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09/01/2018 | FRANCE | N°17-82946

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 2018, 17-82946


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 17-82.946 F-P+B

N° 3134

FAR
9 JANVIER 2018

CASSATION PARTIELLE

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. C... A... , contre l'ar

rêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 7 avril 2017, qui, dans l'information suivie c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 17-82.946 F-P+B

N° 3134

FAR
9 JANVIER 2018

CASSATION PARTIELLE

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. C... A... , contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 7 avril 2017, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vols qualifiés et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure AR ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M Soulard , président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL , les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 25 août 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la commission, les 3 et 5 novembre 2015, de deux vols avec effraction, les enquêteurs ont, grâce au visionnage, auquel ils ont procédé le 11 novembre suivant, d'images d'un système de vidéoprotection dont l'installation avait été autorisée par le préfet du département en application du code de la sécurité intérieure, identifié un véhicule correspondant à celui qui avait été aperçu par un témoin de l'un des faits ; que ce véhicule a fait l'objet d'un contrôle routier, effectué le 27 novembre 2015 par un autre service, qui a permis de constater qu'il était conduit par M. A... ; que le juge des libertés et de la détention a, le 12 janvier 2016, autorisé des interceptions téléphoniques de lignes notamment attribuées à l'intéressé, ou leur prolongation ; qu'une perquisition a été effectuée, le 31 mai 2016, dans les lieux où M. A... venait d'être interpellé ; que celui-ci a été mis en examen des chefs susvisés le 2 juin 2016 ; qu'il a déposé, les 21 octobre et 2 novembre 2016, des requêtes en annulation de pièces de la procédure ;

En cet état :

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 252-1, L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'exploitation de vidéosurveillances ;

"aux motifs que les enquêteurs agissant dans le cadre du flagrant délit ont opéré un rapprochement entre des faits dont ils étaient saisis, commis notamment au préjudice de restaurateurs asiatiques, et un autre vol dont ils ont eu connaissance, dont était saisie une autre brigade, également commis au préjudice d'un restaurateur asiatique, et qui présentait l'intérêt d'avoir été commis dans une rue munie d'un système de vidéosurveillance ; qu'ils ont examiné le contenu des enregistrements, en ont extrait des photographies d'un véhicule dont l'immatriculation était visible de même que la physionomie du conducteur et les ont annexées à leur procès-verbaux ; que le procureur de la République les a chargé d'enquêter également sur ce fait ; que la nullité des procès-verbaux dressés à cette occasion et de tous ceux qui les ont pour support est demandée au motifs que la consultation des enregistrements a eu lieu en dehors des conditions régulières fixées par l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2013 fixant les conditions du dispositif et de l'article L. 252-3 du code de la sécurité intérieure et que cette consultation a causé un grief puisque c'est elle qui a orienté l'enquête sur la personne de M. Sophiane B... puis de M. A... ;

Mais, si les dispositions des arrêtés préfectoraux autorisant les dispositifs et du code de la sécurité intérieure réservent d'une manière générale le droit d'accès aux résultats du système de vidéosurveillance, l'officier de police judiciaire agissant en flagrance est investi par les dispositions des articles 53 à 67 du code de procédure pénale du devoir de "veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité" et , c'est dans ce cadre que l'officier de police judiciaire a visionné les enregistrements et a annexé à ses procès-verbaux les éléments utiles à son enquête ; qu'aucune annulation n'est encourue de ce fait ;

