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23/01/2018 | FRANCE | N°16-87693

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 2018, 16-87693


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société C... ALD ,
- La société X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, en date du 23 novembre 2016, qui, sur renvoi de cassation (Crim., 12 janvier 2016, n° 14-84.442), pour blessures involontaires, a condamné la première, à 12 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-

1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Stra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société C... ALD ,
- La société X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, en date du 23 novembre 2016, qui, sur renvoi de cassation (Crim., 12 janvier 2016, n° 14-84.442), pour blessures involontaires, a condamné la première, à 12 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Joignant les pourvois, en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu' Emilien Z..., apprenti âgé de 16 ans, employé par la société X..., victime d'un accident du travail du fait de sa chute au sol d'une hauteur de plusieurs mètres, depuis l'échafaudage sur lequel il travaillait, a été très grièvement blessé et a subi d'importantes séquelles ; que cet échafaudage utilisé par la société X... pour nettoyer le toit et les chéneaux d'une maison, était mis à sa disposition par la société B... E..., elle-même chargée du ravalement de cette maison, qui l'avait pris en location auprès de la société C... ALD , la société Multi services ayant procédé au montage de cet équipement ; que l'enquête de police, les constatations de l'inspection du travail et le rapport de l'Apave ayant fait apparaître que certaines planches de bois qui composaient l'échafaudage étaient vétustes et dégradées, le procureur de la République a cité les quatre sociétés du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; que le tribunal a déclaré les quatre sociétés coupables dans les termes visés à la prévention et tenues à réparer les dommages subis par la victime, sa mère et la Caisse primaire d'assurance maladie, et renvoyé l'affaire sur les intérêts civils ; que les sociétés C... ALD et X... ont, seules, relevé appel des dispositions pénales et civiles de ce jugement, le procureur de la République relevant appel incident à leur encontre ;

En cet état

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société C... ALD , pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, 222-19, 222-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a condamné la société ALD pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois à une amende de 12 000 euros et s'est prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que, selon devis du 14 février 2006, la société ALD a loué un échafaudage à la société B... ; que cet échafaudage a été monté par la société Multi Service ; que les liens étroits entre les sociétés ALD et Multi Services ont été mis en évidence ; qu'aussi bien les services de police que l'inspection du travail que le vérificateur agrée ont relevé le fait que cet échafaudage présentait de nombreuses non-conformité, en particulier s'agissant du panneau de particules servant de plancher de travail et de circulation qui a cédé sous le poids de la victime ; que ce panneau était, pour reprendre les qualificatifs du vérificateur agréé, vétuste, dégradé, renforcé par des lattes, bricolé ; que les photographies annexées à la procédure sont à cet égard particulièrement expressives ; que la mise à disposition d'un échafaudage non conforme a contribué de façon directe et certaine à l'accident ; que le fait de louer un échafaudage non conforme et dont le vérificateur agrée indique qu'il devait être détruit constitue une infraction prévue à l'article L. 233-5 du code du travail (et réprimée par l'article L. 263-2 du même code (aujourd'hui articles L. 4741-1 et L. 4741-9 du code du travail) : « Les ... matériels et installations ci-après désignés par les termes d'équipements de travail qui font l'objet ... d'une location ... doivent être conçus et construits de façon que leur mise en place, leur utilisation, leur réglage, leur maintenance, dans des conditions conformes à leur destination n'exposent pas les personnes à un risque d'atteinte à leur sécurité ou leur santé » ; que le délit est constitué tant en son élément matériel qu'en son élément moral (faute personnelle appréciée in concreto), l'entreprise ALD a l'obligation d'intégrer la sécurité dans ses modes de fonctionnement ; qu'en effet, l'activité de la société ALD est exclusivement la location d'échafaudages, qui constituent pour les salariés du bâtiment le premier dispositif de protection leur permettant de travailler en hauteur en toute sécurité ; que la violation des règles élémentaires de sécurité telle qu'elle a été relevée par le vérificateur agrée et l'inspecteur du travail, notamment quant à la nécessité de la fiabilité absolue des planchers de travail, démontre, le caractère conscient mais également téméraire des carences ; que la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est caractérisée et le lien de causalité entre cette violation et l'accident du travail dont a été victime M. Emilien Z... établi ; que la gérante de la société ALD, Mme Laetitia C..., a l'obligation de veiller à la stricte application de la réglementation, en l'espèce la conformité des échafaudages que sa société loue ; que la représentant de la personne morale au moment des faits est dès lors parfaitement identifié, en la personne de son gérant, Mme C..., qui n'a consenti aucune délégation de pouvoirs ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris s'agissant de la culpabilité de la société ALD ;

