LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. Alain X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 8 février 2016, qui, pour blessures involontaires aggravées et travail dissimulé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et à 5 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de l'accident du travail dont A... B..., alors âgé de 22 ans et depuis décédé, a été victime en chutant d'un toit, d'une hauteur de plus de quatre mètres, sur lequel il travaillait, sans protection collective ni individuelle, M. X..., artisan, sous-traitant de la société DBT-Pro, gérée par M. I... , lui-même co-prévenu, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de blessures involontaires aggravées et recours au service de travailleurs dissimulés ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable du premier délit, partiellement du second et l'ont condamné à un an d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 5 000 euros et ont ordonné l'affichage du dispositif du jugement ; que M. X... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 1221-1, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code pénal, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Alain X... coupable du chef de travail dissimulé à l'égard de Salim C... et de A... B... ;
"aux motifs que M. X... persiste à nier avoir employé, sans les déclarer, Salim C..., Roger D..., Gérard E..., et A... B... ; que malgré l'absence d'écrit, il a maintenu qu'il avait sous-traité à des auto-entrepreneurs la première partie du chantier, devant durer une journée dans le but de faire déposer les plaques de fibrociment contenant de l'amiante avant que sa propre Eurl n'intervienne pour la pose des « bacs acier » pour la réfection de la toiture ; que MM. E..., D... et C... lui facturaient leur prix de journée et que Salim C... devait remettre sa rémunération à A... B..., qu'il ne connaissait pas et qui avait été recruté par Salim C... ; que pour autant, il apparaît que M. X... a omis d'établir des écrits mais surtout de faire agréer ces personnes et leurs conditions de paiement au maître d'oeuvre Dbt Pro, en violation de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ; que contrairement à ses allégations, il ressort des témoignages concordants de Salim C..., Roger D..., Gérard E... et A... B... qu'aucun des prétendus sous-traitants n'avait apporté de matériel ni de matériau spécifique ; qu'ils n'avaient eu connaissance des caractéristiques du chantier que le jour-même, seul M. X... s'étant déplacé sur le chantier pour en connaître les caractéristiques ; qu'ils avaient eu la possibilité d'être transportés par un véhicule de l'Eurl X... ainsi que cela ressort de l'audition de son salarié Eddy F... et des mentions du procès-verbal de l'inspection du travail ; que de même, démentant les affirmations variables de M. X... à ce sujet, en arrivant sur les lieux, aucune de ces quatre personnes n'avait connaissance de l'existence d'amiante ; qu'il est ainsi établi que M. X..., lequel indique les avoir recrutés pour cette compétence particulière, alors qu'aucun ne disposait de l'habilitation particulière, ne leur a pas communiqué cette information et n'a pas non plus respecté la procédure obligatoire en matière de travaux sur amiante, commettant ainsi une faute inexcusable au mépris de l'intégrité physique de plusieurs personnes ; que de même, il ressort des déclarations de Gérard E... et de Roger D... qu'il leur a fourni des équipements de protection individuelle, équipement non fournis à Salim C... et A... B... alors que Salim C... se trouvait dans la même situation juridique à ses yeux ; que M. X... n'ignorait pas que Salim C... arriverait accompagné d'une autre personne car, d'après ses propres déclarations à l'inspection du travail, il lui avait demandé de venir avec une autre personne ; que si Salim C... a pu avoir le sentiment personnel qu'il disposait d'une marge d'autonomie, tel n'est pas le sentiment de Gérard E... et de Roger D..., placés pourtant dans la même position que lui, d'autant qu'il n'a pas non plus reçu l'information complète de M. X... sur l'objectif et les risques de sa mission, n'ayant pas su qu'il s'agissait d'amiante ; qu'il ne disposait d'ailleurs pas plus que les autres ni de l'habilitation requise, ni de l'équipement de protection approprié ; qu'en outre, il