LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 janvier 2016), que Mme A... a été engagée le 5 octobre 2010 par Mme Y..., exerçant la profession d'avocat, en qualité de secrétaire juridique ; que placée en arrêt maladie le 3 février 2012 et faisant l'objet d'un avis d'inaptitude du 12 novembre 2012 émis par le médecin du travail, Mme A... a été licenciée pour inaptitude par lettre du 26 décembre 2012 ; qu'estimant que son inaptitude avait été causée par des faits de harcèlement moral, la salariée a saisi, le 8 avril 2013, la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a été victime de harcèlement moral, de déclarer nul son licenciement, de le condamner à payer à la salariée des dommages- intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des connaissances personnelles ou le résultat de ses propres investigations ; que pour dire que Mme A... aurait été victime de harcèlement moral, la cour d'appel s'est notamment fondée sur l'enquête préliminaire relative aux plaintes déposées par Mme Y..., quand il résultait des propres énonciations de l'arrêt que cette enquête lui a été directement communiquée par le procureur général ; qu'en se fondant ainsi sur des éléments de preuve qui n'avaient pas été produits par les parties, et qui étaient hors débats, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que la cour d'appel a énoncé que « par lettre du 29 septembre 2015, le président de la chambre a invité les parties à prendre connaissance de ces documents » ; que cette lettre du 29 septembre 2015 a été adressée au précédent conseil de Mme Y..., de sorte que celle-ci n'en a pas eu connaissance, et n'a pas pu en débattre contradictoirement ; qu'en fondant pourtant sa décision sur une pièce dont l'exposante n'avait pas eu connaissance, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que la cour d'appel, qui a reçu du procureur général communication de l'enquête préliminaire ouverte à la suite de la plainte déposée par l'employeur, a invité les parties à en prendre connaissance en précisant qu'elle serait débattue à l'audience et que l'employeur a sollicité le versement de nouvelles pièces sans demander que celles relatives à l'enquête préliminaire soient écartées des débats, en sorte que la cour d'appel n'a pas violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile, ni l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme A... a été victime de harcèlement moral, déclaré nul son licenciement, et condamné Mme Y... à payer à Mme A... les sommes de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le harcèlement moral ; qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme A... expose que les relations avec Mme Y... se sont dégradées à partir de septembre 2011 à l'occasion d'un changement de standard téléphonique qui avait rendu difficile l'accès au cabinet, ce qui avait suscité de la part de Mme Y... de l'agressivité à son égard sur le moment et par la suite ; que quotidiennement, soutient-elle, Mme Y... la dénigrait, l'insultait, la rabaissait ; que son époux qui passait régulièrement au cabinet lui faisait des remarques déplacées voire tendancieuses ; qu'en raison d'une souffrance psychologique intense liée au harcèlement qu'elle subissait, elle a dû consulter un médecin psychiatre en février 2012 qui lui a prescrit des arrêts de travail et des antidépresseurs pendant plusieurs mois ; qu'à l'issue des arrêts de travail, Mme Y... a continué de la harceler ; que d'une part, elle l'a accusée d'être à l'origine de la disparition de documents et a porté plainte contre elle ; que d'autre part, elle lui a reproché de s'être volontairement mis en arrêt de travail et l'a dénoncée auprès de la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'à l'appui de ces allégations, Mme A... produit les attestations dont les auteurs ont, aussi, été entendus par la gendarmerie : - Mme D... qui a travaillé dans le cabinet de Mme Y... avec Mme A... atteste (pièce 11 de Mme A...) que le jour du changement de standard téléphonique, Mme Y... a « incendié » Mme A... au téléphone ; - Mme