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14/12/2017 | FRANCE | N°16-25996

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 décembre 2017, 16-25996


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 août 2016), que la société civile immobilière Ameri (la SCI), propriétaire d'un terrain dans un lotissement, en a cédé une partie à la société Idat patrimoine qui y a édifié un chalet et à laquelle la SCI a reproché de ne pas respecter le cahier des charges du lotissement en raison d'une surface totale excessive ; qu'un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 a condamné la société Idat patrimoine à met

tre sa construction en conformité avec le cahier des charges du lotissement ; que la s...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 août 2016), que la société civile immobilière Ameri (la SCI), propriétaire d'un terrain dans un lotissement, en a cédé une partie à la société Idat patrimoine qui y a édifié un chalet et à laquelle la SCI a reproché de ne pas respecter le cahier des charges du lotissement en raison d'une surface totale excessive ; qu'un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 a condamné la société Idat patrimoine à mettre sa construction en conformité avec le cahier des charges du lotissement ; que la société Idat patrimoine a assigné la SCI en révision de cet arrêt ;

Attendu que la société Idat patrimoine fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en révision ;

Mais attendu qu'ayant retenu, sans dénaturation, qu'aucun élément versé aux débats ne permettait de dire que le cahier des charges était faux et qu'il aurait été établi pour les besoins de la cause, que la SCI, qui n'était pas à l'origine de ce document, n'avait pas entendu le dissimuler et qu'aucun agissement susceptible d'être qualifié de fraude ne pouvait être relevé à son encontre alors qu'aucune intention frauduleuse n'était démontrée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a souverainement déduit de ces seuls motifs que le recours devait être rejeté, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Idat patrimoine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la société Idat patrimoine