"alors que les conditions d'exploitation des images captées par les dispositifs vidéosurveillances sont fixées par l'autorisation délivrée par le représentant de l'Etat ; que l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2013 prévoit pour la commune de Chantilly que l'accès aux images et aux enregistrements est ouvert à certains militaires et/ou fonctionnaires de police nommément désignés et habilités par le colonel commandant le groupement de gendarmerie ou le directeur départemental de la sécurité publique ; qu'en l'espèce, aucun élément ne figurant au dossier de procédure ne permet de déterminer dans quelles conditions les images issues de la vidéosurveillance de la commune de Chantilly ont été obtenues ; que la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision en considérant l'officier de police judiciaire disposait d'un droit d'accès aux résultats du système de vidéo surveillance en vertu de son devoir général de "veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité de l'exploitation par les enquêteurs d'images issues d'un système de vidéoprotection pris du non-respect des dispositions de l'arrêté préfectoral l'ayant autorisé et de l'article L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, l'arrêt relève que l'officier de police judiciaire agissant en flagrance, investi par les dispositions des articles 53 à 67 du code de procédure pénale du devoir de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité, pouvait visionner les enregistrements et annexer à ses procès-verbaux les éléments utiles à l'enquête ;

Attendu qu'en statuant ainsi et dès lors que les dispositions du code de la sécurité intérieure et des arrêtés pris pour son application relatives aux conditions de désignation des agents, appartenant notamment aux services de police et de gendarmerie nationales, habilités à recevoir les enregistrements effectués par les systèmes de vidéoprotection ne sauraient priver un officier de police judiciaire des pouvoirs qu'il tient de l'article 60-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, lequel ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, R. 233-1 du code de la route, préliminaire, 78-2, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité du contrôle d'identité de M. A... du 27 novembre 2015 et des actes subséquents ;

"aux motifs que  les enquêteurs ayant identifié par la consultation des enregistrements un véhicule dont les utilisateurs pouvaient être mis en cause dans leur enquête ont demandé qu'il soit mis sous surveillance (D20) espérant apprendre pour le cas où serait contrôlée l'identité du conducteur ; qu'ils ont été informés (D84) que le véhicule avait été contrôlé par la police de l'air et des frontières, aux environs de Roissy, que le conducteur se nommait M. A..., qu'il avait été verbalisé pour ne pas avoir été porteur des documents nécessaires, qu'il avait à cette occasion indiqué aux policiers auteurs du contrôle que le véhicule appartenait à une autre personne à laquelle il allait justement la rendre et donné le numéro de téléphone auquel elle pouvait être jointe ; qu'il est soutenu à tort que ce contrôle aurait été réalisé le 27 novembre 2015 à la demande des enquêteurs, au mépris des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale alors que les policiers interpellateurs étaient fondés, aux termes de l'article R. 233-1 du code de la route à vérifier la détention par le conducteur du véhicule Audi qu'ils contrôlaient des pièces administratives requises ; que c'est parce que M. A... était dépourvu de tout document, notamment du permis de conduire que l'infraction lui a été reprochée ; qu'apprenant lors du contrôle par l'examen de leurs fichiers que les enquêteurs avaient demandé la mise sous surveillance du véhicule, c'est sans rédiger de procès-verbal particulier, ce qui ne leur était imposé par aucune norme que les policiers leur ont communiqué l'identité qui avait été déclinée par le conducteur et les éléments que celui-ci leur avait spontanément indiqué, n'être pas le propriétaire du véhicule et le numéro de téléphone auquel le propriétaire pouvait être joint ; qu'aucune irrégularité n'a ainsi été commise dans le recueil et la jonction à la procédure de ces éléments ;

"1°) alors que tout accusé a droit à bénéficier d'un procès équitable et au respect du contradictoire, de l'égalité des armes et des droits de la défense ; qu'il est nécessaire que le prévenu dispose des facilités nécessaires à l'organisation de sa défense ; qu'en l'espèce, en l'absence de tout procès-verbal dressé par les agents interpellateurs lors du contrôle d'identité effectué le 27 novembre 2015 sur M. A..., celui-ci est privé de la faculté de contester les conditions de mise en œuvre de ce contrôle ainsi que des éléments recueillis ; que, dès lors, en rejetant le moyen de nullité tendant à faire constater l'irrégularité du contrôle d'identité ainsi que des éléments dont il est le support nécessaire, la chambre de l'instruction a méconnu les principes précités ;

