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18/01/2018 | FRANCE | N°16-23836

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2018, 16-23836


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juillet 2016), que M. Y... a travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs de 1989 à 2010 ; que reprochant à l'employeur de ne pas l'avoir engagé pour la saison 2012, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir juger que la relation professionnelle s'est transformée en contrat à durée indéterminée à l'

issue du premier contrat à durée déterminée et condamner l'employeur à lui p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juillet 2016), que M. Y... a travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs de 1989 à 2010 ; que reprochant à l'employeur de ne pas l'avoir engagé pour la saison 2012, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir juger que la relation professionnelle s'est transformée en contrat à durée indéterminée à l'issue du premier contrat à durée déterminée et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de requalification et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la faculté pour l'employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ; qu'en procédant, en l'absence de toute clause de reconduction, à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée de indéterminée, au seul motif que le salarié avait travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs au cours des années 1989 à 2010, la cour d'appel a méconnu ce principe et a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;

2°/ que, selon l'article 14.2 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997, les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives à partir de la date d'application de la convention collective et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail ; que cette disposition, qui ne saurait créer un contrat de travail intermittent ne répondant pas aux conditions légales, n'ouvre qu'une simple faculté dépourvue de force obligatoire ; qu'en constatant, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait de ce chef, que la convention collective des cafés, hôtels et restaurants était applicable en l'espèce, puis en procédant à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée indéterminée au seul motif que le salarié avait travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs au cours des années 1989 à 2010, la cour d'appel, qui a rendu impérative une requalification qui n'était que facultative, a violé les dispositions de l'article 14.2 de la convention collective des cafés, hôtels et restaurants ;

3°/ qu'en tout état de cause, en affirmant, à tort, « qu'une succession de contrats saisonniers peut caractériser une relation de travail à durée indéterminée lorsque le salarié est engagé chaque année pendant toute la période d'ouverture ou de fonctionnement de l'entreprise », puis en procédant sur ce fondement à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée indéterminée, tout en constatant qu'en 1996 et 2011, M. Y... avait décliné l'offre qui lui était faite de conclure un contrat saisonnier avec la société Hôtel du Cap Eden Roc, ce dont il résultait que le salarié ne pouvait en aucun cas se prévaloir d'une reconduction systématique durant vingt ans de ses contrats saisonniers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié avait occupé pendant plus de vingt ans quasiment ininterrompus, à des périodes correspondant à l'ouverture de l'établissement au public, un emploi relevant de l'activité normale et permanente de la structure hôtelière, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hôtel du Cap Eden Roc aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hôtel du Cap Eden Roc et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Hôtel du Cap Eden Roc

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 29 septembre 2014 en ce qu'il avait requalifié les contrats de travail saisonniers successifs de M. André Y... en un contrat à durée indéterminée à compter de 10 avril 1989 et d'avoir condamné la société Hôtel du Cap Eden Roc à payer à M. André Y... les sommes de 3.826,58 € à titre d'indemnité de requalification, 35.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 7.653,16 € à titre d'indemnité de préavis et 765,31 € au titre des congés payés sur préavis ;

AUX MOTIFS QU'une succession de contrats saisonniers peut caractériser une relation de travail à durée indéterminée lorsque le salarié est engagé chaque année pendant toute la période d'ouverture ou de fonctionnement de l'entreprise ; qu'il est constant que M. Y..., ayant travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier, dans le cadre de contrats saisonniers successifs sans clause de reconduction, au cours des années 1989 à 2010, à l'exception de l'année 1996 durant laquelle il a suivi une formation, a renoncé à effectuer la saison 2011 pour laquelle il avait signé une lettre d'engagement, en raison de problèmes de santé dont il a fait part à l'employeur par lettre du 11 avril 2011 puis s'est vu refuser son embauche pour la saison 2012 aux termes d'une lettre de la société Hôtel du Cap Eden Roc datée du 23 janvier 2012 ; que l'examen des contrats de travail de révèle qu'il a été engagé par la société Hôtel du Cap Eden Roc chaque année en avril ou début mai jusqu'à fin septembre ou début octobre, périodes correspondant avec un décalage variable mais non significatif de quelques jours à celles, non fixes (début avril à mi-avril / début octobre à mi-octobre), de l'ouverture de l'établissement au public ; qu'il est ainsi manifeste que M. Y... a occupé, pendant plus de vingt ans quasiment ininterrompus, un emploi relevant de l'activité normale et permanente, bien que non continue sur toute l'année, de la structure hôtelière ; que d'autre part, aucune pièce produite ne permet de s'assurer, s'agissant d'une notion parfaitement subjective et invérifiable, que M. Y... ait été dépourvu de tout sentiment d'appartenance au personnel permanent de l'entreprise – ses années d'ancienneté suggérant le contraire – de sorte que ce critère, invoqué par l'employeur pour s'opposer à la requalification du contrat de travail, sera écarté ; qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations, la relation de travail doit être considérée comme ayant une nature indéterminée ; que sa rupture, par le refus de la société Hôtel de reprendre M. Y... pour la saison 2012 – la non réalisation de la saison 2011 pour raison de santé ne pouvant être interprétée comme une démission de sa part – caractérise un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faculté pour l'employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ; qu'en procédant, en l'absence de toute clause de reconduction, à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée de déterminée, au seul motif que le salarié avait travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs au cours des années 1989 à 2010, la cour d'appel a méconnu ce principe et a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'article 14.2 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives à partir de la date d'application de la convention collective et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail ; que cette disposition, qui ne saurait créer un contrat de travail intermittent ne répondant pas aux conditions légales, n'ouvre qu'une simple faculté dépourvue de force obligatoire ; qu'en constatant par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait de ce chef, que la convention collective des cafés, hôtels et restaurants était applicable en l'espèce (cf. jugement entrepris du 29 novembre 2014, p. 2, alinéa 8), puis en procédant à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée de déterminée au seul motif que le salarié avait travaillé pour le compte de la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité d'assistant-concierge puis de voiturier dans le cadre de contrats saisonniers successifs au cours des années 1989 à 2010, la cour d'appel qui a rendu impérative une requalification qui n'était que facultative, a violé les dispositions de l'article 14.2 de la convention collective des cafés, hôtels et restaurants ;

ET ALORS, ENFIN, QU'en tout état de cause, en affirmant, à tort, « qu'une succession de contrats saisonniers peut caractériser une relation de travail à durée indéterminée lorsque le salarié est engagé chaque année pendant toute la période d'ouverture ou de fonctionnement de l'entreprise » (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 8), puis en procédant sur ce fondement à la requalification des contrats saisonniers conclus par M. Y... en une relation de travail à durée indéterminée, tout en constatant qu'en 1996 et 2011 M. Y... avait décliné l'offre qui lui était faite de conclure un contrat saisonnier avec la société Hôtel du Cap Eden Roc (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 9), ce dont il résultait que le salarié ne pouvait en aucun cas se prévaloir d'une reconduction systématique durant vingt ans de ses contrats saisonniers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1242-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-23836
Date de la décision : 18/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 juillet 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2018, pourvoi n°16-23836


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.23836
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