"1°) alors que toute personne a droit à un procès équitable, garantissant le caractère contradictoire de la procédure ; que la cour d'appel a estimé que la société ALD avait commis une faute ayant participé aux blessures du salarié de la société X... en fournissant du matériel de construction d'un échafaudage dont la planche qui s'était brisée sous le poids de la victime ; que dans ses conclusions, la prévenue soutenait qu'elle était mise dans l'impossibilité de contredire les constatations qui avaient été faites au cours de l'enquête, notamment celles, réalisées non contradictoirement par l'Apave, vérificateur de l'échafaudage dont une planche s'était brisée sous le poids de la victime et faisant état de planches vétustes, dès lors que la planche qui s'était brisée n'avait pas été placée sous scellé, ne permettant pas de solliciter une expertise ou plus généralement de faire constater son véritable état et de s'assurer que cette planche provenait du matériel fourni par la société ALD ; que, faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que l'article 222-19 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et les blessures de la victime ; que, pour retenir la faute de la société ALD, la cour d'appel s'est contentée de relever que la planche qui a cédé sous le poids de la victime était vétuste ; qu'en ne s'expliquant pas sur les circonstances dans lesquelles l'accident avait eu lieu, quand le tribunal avait constaté qu'il était possible que la victime ait fait une chute du toit de la maison en travaux et n'ait pas été retenue par le plancher de l'échafaudage, ce qui caractériserait une faute qui n'a pas permis d'empêcher que le dommage se produise, qui n'entre pas dans le cadre du délit réprimé par l'article 222-19 du code pénal, cette faute n'étant pas la cause du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 222-19 du code pénal ;

"3°) alors que la faute doit être la cause certaine du dommage ; qu'en relevant que la société ALD avait fourni du matériel en partie vétuste, quand il apparaissait que sa faute n'aurait pas entraîné le dommage si les autres sociétés avaient fait vérifier l'échafaudage, avant d'y laisser intervenir leurs salariés, conformément à l'arrêté du 21 décembre 2004 relatif aux vérifications des échafaudage, particulièrement la société X... qui n'ignorait pas que l'échafaudage n'était pas prévu pour des travaux sur toiture, ce qui excluait un usage conforme aux fins pour lesquelles l'échafaudage avait été édifié, la cour d'appel a méconnu l'article 222-19 du code pénal ;

"4°) alors qu'en ne recherchant pas, comme le lui demandait la société ALD, si le fait que l'échafaudage n'avait pas été monté conformément à la notice du fabricant par la société Multiservice et avait été utilisé pour des travaux sur toiture, alors qu'il était censé avoir été monté pour des travaux de ravalement, supposant l'utilisation d'un matériel moins résistant et impliquant l'utilisation non conforme de l'échafaudage, excluait que la faute alléguée de la société ALD ait eu un rôle causal dans le dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"5°) alors que l'article L. 233-5 du code du travail prévoit une obligation générale de sécurité en imposant l'utilisation d'un matériel d'échafaudage sûr et conforme à l'usage auquel il est destiné ; qu'en estimant qu'en méconnaissant les obligations qu'il contient, la société ALD a violé une obligation particulière de sécurité, la cour d'appel a méconnu l'article précité et l'article 121-3 du code pénal ;

