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10/01/2018 | FRANCE | N°15-29038

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 janvier 2018, 15-29038


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 1er décembre 1973 en qualité de cadre administratif par la société Y... et compagnie, devenue la société B... Y... , société anonyme avec directoire et conseil de surveillance jusqu'en 2002 ; que le salarié, qui était directeur administratif et financier depuis 1975, a été appelé le 27 août 1980 au directoire par le conseil de surveillance qui l'a nommé directeur général ; que le 31 mai 1995, le conseil de surveillan

ce a conféré à M. Y... la qualité de président du directoire pour quatre ans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 1er décembre 1973 en qualité de cadre administratif par la société Y... et compagnie, devenue la société B... Y... , société anonyme avec directoire et conseil de surveillance jusqu'en 2002 ; que le salarié, qui était directeur administratif et financier depuis 1975, a été appelé le 27 août 1980 au directoire par le conseil de surveillance qui l'a nommé directeur général ; que le 31 mai 1995, le conseil de surveillance a conféré à M. Y... la qualité de président du directoire pour quatre ans à compter du 1er juin 1995, l'intéressé succédant dans ce mandat à M. B... ; que le 31 mai 1995, MM. B... et Y... ont signé un avenant au contrat de travail de ce dernier, précisant que cette nomination n'affectait pas son contrat de travail ; que le 20 avril 2007, le conseil de surveillance de la société B... Y... , présidé par M. B..., laquelle était devenue en 2002 une société par actions simplifiée à directoire et conseil de surveillance, a approuvé le projet de transformation de la société en société par actions simplifiée à conseil d'administration ; que le même jour le conseil d'administration a nommé M. Y... président et décidé qu'il assumerait la direction générale avec le titre de président directeur général ; que le 30 juillet 2009, le fonds d'investissement First Eagle étant devenu l'actionnaire majoritaire de la société Holding Finel, qui détenait 99,99 % du capital de la société B... Y... , le nouveau conseil a nommé M. Y... président de cette société ; que ce mandat de président a été confirmé lors d'une réunion tenue le 14 décembre 2010 sous la présidence de Mme C..., présidente du conseil de la société Holding Finel ; que le 2 décembre 2011, M. Y... a été révoqué ; que par lettre du 6 décembre 2011, le nouveau président de la société a émis toutes réserves sur l'avenant du 31 mai 1995 qu'il venait de recevoir du conseil de M. Y..., lequel a été licencié pour faute grave par lettre du 23 décembre 2011 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale qui, par jugement du 11 juillet 2013 statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société, a dit qu'il existait un contrat de travail entre M. Y... et la société B... Y... ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du moyen ci-après annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre autres branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute grave et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur qui prononce un licenciement pour faute grave a la charge de prouver l'existence des agissements gravement fautifs personnellement et directement imputables au salarié ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait elle-même que l'avenant du 31 mai 1995 avait été signé par M. Y... et par M. B..., en sa qualité de président du directoire et que la société avait émis des bulletins de paye à compter du 1er juin 1995 en faveur de M. Y..., qui était devenu président du directoire, ce dont il résultait des pièces du dossier que la société ne devait, ni ne pouvait, ignorer ni l'existence de l'avenant signé par son représentant légal ni l'existence des salaires et des bulletins émis par la DRH ; que les pièces du dossier excluaient, d'une part, la dissimulation et la fraude alléguées et l'existence de faits fautifs imputables au salarié licencié ; qu'en jugeant le contraire aux motifs inopérants que l'avenant n'avait pas été autorisé par le conseil de surveillance et n'apparaît pas sur les comptes rendus des réunions des organes statutaires jusqu'en 2011 et que M. Y... ne l'avait pas invoqué jusqu'à cette date quand il appartenait à l'employeur, eu égard à la charge de la preuve et en raison des dysfonctionnements internes de la société relevés par la cour d'appel jusqu'en 2011 de rapporter la preuve de la dissimulation frauduleuse et de son imputation personnelle au salarié et de la découverte des faits moins de deux mois avant le prononcé du congédiement disciplinaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que la faute grave est une faute personnelle, directement imputable au salarié, et qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait juger le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave après avoir elle-même relevé que, M. Pierre B..., alors président du directoire de la société employeur, avait conclu le 31 mai 1995 avec le salarié un avenant à son contrat de travail, ce dont il résultait que la société ne pouvait ignorer l'existence d'un contrat conclu par son propre représentant légal ni imputer au salarié une prétendue dissimulation, qui à supposer même qu'elle ait existé, était imputable à faute uniquement à ce représentant légal et non au salarié et qu'en