LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Arcades le 21 mars 2006 par contrat de travail à temps plein en qualité d'attaché commercial ; que le même jour, il a remis à son employeur un document énonçant : "Je soussigné Philippe X..., démarre à mi-temps à compter du 2-03-2006, jusqu'à changement selon concertation" ; que le contrat de travail a été transféré à la société Arc d'Hades SL exploitant sous l'enseigne Arcades Europe ; que licencié le 18 mai 2009, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 20 décembre 2010 ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer, par une décision spécialement motivée, sur ce moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, l'arrêt retient que si la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'est pas mentionnée, il doit être relevé que les fonctions d'attaché commercial exercées par le salarié ne comportent pas d'horaires fixes et que le salarié ne prouve aucunement être resté à la disposition de son employeur en dehors de son mi-temps du 21 mars 2006 au 15 décembre 2006 puis de son volume horaire mensuel de 114 heures, de sorte que dans ces conditions le salarié doit être débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps plein ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail sur la semaine ou sur le mois, ce dont il résultait que le contrat était présumé être à temps complet, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il dit que le contrat de travail de M. X... est un contrat à durée indéterminée à temps partiel et le déboute de la demande inhérente au titre du rappel de salaire, l'arrêt rendu le 30 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Arc d'Hades SL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le contrat de travail était un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à ce que la société Arc d'Hadès SL soit condamnée à lui payer la somme de 13.092,90 euros à titre de rappel de salaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat de travail conclu le 21 mars 2006 ne précise pas s'il s'agit d'un temps plein ou d'un temps partiel, l'article 8 se rapportant aux horaires mentionnant que le salarié consacrera à ses fonctions "le temps nécessaire dans le respect des dispositions légales éventuellement applicables" ; que le même jour M. X... a indiqué à son employeur qu'il démarrait "à mi-temps à compter du 21-3-2006 jusqu'à changement selon concertation" ; que, par avenant signé par les deux parties le 15 décembre 2006, la durée mensuelle de travail a été fixée à 114 heures ; que, dans ces conditions, le salarié ne peut pas soutenir, au visa de l'article L.3123-14 du code du travail que, en l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé avoir été conclu à temps plein ; que, si le contrat de travail ne comporte aucune mention spécifique, le courrier du salarié du 21 mars 2006 et l'avenant du 15 décembre 2006 comblent cette lacune ; que la présomption invoquée par le salarié est inopérante puisqu'il est clairement établi que les parties sont convenues d'un temps partiel ; que, si la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'est pas mentionnée, il doit être relevé que les fonctions d'attaché commercial exercées par le salarié ne comportent pas d'horaires fixes et que M. X... ne prouve aucunement être resté à la disposition de son employeur en dehors de son mi-temps du 21 mars 2006 au 15 décembre 2006 puis de son volume horaire mensuel de 114 heures ; que, dans ces conditions, le salarié doit être débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps plein et de sa demande corrélative de rappel de salaire portant sur la différence entre les sommes qu'il a perçus calculées sur un temps partiel et celles qu'il aurait reçues en exécution d'un temps plein (arrêt attaqué p. 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. X... n'a jamais écrit à son employeur pour lui indiquer que son temps de travail était insuffisant pour exécuter correctement son travail ; que les fiches de paie de M. X... indiquent le caractère de temps partiel du contrat de travail de M. X... ; que M. X... n'a jamais contesté celles-ci ; qu'en vertu de sa fonction, M. X... organisait son temps de travail comme il le souhaitait (jugement p. 5) ;