"6°) alors qu'en ne recherchant pas si la dirigeante de la société, dont elle relevait qu'elle n'avait pas donné de délégation de pouvoirs, savait que des planches vétustes étaient mises à la disposition des éventuels locataires, tout en retenant la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, au regard des articles 121-2 et 121-3 du code pénal" ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur la culpabilité de la société C... ALD , l'arrêt énonce que les services de police, l'inspection du travail et le vérificateur agréé ont relevé le fait que l'échafaudage présentait de nombreuses non-conformités, affectant notamment le panneau servant de plancher de travail et de circulation qui a cédé sous le poids de la victime, qui était vétuste, dégradé, renforcé par des lattes et bricolé, ce dont attestent également les photographies versées au dossier, non-conformités qui ont contribué de façon directe et certaine à l'accident ; que les juges ajoutent que la location d'un échafaudage non conforme constitue un manquement à l'article L. 233-5 du code du travail alors applicable, et donc la violation manifeste d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou par le règlement à une société qui a pour activité exclusive la location d'échafaudages et doit intégrer dans son fonctionnement la sécurité des salariés du bâtiment utilisateurs de ces équipements ; qu'ils concluent que l'obligation de veiller à la stricte application de la réglementation incombait à la gérante de la société, Mme Laetitia C..., qui n'a consenti aucune délégation de pouvoir ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradictions, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des moyens de preuve contradictoirement débattus, et dès lors que, d'une part, l'article 222-19 du code pénal n'exige pas que la faute du prévenu ait été la cause exclusive, directe ou immédiate du délit de blessures involontaires, d'autre part, l'article L. 233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, et les décrets pris pour l'application de ce texte aux équipements de travail utilisés pour l'exécution de travaux temporaires en hauteur, visés dans le procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, constituent une obligation particulière de sécurité ou de prudence au sens de l'alinéa 2 de l'article 222-19 précité, enfin, une personne morale est responsable pénalement de toute faute non intentionnelle commise, pour son compte, par ses organes ou représentants, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la société C... ALD dans le détail de son argumentation et ne s'est fondée que sur des pièces qui ont été soumises à la libre discussion des parties, a justifié sa décision au regard des dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société C... ALD , pris de la violation des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société ALD à une amende de 12 000 euros ;

"aux motifs qu'il y a lieu de prononcer une peine plus adaptée aux circonstances de la commission de l'infraction qui révèlent des manquements grossiers à la prudence et des fautes d'une particulière intensité et dès lors d'infirmer le jugement sur la peine ;

" alors qu'il résulte des articles 132-1, 132-20 alinéa 2 du code pénal et 485 du code de procédure pénale qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; que la cour d'appel a condamné la prévenue à une amende de 12 000 euros, sans s'expliquer sur sa situation et ses ressources et ses charges, n'a pas justifié sa décision" ;

Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal ;

Attendu que selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que ces exigences s'imposent en ce qui concerne les peines prononcées à l'encontre tant des personnes physiques que des personnes morales ;

Attendu que selon le second de ces textes, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ;

Attendu que pour infirmer le jugement et porter le montant de l'amende prononcée contre la société C... ALD de 8 000 euros à 12 000 euros, l'arrêt énonce qu'il y a lieu de prononcer une peine plus adaptée aux circonstances de la commission de l'infraction qui révèlent des manquements grossiers à la prudence et des fautes d'une particulière intensité ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges de la personne morale prévenue qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas justifiée ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société C... ALD , pris de la violation des articles L. 451-1 et L. 451-4 du code de la sécurité sociale et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société ALD (solidairement avec les sociétés Multi-services et B... E... ) entièrement responsable du préjudice subi par M. Z... et du préjudice de la CPAM ;

" aux motifs qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré la société ALD (PM solidairement avec la société B... E... et la société Multiservices représentée par son liquidateur, le jugement étant définitif en ce qui concerne ces deux sociétés), entièrement responsable du préjudice subi par la CPAM de Meurthe-et-Moselle ;