E... employée de Mme Y... témoigne (pièce 10 de Mme A...) de ce que, à partir du mois d'avril 2011, Mme Y... changeait fréquemment d'humeur, accusait les secrétaires dont Mme A... d'avoir perdu un dossier alors qu'il était sur l'étagère de son bureau ou leur demandait d'accomplir des tâches d'ordre juridique ou comptable pour lesquelles elles n'avaient aucune compétence ; que Mme E... indique, par ailleurs, que le mari de Mme Y... venait régulièrement au cabinet la traitant ainsi que Mme A... de nulles ; que lors de son audition par les enquêteurs de la brigade de recherches de la gendarmerie, Mme E... a déclaré que Mme Y... avait dit à Mme A... qu'elle était bête et a expliqué que, comme Mme A..., elle embauchait le matin la peur au ventre et elle débauchait le soir en pleurant car Mme Y... pouvait « lui en mettre plein la figure » et que ce contexte de travail malsain l'avait conduite à un arrêt de travail pour dépression, - Mme O.. , secrétaire au cabinet de Mme Y..., indique (pièce 9 de Mme A...) qu'elle a constaté de la part de cette dernière et de son mari des propos injurieux envers Mme A... tels que : « A... ne sait pas s'habiller, elle s'habille en pute, elle n'arrêtait pas de bouffer, elle était sale, elle devrait dire qu'elle ne veut pas bosser au lieu de se mettre en arrêt maladie, elle ne trouvera plus de boulot, la pute de A... a un gros cul, elle est moche... » ; Mme O... ajoute que Mme Y... avait demandé à sa collègue de faire une attestation selon laquelle il n'y aurait pas de harcèlement moral au bureau et qu'elle avait dit à une autre secrétaire : « j'ai bien réfléchi, je vais licencier la salope de A..., je vais voir sur quoi je peux la licencier... » ; que le mari de Mme Y..., M. Z..., lui avait dit : « si un jour, je vous vois parler à la A... sur un parking ou autre, je vous fais virer tout de suite, ce n'est pas une fréquentation à avoir », - Mme F..., ex employeur de Mme A..., atteste (pièce 8 de Mme A...) en ces termes : « Laurence A..., mon amie, s'est confiée à moi lorsque je lui ai demandé de le faire. Oui, Laurence ne se confie pas facilement. Mais, moi je la voyais de plus en plus mal. Je lui ai demandé pourquoi. Elle pleurait tout le temps. Je lui ai posé des questions sur son travail. Très professionnelle, elle n'osait pas me parler des relations plus que difficiles entre elle et sa patronne, Frédérique Y.... J'ai compris très vite qu'il y avait un gros problème. Frédérique M. avait voulu employer Laurence en tant que secrétaire dans son cabinet malgré sa méconnaissance du droit. Très honorable de sa part, sauf que sa gentillesse s'est vite transformée en dictature pressante envers Laurence. Et, oui, une simple secrétaire ne peut devenir une assistante juridique parfaite en si peu de temps. D'ailleurs, Laurence a dû commencer une formation pour apprendre ce métier. Malheureusement, cela n'a pas suffi à calmer les tensions et Laurence est tombée dans la dépression avec beaucoup de pressions. Pendant son congé maladie, Laurence avait la peur au ventre en permanence. Alors, elle restait chez elle en pyjama dans son lit ou derrière l'ordinateur. Elle ne voulait pas sortir, se sentant menacée. Frédérique Y... a la folie des SMS, elle en envoyait même la nuit. Laurence est une femme travailleuse, sérieuse et très à l'écoute. On se lie facilement d'amitié avec elle. Comme je connaissais le tempérament un peu volcanique de Frédérique et la sensibilité de mon amie Laurence, j'ai conseillé à Frédérique de ne pas mélanger le travail et l'amitié. Elle ne m'a pas écouté et l'atmosphère s'est vite assombrie. Pendant l'arrêt maladie de Laurence, Frédérique a tout tenté pour lui nuire et indirectement à moi aussi. Elle a voulu faire croire à la caisse d'assurance maladie que Laurence travaillait de nouveau pour moi...je n'ai jamais rien dit de mal sur Frédérique mais je trouve qu'elle abuse vraiment de son statut d'avocat. Non, elle n'a pas tous les droits et surtout pas celui de harceler moralement Laurence » ; que le mari de Laurence A..., M. Olivier A..., affirme (pièce 