LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 avril 2016), que, par acte du 28 avril 1989, M. B... a donné à bail à Jean X... des parcelles agricoles ; que celles-ci ont été acquises par l'Etat puis revendues le 20 décembre 2012, par l'intermédiaire de la Safer, à M. et Mme Y..., l'acte stipulant que les terres étaient louées à M. José X..., fils du preneur d'origine ; que, par acte du 28 février 2013, M. et Mme Y... ont délivré congé pour reprise à M. X... ; que, par déclaration du 29 mai 2013, celui-ci a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en prorogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient que les acquéreurs ont cru à l'existence d'un bail régulier en délivrant congé à M. X... et que celui-ci, perçu par les tiers comme exploitant les parcelles en qualité de preneur à bail, ne justifie pas de la transmission régulière du bail dont son père, décédé [...] , bénéficiait ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X... qui invoquait la renonciation au droit de préemption que M. José X... avait été invité à régulariser le 17 septembre 2012, la promesse de vente du 26 novembre 2012 et la promesse d'achat par substitution à la Safer du 15 novembre 2012 au soutien du moyen tendant à établir que le bail lui avait été régulièrement cédé, avec l'accord du bailleur, et que la situation locative des biens était connue des derniers acquéreurs avant l'acquisition des terres, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Caston, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, déboutant Monsieur José X... de ses demandes, prononcé la nullité de la cession de bail consentie à Monsieur José X... par Monsieur Jean X... et, en conséquence, d'AVOIR dit que Monsieur José X... était occupant sans droit ni titre des parcelles cadastrées [...] , [...] ainsi que [...]et ordonné la libération de ces parcelles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les premiers juges, déjà saisis par Monsieur X... de tous les moyens qu'il reprend à nouveau, se sont déterminés par une motivation complète et pertinente, exempte de dénaturation comme de contradiction en appliquant exactement les principes régissant la matière, que la Cour adopte en conséquence d'autant que l'appelant ne la critique pas utilement ; qu'il y a seulement lieu d'ajouter que c'est vainement que Monsieur X... croit pouvoir arguer d'une poursuite du bail à son profit de plein droit en vertu de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime alors que Monsieur Jean X... son père est décédé [...] et qu'il résulte de l'aveu contenu dans les écritures de première instance de Monsieur José X... que celui-ci avait cessé toute exploitation en 1997 ; que du reste cette réalité résulte de plus fort de tout l'essentiel de l'argumentation de l'appelant visant à soutenir en totale contradiction avec l'article L. 411-34 précité, que le bailleur le 12 février 1998 avait autorisé son père de son vivant à lui céder le bail ; que le jugement doit donc être totalement confirmé, ce qui rend inutile l'examen des moyens sur la validité du congé et sur la demande subsidiaire de résiliation du bail (v. arrêt, p. 2 et 3) ;
et AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QU'aux termes de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, « le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé. Toutefois, le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles. Dans ce cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre cet âge. Pendant cette période aucune cession de bail n'est possible. Le preneur doit, dans les quatre mois du congé qu'il a reçu, notifier au propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le tribunal paritaire en contestation de congé » ; qu'il est constant que le preneur qui entend se prévaloir de ce texte doit justifier d'un bail rural régulier ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'étant né le [...] , Monsieur X... pourrait s'opposer à la reprise des parcelles sur le fondement de ce texte ; que les défendeurs lui opposent néanmoins, à titre principal, la nullité de la cession de bail dont il se prévaut, comme contraire aux dispositions de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime mais également 1690 du Code civil ; qu'ils soutiennent que le demandeur est en conséquence occupant sans droit ni titre et ne peut donc prétendre à la prorogation du bail inexistant ; qu'il résulte en effet du premier de ces textes que, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial, toute cession du bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit des descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés ; qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le Tribunal paritaire ; qu'il est constant que la faculté accordée au preneur de céder son bail à ses descendants majeurs ou émancipés constitue une dérogation qui ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations nées de son bail et ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur, ceux-ci étant appréciés tant au regard de la bonne foi du cédant qu'à celui des garanties présentées par le cessionnaire éventuel pour la mise en valeur de l'exploitation ; que c'est au bailleur qui invoque la mauvaise foi du preneur dans l'exécution du bail ou l'absence de garantie d'en rapporter la preuve ; qu'au surplus, l'article 1690 du Code civil dispose que « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique » ; qu'en matière de cession de bail rural, l'accomplissement de l'une ou l'autre des formalités du texte susvisé s'impose, quand bien même la cession aurait-elle été autorisée ; qu'elle n'est en effet inutile que pour rendre la cession du bail opposable au propriétaire qui l'aurait acceptée sans équivoque ; que Monsieur X... soutient quant à lui que ces textes ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce et invoque la prescription de l'action en nullité de la cession de bail ; qu'il est vrai qu'aux termes de l'article 1304 du Code civil, dans tous les cas où l'action en nullité n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que cependant, dès lors que la nullité est élevée par voie d'exception à l'encontre d'une action formée en exécution de l'acte argué de nullité, la prescription ne peut être opposée ; qu'en tout état de cause, en application de l'article 2224 du même Code, le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur B... a cédé les parcelles litigieuses à l'Etat et que, par la suite, Monsieur X... a été perçu par les tiers, et en particulier par la Direction départementale de l'environnement, comme étant titulaire d'un bail de neuf ans, ainsi qu'en attestent tant la convention pour indemnisation de perte de récolte du 24 février 1998, que l'avenant du 5 décembre 2002 aux termes duquel l'Etat a déduit du montant alloué à titre d'indemnité pour perte de récolte, le montant des fermages dus par Monsieur X... de septembre 1998 à septembre 2001 ; que de surcroît, par un courrier du 30 juillet 2012, le Service des domaines a bien informé Monsieur X... de la vente des parcelles à la SAFER afin de lui permettre d'exercer le droit de préemption qui serait attaché à sa qualité de preneur en place ; qu'enfin, avant la survenance du litige, les défendeurs ont eux-mêmes cru à l'existence d'un bail régulier, puisqu'ils ont délivré le congé attaqué devant ce Tribunal à Monsieur X... ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X... était bien perçu par les tiers comme exploitant les parcelles en qualité de preneur à bail ; que néanmoins, il est tout aussi constant que le courrier précité du 30 juillet 2012 ne fait nullement mention d'une cession de bail intervenue et évoque simplement le « bail dont votre père était titulaire, établi par Maître C... le 28 avril 1989, d'une durée de 9 années et ayant commencé à courir à compter du 1er mars 1988, reconduit par tacite reconduction depuis le 2 mars 1997 » ; que Monsieur X... produit certes aux débats copie d'une lettre manuscrite datée du 12 février 1998 attribuée à Monsieur B..., alors propriétaire des parcelles litigieuses, par laquelle il confirme à Monsieur Jean X... « son accord pour que (son) fils, José, assure la continuité de la location des dites pâtures », sans autre précision, notamment quant à la désignation des parcelles, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il s'agissait bien de la totalité des parcelles visées par le bail du 28 avril 1989 ; que l'acceptation à la cession apparaît d'autant plus équivoque que selon un relevé parcellaire de la MSA, daté également du 12 février 1998, la cession dont se prévaut aujourd'hui Monsieur X... serait intervenue le 1er janvier 1998, soit à une date antérieure à l'accord prétendument donné par Monsieur B... ; qu'en conséquence, la demande des consorts Y..., qui n'ont pu avoir connaissance de la cession litigieuse avant leur acquisition des parcelles le 20 décembre 2012, est recevable et ne peut se voir opposer la prescription ; que sur le fond, faute pour le demandeur de rapporter la preuve de la conformité de la cession de bail aux conditions d'ordre public de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, il convient d'en prononcer la nullité ; que Monsieur X... sera en conséquence déclaré comme étant occupant sans droit ni titre ; que ne pouvant de ce fait prétendre au bénéfice de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, sa demande tendant à la prorogation du bail pour une durée lui permettant d'atteindre l'âge de la retraite sera rejetée ; que les défendeurs demandent au Tribunal d'autoriser l'expulsion de Monsieur X... sous astreinte de 300 € par jour de retard ; que Monsieur X... étant sans droit ni titre, il lui sera ordonné de libérer les lieux dans les conditions prévues au présent dispositif ; que les circonstances de l'affaire ne justifient pas le prononcé d'une astreinte, la demande de ce chef sera donc rejetée (v. jugement, p. 2 et 3) ;