" alors qu'il résulte de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale que, lorsque la responsabilité d'un accident du travail est partagée entre l'employeur de la victime et un tiers, la Caisse primaire d'assurance maladie dispose d'un recours contre ce dernier, mais seulement dans la mesure où les prestations dues par elle en vertu de la loi dépassent la part des indemnités réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun ; que, par jugement 13 décembre 2011, le tribunal correctionnel a déclaré les sociétés ALD, X..., B... et Multiservices coupables de blessures par imprudence ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois et les a déclarées entièrement responsables du préjudice subi par la victime, sa mère et la CPAM ; que les sociétés ALD et X... ont interjeté appel ; que, par arrêt du 14 mai 2014, la cour d'appel de Nancy a déclaré les sociétés ALD, X..., B... et Multiservices coupables de blessures par imprudence ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de trois mois ; que, sur l'action civile, elle a annulé le jugement entrepris qui avait condamné les quatre sociétés à indemniser la victime, sa mère et la CPAM, en s'estimant incompétente pour se prononcer sur l'action en réparation d'un accident du travail ; que, saisie du pourvoi de la société ALD contre les dispositions pénales et civiles de l'arrêt attaqué et de la victime contre les dispositions civiles, la chambre criminelle a cassé l'arrêt attaqué en toutes ses dispositions et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Metz ; que, par l'arrêt attaqué, ladite cour a déclaré la société ALD entièrement responsable du préjudice subi par la victime et la CPAM ; qu'en déclarant la société ALD entièrement responsable du préjudice subi par la CPAM, sans se prononcer sur la part de responsabilité de la société X..., pourtant définitivement déclarée coupable d'homicide par imprudence, afin de déterminer la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité de la victime qui aurait du être mise à sa charge en vertu du droit commun, et pour laquelle la CPAM ne peut prétendre être indemnisée, la cour d'appel a méconnu les articles L. 451-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale" ;

Vu l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que, selon ce texte, lorsque la responsabilité d'un accident du travail est partagée entre l'employeur de la victime et un ou des tiers, la caisse primaire d'assurance maladie dispose d'un recours contre ces derniers dans la mesure où les indemnités dues par elle en vertu de la loi dépassent celles réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun ;

Mais attendu qu'en confirmant le jugement en ce qu'il a dit la société C... ALD entièrement responsable, solidairement avec les sociétés B... E... et Multi Services, non appelantes, du préjudice subi par la caisse, alors qu'il lui appartenait, afin de permettre la fixation des droits de celle-ci, de se prononcer sur les parts respectives de responsabilité de l'employeur et des tiers responsables, bien qu'un tel partage ne soit pas opposable à la victime, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Et sur le quatrième moyen de cassation proposé pour la société C... ALD , pris de la violation des articles 609, 612-1, 567 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société ALD (solidairement avec les sociétés Multiservices et B... E... ) entièrement responsable du préjudice subi par Mme D... Anne-Marie et condamné à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

"alors que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ; qu'en l'espèce, la société ALD a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy l'ayant condamnée pénalement, ladite cour s'étant par ailleurs déclarée incompétente pour statuer sur les intérêts civils ; qu'Emilien Z..., la victime, a formé un pourvoi en cassation à l'encontre des deux prévenus restant dans la cause, les sociétés ALD et X... ; que la chambre criminelle qui a cassé l'arrêt attaqué a renvoyé les parties, ainsi que la CPAM, en lui étendant expressément la cassation prononcée, devant la cour d'appel de Metz ; que, Mme D... ne s'étant pas pourvue contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy qui s'était déclarée incompétente pour statuer sur sa demande de réparation et la chambre criminelle n'ayant pas étendu la cassation à son égard, la cour d'appel de Metz qui a fait droit à la demande de dommages et intérêts de Mme D... qui n'était plus dans la cause, a méconnu l'étendue de la cassation prononcée en violation des articles 609 et 612-1 du code de procédure pénale" ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé pour la société X..., pris de la violation des articles 609, 612-1 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les demandes de la société X... ;

"aux motifs qu'il convient de constater que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 14 mai 2014 en toutes ses dispositions, la cassation ayant effet, conformément à l'article 612-1 à l'égard de la CPAM de Meurthe-et-Moselle qui ne s'est pas pourvue ; qu'il s'ensuit que la cassation n'a pas d'effet à l'égard des autres parties qui ne se sont pas pourvues, les sociétés B... et Multi Services, et la société X... ; que la société X... demande l'infirmation du jugement entrepris sur les dispositions civiles en ce qu'il a ordonné une expertise au contradictoire de l'employeur et l'a condamné au règlement d'une provision au profit de M. Z... ; que la cour ne peut que constater qu'en ce qui concerne la société X..., les dispositions civiles du jugement ont été infirmées par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, que la société X... ne s'est pas pourvue, et donc que cet arrêt est définitif en ce qui la concerne ; que la société X... sera déclarée irrecevable en sa demande ;