6 de Mme M.) qu'il a acheté une bombe lacrymogène à sa femme et à sa fille en cas de menace physique de Mme Y... et de son époux et qu'il avait constaté le changement d'humeur de sa femme avant son arrêt maladie en raison de l'attitude de Mme Y... qui l'humiliait, lui faisait faire des faux dans les dossiers et ne respectait jamais les horaires de travail ou la payait en retard, et pendant son arrêt maladie, lui faisait du chantage aux indemnités journalières, l'avait dénoncée à l'assurance maladie et avait recruté des détectives privés qui se cachaient dans leur village » ; que Mme O.... , a confirmé devant les gendarmes (pièce 18 de l'enquête préliminaire) que Mme Y... avait engagé un détective privé pour surveiller Mme A... pendant son arrêt maladie et qu'elle lui avait dit qu'elle allait mettre les renseignements généraux sur le coup car elle pensait que Mme A... travaillait pour son ancienne collaboratrice, Me G..., et qu'en tout état de cause, elle allait « la fumer » ; que Mme O... a, en outre, déclaré aux enquêteurs que Mme Y... se servait de ses clients pour faire de faux témoignages ; que ces déclarations corroborent le témoignage de M. A... ; que conformément aux allégations de Mme A... et des déclarations de son époux, l'enquête préliminaire a mis en évidence un acharnement procédural de la part de Mme Y... pour contester l'arrêt de travail pour maladie de Mme A... ; qu'en effet, Mme Y... qui avait lu, par transparence, l'empreinte qui marquait le volet de l'arrêt de travail qui lui était destiné en qualité d'employeur indiquant comme motif de l'arrêt des faits de harcèlement, a, ainsi : - dénoncé à l'ordre des médecins le docteur H..., médecin traitant de Mme A..., en l'accusant d'avoir rédigé des certificats médicaux et des arrêts de travail de complaisance, - dénoncé Mme A... à la caisse primaire d'assurance maladie en laissant entendre qu'elle exerçait une activité professionnelle pendant ses arrêts de travail, - contesté la décision de la médecine du travail ayant prononcé l'inaptitude de Mme A... devant l'inspection du travail, - mandaté un cabinet de détective privé pour suivre Mme A..., - écrit à Mme A..., le 23 juillet 2012, qui avait sollicité des documents administratifs au titre de son arrêt de travail, qu'il n'était pas utile qu'elle s'emploie à perdre son temps dans des considérations inutiles et des futilités qui viendraient grever inutilement son temps et son budget ; qu'or, ainsi que l'ont relevé les enquêteurs (procès-verbal de synthèse de la section de recherches de la gendarmerie et feuillets 3 à 7 du procès-verbal d'investigations) ces dénonciations ou plaintes n'ont pas été suivies d'effet, le cabinet de détective privé a rendu un rapport ne faisant état d'aucune fraude et l'inspection du travail a confirmé l'avis d'inaptitude de Mme A... rendu par le médecin du travail ; que le docteur I..., psychiatre, certifie (pièce 7 de Mme A...) avoir examiné régulièrement Mme A... depuis le mois de février 2012 et avoir constaté un tableau persistant de souffrances psychologiques et de manifestations paroxystiques d'angoisse aiguës justifiant un traitement antidépresseur non négligeable et différents arrêts de travail depuis le début de l'année ; que le médecin écrit : « selon les déclarations de Mme A..., ce tableau de souffrance psychologique est intimement lié à un climat particulièrement délétère qui régnerait dans son milieu de travail excluant toute possibilité de réintégration. J'atteste que les déclarations répétées de Mme A... au cours des différents examens sont dénuées de contradiction et de tout signe évident permettant de douter de sa crédibilité. Je certifie, par ailleurs, que Mme A... n'avait jamais présenté au préalable de problèmes psychologiques » ; que malgré les résultats négatifs obtenus suite à ces différentes plaintes, Mme Y... a poursuivi Mme A... de sa vindicte en lui écrivant, le 24 décembre 2012, à l'issue de l'avis d'inaptitude, le courrier suivant (feuillet 5 du procès-verbal d'investigation) : « suite au départ d'une collaboratrice