"2°) alors que les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale habilitent sous certaines conditions les agents de police à contrôler l'identité d'un individu ; que celles de l'article R. 233-1 du code de la route encadrent les réquisitions pouvant être faites à des conducteurs de véhicules, et offrent la possibilité de vérifier le titre autorisant la conduite du véhicule et le certificat d'immatriculation ; que les agents de police ne peuvent à cette occasion interroger la personne contrôlée sur d'autres éléments ; qu'en l'espèce, les informations recueillies sur M. A... lors du contrôle de son identité par des agents de la police de l'air et des frontières le 27 novembre 2015 mentionnent plusieurs numéros de téléphone ainsi que le nom des employeurs des titulaires de ces lignes ; que c'est à tort que la chambre de l'instruction a validé cette opération de contrôle ayant conduit à récolter des informations non prévues par la loi" ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à supprimer toute mention du contrôle effectué le 27 novembre 2015, l'arrêt énonce que les policiers interpellateurs étaient fondés, aux termes de l'article R. 233-1 du code de la route, à vérifier la détention par le conducteur du véhicule qu'ils contrôlaient des pièces administratives requises, puis à relever contre lui notamment l'infraction de non-présentation du permis de conduire ; que les juges ajoutent qu'apprenant lors du contrôle par l'examen de leurs fichiers que les enquêteurs avaient demandé la mise sous surveillance du véhicule, ces policiers n'avaient pas à rédiger de procès-verbal particulier pour communiquer au service intéressé l'identité qui avait été déclinée par le conducteur et les éléments que celui-ci leur avait spontanément indiqués, notamment le numéro de téléphone du propriétaire du véhicule ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que les informations transmises aux enquêteurs avaient été régulièrement recueillies à la suite d'un contrôle routier effectué en application des dispositions des articles L. 233-2 et R. 233-1 du code de la route, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 54 à 62, 66, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de perquisition figurant au dossier en cote D649 ;

"aux motifs que  la régularité du procès-verbal de perquisition coté D649 est contestée au motif qu'il aurait été rédigé trop longtemps après la perquisition elle-même, que les éléments saisis, notamment un document manuscrit n'auraient pas été trouvés à l'endroit indiqué (D664), qu'il aurait nécessairement été ouvert irrégulièrement, pour en faire une photocopie, destinée à servir à une comparaison d'écriture et, l'annulation de toute mention du scellé "n° 2/ Perquisition A... A" est demandée ; que pour apprécier les conditions dans lesquelles une ouverture du scellé avait pu être réalisée, la chambre de l'instruction a ordonné la production du scellé ; que pour faire suite à l'arrêt du 21 mars 2017, le juge d'instruction a adressé un procès-verbal daté du 6 juin 2016, coté D1329, dressé par l'officier de police judiciaire aux termes duquel il était indiqué que le scellé constitué sous la référence n° 2 /perquisition A... A, une enveloppe plastique transparente contenant un document était demeurée introuvable, qu'il avait procédé le 6 juin 2016 à la saisie d'une photocopie du document, faite avant que le scellé soit perdu, sous le n° Scellé n° 1/34 ; que le scellé 1/34 ainsi que le procès-verbal d'investigation et de saisie (D1328 et D1329), parvenus au cabinet du juge le 23 mars 2017, ont été versés au dossier de la chambre de l'instruction et à la disposition des parties ; que le scellé 1/34 dressé par un officier de police judiciaire ne pose pas de problème de régularité particulier dans la mesure où il concerne un document en photocopie saisi dans les locaux de la gendarmerie ce qui est explicitement indiqué sur le support, la mention de ce qu'il est la "photocopie d'un document manuscrit ayant été découvert dans une sacoche [...] à "Paris" devant être soumise à la discussion des parties ; que par contre, la disparition du scellé n° 2 empêche la chambre de vérifier de quelle manière et dans quelles conditions il a été constitué, éventuellement ouvert et, en tout état de cause, empêche toute discussion sur son contenu en tant qu'élément de preuve acquis dans le cadre réglementé d'une perquisition avec les garanties qui en sont la caractéristique, et, le maintien de sa mention dans la procédure porterait grief au requérant ; que le fait que le procès-verbal D649 ait été rédigé plusieurs heures après que la perquisition ait été réalisée ne doit par contre pas entraîner son annulation alors que la rédaction immédiate du procès-verbal n'est pas prévu à peine de nullité, que M. A... qui a assisté à la perquisition pendant sa garde à vue, informé de ses droits, a signé le procès-verbal sans formuler d'observation particulière et qu'il n'a d'ailleurs pas discuté dans ses auditions successives, qu'à l'exception du document manuscrit scellé n° 2, les autres éléments placés sous scellés avaient bien été saisis dans les conditions indiquées au procès-verbal D649 D65l ; qu'il y aura en conséquence lieu aux annulations et cancellations précisées au dispositif qui suit ;

