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10/01/2018 | FRANCE | N°16-21949

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 janvier 2018, 16-21949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 17 février 2011, la société Laporte ball-trap a commandé à la société Moteurs Leroy-Somer, avec laquelle elle était liée par une convention dite de compte client depuis 1999, des marchandises ; que ces dernières n'ayant pas été livrées, la société Laporte ball-trap a assigné en ré

solution du contrat de vente la société Moteurs Leroy-Somer, qui a reconventionnellement d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 17 février 2011, la société Laporte ball-trap a commandé à la société Moteurs Leroy-Somer, avec laquelle elle était liée par une convention dite de compte client depuis 1999, des marchandises ; que ces dernières n'ayant pas été livrées, la société Laporte ball-trap a assigné en résolution du contrat de vente la société Moteurs Leroy-Somer, qui a reconventionnellement demandé le paiement des commandes ;

Attendu que pour écarter les conclusions de la société Moteurs Leroy-Somer qui soutenait avoir, conformément à ses conditions générales de vente, refusé de livrer, en l'absence d'un règlement préalable des commandes, en raison de la dégradation des conditions de règlement par la société Laporte ball-trap, l'arrêt retient que la société Moteurs Leroy-Somer a commis une faute, en décidant soudainement d'exiger un paiement à la commande et en ayant recours à une clause des conditions générales de vente qu'elle n'appliquait pas jusque là à ses relations avec la société Laporte ball-trap, tout en poursuivant cependant par ailleurs certaines livraisons ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs, impropres à caractériser un manquement contractuel de la société Moteurs Leroy-Somer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de la société Laporte ball-trap et en ce qu'il ordonne la rectification de l'erreur matérielle du dispositif du jugement, l'arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Laporte ball-trap aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Moteurs Leroy-Somer la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Moteurs Leroy-Somer

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la société Moteurs Leroy-Somer, qui invoquait ses conditions générales de vente, avait reconnu ne pas avoir livré les commandes litigieuses, d'avoir jugé que la société Laporte Ball-Trap ne saurait être tenue du paiement des factures y afférentes, d'avoir prononcé la résolution judiciaire des contrats relatifs aux commandes non exécutées aux torts partagés des deux parties, d'avoir rejeté la demande de la société Moteurs Leroy-Somer tendant à la condamnation de la société Laporte Ball-Trap à lui verser la somme de 180.428,40 € en paiement des factures litigieuses et d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Moteurs Leroy-Somer ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la résolution des contrats : (
) il convient d'observer que les commandes litigieuses, dont il est constant qu'elles n'ont été ni livrées ni payées, datent de février 2011 et que personne ne soutient qu'elles auraient conservé la moindre pertinence à la date de la présente décision ; qu'il convient également de considérer que cet état de fait provient de l'attitude de chacune des parties : pour ce qui concerne la société Moteurs Leroy-Somer, en décidant soudainement d'exiger un paiement à la commande, en ayant recours à une clause des conditions générales de vente qu'elle n'appliquait pas jusque-là à ses relations avec la société Laporte Ball-trap, tout en poursuivant cependant par ailleurs certaines livraisons ; pour ce qui concerne la société Laporte Ball-trap, qui ne conteste pas que la clause des conditions générales de vente lui est opposable, en refusant de l'appliquer et de régler ses commandes lors de leur passation ; qu'il en résulte que c'est à bon droit et à juste titre que le tribunal de commerce, constatant que les commandes litigieuses n'avaient été ni livrées ni payées du fait de l'attitude respective des deux sociétés, a prononcé la résolution des contrats afférents ; que cette résolution a pour conséquence la disparition pour la société Moteurs Leroy-Somer de son obligation de livrer, et pour la société L. Ball-trap de son obligation de payer, de sorte que la demande du fournisseur de condamner sa cliente à payer est sans objet ; que sur les demandes de dommages-intérêts : la société Moteurs Leroy-Somer demande en sus la condamnation de la société Laporte Ball-trap à lui payer 20.000 € à titre de dommages-intérêts ; qu'elle fonde sa demande sur la mauvaise foi qu'elle impute à sa cliente, alors qu'elle même aurait fait preuve de bonne foi en l'aidant à surmonter ses difficultés financières ; que pour autant, comme énoncé ci-dessus, il apparaît que le litige résulte de l'attitude croisée des parties, et la société Moteurs Leroy-Somer, qui ne démontre ni la faute exclusive de sa cliente, ni ne parvient utilement à chiffrer un véritable préjudice, doit être déboutée de sa demande, comme l'a fait le tribunal de commerce, sous réserve de rectifier une erreur matérielle qui l'a fait débouter deux fois la société Laporte Ball-trap dans son dispositif, au lieu de une fois la société Laporte Ball-trap et une fois la société Moteurs Leroy-Somer, des demandes respectives de dommages-intérêts ; que de même, la société Laporte Ball-trap demande la condamnation de son fournisseur à lui payer la somme de 50.000 € en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi ; que pour autant, le préjudice dont elle fait état a pour l'essentiel été causé par son propre refus de payer ses commandes lors de leur formulation, et elle a été à bon droit déboutée par le tribunal de commerce ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande de résolution judiciaire : l'article 1184 du code civil dispose que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances » ; que la société Laporte Ball-Trap sollicite la résolution judiciaire du contrat ; qu'en l'espèce, la société Laporte Ball-Trap n'a pas procédé au règlement intégral de son encours financier et la société Moteurs Leroy Somer n'a pas, de son côté, procédé à la livraison intégrale de la marchandise ; que la société Laporte Ball-Trap estime que les livraisons n'ont pas été respectées et n'a pas réceptionné des livraison en 2014 qui auraient dû être livrées en 2011 et 2012 ; que la société Moteurs Leroy-Somer estime, quant à elle, avoir fabriqué des éléments spécifiques pour la société Laporte Ball-Trap et freiné les expéditions pour les problèmes financiers ; qu'il apparaît manifeste que la société Moteurs Leroy-Somer n'aurait pas dû lancer la fabrication des articles avant d'avoir résolu les problèmes financiers ; qu'elle ne peut facturer des produits non livrés prétendus être en stock ; qu'il convient par conséquent de - constater que la société Moteurs Leroy-Somer a reconnu ne pas avoir livré à ce jour, les commandes n° BC110410, n° BC110414, n° BC110415, selon référence de la société Laporte Ball-Trap, et les vente n° 1500606, n° 150095 selon référence de la société Moteurs Leroy-Somer, - de dire et juger que la société Laporte Ball-Trap ne saurait être tenue au paiement des factures y afférentes, de prononcer la résolution judiciaire des contrats relatifs aux commandes non exécutées aux torts partagés des deux parties ; que sur la demande de dommages et intérêts : l'article 1147 du code civil dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ; que la société Laporte Ball-Trap sollicite que la société Moteurs Leroy-Somer soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ; qu'en l'espèce, la société Moteurs Leroy-Somer n'a pas procédé à la livraison intégrale de la marchandise dans l'attente du règlement par la société Laporte Ball-trap de son encours financier ; qu'en outre, la société Laporte ball-Trap ne rapporte pas les éléments nécessaires permettant de constater qu'elle a eu recours à d'autres fournisseurs ; qu'il apparaît manifeste que l'inexécution de l'obligation de délivrance de la société Moteurs Leroy-Somer incombe pour partie à l'inexécution de l'obligation de paiement de la société Laporte Ball-Trap ; qu'il convient par conséquent de rejeter la demande de dommages et intérêts formulée par la société Laporte Ball-Trap ; que sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société Moteurs Leroy-Somer : l'article 1382 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; que la société Moteurs Leroy-Somer sollicite que la société Laporte Ball-Trap soit condamnée à lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi ; que la société Moteurs Leroy-Somer n'apporte pas les éléments nécessaires qui permettent de justifier la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi ; qu'il convient par conséquent de rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Laporte Ball-Trap ;