du cabinet, vous vous êtes volontairement placée en arrêt maladie à la date du 6 février 2012 et vous avez rompu toute communication avec le cabinet... » ; que de même, le 26 décembre 2012, Mme Y... a notifié à Mme A... son licenciement pour inaptitude et pour faute grave en raison, notamment, d'une dénonciation calomnieuse de faits de harcèlement moral ; que Mme Y... a, ainsi, méconnu, les dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail selon lesquelles aucune personne ne peut-être licenciée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement ou pour avoir relaté de tels agissements ; qu'or, à la date du licenciement, Mme A... n'avait ni porté plainte contre son employeur pour de tels faits ni saisi le conseil de prud'hommes d'une demande au titre du harcèlement ; qu'elle avait, seulement, évoqué cette situation lors de l'enquête diligentée par l'inspection du travail dans le cadre du recours exercé par Mme Y... ; que celle-ci savait, alors, de surcroît, que les procédures engagées contre Mme A... au sujet de la validité des arrêts de travail n'avaient pas abouti ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, pris ensemble, que ces faits laissent présumer l'existence d'un harcèlement dès lors que Mme Y... a dénigré et humilié Mme A... au cours de l'exécution de son contrat de travail et a exercé des pressions anormales sur la salariée de nature à porter atteinte à ses droits et à altérer sa santé pendant la période de suspension du contrat de travail en recourant à des moyens déloyaux ; que Mme Y... oppose, en premier lieu, le fait que Mme A... se contredit en prétendant que le harcèlement aurait débuté en septembre 2010 alors qu'elle a signé en septembre 2010 un nouveau contrat à durée déterminée et un contrat à durée indéterminée en octobre 2010 et qu'en 2011, Mme Y... lui a adressé des cartes postales affectueuses ; qu'elle ajoute pour démontrer sa bonne foi qu'elle a accepté un réaménagement du temps de travail de Mme A... fin 2011 et qu'elle lui a rendu service gratuitement au cours d'une procédure devant le TI de Jonzac ; que Mme A... ne conteste pas ces faits et a toujours soutenu que le début de la relation de travail s'était bien passé ; qu'elle estime que ses conditions de travail se sont dégradées à partir du mois de septembre 2011 ; que par ailleurs, les témoins entendus dans le cadre de l'enquête préliminaire ont précisé que Mme Y... alternait les phases de gentillesse et d'agressivité et de débordements, son ancienne secrétaire Mme J... qui a, pourtant, témoigné en sa faveur, décrivant, à cet égard, une personnalité bipolaire ; que l'argument de Mme Y... est donc inopérant pour prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en second lieu, Mme Y... fait valoir que Mme A... a connu en 2011 des difficultés personnelles et familiales importantes (un procès civil en cours, la pose d'un anneau gastrique et une thérapie familiale) qui expliqueraient, selon elle, sa dépression ; mais que, cette allégation n'est étayée par aucun élément de preuve et, à supposer établie une quelconque fragilité psychologique de Mme A... ce qui est démenti par le docteur I..., celle-ci ne pourrait en rien caractériser un élément objectif étranger à tout harcèlement ; que Mme Y... soutient, en troisième lieu, que les agissements dénoncés par Mme A... ne sont ni réels ni sérieux et s'inscrivent dans un contexte de tensions avec sa collaboratrice, Me G... qui a quitté le cabinet fin 2011 et s'est installée dans la même rue à [...] en tentant de détourner sa clientèle ; que Mme A... a, selon elle, voulu rejoindre Me G..., s'est mise en arrêt de travail, a coupé toute relation avec le cabinet et n'a pas hésité à s'afficher en public avec Me G... pour qui elle prospectait des clients ; que cela, soutient-elle, explique sa réaction tendant à contester les arrêts de travail ; mais, qu'ainsi que la cour l'a précédemment relevé, les arrêts de travail de Mme A... étaient justifiés par un état dépressif réactionnel avéré et les conclusions de l'enquête préliminaire sont très nettes