"alors que les procès-verbaux dressés en exécution par l'officier de police judiciaire après chaque perquisition doivent être rédigés et signés par lui sur le champ ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de perquisition versé en cote D649 a été dressé plusieurs heures après la perquisition et dans un lieu différent ; que la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées en rejetant ce moyen de nullité" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité d'un procès-verbal de perquisition qui n'a pas été établi sur-le-champ, l'arrêt énonce que la rédaction immédiate du procès-verbal n'est pas prévue à peine de nullité, que M. A..., qui a assisté à la perquisition pendant sa garde à vue, informé de ses droits, a signé le procès-verbal sans formuler d'observation particulière, et n'en a ultérieurement contesté les termes que s'agissant des conditions de découverte d'un seul document ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la rédaction différée du procès-verbal n'a pas affecté sa régularité ni porté atteinte aux droits de la défense, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-95, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la requête en nullité des autorisations d'interceptions de correspondance téléphoniques versées au dossier sous les cotes D130 et D133 ;

"aux motifs que sur les autorisations ayant permis les interceptions de correspondance téléphoniques : l'examen de la procédure montre qu'à la date du 19 janvier 2016, le juge des libertés et de la détention a utilisé un formulaire imprimé à choix multiples pour se prononcer sur la prolongation d'une interception (D130) ; que ce formulaire comporte un espace entre crochets dans lequel le magistrat peut, en y ponant un signe autoriser ou non la prolongation et en l'espèce, aucun signe ne figure dans cette espace ; qu'on ne peut cependant pas suivre le requérant qui estime qu'aucune autorisation n'a été donné par lui alors que, si aucun signe ne figure entre crochets avant le terme imprimé "autorisons" il a indiqué à la suite à la main "la prolongation de" et a coché à la ligne en dessous devant l'expression «l'interception pendant une durée de » avant d'indiquer à la suite "un mois" et que les numéros attribués à ces deux lignes figurent en dessous et, qu'il a ainsi manifestement exprimé qu'il prolongeait l'autorisation d'interception donnée pour ces deux lignes pour une durée d'un mois ; que figure également à la cote D133 une autorisation d'interception datée du 12 janvier 2016 concernant une autre ligne attribuée à M. A... sur laquelle la durée de l'autorisation n'est pas précisée ; que si comme le fait valoir le requérant, aux termes de l'article 706-95 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut autoriser les interceptions "pour une durée maximum d'un mois renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée" et qu'il lui appartient donc de fixer la période concernée par l'autorisation, il se déduit de l'absence de précision sur ce point que le juge a entendu autoriser l'interception de la ligne pour la durée maximale d'un mois prévue par la loi, ce en quoi la durée était tout de même limitée, alors que l'interception de cette ligne sur la base de cette autorisation initiale n'a pas duré plus de un mois, aucun grief pour la personne dont la ligne, était interceptée n'en découle ; que ces deux autorisations ne sont ainsi pas inexistantes, les omissions relevées n'ont entraîné aucune atteinte aux droits des personnes dont les communications étaient surprises et elles n'ont en rien altéré la teneur du contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention tel que prévu au dernier alinéa de l'article 706-95 du code de procédure pénale ;