ALORS QUE le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que l'absence d'une telle mention fait présumer que l'emploi est à temps complet ; qu'en écartant la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel de M. X... en un contrat de travail à temps complet, au motif qu'il importait peu que la convention ne mentionne pas la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, dans la mesure où "les fonctions d'attaché commercial exercées par le salarié ne comportent pas d'horaires fixes et que M. X... ne prouve aucunement être resté à la disposition de son employeur en dehors de son mi-temps du 21 mars 2006 au 15 décembre 2006 puis de son volume horaire mensuel de 114 heures" quand, en l'absence des mentions relatives à la répartition de la durée du travail sur la semaine ou sur le mois, le contrat était présumé à temps complet, de sorte que c'était à la société Arc d'Hardés SL qu'il incombait de démontrer que M. X... n'était pas placé dans une situation où, ne pouvant connaître à l'avance le rythme auquel il travaillait, il devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L.3123-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE que la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle datée du 18 mai 2009 qui délimite les termes du litige invoque les manquements suivants : insuffisance de CA : - 2006 : CA mensuel réalisé porte sur un montant de 9.164 euros alors que l'objectif contractuel avait été fixé à 25.000 euros. Seuls 47 clients ont été "travaillés" alors que le portefeuille du salarié en comprend 136, - 2007 : l'objectif revu à la baisse a porté sur un CA mensuel de 15.000 euros avec augmentation de la durée de travail (passage d'un ¿ temps à un Y temps). Le CA atteint s'est élevé à 10.723 euros ; - 2008 : le montant moyen du CA mensuel s'est élevé à 10.610 euros ; - En 2009 : fin avril, la moyenne s'est élevée à 11.864 euros, en dessous des objectifs contractuels. L'employeur conclut comme suit : "Si nous comparons vos résultats à ceux de vos collègues appartenant à la même tranche d'âge que vous et à expérience égale, votre CA est en moyenne plus de 3 fois inférieur (en proratant leur CA à un Y temps)" ; Non respect des consignes et des fonctions essentielles : - plaintes du service comptabilité et du service commercial, car le salarié n'exécute ni les consignes ni les demandes de ses supérieurs. Le salarié invente des stratagèmes pour ne pas avoir à s'expliquer sur les dépôts, avoirs, impayés des clients et visites non effectuées, - le directeur de la force de vente a suivi le salarié en avril 2009 pendant une semaine pour « ouvrir » de nouveaux clients : après 37 visites rendues, aucun nouveau client n'a été ouvert, - sur les 110 clients qui constituent le portefeuille du salarié, seuls 12 ont été «travaillés ». Sur l'ensemble de la Belgique où le salarié est le seul attaché commercial, seuls 53 clients ont été travaillés ; après avoir déploré que le salarié n'ait pas amélioré sa situation malgré des demandes verbales et écrites, l'employeur conclut comme suit : "En conséquence, et pour toutes les raisons précitées, nous vous licencions pour insuffisance professionnelle (…)" ; concernant les résultats du salarié, il convient bien évidemment de tenir compte, ainsi que ci-dessus exposé, qu'il a pris ses fonctions le 21 mars 2006 dans le cadre d'un mi-temps jusqu'au 15 décembre 2006 puis a exercé son emploi selon un volume horaire mensuel de 114 heures jusqu'au 18 mai 2009, date de son licenciement ; que les objectifs ont été fixés dans le contrat de travail et, plus précisément pour l'année 2007, dans un document daté du 14 décembre 2006 dénommé "objectifs pour l'exercice 2007" signé par les parties ; que le fait que le salarié n'ait pas atteint les objectifs qui lui avaient été assignés est caractérisé et a fait l'objet de mises en garde (le 14 décembre 2006 pour l'année 2006 dans le document dénommé "objectifs pour l'exercice 2007" ci-dessus évoqué et par courriers recommandés des 19 juin 2008 et 27 octobre 2008) ; que l'insuffisance est caractérisée par rapport aux objectifs ; que le salarié est mal fondé à soutenir que ces objectifs n'étaient pas réalisables puisque les autres salariés, dans des ressorts comparables, les ont atteints en intégrant le fait que les seuils assignés ont tenu compte de l'emploi à temps partiel occupé par M. X... ; que les manquements du salarié relatifs à ses résultats sont ainsi établis ; que le courrier daté du 7 juillet 2008 de Mme Y..., responsable du recouvrement, le courrier de M. Z..., gérant de la société en date des 19 juin 2008 et 6 juillet 2009 , le courrier recommandé daté du 27 octobre 2008 de Mme A..., coordinatrice