sur les relations entre Mme A... et Me G... en ce qu'il n'a été constaté aucune collusion entre elles au détriment de Mme Y..., même si Mme A... avait pu confier à des tiers qu'elle aurait souhaité travailler avec Me G... qu'elle appréciait ; qu'il convient d'observer, à cet égard, que Mme Y... a porté plainte pour cette supposée entente frauduleuse entre Me G... et Mme A..., du chef d'association de malfaiteurs ce qui caractérise non seulement, une erreur manifeste d'appréciation sur cette qualification juridique de la part d'un avocat, mais, surtout, un abus de droit destiné à nuire aux personnes visées ; que de surcroît, Mme Y... persiste à invoquer les témoignages de Mme K... et de M. L... qui attesteraient de cette connivence (ses pièces 23 et 24) alors que d'une part, Mme J..., ex secrétaire de Mme Y..., a reconnu devant les enquêteurs (pièce 25 de l'enquête préliminaire) que M. M..., client de Mme Y..., avait établi, à la demande de celle-ci, une attestation contre Mme A..., moyennant une ristourne sur les honoraires d'avocat et d'autre part, que le couple K.../P... a déclaré aux enquêteurs que l'époux de Mme Y..., M. Z..., leur avait demandé de rédiger une attestation contre Mme A... dont ils savaient que le contenu était inexact ; qu'il en résulte que Mme Y... associant de façon erronée le sort de Me G... et de Mme A..., a déclenché les représailles décrites plus haut à l'encontre de cette dernière, accentuant, ainsi, le processus de harcèlement tout en recourant, par ailleurs, à des manoeuvres susceptibles de revêtir une qualification pénale pour s'en exonérer de sorte que ces circonstances ne peuvent constituer des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de nature à justifier son comportement ; qu'en quatrième lieu, Mme Y... verse aux débats de nombreuses attestations de clients et celles de deux ex salariées (ses pièces 74 à 96) faisant état d'une bonne ambiance dans le cabinet d'avocat et du comportement respectueux de Mme Y... à l'égard du personnel, dont Mme A... ; que les témoignages des clients qui se déplaçaient épisodiquement au cabinet d'avocat et qui émettent en des termes généraux un avis sur la gentillesse et sur le caractère attentionné de Mme Y... ne sont pas suffisamment circonstanciés pour rendre compte des relations précises entre les deux intéressées qui ont, au surplus, évolué dans le temps comme exposé plus haut, notamment par Mme F... qui évoque, même, une relation amicale entre l'employeur et la salariée durant la première période de leur collaboration ; qu'il en est de même de l'attestation de Mme N..., délivrée, tant à titre d'ancienne salariée que de cliente du cabinet (pièces 84 et 108) qui se borne à affirmer que Mme Y... était un bon employeur ; que si, Mme J... qui a travaillé comme secrétaire dans le cabinet de Mme Y... atteste ne pas avoir été témoin de faits pouvant justifier les accusations de harcèlement moral portées par Mme Y... à l'encontre de Mme A... et que leurs relations ont toujours été en adéquation avec le travail du cabinet, ce témoin a, néanmoins, fait part aux enquêteurs du caractère bipolaire de Mme Y... rendant son humeur très versatile et suscitant des débordements dont elle ne s'offusquait pas personnellement contrairement aux autres secrétaires ; que Mme J..., tout en reconnaissant les excès du comportement de Mme Y... n'en tire pas les mêmes conséquences que Mme A... et ses collègues de travail ; mais que, surtout, elle ne fait nullement référence à l'acharnement procédural dont a été victime Mme A... de façon injustifiée pendant la suspension de son contrat de travail ; qu'il découle de ce qui précède que l'ensemble de ces témoignages ne constituent pas des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de nature à justifier le comportement de Mme Y... ; que la demande faite six jours avant l'audience de plaidoiries par Mme Y... en vue d'obtenir de la cour qu'elle entende ces témoins sera, en conséquence, écartée ; qu'en cinquième lieu, Mme Y... conteste l'existence d'un lien de causalité entre les arrêts de