"1°) alors que l'autorisation d'interceptions téléphoniques délivrée par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-95 du code de procédure pénale doit préciser la durée maximale pour laquelle cette mesure attentatoire à la vie privée est autorisée ; qu'en l'espèce le juge des libertés et de la détention a délivré une autorisation "sur laquelle la durée de l'autorisation n'est pas précisée" ; qu'en rejetant la requête tendant à l'annulation de cet acte, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'il doit expressément résulter de la décision du juge des libertés et de la détention son intention de prolonger l'interception téléphonique ; que la chambre de l'instruction ne pouvait rejeter le moyen tiré de la nullité de la prolongation des interceptions des lignes [...]         et [...]         lorsqu'elle constatait elle-même que le formulaire rempli par le magistrat "comportait un espace entre crochets dans lequel [il pouvait], en y portant un signe autoriser ou non la prolongation" mais qu'en l'espèce, "aucun signe ne figur[ait] dans cet espace", de sorte que sa volonté n'était pas exprimée" ;

Sur le moyen pris en sa seconde branche ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas choisi d'autoriser la prolongation d'une interception téléphonique, accordée le 12 janvier 2016, la chambre de l'instruction prononce par ceux des motifs repris au moyen concernant cette décision, qu'elle a présentée par erreur comme datée du 19 janvier 2016 ;

Attendu que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer, au vu de la teneur de l'ordonnance en cause, que le juge des libertés et de la détention a prolongé pour une durée d'un mois l'autorisation précédemment accordée ;

D'où il suit que le grief n'est pas encouru ;

Mais sur le moyen pris en sa première branche :

Vu l'article 706-95 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en application de ce texte, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, peut autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques pour une durée maximum d'un mois ; que la mention, dans la décision, de la durée pour laquelle la mesure est autorisée constitue une garantie essentielle contre le risque d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes concernées, aux intérêts desquelles son absence porte nécessairement atteinte ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce qu'une autre autorisation d'interceptions téléphoniques également accordée par le juge des libertés et de la détention le 12 janvier 2016 ne fixait pas la durée de la mesure, l'arrêt énonce qu'il se déduit de cette absence de précision que le juge a entendu autoriser l'interception pour la période maximale d'un mois prévue par la loi, de sorte que la mesure était limitée dans le temps et que, l'interception n'ayant pas été mise en oeuvre pendant plus d'un mois, il n'en est résulté aucun grief pour la personne écoutée ; que les juges ajoutent que la teneur du contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention en application du dernier alinéa de l'article 706-95 du code de procédure pénale n'a pas été altérée ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 7 avril 2017, mais en ses seules dispositions relatives à l'autorisation d'interception téléphonique d'une ligne attribuée à M. A... accordée le 12 janvier 2016 par le juge des libertés et de la détention (D133), toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil DAR ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82946
Date de la décision : 09/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CRIMINALITE ORGANISEE - Procédure - Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications - Contrôle du juge des libertés et de la détention - Autorisation écrite - Régularité - Conditions - Durée de la mesure - Mention - Défaut - Sanction

JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION - Ordonnances - Criminalité organisée - Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications - Régularité - Conditions - Durée de la mesure - Mention - Défaut - Sanction CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Ingérence de l'autorité publique - Criminalité organisée - Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications - Juge des libertés et de la détention - Ordonnance - Durée de la mesure - Mention - Défaut - Compatibilité (non)

Dans la décision par laquelle le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, autorise, en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques, la mention de la durée pour laquelle la mesure est autorisée constitue une garantie essentielle contre le risque d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes concernées, aux intérêts desquelles son absence porte nécessairement atteinte. Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui, pour écarter le moyen de nullité tiré de l'absence de mention de la durée pour laquelle l'interception était ordonnée, se borne à retenir que le juge des libertés et de la détention a entendu autoriser celle-ci pour la période maximale prévue par la loi et que la mesure n'a pas été mise en oeuvre au-delà de cette durée, de sorte qu'il n'en est résulté aucun grief pour la personne écoutée


Références :

article 706-95 du code de procédure pénale

article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, 07 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 2018, pourvoi n°17-82946, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82946
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