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013 ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 595 du code de procédure civile, " le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes : 1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ; 2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ; 3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ; 4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement. Dans tous les cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée "./ Le document litigieux est intitulé " département de la Savoie commune des Allues-opération des Brames-cahier des charges " et a été établi par la société civile des Brames, ..../ Il porte deux tampons : le premier est constitué de la mention suivante : " vu pour être annexé à l'arrêté du 21/ 06/ 06 ", sans être suivi d'une signature. Le second indique " Département de la Savoie-Direction de l'équipement-vu pour être annexé à l'arrêté préfectoral en date de ce jour. Chambéry le 12 août 1976. Le Préfet, pour le Préfet et par délégation, pour le Directeur empêché, l'Ingénieur des ponts et chaussées (C. B) R. Gantes " et est suivi de la signature de ce dernier./ Aucun élément versé aux débats ne permet de dire que ce document est faux, et qu'il aurait été établi pour les besoins de la cause, les parties n'ayant pas contesté la réalité du visa de l'administration. Du reste, l'établissement d'un cahier des charges est nécessaire pour constituer un dossier visant à obtenir une autorisation de lotir. Et la date du visa correspond à celle de l'arrêté obtenu, puisque l'arrêté portant approbation du lotissement " Les Brames " a bien été pris le 12/ 08/ 1976./ Il en résulte que cette pièce ne peut être arguée de faux./ La société Idat invoque le premier cas de révision du texte susvisé, à savoir qu'il a été révélé, " après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ", faisant valoir que cette pièce n'a pas fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière, la rendant inopposable aux tiers acquéreurs./ Les recherches importantes menées par le conseil de la société Idat patrimoine, tant auprès du service de publicité foncière que des notaires concernés ou de l'administration, montrent que ce document n'a pas fait l'objet d'une publication./ Néanmoins, ce fait ne peut justifier à lui seul la révision de l'arrêt en cause./ La fraude de la société civile immobilière Ameri doit être démontrée./ La société Idat patrimoine fait valoir que la fraude est établie par les éléments suivants :- le cahier des charges n'a pu être établi que par la société civile immobilière Sous Les Brames, qui pourtant n'est devenue propriétaire du terrain à lotir que postérieurement à l'arrêté préfectoral, le 12/ 08/ 76 ;- il est incompréhensible que son article 22 soit au titre en contradiction avec les dispositions de l'article II-1° de l'arrêté ;- le cahier des charges aurait dû en tout état de cause figurer au nombre des pièces déposées et être déposé aux minutes de Me X..., notaire instrumentaire ;- la société civile immobilière Ameri a été taisante quant aux conditions dans lesquelles elle a produit ce document./ Pour que la thèse de la requérante puisse triompher, il faudrait retenir une définition très large du dol, admettant outre les manoeuvres, le mensonge et même les silences. Or, il est de principe que le recours en révision est ouvert pour fraude et non pas pour dol personnel, la fraude devant en conséquence prendre une connotation active. Son auteur doit donc avoir agi en vue de tromper le juge, un manquement à la loyauté qui imposerait au plaideur de ne rien cacher au juge relevant d'une appréciation moraliste non retenue par la jurisprudence./ En l'espèce :- le cahier des charges porte un tampon de l'administration du 12/ 08/ 1976, alors que la société civile immobilière Ameri n'est devenue propriétaire que des années plus tard, en 2001 ;- il a été visé dans ledit acte, ce qui démontre que la société civile immobilière n'est pas à son origine ;- il a été discuté lors de l'assemblée générale des colotis du 29/ 12/ 2006, sans que son existence soit à ce moment-là contestée ;- il est d'usage que les pièces écrites nécessaires à l'obtention de l'autorisation de lotir soient rédigées par le géomètre-expert chargé du projet, (celui chargé du programme était M. Y..., à qui rien n'a été demandé), mandaté soit par le vendeur soit, ce qui est généralement le cas lorsque le lotisseur est un professionnel de l'immobilier, par le candidat acquéreur, et que la vente n'intervienne qu'après obtention des autorisations administratives ;- ce qui explique que la date du cahier des charges soit antérieure à la vente du terrain au lotisseur./ Ainsi, la société Ameri n'est ni à l'origine du document, ni n'a entendu le dissimuler, et aucun agissement susceptible d'être qualifié de fraude ne peut être relevé à son encontre. Au surplus, aucune intention frauduleuse n'est démontrée, étant rappelé que le simple mensonge ou le silence mensonger ne sont pas constitutifs de fraude, sans d'autres éléments de nature à le renforcer, qui ne sont pas produits en l'occurrence./ En réalité, le litige tient, non à la production en justice d'un document erroné ou inexistant, mais à son inopposabilité, en raison de son absence de publication au service de publicité foncière. Or, la société Idat patrimoine était à même de vérifier, au cours de l'instance l'ayant opposée à la société Ameri, si le cahier des charges litigieux avait bien été publié ou non./ Certes, son acte de vente porte la mention suivante : " les pièces constitutives du lotissement ont été déposées au rang des minutes de Me X..., notaire à Moutiers, le 27/ 06/ 1977, dont une expédition a été publiée au premier bureau des hypothèques de Chambéry le 27 juillet 1977 volume 3189 n° 9 "./ Mais rien n'interdisait à la société Idat patrimoine de solliciter la conservation des hypothèques pour connaître quelles étaient ces pièces constitutives du dossier dès l'assignation en première instance délivrée par a société Ameri./ Dans ces conditions, la cour considère que les exigences de l'article 595 du code de procédure civile ne sont pas satisfaites par la société Idat patrimoine, qui verra son recours rejeté » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ;