tout état de cause, la dissimulation d'un avenant signé en mai 1995 n'était pas de nature à faire obstacle, en décembre 2011, soit à la poursuite du contrat de travail entre les parties ni à justifier le licenciement pour faute grave le 6 décembre 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que le licenciement pour faute grave suppose que l'employeur justifie de l'existence d'une faute personnelle, directement imputable au salarié, et dont la découverte rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dire justifié le licenciement pour faute grave intervenu le 6 décembre 2011 pour le seul motif tiré d'une prétendue dissimulation d'un avenant au contrat de travail conclu, seize ans plus tôt entre M. B..., alors président du directoire de la société employeur et le salarié, sans rechercher si la qualité de représentant légal de son signataire n'excluait pas nécessairement que la personne morale puisse légalement prétendre ignorer son propre engagement, et sans expliquer ni en quoi cette dissimulation - à la supposer établie- était personnellement imputable au salarié et non à son mandataire social ou à des dysfonctionnements internes, sans caractériser en quoi d'une part, cet avenant -qui n'était plus susceptible de s'appliquer après la cessation du mandat social de M. Y... était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail conclu en 1973 et d'autre part, à justifier le congédiement immédiat de ce salarié, qui comptait alors plus de trente-huit ans d'ancienneté; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et
L. 1234-9 du code du travail ;

4°/ que ne constitue pas une faute, a fortiori grave, le fait pour un salarié de réclamer, y compris à tort, le bénéfice d'un droit qu'il estime découler de son contrat de travail ; que, pour dire le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave, la cour d'appel a retenu que le salarié avait conclu, le 31 mai1995, avec le président du directoire un avenant fictif à son contrat de travail de 1973 et qu'il avait tenu secret la durée de son mandat social de président du directoire, dont la dissimulation était gravement fautive et frauduleuse ; qu'en statuant ainsi, quand la réclamation du salarié, même non-fondée, ne pouvait justifier son licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'avenant du 31 mai 1995 avait été signé par M. B..., qui n'avait pas la qualité de président du conseil de surveillance mentionné sur l'acte, que l'autorisation préalable du conseil de surveillance n'avait pas été demandée, que l'avenant litigieux n'apparaissait sur aucun compte rendu des réunions des organes statutaires de la société jusqu'en 2011 et qu'après le vote sur sa révocation le 2 décembre 2011, l'intéressé l'avait pour la première fois évoqué, la cour d'appel, qui a relevé que le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail avait couru seulement à compter du 2 décembre 2011, a estimé que les présidents successifs du directoire, MM. B... et Y..., avaient conclu, à l'insu du conseil de surveillance, un avenant contractuel fictif avec le dessein de sécuriser la situation de l'intéressé dans le groupe, que cet avenant avait été tenu secret aussi longtemps que M. Y... était resté titulaire de son mandat social, que la clandestinité maintenue par le bénéficiaire de l'acte manifestait l'intention frauduleuse de celui-ci au détriment des droits de la société; qu'elle a pu décider que cette faute rendait impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'une part, D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Philippe Y... prononcé par la S.A.S. B... Y... repose sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, débouté M. Philippe Y... de ses demandes de dommages intérêts, d'autre part, D'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Philippe Y... ne reposait pas sur une faute grave, et, statuant à nouveau, dit que le licenciement est justifié par une faute grave, D'AVOIR, débouté M. Philippe Y... de l'intégralité de ses demandes, et DE L'AVOIR, condamné à payer à la S.A.S. B... Y... la somme de cinq mille euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; que, sur le grief tiré de la dissimulation frauduleuse d'un avenant contractuel ne correspondant à aucune fonction salariée, que l'avenant du 31 mai 1995 a été signé par M. Philippe Y... et par Pierre B..., qui n'avait pas la qualité de président du conseil de surveillance, mentionnée sur l'acte, et n'avait reçu du conseil aucun mandat pour conclure ; que l'autorisation préalable du conseil de surveillance, prescrite par l'article 143 de la loi nº66-537 du 24 juillet 1966, devenu l'article L 225-86 du code de commerce, n'a pas été demandée ; que l'avenant litigieux n'apparaît sur aucun compte rendu des réunions des organes statutaires de la société jusqu'en 2011 ; que l'affirmation de M. Philippe Y..., selon laquelle le conseil de surveillance, les associés et les commissaires aux comptes avaient donné leur autorisation, n'a jamais reçu de début de démonstration ; que l'appelant ne justifie pas avoir même évoqué la situation de cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail, qu'il revendique, à l'occasion du changement de la forme de la société ou de la prise de participation majoritaire du fonds d'investissement FIRST EAGLE ; qu'il soutient néanmoins que la S.A.S. B... Y... a eu connaissance de l'avenant en émettant et en lisant ses fiches de paie successivement chaque mois et