LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 28 août 1989 par la société imprimerie Jean D..., devenue D... Z..., en qualité de receveur ; que la société a été placée en redressement judiciaire par jugement du 22 février 2011 ; que le 6 octobre 2011, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession totale des actifs, ordonné le transfert de 251 contrats de travail au profit de la société H2D et autorisé le licenciement, dans le délai d'un mois, des salariés non repris, dont M. Y... ; que la société H2D a elle-même fait ensuite l'objet d'une procédure collective ; que, par lettre du 24 octobre 2011, les administrateurs judiciaires ont proposé au salarié un contrat de sécurisation professionnelle puis que, par lettre du 2 novembre 2011, le salarié, dont le contrat de travail était suspendu à la suite d'un accident du travail, a été licencié ;
Sur le premier et le second moyens réunis :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1226-9 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de nullité de son licenciement formée par le salarié, la cour d'appel retient qu'il ressort des débats que les difficultés économiques ont conduit l'employeur à la liquidation judiciaire, à la suppression du poste de M. Y... et à son licenciement, de sorte que ce dernier a été licencié pour un motif étranger à son accident du travail ;
Qu'en statuant ainsi alors que le tribunal de commerce s'était borné à autoriser le licenciement de 202 salariés, dont le demandeur au pourvoi, et le transfert de 251 contrats de travail, ce dont il ne résultait pas que les difficultés économiques avaient placé l'employeur dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en conséquence de la cassation à intervenir, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause de la société H2D au profit de laquelle ont été transférés les contrats de travail des salariés non licenciés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe au passif de la procédure collective de la société Imprimerie D... Z... la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour défaut de recherche d'adaptation et de formation, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société H2d D... Z... et M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société H2d D... Z... et de M. A..., ès qualités, et les condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement économique de Monsieur Y... n'était pas nul et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande de fixation au passif de la société IMPRIMERIE D... C... la somme de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
AUX MOTIFS QUE, sur le motif économique, la cour relève que le salarié, qui se borne à contester le motif économique et la suppression corrélative de son poste, n'oppose aucun moyen à la partie intimée qui invoque 1'article L642-5 du code de commerce selon lequel le plan de cession arrêté régulièrement par le tribunal de commerce prévoit un nombre précis de licenciements, qui ne peuvent être remis en cause, une fois le jugement devenu définitif ; qu'il apparaît donc que le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 6 octobre 2011, devenu définitif, a autorisé le licenciement de M. Y..., qui ne peut plus être remis en cause ; qu'or le salarié ne conteste pas sérieusement que son licenciements a découlé de la suppression de son poste, que sur la nullité du licenciement, M. Y..., se fondant sur l'article L1226-7 4 alinéa 1er du code du travail, fait valoir que son licenciement est nul au motif qu'ayant subi un accident du travail, il a été licencié en violation de la disposition précitée, pendant la période de suspension de son contrat de travail ; que la lettre de licenciement est très explicite sur ce point et il ressort des débats que la réalité des difficultés économiques, non sérieusement contestée par le salarié, est établie ; qu'en l'espèce, il ressort des débats que ces difficultés économiques ont conduit l'employeur à la liquidation judiciaire, à la suppression du poste de M. Y... et à son licenciement, de sorte que M. Y... a été licencié pour un motif étranger à son accident du travail, ce qu'autorise l'article L1226-7 alinéa 1er précité ; que ce moyen n'est donc pas fondé : que la nullité ne saurait davantage être invoquée par M. Y... qui conteste la catégorie professionnelle "liaison sociale" dans laquelle il a été classé ; que le moyen n'est pas pertinent et s'analyse davantage en une contestation sur l'ordre des licenciements, M. Y... faisant valoir que des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle que lui ont été repris par la société H2D ; que le moyen n'est donc pas fondé ; qu'en tant que de besoin, il convient de préciser qu'il ressort des débats et des explications des parties à l'audience que M. Y... demeurait le seul salarié de l'entreprise exerçant l'activité de retoucheur cylindre et que son poste a été supprimé sans qu'il puisse valablement contester l'ordre des licenciements établi par les mandataires.
ALORS QUE l'employeur qui licencie un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, en invoquant l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, doit énoncer dans la lettre de licenciement le ou les motifs qui rendent ce maintien impossible, à peine de nullité du licenciement ; que ni l'existence d'un motif économique de licenciement ni l'application des critères de l'ordre des licenciements ne caractérisent, à eux seuls, l'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail ; qu'outre l'énoncé des raisons économiques motivant le licenciement, la lettre doit préciser en quoi celles-ci placent l'employeur dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail ; qu'en énonçant que la lettre de licenciement était très explicite sur ce point, quand la lettre de licenciement se bornait à viser le jugement en date du 6 octobre 2011 rendu par le tribunal de commerce de Meaux arrêtant le plan de cession de la société IDM – Imprimerie D... Z... au profit de la société H2D, ainsi que l'autorisation de supprimer plusieurs postes, dont celui de Monsieur Y..., la cour d'appel a violé les articles L.1232-6 et L.1226-9 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement économique de Monsieur Y... n'était pas nul et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande de fixation au passif de la société IMPRIMERIE D... C... la somme de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen.
ALORS QUE l'existence d'un motif économique de licenciement pas plus que l'application des critères de l'ordre des licenciements ne caractérisent pas, à eux seuls, l'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail ; qu'en énonçant de façon péremptoire sans autre justification ni examen que les difficultés économiques, non sérieusement contestées par le salarié, avaient conduit l'employeur à la liquidation judiciaire, à la suppression du poste de Monsieur Y... et à son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L.1226-9 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR dit le licenciement économique de Monsieur Y... justifié par une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande de fixation au passif de la société IMPRIMERIE D... C... la somme de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour non-respect des critères d'ordre des licenciements.
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen.
ALORS QUE, pour la mise en oeuvre des critères présidant à l'ordre des licenciements, le choix des salariés doit se faire dans le cadre de l'ensemble de l'entreprise, parmi les salariés appartenant à une même catégorie professionnelle ; que si la notion de catégorie professionnelle vise l'ensemble des salariés exerçant dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, elle ne se réduit pas à un emploi déterminé ; que, pour débouter Monsieur Y... de sa demande de dommages-intérêts pour violation des critères présidant à l'ordre des licenciements, la Cour d'appel a énoncé que le salarié demeurait le seul de l'entreprise exerçant l'activité de retoucheur cylindre et que son poste avait été supprimé sans qu'il puisse valablement contester l'ordre des licenciements établi par les mandataires ; en confondant les notions de poste et de catégorie professionnelle, la Cour d'appel a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants et, partant, a violé l'article L.1233-5 du code du travail.
ALORS encore à cet égard QU'en se dispensant d'examiner, comme elle y était pourtant invitée, si Monsieur Y... ne relevait pas de la même catégorie professionnelle que deux de ses collègues dont le poste avait été maintenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-5 du code du travail.