"1°) alors qu'en cas de cassation sans réserve de l'arrêt sur le pourvoi formé par une partie civile, l'affaire est dévolue à la juridiction de renvoi pour qu'il soit statué sur les intérêts civils dans les limites fixées par le pourvoi ; qu'en l'espèce, statuant sur le pourvoi formé par Emilien Z... à l'encontre des dispositions civiles de l'arrêt l'ayant débouté de son action en réparation, la Cour de cassation a, par un arrêt en date du 12 janvier 2016, « Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 14 mai 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz » ; qu'en affirmant, pour déclarer la société X... irrecevable en ses demandes, que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Nancy était devenu définitif à son égard faute pour elle de s'être pourvue à son encontre, la cour d'appel de renvoi a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que la cassation des dispositions civiles d'un arrêt est totale lorsqu'il existe entre elles un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 14 mai 2014, la cour d'appel de Nancy a jugé que la réparation de l'entier préjudice subi par Emilien Z..., préposé de la société X..., était subordonnée à l'exercice d'un recours contre tous les co-responsables de son accident du travail, visés à la prévention, devant la juridiction de sécurité sociale ; que, statuant sur le pourvoi formé par M. Z..., la Cour de cassation a censuré cette décision en ce qu'elle violait le principe selon lequel, même en cas de partage de responsabilité entre l'employeur et des sociétés tierces, ces dernières pouvaient être condamnées à la réparation intégrale du dommage par la juridiction répressive, lorsque la victime de l'accident du travail n'a pas été indemnisée par application du livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy avait autorité de la chose jugée à l'égard de la société X..., faute pour cette dernière de s'être pourvue à son encontre, quand la cassation des dispositions critiquées par le pourvoi de la partie civile était totale eu égard au lien de dépendance nécessaire qui existait entres elles, la cour d'appel de renvoi a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 567 et 609 du code de procédure pénale ;

Attendu que, si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ;

Attendu que, lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue ;

Attendu que, saisie des appels des sociétés X... et C... ALD , ainsi que du ministère public, la cour d'appel de Nancy a, par arrêt du 14 mai 2014, confirmé le jugement sur l'action publique, mais l'a infirmé sur l'action civile au motif que les réparations civiles relevaient du régime des accidents du travail ; que, sur les pourvois formés par la société C... ALD et M. Z..., cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions, la cassation étant étendue, en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle qui ne s'était pas pourvue, et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Metz ;

Mais attendu que, d'une part, en confirmant le jugement entrepris en ce que la société C... ALD , solidairement avec les sociétés B... E... et Multi Services, avait été déclarée entièrement responsable du préjudice subi par Mme Anne-Marie D..., mère de M. Z..., et condamnée à lui payer une somme au titre de son préjudice moral, alors que cette partie civile ne s'était pas pourvue contre l'arrêt la déboutant de ses demandes et que le bénéfice de la cassation ne lui a pas été étendu, d'autre part, en disant irrecevables les demandes de la société X... tendant à l'infirmation des dispositions civiles du jugement, dont celle-ci était appelante, ayant ordonné une expertise médicale de M. Z... et l'ayant condamnée à payer une provision à ce dernier, alors que par l'effet du renvoi, elle était notamment saisie des demandes civiles formées par M. Z..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncés ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ces chefs ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale :

Attendu que les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel ; que la déclaration de culpabilité de la société C... ALD , demanderesse au pourvoi partiellement rejeté, étant devenue définitive, par suite du rejet de son premier moyen de cassation, seul contesté par la société X... en sa qualité de défenderesse au pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande formée par cette dernière ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 23 novembre 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la peine prononcée contre la société C... ALD , déclarant cette société entièrement responsable du préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, déclarant cette même société entièrement responsable du préjudice subi par Mme D... et la condamnant à payer à celle-ci une somme à titre de dommages-intérêts, et disant irrecevables les demandes formées par la société X... tendant à l'infirmation du jugement en ses dispositions civiles à l'égard de M. Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société C... ALD devra payer à la société X... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-87693
Date de la décision : 23/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 23 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 2018, pourvoi n°16-87693


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.87693
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