que, par conséquent, l'action en nullité est prescrite en application de l'article L 225-90 du code de commerce ; que, d'une part, il n'entre pas dans les attributions du conseil de surveillance de vérifier mois par mois les bulletins de paie émis par la direction des ressources humaines ; que, d'autre part, aucun autre emploi que « président » ou « président directeur général », n'a jamais été mentionné sur les bulletins de paie postérieurs à 1995 ; que sur ceux-ci figuraient tantôt deux rémunérations (« salaire de base » et « rémunération direct ») tantôt une seule (« salaire de base »), ces mentions étant insuffisamment explicites pour révéler l'existence d'un emploi salarié qui n'était pas autrement spécifié ; qu'en outre, la prescription triennale est sans application ici ; qu'en effet, la S.A.S. B... Y... n'exerce pas une action en nullité, et ne sollicite d'ailleurs aucune restitution ; que la présente instance a pour seul objet d'examiner la contestation par le salarié d'un licenciement motivé notamment par la dissimulation de l'avenant, dont l'absence d'autorisation du conseil de surveillance est un des indices ; que la lecture du procès-verbal de la réunion du conseil de la S.A.S. B... Y... en date du 2 décembre 2011 révèle qu'invité par la présidente à présenter ses observations sur la demande de révocation dont elle venait d'exposer les motifs, M. Philippe Y... s'est borné à solliciter une indemnisation de la rupture de son contrat de travail sans indiquer que l'exécution de ce contrat n'avait jamais cessé ; qu'après le vote sur sa révocation, il a pour la première fois évoqué l'avenant du 31 mai 1995 qu'il a dit avoir retrouvé deux jours plus tôt en rangeant son bureau ; que le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L 1332-4 du code du travail a donc couru à compter du 2 décembre 2011 seulement ; que l'avenant du 31 mai 1995 avait pour objet de confier à M. Philippe Y..., président du directoire à compter du 1er juin 1995, la direction des ressources humaines et du développement du groupe ; que l'appelant ne pouvait pourtant prétendre devenir directeur des ressources humaines dès lors que ce poste était déjà occupé par Pierre D... depuis 1991 ; que Pierre B... ne pouvait l'ignorer pour avoir engagé lui-même ce cadre ; qu'en avril 1996, M. Philippe Y... a remplacé Pierre D... par Didier E... dont il a signé le contrat de travail ; que la mission de développer le groupe était inhérente au mandat de président du directoire dont l'appelant était investi ; que ce dernier n'exerçait donc aucune fonction technique distincte de son mandat social ; que l'avenant, qui a eu pour objet de mettre obstacle à la suspension du contrat de travail pendant l'exercice du mandat était purement fictif ; qu'il ne pouvait et n'a fait l'objet de la part de M. Philippe Y... d'aucun acte d'exécution susceptible d'en révéler l'existence ; qu'il résulte des pièces et des débats que les présidents successifs du directoire, Pierre B... et M. Philippe Y... ont conclu, à l'insu du conseil de surveillance, un avenant contractuel fictif avec le dessein de sécuriser la situation de l'appelant dans le groupe ; que cet avenant a été tenu secret aussi longtemps que M. Philippe Y... est resté titulaire de son mandat social ; que la clandestinité maintenue par le bénéficiaire de l'acte manifeste l'intention frauduleuse de celui-ci au détriment des droits de la S.A.S. B... Y... ; que la faute ainsi commise justifiait à elle seule le licenciement de M. Philippe Y... sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, tant elle mettait immédiatement obstacle au maintien de l'intéressé dans l'entreprise même pour effectuer un préavis ; qu'en conséquence, M. Philippe Y... doit être débouté de l'intégralité de ses demandes » (arrêt pages 9 et 10) ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES En l'espèce, Monsieur Y... a pris seul l'initiative d'envoyer une lettre circulaire sur papier à en-tête B... Y... pour annoncer sa révocation et son départ de la société en utilisant le courrier électronique et la mailing liste de la société auprès de partenaires extérieurs constitués de clients, fournisseurs et concurrents et également auprès du personnel. Le Conseil d'Administration n'avait prononcé que sa révocation le 2 décembre 2011, rappelant qu'en droit, son contrat de travail n'était pas rompu malgré le mandat social. Or, dans sa circulaire, Monsieur Y... affirme que le Conseil d'B... Y... lui a demandé de quitter la société. Dans le même temps, s'appuyant sur l'avenant du 31 mai 1995, Monsieur Y... demandait sa réintégration. 11 existait une charte sur l'usage des ressources informatiques et des services internet au sein du groupe B... Y... , que Monsieur Y... ne pouvait ignorer, notamment les dispositions de l'article 4-1 «les accès aux réseaux et aux moyens informatiques du groupe B... Y... sont réservés à deslins professionnelles », ainsi que celles de l'article 8.3 sur le manquement des règles considérées comme fautif, «la violation des prescriptions ,,. pouvant aller en cas d'infraction sérieuse etjustement constatées jusqu'au licenciement pour motifs particulièrement graves». Lorsqu'il a utilisé ces moyens de communication, Monsieur Y... était redevenu salarié, en conséquence, il ne pouvait communiquer qu'à titre personnel, avec une diffusion personnelle. Passant outre, il a outrepassé ses droits vis-à-vis de son entreprise en ne respectant pas la charte.