commerciale et les courriers recommandés datés du 31 mars 2009 et du 17 juin 2009 de Mme B..., assistante commerciale confirment les manquements développés dans la lettre de licenciement relatifs au non-respect des consignes et des fonctions (arrêt attaqué pp. 4-5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'insuffisance de chiffre d'affaires : M. X... a signé un contrat de travail en qualité d'agent commercial, en pleine connaissance des fonctions qui lui sont demandées puisqu'il a déjà occupé un poste identique au sein de la société ; que les premiers objectifs de chiffre d'affaires donnés étaient de 25.000 euros ; que M. X... réalisera un chiffre d'affaires moyen de 9.693 euros d'avril 2006 à décembre 2006 ; que sur la même période, d'autres attachés commerciaux réaliseront des chiffres d'affaires nettement supérieurs à M. X... ; que le secteur de M. X... n'était ni plus ni moins favorable qu'aux autres secteurs des commerciaux de la société ; que le temps de travail mensuel de M. X... est passé à 114 heures en décembre 2006 ; que cette modification des heures de travail n'a pas permis à M. X... de réaliser ses objectifs de chiffres d'affaires ; qu'en 2008, le chiffre d'affaire moyen était de 10.610 euros, soit sensiblement un chiffre d'affaire inférieur à 2007 ; que ces réalisation étaient en décalage avec ceux de ses collègues ; que le 19 juin 2008, la société a formulé à M. X... ses inquiétudes quant à la réalisation de ses chiffres d'affaires ; que M. X... n'a jamais contesté les dires de la société ; que l'insuffisance de chiffre d'affaire est démontrée ; sur les manquements aux consignes : Mme Y... affirme que M. X... refuse de coopérer dans le recouvrement des créances ; qu'elle démontre que M. X... n'effectue pas en particulier les pointages des marchandises en dépôt vente, ce qui génère des impayés par exemple pour le Petit Casino de Lille ; que Mme Y... affirme que M. X... reprend les commandes alors que cela lui est interdit du fait d'impayés avec ce client ; que M. Z... et Mme A... ont indiqué à M. X... son insuffisance de chiffre d'affaires, lui demandant de se justifier, et que ce dernier n'a pas répondu à ces demandes ; que Mlle B... affirme avoir des difficultés à travailler avec M. X... : "Ne tient pas compte de mes remarques ni de mes consignes… Je n'arrive pas à joindre M. X...… Des règlements ont été effectués en espèce sans dépôt bancaire…" ; le conseil constate que les manquements de M. X... sont avérés (jugement pp. 5-6) ;
ALORS, d'une part, QUE l'insuffisance de résultats ne constitue pas, en soi, une cause de licenciement ; qu'en retenant à l'encontre de M. X... une insuffisance de résultats justifiant son licenciement, sans constater que cette insuffisance de résultats serait dû à une insuffisance professionnelle du salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;
ALORS, d'autre part, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 19 al. 1 à 3), M. X..., faisait valoir qu'il lui était fait interdiction de prospecter les hypermarchés, de vendre certains produits en Belgique et de démarcher les magasins spécialisés dans la vente de produits multimédias, contraintes qui ne pesaient pas sur ses collègues ; qu'en se bornant, pour estimer que l'insuffisance de résultats évoquée dans la lettre de licenciement était avérée, à comparer la situation de M. X... à celle d'autres salariés implantés "dans des ressorts comparables" sans répondre aux conclusions du salarié faisant valoir qu'une telle comparaison n'était pas pertinente eu égard aux contraintes particulières qui pesaient sur lui, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 21 al. 3), M. X... faisait valoir que les chiffres produits par l'employeur ne reflétaient qu'une partie de son activité, ses résultats n'apparaissant que partiellement dans la comptabilité de la société Arc d'Hadès SL, le surplus étant toujours facturé par la société Arcades, implantée en France ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, enfin, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à relever que Mme Y..., responsable du recouvrement, M. Z..., gérant de la société, Mme A..., coordinatrice commerciale, et Mme B..., assistante commerciale, "confirment les manquements développés dans la lettre de licenciement relatifs au non-respect des consignes et des fonctions essentielles" sans opérer aucun contrôle sur la réalité des manquements allégués, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.