ressort des déclarations de la victime, corroborées par celle de Roger D... et de Gérard E..., que les phases de travaux étaient en réalité imbriquées, les auto-entrepreneurs se chargeant tant de déposer les plaques de fibrociment que d'aider à poser les « bacs acier », plaques de couleur rouge ainsi que la victime les a décrites, compétence pourtant prétendument exclusive des ouvriers de l'Eurl X... ; qu'il ressort dès lors suffisamment de l'ensemble de ces éléments que M. X..., sur ce chantier précis, a non pas conclu des contrats de sous-traitance avec ces personnes indépendantes mais les a recrutées et utilisées comme des tâcherons, à moindre coût ; que le fait que Roger E..., Gérard D... et Salim C... étaient vraiment déclarés auto-entrepreneurs, depuis des mois ou des années, et le fait qu'il a pu arriver à M. X... de réaliser de vraies sous-traitances avec eux, par le passé ou après l'accident de travail de A... B..., sont parfaitement indifférents au cas d'espèce, d'autant qu'il les a recrutés, ainsi que cela ressort de ses déclarations devant le juge d'instruction confirmées devant la cour d'appel, en raison du fait que ses propres ouvriers n'avaient pas l'habilitation pour manipuler l'amiante ; qu'or, en l'occurrence, il n'a pas vérifié que ces auto-entrepreneurs disposaient de cette habilitation, avant de les recruter ; que c'est lui qui les a conduits sur le chantier le matin même des faits, à l'exception de Salim C... du seul fait de son retard ; que c'est encore M. X... seul, qui avait la connaissance des caractéristiques du chantier, notamment de la nécessité de retirer des plaques comportant de l'amiante ; que les prétendus sous-traitants n'ont donc pas eu la faculté de planifier ni d'organiser leur travail ; que dès lors, il s'agissait bien d'une relation d'employeur à salariés avec un lien de dépendance et de subordination indéniable ; que si Salim C... a recruté A... B... la veille du chantier, et s'il aurait dû lui fournir une protection individuelle, non seulement celle-ci aurait été sans efficacité, mais en plus Salim C..., rémunéré à raison de 250 euros, n'avait aucunement le pouvoir ni même la surface financière pour prévoir et mettre en place les protections collectives pour l'ensemble des intervenants sur le toit durant la première phase du chantier ; qu'ainsi, M. X... s'est comporté comme l'employeur de Gérard E..., de Roger D..., de Salim C... et de A... B... ; qu'en ne procédant pas à la déclaration nominative à l'embauche de ces quatre personnes, il s'est rendu coupable du délit de travail dissimulé ;
"1°) alors qu'il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, pour déduire l'existence d'une relation de travail entre, d'une part, M. X... et, d'autre part, Roger E..., Gérard D..., Salim C... et A... B..., la cour d'appel a retenu que ces derniers avaient été transportés jusqu'au chantier dans le véhicule de l'Eurl X... et qu'ils n'avaient pas eu connaissance de l'existence d'amiante dans les plaques de fibrociment qu'ils devaient manipuler et qu'ils n'avaient donc pas eu la faculté de planifier ni d'organiser leur travail ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"2°) alors que dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait qu'il résultait des éléments de la procédure, en particulier des factures établis par les sous-traitants, que chacun d'eux était libre de fixer le tarif de ses prestations ; qu'en se bornant à retenir que les prétendus sous-traitants n'avaient pas eu la faculté de planifier ni d'organiser leur travail, pour en déduire l'existence d'une relation d'employeur à salariés avec un lien de dépendance et de subordination indéniable, sans se prononcer sur la circonstance que Roger E..., Gérard D... et Salim C... avaient le pouvoir de fixer seuls leur rémunération en établissant des factures, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors que l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit une présomption de non-salariat s'agissant des personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés ; qu'en considérant comme inopérant le fait que Roger E..., Gerard D... et Salim C... étaient régulièrement déclarés auto-entrepreneurs, la cour d'appel a renversé la présomption légale et ainsi méconnu les textes susvisés ;
