délibération du 20 juin 2011 ; qu'il est irrecevable ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de condamnation de l'employeur à payer les frais exposés en appel par le CHSCT, l'arrêt retient qu'en exigeant la remise au rôle de la présente procédure, démarche totalement inutile, le CHSCT a commis un abus de droit ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice de son recours , la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il décide que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier Ariège Couserans conservera à sa charge les frais exposés en cause d'appel, l'arrêt rendu le 6 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le comité Chsct centre hospitalier Ariège Couserans

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit sans objet l'expertise décidée le 20 juin 2011

AUX MOTIFS QUE le CHSCT du centre hospitalier Ariège Couserans ne peut pas sérieusement soutenir que l'expertise objet de la présente procédure est justifiée par un projet important mis en oeuvre en 2011, soit depuis plus de quatre ans ; le plan de retour à l'équilibre financier de l'établissement hospitalier consiste en gel de postes, or, l'expertise décidée en 2012 par le CHSCT était justifiée par les plaintes récurrentes des agents sur – la surcharge de travail qui s'élève, - les plannings de plus en plus insoutenable, - les rappels sur repos, - des horaires hors normes, - les sous-effectifs, - l'inadaptation des locaux de travail ; il apparait donc que cette deuxième expertise porte sur les conséquences de la mise en oeuvre du plan de retour à l'équilibre et de la réduction des effectifs en découlant ; en conséquence les deux expertises ont le même objet ; la seconde expertise a été acceptée par le centre hospitalier Ariège Couserans ; seules ses modalités d'exécution sont actuellement en litige entre les parties ; l'expertise décidée le 20 juin 2011 est devenue sans objet ; il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise par substitution de motifs.

ALORS, d'une part, QU'aux termes de l'article L.4614-12 du Code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'en présence d'un tel projet, il appartient au seul CHSCT d'apprécier l'opportunité de recourir à une expertise ; qu'en statuant sur l'opportunité de l'expertise en raison de circonstances postérieures, d'où elle a déduit son inutilité, la cour d'appel a violé ledit article L. 1614-12 du code du travail

ALORS au demeurant QUE l'expertise décidée en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail en application de l'article L. 1614-12 2°)du code du travail est distincte de l'expertise décidée en raison d'un risque grave constaté dans l'établissement en application du 1°) de cet article ; qu'en disant inutile une expertise décidée sur le fondement de l'article L 1614 12 2°) en raison de la décision mise en place ultérieurement sur le fondement de l'article L 1614 12 1°) , au motif qu'elles ont le même objet, la cour d'appel a encore violé l'article L. 4614-12 du code du travail
ALORS encore QUE l'expertise décidée en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail est destinée à permettre au CHSCT de remplir sa mission consultative et préventive du CHSCT dans le cadre de la mise en oeuvre d'un tel projet ; qu'en se fondant sur le fait qu'à la date où il statue, l'employeur a accepté une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 1°)du code du travail, dont les modalités sont en litige, elle a encore violé lesdites dispositions

ALORS QUE la cour d'appel ayant constaté que l'expertise décidée en 2012 n'avait pas pu être mise en oeuvre, les conditions de son exécution faisant l'objet d'un contentieux en cours, le principe eût-il même été accepté, ne pouvait, sans omettre de tirer de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient, dire la première sans objet ; que ce faisant elle a encore violé article L. 4614-12 du code du travail

ET ALORS enfin QUE la cour d'appel qui a constaté que la seconde expertise porte sur les conséquences de la mise en oeuvre du plan de retour à l'équilibre et la réduction des effectifs en découlant ; que le CHSCT rappelait que la première portait sur les mesures de prévention à prendre à l'occasion de la mise en oeuvre de ce plan, et non sur les effets de cette mise en oeuvre ; qu'en se contentant de dire que les deux expertises avaient même objet sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le CHSCT gardera la charge de ses frais engagés en appel et de l'avoir condamné aux dépens de l'instance d'appel

AUX MOTIFS QUE en exigeant la remise au rôle de la présente procédure, démarche totalement inutile, le CHSCT a commis un abus de droit ; en conséquence, il gardera la charge des frais engagés en appel

ALORS QUE sauf abus, les frais de la procédure rendue nécessaire par la contestation de la décision de mettre en oeuvre une expertise sont à la charge de l'employeur ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen d'où résultera l'absence d'abus, entrainera en application de l'article 624 CPC la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande formée à cette fin

ALORS QUE subsidiairement l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions d'une partie ; que la question de savoir si les deux expertises ordonnées avait même objet, et si du fait du retard apporté à la mise en oeuvre de la seconde, la première ne demeurait pas utile, posait une question sérieuse ; qu'en disant la procédure abusive, au seul motif du rejet de l'appel, sans se prononcer sur le sérieux de la question posée, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-13 du code du travail

ALORS en tout cas QUE le caractère abusif de la procédure s'apprécie au regard de celle-ci en son ensemble ; qu'en rejetant la demande de remboursement des frais engagés en appel dans leur totalité au seul motif que le dernier acte de la procédure, postérieurement au rejet de la demande de transmission de la QPC formée par l'employeur aurait été inutile, sans prendre en compte les autres étapes de la procédure, rendues nécessaires par la contestation de l'employeur d'une expertise décidée antérieurement à toute nouvelle délibération sur le nouveau fondement, et ayant contraint le CHSCT à défendre à la demande de transmission d'une QPC, et le fait que seule la cour d'appel saisie après la suspension de l'instance causée par la QPC pouvait ordonner le remboursement des frais déjà exposés, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ensemble l'article 23-3 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958

ALORS encore QUE, en toute hypothèse, que l'appel a été interjeté le 14 octobre 2011, soit antérieurement à la délibération ordonnant la seconde expertise, intervenue le 28 juin 2012 ; qu'à supposer inutile la contestation du refus de l'expertise, par suite de la nouvelle expertise ordonnée, le CHSCT conservait un intérêt à voir la cour d'appel statuer sur la prise en charge des frais d'appel exposés par lui dans le cadre de l'instance d'appel et à l'occasion de la QPC soulevée par l'employeur ; que seule la remise au rôle de l'affaire, pouvait permettre qu'il soit statué sur ce frais ; que ladite remise au rôle, serait-ce à cette fin, ne pouvait donc être abusive ; qu'en se contentant de se prononcer sur l'utilité de la remise au rôle au regard du fond du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-13 du code du travail ensemble l'article 23-3 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958

ET ALORS enfin QUE le CHSCT sollicitait la prise en charge des frais exposés par lui en première instance ; qu'en confirmant le jugement de première instance qui, s'il avait retenu le principe que les frais étaient à la charge de l'employeur, n'avait pas ordonné la prise en charge des frais, au seul motif que la remise au rôle de la procédure d'appel était une démarche inutile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 4614-13 du code du travail

ET ALORS enfin QUE alors que le CHSCT n'a pas de budget, les obstacles mis à sa défense par la décision attaquée, qui ont pour conséquence que nul ne prend en charge les frais exposés pour une procédure dont rien ne permet de dire que lorsqu'elle a été engagée elle était abusive, portent atteinte au droit au procès équitable ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-20016
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jan. 2018, pourvoi n°16-20016


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grevy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20016
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