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10/01/2018 | FRANCE | N°15-27588

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 janvier 2018, 15-27588


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail, alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 5 octobre 1976 par la société UAP, devenue Axa, en qualité d'inspecteur du cadre stagiaire, a, après avoir effectué sa carrière en expatriation à partir de 1978 et en dernier lieu au Japon, quitté le groupe le 15 avril 1999, après signature, le 14 avril, d'un protocole d'accord dont il a demandé la nullité le 20 août 1999 ; que par arrêt du 20 novembre 20

01, la cour d'appel de Paris a déclaré le salarié irrecevable en ses demandes en p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail, alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 5 octobre 1976 par la société UAP, devenue Axa, en qualité d'inspecteur du cadre stagiaire, a, après avoir effectué sa carrière en expatriation à partir de 1978 et en dernier lieu au Japon, quitté le groupe le 15 avril 1999, après signature, le 14 avril, d'un protocole d'accord dont il a demandé la nullité le 20 août 1999 ; que par arrêt du 20 novembre 2001, la cour d'appel de Paris a déclaré le salarié irrecevable en ses demandes en paiement de diverses indemnités et dommages-intérêts par l'effet de la transaction ; qu'estimant, au vu des documents adressés par les organismes sociaux en prévision de sa retraite, que la société Axa France n'avait pas cotisé correctement auprès de ces organismes, l'intéressé a saisi le 22 juin 2010 la juridiction prud'homale pour demander la régularisation sous astreinte de sa situation auprès des organismes de retraite concernant les différents éléments de salaire et, à titre subsidiaire, le paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, dont celui résultant des irrégularités affectant les cotisations de retraite de certaines années ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes du salarié en application du principe de l'unicité de l'instance, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le litige est relatif à la base de calcul du montant des cotisations de retraite, que l'intéressé ne pouvait ignorer au moment de la saisine du conseil de prud'hommes le 20 août 1999 que ses droits à la retraite seraient calculés sur la base de son salaire de référence en France à l'exclusion de toute autre rémunération, et, par motifs propres, que le premier juge, après avoir examiné l'ensemble des contrats d'expatriation du salarié lesquels déterminaient la base de calcul de ses cotisations et le régime de retraite et de prévoyance qui lui serait appliqué, a considéré à juste titre que le fondement de la demande du salarié était déjà né lors de sa première instance, que si lors de la première instance en 1999, l'intéressé ne pouvait connaître le montant de sa future retraite, en revanche, l'assiette des cotisations était parfaitement déterminée et déterminable, qu'il pouvait ainsi, dès cette instance initiale, joindre à ses demandes principales toutes celles en découlant et notamment la régularisation de ses cotisations de retraite sur l'intégralité de ses rémunérations ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié sollicitait notamment l'indemnisation de son préjudice résultant des irrégularités affectant les cotisations de retraite de certaines années, et que le fondement de sa demande de dommages-intérêts ne s'est révélé qu'au moment de la liquidation de ses droits à pension de retraite, soit postérieurement à la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la précédente procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Axa France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevables les demandes de M. Y... et de l'avoir condamné à payer à la société Axa France la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article R.1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance ; que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'il ressort des pièces versées aux débats et il n'est d'ailleurs pas contesté que le 14 avril 1999, M. Y... et la société Axa France ont signé un protocole transactionnel, la société Axa France acceptant de payer une indemnité en réparation du préjudice moral, personnel et de carrière lié au retour de sa fin de mission au Japon et son retour en France ; que le 20 août 1999, M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin qu'il prononce la nullité du protocole, juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui alloue divers rappels de rémunération et indemnités ; qu'il a été débouté de l'intégralité de ses demandes ; que par arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2001, les demandes de M. Y... ont été déclarées irrecevables par l'effet de la transaction ; que le premier juge, après avoir examiné l'ensemble des contrats d'expatriation de M. Y... lesquels déterminaient la base de calcul de ses cotisations, et le régime de retraite et de prévoyance qui lui serait appliqué, a considéré, à juste titre et par des motifs adoptés par la cour, que le fondement de la demande de M. Y... était déjà né lors de la première instance ; que ses bulletins de salaires lui permettaient de contrôler le montant des cotisations ; que Monsieur Y... explique que ce n'est qu'en se renseignant sur ces différents points, en approchant de ses 60 ans, qu'il s'est rendu compte de la différence existant entre les cotisations réelles et celles qui auraient dû être payées et que sa créance était incertaine car dépendant de sa survie ; que toutefois, si en effet, lors de la première instance en 1999, M. Y... ne pouvait connaître le montant de sa future retraite, en revanche l'assiette des cotisations était parfaitement déterminée et déterminable ; qu'il en va de même de la discrimination qu'il allègue, sa revendication étant fondée sur la différence d'assiette des cotisations des expatriés et des salariés restés en France ; qu'il pouvait ainsi, dès cette instance initiale, joindre à ses demandes principales toutes celles en découlant, et notamment la régularisation de