Monsieur Y... reconnait cette utilisation et minimise la gravité en invoquant sa liberté d'expression et sans utiliser le moindre propos excessif, mais sans avoir respecté les termes d'une charte parfaitement claire qui le concernait particulièrement puisqu'il n'était plus mandataire social. Le matif ne concernait donc pas l'exécution de son mandat social mais bien celle de son contrat de travail, attitude sanctionnée par un arrêt de la Chambre Sociale du 15 juin 2008. En conséquence, Le Conseil considérera ce motif fondé, réel et sérieux mais le préjudice de la société n'étant pas réellement démontré, sa gravité ne sera pas reconnue, sur le comportement de Monsieur Y... En droit, Selon les dispositions de l'article L 4121-1 du Code du Travail, l'employeur à l'obligation de veiller à ce que les salariés investis de prérogatives hiérarchiques exercent celles-ci dans le respect de la dignité des personnes placées en état de subordination. En l'espèce, Monsieur Y... revendique une pratique professionnelle exigeante et irréprochable. La société B... Y... prétend que cette pratique pouvait provoquer la souffrance au travail de collaborateurs sur lesquels elle a l'obligation de veiller et qu'elle se devait de faire cesser et de prévenir, ce que Monsieur Y... conteste étant indiqué qu'aucunes informations précises n'ont été formulées lors de l'entretien préalable au licenciement et qu'ainsi les faits non circonstanciés seraient antérieurs aux 5 et 21 décembre 2011, voire prescrits. Monsieur Y... conteste les attestations et, par d'autres attestations, prétend démontrer la preuve de l'excellence de son management mais émanant de personnes n'ayant pas de contacts quotidiens avec lui, ces éléments ne contribueront pas à écarter les abus d'autorité même si Monsieur F..., dans ses écrits, cherche à dépasser les divergences passées, en communication interne, usant d'une courtoisie apaisante pour surmonter les changements occasionnés par le départ de ce dirigeant historique. Monsieur B..., Directeur administratif et financier, déplore le pouvoir sans partage, l'attitude humiliante, les dénigrements étant formulés devant d'autres personnes pour en amplifier encore l'impact, les colères imprévisibles, l'agressivité que Monsieur B... qualifie de «management par la terreur» faisant douter les collaborateurs de leur rôle et de leur avenir dans l'entreprise. Même si les faits sont imprécis, ils reflètent la violence du demandeur tout comme les propos dégradants qu'il a pu tenir et les insultes qu'il a pu proférer, ensemble de faits que la jurisprudence considère comme consécutifs d'une faute.