"4°) alors que l'omission intentionnelle de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche suppose la caractérisation de l'intention délictueuse ; que la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'en ne procédant pas à la déclaration nominative à l'embauche de Gérard E..., Roger D..., Salim C... et A... B..., M. X... s'était rendu coupable du délai de travail dissimulé ; qu'en déduisant ainsi l'élément intentionnel de l'infraction de son élément matériel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement et dire établi, à l'encontre de M. X..., le délit de travail dissimulé à l'égard des quatre personnes visées dans la prévention, MM. E..., D..., C... et A... B..., l'arrêt énonce que M. X... n'a pas conclu avec eux des contrats de sous-traitance, mais les a recrutés et utilisés comme tâcherons, à moindre coût, sans procéder aux déclarations nominatives préalables à leur embauche et s'est comporté, compte tenu du lien de dépendance et de subordination existant entre eux, comme leur véritable employeur ;
Attendu que ces motifs mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, L. 4741-2 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de blessures involontaires dans le cadre d'une relation de travail au préjudice de A... B... ;
"aux motifs qu'il est reproché à M. X..., dans le cadre d'une relation de travail, d'avoir commis une faute caractérisée, étant professionnel du bâtiment, en ayant omis de mettre en place des protections collectives pour éviter le risque de chute de toit et de fournir des protections individuelles, faute ayant causé involontairement une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de A... B... ; que s'agissant de Gilbert I... , il lui est reproché plus spécifiquement la faute caractérisée d'absence de mise en place d'une coordination en matière de sécurité et de protection de la santé et d'absence de protections collectives contre le risque de chute en hauteur ; que n'étant pas les auteurs directs du dommage, leur responsabilité doit être envisagée au regard des dispositions de l'article 121-3 alinéa 4 du code pénal de sorte que pour entrer en voie de condamnation à leur encontre doit être établie outre la preuve d'une relation de travail, l'existence d'une faute qualifiée consistant soit en la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit en une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer ; que s'agissant des protections individuelles, il est établi par la procédure et non contesté que la cause de l'accident de travail de A... B... est imputable au fait qu'il n'existait pas de protections collectives dans le cadre d'un travail exécuté à plus de trois mètres de hauteur, contrairement aux dispositions de l'article R. 4534-88 du code de travail qui exige un échafaudage ou un dispositif permettant aux travailleurs de ne pas prendre appui sur du matériau fragile ; que dans le cas d'espèce, les protections individuelles, quasi-inexistantes, n'auraient pas pu limiter ou empêcher les conséquences de l'accident d'après les constats de l'Inspection ; qu'en outre, ces protections individuelles ne sont exigées que si des protections collectives ne peuvent, en raison de la configuration des lieux, être mises en place en application des articles R. 4534-86 alinéa 3 et R. 4534-89 alinéa 2 du code du travail, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi la responsabilité pénale de M. X... ne peut découler du fait qu'il n'a pas mis à disposition de ses ouvriers de protections individuelles, car, aussi gravement fautif que soit ce comportement, ces protections individuelles n'auraient pas empêché le dommage et ne dispensaient pas M. X..., en application des articles R. 4534-86 al.3 et R. 4534-89 alinéa 2 du code du travail, de mettre en place les protections collectives exigées, la configuration des lieux le permettant ; que s'agissant de la nomination d'un coordonnateur de sécurité, en application de l'article L. 4532-2 du code du travail, une coordination en matière de sécurité et de protection de la santé est organisée pour tout chantier où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses ; qu'il résulte de l'article L. 4532-4 du même code que l'obligation de désigner un coordonnateur incombe au maître de l'ouvrage pour chacune des deux phases de conception et de réalisation ou pour l'ensemble de celle-ci ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi, en dépit de l'affirmation de Gilbert I... et de celle de M. X..., que M. Christian G..., maître de l'ouvrage, ait eu connaissance de l'existence de la sous-traitance confiée à l'Eurl X..., même si celui-ci s'est exonéré de ses responsabilités à bon compte et sans se préoccuper des obligations pouvant lui incomber, en signant un simple bon de commande d'un montant de plus de 600 000 euros avec Dbt Pro sans que soient détaillés les domaines d'action de chacun ; qu'en tout état de cause, il est constant que Gilbert I... n'a pas rempli son obligation de faire agréer, auprès du maître de l'ouvrage, I'existence de la sous-traitance conclue avec M. X... pour la réfection du toit ; que lui-même n'a pas eu connaissance de l'existence des autres contrats, présentés comme des sous-traitances et conclus verbalement par M. X..., qui n'a pas sollicité son agrément pour la partie « amiante » du chantier ; que M. X... a prétendu avoir rédigé un devis pour le retrait de l'amiante au profit de M. G..., lequel l'aurait refusé en raison de son coût ; que toutefois, contrairement aux autres devis produits, même ceux n'ayant pas eu de suite, celui-ci n'a pas été communiqué ni durant l'enquête ni durant l'instruction ou l'audience, laissant ainsi douter de son existence ; que de même, les versions contradictoires et variables sur le nombre des réunions de chantier auxquelles M. G... aurait participé avec M. X... ne permettent pas de les considérer comme suffisamment crédibles puisque les versions de MM. Dominique H..., Gilbert I... et M. X... ne sont pas concordantes sur ce point ; que de même, le responsable du magasin Colombie Cadet n'a lui-même rencontré M. X... que le jour de l'accident ; qu'ainsi, la preuve selon laquelle M. G... était informé de l'intervention de l'Eurl X... n'est pas rapportée ; qu'ainsi, il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de désigner un coordonnateur de sécurité ; que de même, il n'existe pas de preuve, à l'encontre de M. I... , qu'il soit devenu, par l'effet d'un document contractuel peu explicite, un maître d'ouvrage délégué ni surtout qu'il ait eu conscience que plusieurs autres entrepreneurs interviendraient en même temps sur le chantier ; qu'en effet, il est constant qu'il a confié la réfection du toit à un spécialiste de la toiture, l'Eurl X..., laquelle n'a pas été transparente à cet égard ; que dès lors, il ne ressort d'aucun élément de la procédure que M. I... a commis une faute caractérisée en ne nommant pas un coordonnateur de sécurité ; que s'agissant des protections collectives, en revanche, dont l'absence a été retenue à la charge de M. X... et de M. I... comme une faute caractérisée en lien avec le préjudice de A... B..., il ne saurait être sérieusement soutenu par l'un comme par l'autre qu'ils n'en avaient pas la cogestion et par conséquent la co-responsabilité ; qu'en effet, aucun des deux ne peut valablement soutenir qu'il appartenait à Salim C..., qui a recruté la victime, de prévoir les protections collectives qui s'imposaient dans la mesure où il ne connaissait pas le chantier avant de s'y présenter pour commencer le travail et qu'il n'avait pas la capacité financière ni le pouvoir de direction pour ce faire, n'intervenant qu'une seule journée un site, au prix de 250 euros ; que cette responsabilité ne peut incomber qu'aux organisateurs du chantier ; qu'or, ce chantier s'effectuait en trois phases : la phase d'enlèvement des plaques de fibrociment, descente et stockage dans un bâtiment attenant, la phase de pose des « bacs acier », la phase de mise en place des panneaux photovoltaïques ; que pour la première phase, étaient nécessaires des protections autour du bâtiment mais également un filet sous toit pour protéger d'un risque de chute, tant les travailleurs sur le toit que les clients et salariés du magasin qui continuait de fonctionner dessous ; que pour la seconde phase, dès que les « bacs acier » étaient posés, le filet n'était plus nécessaire puisqu'il n'existait plus de risque de traverser la toiture ; qu'en revanche, les protections collectives en périphérie du bâtiment, type échafaudage ou nacelles-ciseaux, demeuraient nécessaires jusqu'à la fin de la troisième phase, d'ailleurs censée être la plus longue, s'étalant sur plusieurs semaines ; que dans leurs relations contractuelles très peu claires et très peu précises, il apparaît au niveau du loueur d'engins Loxam que le compte a été ouvert au nom de Dbt Pro, que la première commande a été passée par M. H..., qui travaille pour Dbt Pro, que la seconde commande a été faite, en urgence, pour réparer l'oubli de M. H..., par un employé de M. X... lequel s'est déplacé en personne pour aller chercher une nacelle qui n'est arrivée qu'après l'accident et qui n'était pas conforme ; qu'ainsi dans la phase de conception, il n'a pas été prévu de filet de protection ; que s'agissant des protections extérieures, l'idée d'un échafaudage ayant été rejetée dans des conditions qui n'ont pas été éclaircies, il était nécessaire de prévoir et mettre à disposition des travailleurs, à l'ouverture du chantier, un système équivalent, en l'espèce une nacelle-ciseaux, permettant au magasin Colombie Cadet de continuer de fonctionner sans compromettre la sécurité des travailleurs ; que tel n'a pas été le cas ; que si l'on s'en tient aux éléments tirés des devis entre l'Eurl X... et Dbt Pro, le devis du 17 juin 2011, renvoyé après l'accident, raturé et portant les mentions manuscrites de l'épouse de M. Gilbert I... faisant reporter la responsabilité sur M. X... ne saurait être considéré comme une preuve irréfutable exonérant M. I... de ses obligations en matière de sécurité ; qu'en effet, en toute logique, M. X... n'aurait jamais consenti un devis moins cher que le précédent tout en prenant, en plus, en charge la mise en place des échafaudages ; que par ailleurs, le bon de commande du 4 août 2011 entre la Sas du Brivent et Dbt Pro lui confiait explicitement la phase réfection de la toiture, outre la pose des panneaux photovoltaïques ; que la cour observe que M. I... s'est ingénié à faire croire que M. H... n'était pas un de ses employés mais un agent commercial indépendant, alors qu'il a eu un rôle prépondérant dans les opérations de sécurité du chantier impliquant Dbt Pro ; qu'il ressort effectivement des pièces, notamment du premier bon de location d'engin nécessaire dès l'ouverture du chantier, qu'il émanait de M. H..., que celui-ci était présent au moment de l'ouverture du chantier alors que la phase de pose de panneaux photovoltaïques ne commençait que plusieurs jours après et qu'il a eu l'apparence du conducteur de travaux aux yeux de plusieurs personnes ; que pour combattre ces éléments, M. I... a produit le contrat d'agent commercial de M. H... devant le juge d'instruction ; que pour autant, ce contrat ne saurait être tenu pour fiable par la cour dans la mesure où, bien que signé en 2010, il est mentionné une date de prise d'effet postérieure à l'accident ; que n'ayant jamais été interrogé à ce titre avant l'audience de la cour, M. I... a expliqué que c'était son épouse qui avait établi ce contrat et qu'il s'agissait sans doute d'une erreur matérielle ; que toutefois devant la faculté de Mme I... à altérer des documents de cette procédure, ce contrat d'agent commercial apparaît établi pour la cause d'autant que M. H... s'est immédiatement présenté aux enquêteurs comme employé de la Sarl Dbt Pro et que ses différentes interventions concrètes, dans la conception et l'ouverture du chantier, montrent une implication importante, dépassant ce qu'il est attendu des missions d'agent commercial tel que le définit son contrat ; qu'en s'immisçant ainsi de manière aussi importante dans la sécurisation du chantier, M. H... rend crédible le premier devis non raturé, d'autant qu'il a affirmé durant l'enquête que les échafaudages étaient à la charge de Dbt Pro ; qu'il a ainsi également démontré que les phases du chantier n'étaient pas indépendantes les unes des autres et que Dbt Pro, dont il était le mandataire, a partagé avec M. X... la co-responsabilité de la conception et de la mise en place des protections collectives ; que M. I... ne saurait par conséquent être considéré comme un tiers responsable ; que cette immixtion importante de Dbt Pro, par le biais de Dominique H..., permet de le qualifier de co-employeur de A... B... au même titre que M. X..., indépendamment des prétendus contrats passés et du fait que ni l'un ni l'autre ne connaissait la victime personnellement ; que leur politique du moindre coût et leur mauvaise organisation ne sauraient faire disparaître la réalité de la relation de travail les unissant