1°) ALORS QUE les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs écritures ; qu'en retenant, par motifs propres, que Monsieur X... croyait pouvoir arguer d'une poursuite du bail à son profit de plein droit en vertu de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime bien que son père soit décédé [...] , qu'il résultait de l'aveu contenu dans ses écritures de première instance qu'il avait cessé toute exploitation en 1997 et que cette réalité résultait de plus fort de son argumentation visant à soutenir, en contradiction avec l'article L. 411-34 précité, que le bailleur, le 12 février 1998, avait autorisé son père de son vivant à lui céder le bail, quand, dans ses écritures d'appel, Monsieur X... faisait valoir, à titre principal, que soit Monsieur B... avait donné son agrément à une cession de bail dans les termes de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, de sorte qu'il avait continué le bail du 28 avril 1989 renouvelé par tacite reconduction depuis le 1er mars 1997, soit il s'était opéré un nouveau bail entre Monsieur B... et lui-même à compter du 1er mars 1988, et qu'à supposer inexistante cette transmission du bail à son profit par son père et faute d'un congé délivré à celui-ci pour le 1er mars 1997, le bail s'était poursuivi par tacite reconduction pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 1997 pour se terminer le 28 février 2006 et que, son père étant décédé le [...] , le bail avait été transmis de plein droit à son profit, conformément aux dispositions de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, et avait été renouvelé par tacite reconduction à compter du 1er mars 2006 et, à titre subsidiaire, à supposer que puisse être contestée cette transmission du bail dans les termes de l'article L. 411-34 précité, elle trouvait son fondement dans l'article 1742 du Code civil, à défaut d'une demande de résiliation du bail dans les six mois du décès de son père en application de ce même article L. 411-34, la Cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux, se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, dans ce cas, le bail étant prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre cet âge et, pendant cette période, aucune cession du bail n'étant possible ; qu'ayant ajouté, par motifs adoptés, qu'il n'était pas contesté qu'il ressortait de la convention pour indemnisation de perte de récolte du 24 février 1998, de son avenant du 5 décembre 2002 et d'un courrier du 30 juillet 2012 du service des Domaines, que Monsieur X... était perçu par les tiers comme exploitant les parcelles litigieuses en qualité de preneur à bail, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime ;
3°) ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner l'ensemble des éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en ajoutant encore, par motifs adoptés, que le courrier du 30 juillet 2012 du service des Domaines ne faisait nullement mention d'une cession de bail intervenue, évoquant simplement le bail dont le père de Monsieur X... était titulaire, établi par acte notarié, sa date, sa durée, son début et sa tacite reconduction depuis le 2 mars 1997, qu'une lettre manuscrite du 12 février 1998, attribuée à Monsieur B..., alors propriétaire des parcelles, confirmait à Monsieur Jean X... son accord pour que son fils José assure la continuité de la location desdites pâtures, sans autre précision, de sorte qu'il n'était pas démontré qu'il s'agissait de la totalité des parcelles litigieuses, et que le relevé parcellaire de la MSA de la même date laissait apparaître une acceptation équivoque à ladite cession, de sorte que les époux Y... n'avaient pu avoir connaissance de la cession litigieuse avant leur acquisition des parcelles le 20 décembre 2012, sans examiner la renonciation au droit de préemption du 17 septembre 2012, la promesse unilatérale de vente du 26 novembre 2012 et la promesse unilatérale d'achat par substitution du 15 novembre 2012, versées aux débats par Monsieur X..., établissant, sans la moindre ambiguïté, sa qualité de fermier des parcelles, connue des époux Y..., la Cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à antérieure à celle issue de l'ordonnance du 20 février 2016 ;
4°) ALORS QUE le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux, se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, dans ce cas, le bail étant prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre cet âge et, pendant cette période, aucune cession du bail n'étant possible ; qu'au demeurant, en déduisant du courrier du 30 juillet 2012 du service des Domaines, de la lettre du 12 février 1998 et du relevé parcellaire le caractère équivoque de la cession, dont les époux Y... n'avaient pas pu avoir connaissance avant leur acquisition des parcelles le 20 décembre 2012, sans rechercher dans quelle mesure l'existence de cette cession ne pouvait pas être contestée ni ignorée par les intéressés comme établie par la renonciation au droit de préemption du 17 septembre 2012, par la promesse unilatérale de vente du 26 novembre 2012 et par la promesse unilatérale d'achat par substitution du 15 novembre 2012, versées aux débats par Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime ;
5°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant enfin d'office, par motifs adoptés, que sur le fond, faute pour Monsieur X... de rapporter la preuve de la conformité de la cession de bail aux conditions d'ordre public de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, il convenait d'en prononcer la nullité, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.