En conséquence, Le Conseil constatera que les faits relatés sont réels et sérieux et s'ils manquent de précision, ils contreviennent aux dispositions de l'article L4121-1 du Code du Travail et sont donc de nature à qualifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui ouvrira droit au versement d'indemnités de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

1°) ALORS QUE la contradiction entre deux chefs du dispositif commande l'annulation de la décision qui en est entaché dès lors qu'elle ne peut donner lieu à une requête en interprétation ; qu'en l'espèce, ayant tout à la fois confirmé dans son dispositif le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Philippe Y... prononcé par la S.A.S. B... Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts, tout en l'infirmant en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Philippe Y... ne reposait pas sur une faute grave, et, statuant à nouveau, dit que ce licenciement était justifié par une faute grave de sorte que M. Philippe Y... a été débouté de l'intégralité de ses demandes, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS AUSSI QUE le licenciement disciplinaire est prononcé soit pour faute simple, soit pour faute grave, soit pour faute lourde; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait tout à la fois dire, par motifs adoptés, que les faits relatés dans la lettre de licenciement constituaient une faute, qu'ils sont réels et sérieux et s'ils manquent de précision, ils contreviennent aux dispositions de l'article L.4121-1 du Code du travail et sont donc de nature à qualifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui ouvrira droit au versement d'indemnités de licenciement, d'indemnités compensatrices du préavis et de congés payés afférents (jugement page 9) et d'autre part que la clandestinité de l'avenant au contrat de travail tenu secret par Monsieur Y... caractérise une faute qui justifie à elle-seule le licenciement «tant elle mettait immédiatement obstacle au maintien de l'intéressé dans l'entreprise même pour effectuer un préavis » ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE l'employeur qui prononce un licenciement pour faute grave a la charge de prouver l'existence des agissements gravement fautifs personnellement et directement imputables au salarié ; qu'en l'espèce dès lors qu'elle constatait elle-même que l'avenant du 31 mai 1995 avait été signé par Philippe Y... et par Pierre B..., en sa qualité de Président du Directoire et que la société avait émis des bulletins de paye à compter du 1er juin 1995 en faveur de Philippe Y..., qui était devenu Président du Directoire, ce dont il résultait des pièces du dossier que la société ne devait, ni ne pouvait, ignorer ni l'existence de l'avenant signé par son représentant légal ni l'existence des salaires et des bulletins émis par la DRH ; que les pièces du dossier excluaient, d'une part la dissimulation et la fraude alléguées et l'existence de faits fautifs imputables au salarié licencié;
qu'en jugeant le contraire aux motifs inopérants que l'avenant n'avait pas été autorisé par le Conseil de Surveillance et n'apparaît pas sur les comptes rendus des réunions des organes statutaires jusqu'en 2011 et que M. Y... ne l'avait pas invoqué jusqu'à cette date quand il appartenait à l'employeur, eu égard à la charge de la preuve et en raison des dysfonctionnements internes de la société relevés par la cour d'appel jusqu'en 2011 de rapporter la preuve de la dissimulation frauduleuse et de son imputation personnelle au salarié et de la découverte des faits moins de deux mois avant le prononcé du congédiement disciplinaire; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail.

4°) ALORS, subsidiairement encore, QUE la faute grave est une faute personnelle, directement imputable au salarié, et qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait juger le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave après avoir elle-même relevé que, M. Pierre B..., alors président du directoire de la société employeur, avait conclu le 31 mai 1995 avec le salarié un avenant à son contrat de travail, ce dont il résultait que la société ne pouvait ignorer l'existence d'un contrat conclu par son propre représentant légal ni imputer au salarié une prétendue dissimulation, qui à supposer même qu'elle ait existé, était imputable à faute uniquement à ce représentant légal et non au salarié et qu'en tout état de cause, la dissimulation d'un avenant signé en mai 1995 n'était pas de nature à faire obstacle, en décembre 2011, soit à la poursuite du contrat de travail entre les parties ni à justifier le licenciement pour faute grave le 6 décembre 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°) ALORS, plus-subsidiairement, QUE le licenciement pour faute grave suppose que l'employeur justifie de l'existence d'une faute personnelle, directement imputable au salarié, et dont la découverte rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dire justifié le licenciement pour faute grave intervenu le 6 décembre 2011 pour le seul motif tiré d'une prétendue dissimulation d'un avenant au contrat de travail conclu, seize ans plus tôt entre M. Pierre B..., alors président du directoire de la société employeur et le salarié, sans rechercher si la qualité de représentant légal de son signataire n'excluait pas nécessairement que la personne morale puisse légalement prétendre ignorer son propre engagement, et sans expliquer ni en quoi cette dissimulation – à la supposer établie- était personnellement imputable au salarié et non à son mandataire social ou à des dysfonctionnements internes, sans caractériser en quoi d'une part, cet avenant - qui n'était plus susceptible de s'appliquer après la cessation du mandat social de M. Y... - était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail conclu en 1973 et d'autre part, à justifier le congédiement immédiat de ce salarié, qui comptait alors plus de trente-huit ans d'ancienneté; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

6°) ET ALORS, en tout état de cause et subsidiairement, QUE ne constitue pas une faute, a fortiori grave, le fait pour un salarié de réclamer, y compris à tort, le bénéfice d'un droit qu'il estime découler de son contrat de travail ;
que, pour dire le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave, la cour d'appel a retenu que le salarié avait conclu, le 31 mai 1995, avec le président du directoire un avenant fictif à son contrat de travail de 1973 et qu'il avait tenu secret la durée de son mandat social de président du directoire, dont la dissimulation était gravement fautive et frauduleuse; qu'en statuant ainsi, quand la réclamation du salarié, même non-fondée, ne pouvait justifier son licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-29038
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 23 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jan. 2018, pourvoi n°15-29038


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.29038
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