concrètement à A... B... ; qu'en l'espèce, tant M. I... que M. X... ont commis des fautes caractérisées en négligeant de prévoir un filet de protection et en négligeant la mise en place avant l'ouverture du chantier d'une nacelle-ciseaux, fautes exposant autrui à un risque de chute important qu'ils ne pouvaient ignorer vu la configuration des lieux et leur expérience respective de professionnel du bâtiment ; qu'en partageant cette co-responsabilité, M. I... et M. X... se sont comportés concrètement comme les co-employeurs notamment de A... B... puisque tous deux étaient les seuls à qui incombait la mise en place des protections collectives, utiles pour l'ensemble des salariés durant toutes les phases du chantier ; que M. I... ne peut valablement se retrancher derrière le fait que, passé la phase de pose des « bacs acier », le filet de protection, qui aurait pu être considéré comme la charge exclusive de M. X..., n'était plus nécessaire dans la mesure où les autres protections collectives en périphérie du bâtiment demeuraient nécessaires tout au long du chantier et auraient également pu permettre d'éviter la chute de la victime si elles avaient été mises en place dès l'origine ; que dès lors, il y a lieu de confirmer la déclaration de culpabilité sur ce point à l'encontre de M. X... et de M. I... en qualité de co-employeurs de A... B..., sauf à préciser que n'est retenue à leur charge que la faute caractérisée constituée des carences et négligences dans la conception et la mise en place des protections collectives s'agissant de travaux sur toiture de plus de 3 mètres de hauteur ;
"1°) alors que la cassation à intervenir sur la base du premier moyen de cassation, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif ayant déclaré M. X... coupable de blessures involontaires dans le cadre d'une relation de travail ;
"2°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que la cour d'appel a constaté que M. I... , qui avait sous-traité une partie des travaux à l'Eurl X..., avait conservé la charge des autres travaux ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'existait pas de preuve à l'encontre de M. I... qu'il soit devenu maître d'ouvrage délégué ni qu'il ait eu conscience que plusieurs autres entrepreneurs interviendraient en même temps sur le chantier, pour en déduire qu'il n'aurait ainsi pas été tenu de recourir à un coordonnateur de sécurité, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations ;
"3°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait qu'il résultait des éléments de la procédure que chacun de ses sous-traitants était libre de fixer le tarif de ses prestations ; qu'en se bornant à retenir que M. C... ne pouvait être tenu pour responsable des mesures collectives de protection à l'égard de A... B..., dès lors que son intervention n'était facturée que 250 euros, la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il aurait appartenu à M. C... de facturer à un prix supérieur ainsi qu'il en avait l'autonomie, n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
"4°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait qu'il avait fait parvenir à la société Dbt Pro un premier devis dont il résultait qu'il était en charge des mesures collectives de sécurité, puis un autre devis prévoyant que ces mesures étaient mises à la charge de la société Dbt Pro et que c'est cet autre devis qui avait été accepté ; que la cour d'appel, qui a constaté que les mesures collectives qui n'avaient pas été prises consistaient en la mise en place d'un filet de sécurité et d'une nacelle-ciseaux, a également constaté que la nacelle-ciseaux avait été commandée auprès de la société Loxam par M. H... pour le compte de la société Dbt Pro et que M. X... était allé cherché cette nacelle lors de l'ouverture du chantier en raison de l'oubli de M. H... ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, si les mesures collectives de sécurité ne devaient pas toutes être prises par la société Dbt Pro ainsi qu'il avait été contractuellement prévu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour confirmer la culpabilité de M. X... du chef de blessures involontaires, après avoir démontré que celui-ci et M. I... avaient été co-employeurs de A... B..., l'arrêt attaqué énonce qu'en cette qualité, il leur incombait de concevoir et assurer la mise en place des protections collectives utiles à l'ensemble des salariés durant les phases successives du chantier, en particulier pour les travaux en hauteur, et que ces carences et négligences constituent à la charge du prévenu la faute caractérisée ayant exposé la victime à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l‘article 121-3, alinéa 4 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-35, 132-19, 222-19, 222-46 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis simple ;