travail et les prétendus faits de harcèlement ; qu'elle expose, notamment, que les arrêts de travail dont Mme A... a bénéficié au cours de l'année 2012 ne sont pas produits aux débats et que l'ordonnance d'antidépresseurs délivrée en mars 2012 n'a pas été renouvelée ; qu'il doit être rappelé que malgré les multiples dénonciations ou recours de Mme Y... sur la sincérité des arrêts de travail, ceux-ci ont été validés par la caisse primaire d'assurance maladie étant précisé que l'enquête préliminaire n'a mis en évidence aucune fraude commise, à cet égard, par Mme A... ; que c'est Mme Y..., elle-même, qui s'est emparée du motif du harcèlement en lisant par transparence l'empreinte laissée sur l'exemplaire de l'arrêt de travail qui lui était destiné et dont par souci du respect du secret médical, elle n'aurait pas dû chercher à prendre connaissance ; qu'en tout état de cause, l'attestation détaillée du docteur I... déjà citée, la déclaration d'inaptitude pour danger immédiat prononcée par le médecin du travail et la décision de l'inspection du travail indiquant explicitement que l'avis d'inaptitude était motivé par l'état des relations professionnelles entre Mme Y... et Mme A... établissent l'origine liée au harcèlement de ces arrêts de travail, peu important le renouvellement ou pas d'une ordonnance d'antidépresseurs, étant observé que l'attestation d'un pharmacien de [...] (pièce 143) certifiant que l'ordonnance n'a pas été renouvelée, a été rédigée et versée aux débats en violation du secret médical et ne peut, en conséquence, être retenue par la cour ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que le harcèlement moral subi par Mme A... est établi ; que les circonstances du harcèlement et les séquelles d'ordre psychologiques en résultant justifient qu'il soit alloué la somme de 5000 euros à Mme A... en réparation de son préjudice ; que sur le licenciement : qu'aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, tout disposition ou acte contraire est nul ; qu'en l'espèce, la cour a, par les motifs ci-dessus énoncés, retenu que Mme Y... avait licencié Mme A... d'une part, pour faute en lui reprochant, à tort, d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et commis des infractions pénales et d'autre part, pour inaptitude alors que celle-ci avait pour origine des agissements de harcèlement ; qu'il s'ensuit que ce double motif de licenciement a méconnu les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail et que la nullité du licenciement doit, en conséquence, être prononcée ; qu'au regard des circonstances de la rupture, de l'ancienneté de la salariée dans le cabinet d'avocat et de ses capacités à retrouver un emploi, il y a lieu d'accorder à Mme Y... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail y compris les frais de formation à l'ENADEP » ;
ALORS 1/ QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des connaissances personnelles ou le résultat de ses propres investigations ; que pour dire que Mme A... aurait été victime de harcèlement moral, la cour d'appel s'est notamment fondée sur l'enquête préliminaire relative aux plaintes déposées par Mme Y... (arrêt, p. 8 et 9), quand il résultait des propres énonciations de l'arrêt que cette enquête lui a été directement communiquée par le procureur général (arrêt, p. 3, antépénultième alinéa) ; qu'en se fondant ainsi sur des éléments de preuve qui n'avaient pas été produits par les parties, et qui étaient hors débats, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme ;
ALORS 2/ QUE la cour d'appel a énoncé que « par lettre du 29 septembre 2015, le président de la chambre a invité les parties à prendre connaissance de ces documents [l'enquête préliminaire] » ; que cette lettre du 29 septembre 2015 (V. productions) a été adressée au précédent conseil de Mme Y..., de sorte que celle-ci n'en a pas eu connaissance, et n'a pas pu en débattre contradictoirement ; qu'en fondant pourtant sa décision sur une pièce dont l'exposante n'avait pas eu connaissance, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme.