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21/12/2017 | FRANCE | N°16-27280

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 décembre 2017, 16-27280


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Uniroute du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 441-11,III, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de ce

lui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;

Attendu, selon ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Uniroute du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 441-11,III, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié de la société Uniroute (la société), M. X... a été victime, le 30 octobre 2014, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie du Cher (la caisse) ; que la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours en inopposabilité de la décision de prise en charge, faute d'instruction préalable ;

Attendu que pour rejeter ce recours, l'arrêt relève que, par sa lettre de réserves du 31 octobre 2014, la société indique, d'une part, que la qualification d'accident du travail ne saurait être retenue du fait d'un état pathologique préexistant (rechute éventuelle d'un précédent accident du travail du 17 octobre 2011), ajoutant que la cause du sinistre est manifestement étrangère au travail, d'autre part, que la preuve de la survenance matérielle de l'accident n'était, selon elle, aucunement rapportée, puisqu'il était constaté une simple douleur et non une lésion, laquelle ne résulterait pas d'un événement soudain, enfin, que la déclaration de l'accident du travail a été établie sur les seules allégations de la victime ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur avait assorti sa déclaration de réserves portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident et sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE inopposable à la société Uniroute la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Cher de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré le 31 octobre 2014 concernant M. X... ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Cher aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Uniroute.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré opposable à la société Uniroute la décision reconnaissant le caractère professionnel de l'accident dont a été victime son salarié M. X... le 30 octobre 2014 et rejeté toutes autres demandes de la société Uniroute contraires à la motivation ;

AUX MOTIFS QUE la CPAM a estimé que la société Uniroute n'avait pas adressé de réserves motivées et qu'en conséquence sa décision de prise en charge sans instruction ou information préalable lui était opposable, ce qui est contesté ; par sa lettre de réserves du 31 octobre 2014, la société Uniroute indique d'une part, que la qualification d'accident du travail ne saurai être retenu du fait d'un état pathologique préexistant (rechute éventuelle d'un précédent accident du travail du 17 octobre 2011), ajoutant que « la cause du sinistre est manifestement étrangère au travail » et d'autre part, que la preuve de la survenance matérielle de l'accident n'était, selon elle, aucunement rapportée, puisqu'il était constaté une simple douleur et non une lésion, laquelle ne résulterait pas d'un événement soudain ; enfin, elle conclut que la déclaration de l'accident du travail a été établie sur les seules allégations de la victime ; il n'est pas contesté que l'accident est survenu au cours d'un déplacement pour l'employeur, en retirant une sangle bloquée, la victime aurait « entendu un craquement et aurait ressenti une douleur au niveau de l'épaule droite », laquelle a été constatée médicalement le même jour, le certificat médical relevant l'existence d'une contusion de l'épaule et du bras ; de plus, il existe une concordance manifeste entre les faits décrits et la constatation médicale produite, puisque n'est évoquée, dans la lettre de réserves de l'employeur, aucune éventuelle incohérence de temps ou de lieu, ni possible incompatibilité avec les tâches confiées au salarié, permettant de suspecter la description des circonstances de l'accident faite par la victime, laquelle a par ailleurs déclaré un horaire de survenance de l'accident (10h20) proche (44 min) de l'information de l'employeur (11h04) ; par ailleurs, il s'infère de la déclaration d'accident du travail qu'un témoin était bien présent lors du sinistre, quand bien même l'employeur relève qu'il n'a pas été entendu par l'appelante, tout en affirmant dans ses écritures qu'il n'était pas un témoin direct de l'accident, et pour en conclure que le sinistre a été déclaré sur « la base des seules allégations » du salarié ; or, la société Uniroute, qui procède, sur ce point, par voie d'affirmations, ne saurait tirer argument de l'absence d'audition d'un témoin par la CPAM, pour mettre en doute la réalité d'une description précise et circonstanciée des faits mentionnant, comme en la cause, les date et lieu de l'accident, indiquant que celui-ci est survenu au cours d'un déplacement pour le compte de l'employeur, lequel n'invoque aucun fait extérieur, et alors que la victime effectuait une opération de manutention relevant de ses attributions ; enfin, si l'employeur soutient l'existence d'une cause étrangère résultant d'un précédent accident du travail (17 octobre 2011), sans pour autant avancer une identité dans les lésions constatées mais seulement dans leur localisation (membre supérieur droit), il convient toutefois de relever que celui-ci s'est produit près de trois ans avant le sinistre considéré et ne peut donc suffire à écarter l'existence d'un lien de causalité entre les lésions constatées et le fait accidentel ; et ce d'autant qu'il ne résulte pas de son courrier de réserves l'existence d'une cause « totalement » étrangère « au travail », celui-ci reconnaissant d'ailleurs que la « la lésion [s'est produite] lors de la prestation normale de travail » ; il sera ajouté que l'objet des réserves de l'employeur, qui doivent être motivées pour être effectives, n'est pas de contester la douleur ressentie, médicalement constatée, mais le fait qu'elle puisse résulter d'une action du salarié dans le cadre de son travail ; il s'infère de l'ensemble de ces éléments qu'en l'absence de réserves motivées au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la caisse n'était pas tenue d'une obligation d'information préalable à sa décision de prise en charge, étant observé qu'une telle carence emporte, non pas l'impossibilité de la décision à l'égard de son destinataire, mais permet seulement à l'intéressé d'en contester, sans condition de délai, le bien-fondé devant le juge ; en conséquence, le jugement dont appel sera infirmé dans toutes ses dispositions et la décision de la CPAM du Cher, de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont s'agit, sera déclarée opposable à la société Uniroute ;

1°) ALORS QUE, constitue des réserves motivées de la part de l'employeur toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que constituent ainsi des réserves motivées, au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la mise en doute du fait que l'accident ait pu se produire au temps et au lieu du travail en relevant le fait que la déclaration repose sur les seules affirmations du salarié, sans être corroborée par aucun élément objectif quant à la survenance de l'accident au temps et au lieu du travail ; qu'en l'espèce, le courrier de la société Uniroute joint à la déclaration d'accident du travail relatait l'accident au conditionnel, indiquait que la déclaration avait été établie sur les seules allégations du salarié non corroborées par des éléments objectifs, même si elle mentionnait l'existence d'un témoin, et qu'il n'avait pas été médicalement constaté de lésion, mais seulement une douleur déclarée, de sorte qu'il n'y avait pas de lésion en lien avec le travail ; que cette contestation de la matérialité de l'accident comme survenu au temps et au lieu du travail par l'employeur constituait l'expression de réserves motivées sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, de sorte que la caisse ne pouvait se dispenser de son obligation d'information préalable, et que la prise en charge de l'accident litigieux, intervenue sans mise en oeuvre de la procédure contradictoire exigée en cas de réserves motivées, était donc inopposable à l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE, constitue des réserves motivées de la part de l'employeur toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que constituent ainsi des réserves motivées, au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale la contestation par l'employeur de la matérialité du fait accidentel ; qu'en l'espèce, le courrier de la société Uniroute joint à la déclaration d'accident du travail relatait l'accident au conditionnel, indiquait que les lésions alléguées par le salarié se rattachaient à un pathologie sans lien avec le « prétendu accident » et résultaient en réalité exclusivement d'un état pathologie préexistant ; que cette contestation de la matérialité de l'accident comme survenu au temps et au lieu du travail par l'employeur constituait l'expression de réserves motivées sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, de sorte que la caisse ne pouvait se dispenser de son obligation d'information préalable, et que la prise en charge de l'accident litigieux, intervenue sans mise en oeuvre de la procédure contradictoire exigée en cas de réserves motivées, était donc inopposable à l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait, par des réserves motivées, la survenance de l'accident au temps et au lieu du travail, en relevant notamment « qu'aucune lésion corporelle autre que la douleur n'a été constatée » ; qu'en affirmant pourtant que l'objet des réserves de l'employeur n'est pas de contester la douleur ressentie médicalement constatée et que la société Uniroute reconnaissait dans son courrier que « la lésion [s'est produite] lors de la prestation normale de travail », quand il ressortait au contraire des termes clairs de la lettre de réserves de l'employeur que ce dernier contestait bien, non pas la douleur elle-même, mais l'existence même d'une lésion médicalement constatée, la cour d'appel a dénaturé le courrier de réserves de la société Uniroute du 10 avril 2013 (cf. prod.), et violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QUE, à défaut de mise en oeuvre d'une instruction de la demande de prise en charge de l'accident assortie de réserves motivées de l'employeur, la décision de la caisse n'est pas opposable à l'employeur ; qu'en retenant qu'à supposer même que les réserves de l'employeur aient été motivées, la carence de la caisse emportait non pas l'inopposabilité de la décision à l'égard de son destinataire, mais permettait seulement à l'intéressé d'en contester, sans condition de délai, le bien-fondé devant le juge, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-27280
Date de la décision : 21/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 07 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 déc. 2017, pourvoi n°16-27280


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.27280
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