1°) ALORS QUE les conditions générales de vente de la société Moteurs Leroy-Somer stipulaient que « nonobstant toutes conditions de règlement particulières prévues entre les parties, le vendeur se réserve le droit d'exiger, à son choix, en cas de détérioration du crédit du client (
), le paiement comptant, avant départ usine, de toutes les commandes en cours d'exécution » (article 7) ; que la société Moteurs Leroy-Somer faisait valoir qu'en application de cette clause, elle était fondée à refuser de livrer tant qu'elle n'était pas préalablement payée du prix (concl., p. 7, in fine) ; que la cour d'appel a constaté que « la société Moteurs Leroy-Somer n'a pas procédé à la livraison intégrale de la marchandise dans l'attente du règlement par la société Laporte Ball-Trap de son encours financier » (jugt, p. 5 § 7) ; qu'en jugeant que le vendeur ne pouvait facturer des produits non livrés et qu'il avait ainsi manqué à son obligation de livraison, tandis qu'il était contractuellement autorisé à exiger le paiement comptant, avant la livraison des marchandises, de sorte qu'aucun manquement contractuel ne pouvait lui être reproché, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE la résolution judiciaire d'un contrat ne peut être prononcée aux torts partagés que lorsque les deux parties ont manqué à leurs obligations contractuelles respectives et que ces manquements sont d'une gravité suffisante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acheteur ne contestait pas que la clause permettant au vendeur d'exiger un paiement comptant lui était opposable et qu'il avait cependant refusé de payer ainsi ses commandes (arrêt, p. 7 § 1) ; qu'en affirmant néanmoins, pour prononcer la résolution judiciaire des ventes aux torts partagés, que le vendeur avait manqué à ses obligations contractuelles « en décidant soudainement d'exiger un paiement à la commande, en ayant recours à une clause des conditions générales de vente qu'elle n'appliquait pas jusque-là dans ses relations avec la société Laporte Ball-Trap, tout en poursuivant par ailleurs certaines livraisons » (arrêt, p. 6, in fine) et que le vendeur n'aurait pas dû lancer la fabrication des articles avant que les problèmes financiers de l'acheteur soient résolus (jugt, p. 5 § 2), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un manquement contractuel de la société Moteurs Leroy-Somer et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;

3°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en jugeant cependant que la société Moteurs Leroy-Somer n'était pas en droit d'invoquer la clause de ses conditions générales de vente stipulant un paiement comptant avant départ usine, parce qu'elle ne l'avait pas appliquée jusqu'alors, sans caractériser de renonciation certaine et non équivoque à se prévaloir de cette clause, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

4°) ALORS QU' en toute hypothèse, en ne caractérisant pas de comportement de mauvaise foi de la société Moteurs Leroy-Somer, de nature à la priver du droit de se prévaloir de cette clause de ses conditions générales de vente, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

5°) ALORS QUE seul un manquement contractuel d'une gravité suffisante peut justifier la résolution judiciaire d'un contrat ; qu'il importe peu qu'au jour où la cour d'appel statue les marchandises que l'acheteur s'est abstenu de payer ne lui soient plus utiles ; qu'en jugeant cependant que les commandes litigieuses dataient de février 2011 et que personne ne soutenait qu'elles auraient conservé la moindre pertinence à la date de l'arrêt rendu le 7 juin 2016, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé l'article 1184 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21949
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 07 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jan. 2018, pourvoi n°16-21949


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21949
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