ses cotisations de retraite sur l'intégralité de ses rémunérations ; qu'enfin l'argumentation de M. Y... qui consiste à faire valoir que la transaction n'a pu régler un différend relatif à l'ouverture de ses droits futurs à pension de retraite est inopérante dès lors que, précisément, il a contesté cette transaction devant le conseil de prud'hommes et pouvait donc joindre à cette demande ses revendications en matière de cotisations de retraite, ce qui aurait permis au conseil de prud'hommes ou à la cour d'appel de les examiner, conformément à la jurisprudence qu'il verse aux débats (« la transaction ne peut faire échec à l'examen des autres prétentions du salarié qui lui étaient étrangères » ; que la décision attaquée sera donc confirmée en ce qu'elle a jugé les demandes de M. Y... irrecevables et l'a condamné à payer à la société Axa France la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE le litige porté par M. Gildas Y... devant le conseil de prud'hommes de Paris au mois d'août 1999 concerne le contrat de travail qui le lie à la société UAP, devenue AXA ; que les demandes de M. Gildas Y... relatives à ses droits à retraite relèvent de l'exécution du même contrat de travail conclu avec l'UAP, devenu AXA en 1976 et rompu en application d'un protocole d'accord du 14 avril 1999 ; que les demandes formulées par M. Gildas Y... dans le présent litige découlent ainsi du même contrat de travail et devaient donc faire l'objet d'une seule instance ; que le fait que le premier litige porte sur l'annulation de la transaction ne saurait remettre en cause ce principe d'une instance unique ; que par ailleurs, contrairement à ce qu'indique M. Y..., le premier litige s'est achevé par une décision devenue définitive, la cour ayant déclaré irrecevables les demandes de M. Y... en raison de l'autorité de la transaction ; qu'enfin, le fondement de la demande de M. Gildas Y... était né et connu lors de la première instance ; qu'il avait dès lors la possibilité de présenter ses prétentions devant le conseil de prud'hommes ou en appel ; qu'en effet le litige est relatif à la base de calcul du montant des cotisations de retraite ; que M. Gildas Y... ne pouvait ignorer au moment de la saisine du conseil de prud'hommes du 20 août 1999 que ses droits à la retraite seraient calculés sur la base de son salaire de référence en France à l'exclusion de toute autre rémunération ; qu'en effet, il convient de se reporter aux contrats d'expatriation successifs de M. Gildas Y... ; que le contrat du 29 septembre 1978 prévoit que ses « droits envers les organismes de prévoyance et de retraite seront déterminés sur la base des 100 % de son traitement annuel de référence défini selon les mêmes critères que pour ses collègues inspecteur ou cadre exerçant leur activité en France » ; que le contrat du 30 mars 1981 rappelle qu'aucune modification n'est apportée aux termes de la lettre du 29 septembre 1978 traitant des avantages notamment au plan des régimes de retraite et de la prévoyance ; que le 22 avril 1986, lors de son changement d'affectation, il lui était également rappelé qu'il bénéficiera d'une protection sociale (prévoyance et retraite) équivalente à celle des personnels de même statut exerçant leur fonction en France métropolitaine ; que les deux contrats de décembre 1989 et octobre 1993 l'affectant respectivement en Thaïlande et au Japon prévoient explicitement le régime de retraite et de prévoyance qui lui sera appliqué ; que par ailleurs, les bulletins de salaire de M. Gildas Y... lui permettaient de contrôler le montant des cotisations retenues ; qu'en conséquence, le fondement des prétentions est né et révélé antérieurement à la présente saisine du conseil de prud'hommes ; que la société Axa France est ainsi fondée à opposer à M. Gildas Y... le principe de l'unicité de l'instance ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le principe d'unicité de l'instance n'est pas opposable dès lors qu'il apparaît que les causes des nouvelles prétentions n'étaient pas nées ou n'étaient pas connues du salarié avant le terme de la précédente procédure ; que s'agissant de demandes relatives aux droits du salarié à pension de retraite, leur fondement ne peut être né ou révélé qu'au moment de la liquidation de ses droits à pension, seule date à laquelle il a en réalité pu avoir une connaissance entière et complète de sa situation et donc du respect par son employeur de ses obligations à son égard ; qu'en déclarant irrecevable la demande formulée par M. Y... de régularisation de ses droits à retraite, quand son fondement n'avait été révélé que lors de l'information officielle donnée par la CARSAT et MEDERIC en 2008 et 2011, en vue de son départ en retraite à 60 ans, soit postérieurement à la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la précédente procédure, la cour d'appel a violé l'article R.1452-6 du code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE M. Y... avait souligné (conclusions p. 8) qu'il avait découvert lors de la réception des relevés de retraite de la CASART et de MEDERIC que la société AXA n'avait pas du tout cotisé à la CNAV en 1990, avait insuffisamment cotisé à la CNAV en 1989 et 1991 et avait versé des cotisations d'un montant erroné pour les années 1985, 1993 et 1999 ; qu'en se bornant à affirmer que les contrats d'expatriation et les bulletins de paie qui auraient été remis au salarié auraient rendu déterminée et déterminable son assiette de cotisations, de sorte qu'il aurait pu, dès l'instance initiale, joindre à ses demandes principales celles relatives à la régularisation de ses cotisations retraite, sans rechercher si M. Y... était en mesure de connaître, avant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2001, l'ampleur exacte des manquements de la société AXA à ses obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1452-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27588
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jan. 2018, pourvoi n°15-27588


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.27588
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