"aux motifs que M. X... n'a jamais été condamné ; que s'agissant des infractions en matière de droit du travail, M. I... n'avait pas été condamné au moment des faits mais l'a été par la suite, par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, à une amende de 500 euros avec sursis pour emploi de travailleurs sur toiture sur chantier de bâtiment et travaux publics sans respect des règles de sécurité, faits commis le 18 septembre 2012 ; que la gravité des négligences commises par ces deux professionnels du bâtiment, dont le coeur de métier impose d'exclure toute approximation, improvisation ou désinvolture dans la sécurité, et qui n'ont eu de cesse de chercher à diluer leurs responsabilités en créant des vides juridiques contractuels pour employer des personnes à moindre coût et sans leur fournir les protections collectives qui auraient évité le grave accident survenu à A... B..., 22 ans, sans formation, devenu invalide à 100 % depuis les faits avec de graves séquelles tant physiques que psychologiques conduit la cour à réformer le jugement déféré dans le sens de l'aggravation de la sanction privative de liberté et de prononcer une peine d'emprisonnement partiellement assortie du sursis ; qu'en l'espèce d'élément précis sur leur situation respective personnelle et professionnelle, aucune mesure d'aménagement ab initio ne peut être envisagée par la cour ;
"alors qu'aux termes de l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement, et que lorsque la juridiction correctionnelle prononce une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet d'une des mesures d'aménagement, elle doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que, pour condamner M. X... à la peine d'emprisonnement de deux ans dont un avec sursis, l'arrêt se fonde sur la gravité des négligences commises par le prévenu en sa qualité de professionnel du bâtiment, qui auraient évité l'accident subi par la victime âgée de 22 ans et devenue invalide à 100% depuis les faits avec de graves séquelles physiques et psychiques, et relève l'absence d'élément précis sur sa situation personnelle et professionnelle ; qu'en prononçant ainsi, sans caractériser la nécessité de la peine d'emprisonnement ferme, ni l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
Vu l'article 132-19 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ;
Attendu que pour condamner M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, après avoir précisé que le prévenu n'avait jamais été précédemment condamné, l'arrêt retient, d'une part, la gravité des négligences commises par celui-ci, professionnel du bâtiment, dont le métier impose d'exclure toute approximation ou improvisation en matière de sécurité, d'autre part, qu'il s'est efforcé d'échapper à ses responsabilités en employant des personnes, par des moyens frauduleux et à moindre coût, sans leur fournir les protections collectives qui auraient permis d'éviter l'accident survenu à A... B..., âgé de vingt-deux ans et sans formation ; que les juges soulignent ensuite les graves séquelles, tant physiques que psychiques, subies par celui-ci, devenu invalide à 100 % et concluent que ces éléments justifient l'aggravation de la sanction et le prononcé d'une peine d'emprisonnement partiellement assortie du sursis ;
Mais attendu qu'en prononçant par ces seuls motifs, sans s'expliquer sur les éléments de personnalité qu'elle a pris en considération pour retenir le caractère inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 février 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à la société civile professionnelle Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat en la Cour, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale à l'égard de M. I... ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois janvier deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.