ALORS QUE, de première part, le fait qu'une partie a dissimulé au juge un élément déterminant de l'issue du litige suffit à caractériser l'existence d'une fraude au sens des dispositions de l'article 595 du code de procédure civile ; qu'en retenant, par conséquent, pour débouter la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, qu'il est de principe que le recours en révision est ouvert pour fraude et non pas pour dol personnel, que la fraude doit en conséquence prendre une connotation active, que son auteur doit donc avoir en vue de tromper le juge, un manquement à la loyauté qui imposerait au plaideur de ne rien cacher au juge relevant d'une appréciation moraliste non retenue par la jurisprudence, et que le simple mensonge ou le silence mensonger ne sont pas constitutifs de fraude, sans d'autres éléments de nature à le renforcer, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 595 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de deuxième part et en toute hypothèse, le mensonge, tout comme le silence mensonger, sont constitutifs d'une fraude au sens des dispositions de l'article 595 du code de procédure civile, dès lors qu'ils sont accompagnés de manoeuvres destinées à les corroborer ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, que la société civile immobilière Ameri n'était ni à l'origine du document litigieux, ni n'avait entendu le dissimuler, qu'aucun agissement susceptible d'être qualifié de fraude ne pouvait être relevé à son encontre et qu'aucune intention frauduleuse n'était démontrée, étant rappelé que le simple mensonge ou le silence mensonger ne sont pas constitutifs de fraude, sans d'autres éléments de nature à le renforcer, qui n'étaient pas produits en l'occurrence, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société Idat patrimoine, si la société civile immobilière Ameri n'avait pas soutenu mensongèrement, pendant la procédure ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, que le document litigieux avait été déposé aux minutes du notaire instrumentaire et avait été publié par ce dernier à la conservation des hypothèques de Chambéry, en accompagnant ce mensonge d'une manoeuvre frauduleuse ayant consisté à produire ce document revêtu de cachets administratifs laissant à croire qu'il était l'une des pièces constitutives de la création du lotissement « Sous les Brames », quand de tels faits étaient de nature à constituer une fraude au sens des dispositions de l'article 595 du code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 595 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, de troisième part, si le recours en révision n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée, il ne peut être reproché au demandeur au recours en révision d'avoir commis une telle faute, lorsque les circonstances étaient telles que son ignorance de la cause qu'il invoque était légitime ; qu'il ne peut donc être reproché au demandeur au recours en révision d'avoir commis une faute, pour n'avoir pas mis en doute la publication d'un acte, lorsque les circonstances étaient telles qu'il pouvait légitimement croire que cette publication avait bien eu lieu, et, partant, pour avoir omis de vérifier si un document avait bien été publié à la conservation des hypothèques, dès lors que, dans l'acte de vente qu'il avait conclu avec son adversaire, il était mentionné que ce document avait été publié à la conservation des hypothèques ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, que la société Idat patrimoine était à même de vérifier, au cours de l'instance l'ayant opposée à la société civile immobilière Ameri, si le cahier des charges litigieux avait bien été publié ou non et que rien n'interdisait à la société Idat patrimoine de solliciter la conservation des hypothèques pour connaître quelles étaient les pièces constitutives du lotissement dès l'assignation en première instance délivrée par la société Idat patrimoine, quand elle relevait que l'acte de vente conclu entre la société Idat patrimoine et la société civile immobilière Ameri mentionnait que les pièces constitutives du lotissement, et, donc, notamment, le cahier des charges du lotissement, avaient été déposées aux minutes du notaire instrumentaire et qu'une expédition de ces minutes avait été publiée au bureau des hypothèques de Chambéry le 27 juillet 1977 sous des références précises, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 595 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de quatrième part, si le recours en révision n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée, il ne peut être reproché au demandeur au recours en révision d'avoir commis une telle faute, lorsque les circonstances étaient telles que son ignorance de la cause qu'il invoque était légitime ; qu'il ne peut donc être reproché au demandeur au recours en révision d'avoir commis une faute, pour n'avoir pas mis en doute la publication d'un acte, lorsque les circonstances étaient telles qu'il pouvait légitimement croire que cette publication avait bien eu lieu, et, partant, pour avoir omis de vérifier si un document avait bien été publié à la conservation des hypothèques, dès lors que ce document lui avait été opposé par son adversaire à l'occasion d'un débat judiciaire et, donc, d'un débat soumis au principe de loyauté ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, que la société Idat patrimoine était à même de vérifier, au cours de l'instance l'ayant opposée à la société civile immobilière Ameri, si le cahier des charges litigieux avait bien été publié ou non et que rien n'interdisait à la société Idat patrimoine de solliciter la conservation des hypothèques pour connaître quelles étaient les pièces constitutives du lotissement dès l'assignation en première instance délivrée par la société Idat patrimoine, quand il était constant que le document litigieux avait été opposé à la société Idat patrimoine par la société civile immobilière Ameri dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 595 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de cinquième part, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant, pour considérer qu'aucun élément versé aux débats ne permettait de dire que le document litigieux était faux et qu'il aurait été établi pour les besoins de la cause, que cette pièce ne pouvait être arguée de faux et qu'en réalité, le litige tenait, non à la production en justice d'un document erroné ou inexistant, mais à son inopposabilité, en raison de son absence de publication au service de la publicité foncière et pour débouter, en conséquence, la société Idat patrimoine de sa demande tendant à voir réviser l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 9 avril 2013, qu'aucune des parties n'avait contesté la réalité du visa de l'administration figurant sur le document litigieux, quand la société Idat patrimoine prétendait, dans ses conclusions en révision, qu'il était possible de penser que le document litigieux était le produit d'un faux avec apposition de cachets administratifs pour lui conférer une apparence et un semblant d'authenticité et, donc, quand la société Idat patrimoine contestait, dans ses conclusions en révision, la réalité du visa de l'administration figurant sur le document litigieux, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions en révision de la société Idat patrimoine, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-25996
Date de la décision : 14/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 30 août 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 déc. 2017, pourvoi n°16-25996


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.25996
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