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14/12/2017 | FRANCE | N°16-24137

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 décembre 2017, 16-24137


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que les premiers de ces textes instaurent un régime d'indemnisation autonome et exclusif répondant à des règles qui lui sont propres ; qu'il en résulte que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, qui n'a de rapport avec la victime qu'à l'occasion de cette procédure, ne peut être

appelé à intervenir à l'expertise organisée, en application du dernier de ces t...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que les premiers de ces textes instaurent un régime d'indemnisation autonome et exclusif répondant à des règles qui lui sont propres ; qu'il en résulte que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, qui n'a de rapport avec la victime qu'à l'occasion de cette procédure, ne peut être appelé à intervenir à l'expertise organisée, en application du dernier de ces textes, à la demande de la victime, entre elle et l'auteur de l'infraction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé, que Mme X... a été victime d'un braquage pour lequel Djamel Y... a été pénalement condamné par un tribunal pour enfants ; qu'elle a assigné Mme Z..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur Djamel Y..., la compagnie d'assurances MMA et le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), afin d'obtenir en référé une mesure d'expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer Mme X... recevable en sa demande dirigée contre le FGTI et dire n'y avoir lieu à le mettre hors de cause, l'arrêt retient que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, dont la saisine n'est nullement obligatoire, les parties restant libres d'opter pour la procédure de droit commun à l'effet de solliciter l'indemnisation de leur préjudice, n'a même pas été saisie, et que le juge des référés a compétence générale pour ordonner une mesure d'instruction, hors celles qui portent à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond échappe manifestement à l'ordre de juridiction auquel il appartient, ce qui est bien le cas en l'espèce où aucune juridiction n'a été saisie au fond ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré Mme X... recevable en sa demande dirigée contre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dit n'y avoir lieu à le mettre hors de cause, condamné ce Fonds à verser à Mme X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et confirmé l'ordonnance du juge des référés du 22 octobre 2015 ayant condamné le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à verser à Mme X... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Met hors de cause le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant devant le juge des référés que devant la cour d'appel ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Mme A... recevable en sa demande dirigée contre le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à mettre le Fonds hors de cause, d'AVOIR ordonné une mesure d'expertise médicale de Mme A... et d'AVOIR condamné le Fonds de garantie à lui verser 1 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la cour retiendra tout d'abord que si le fonds se prévaut de l'autonomie du régime procédural d'indemnisation relatif à la CIVI excluant selon lui sa mise en cause devant les juridictions ordinaires, ladite commission, dont la saisine n'est nullement obligatoire, les parties restant libres d'opter pour la procédure de droit commun à l'effet de solliciter l'indemnisation de leur préjudice ainsi que le prévoit l'article 706-3 du code de procédure pénale, n'a même pas été saisie, ce qui fait que l'autonomie du régime procédural qu'il met en avant ne saurait s'appliquer préalablement à toute saisine de la CIVI ; qu'aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'il s'ensuit que le juge des référés a compétence générale pour ordonner une mesure d'instruction, hors celles qui portent à titre exclusif sur un litige dont la connaissance échappe manifestement à l'ordre de juridiction auquel il appartient ; que tel n'est pas le cas en l'espèce où aucune juridiction n'a été saisie au fond ; qu'ainsi l'ordonnance entreprise mérite d'être confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'il existe des règles d'indemnisation et de procédures propres en ce qui concerne la CIVII, juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions qui sont applicables à cette juridiction ne donnent aucune compétence exclusive d'attribution à celle-ci pour ordonner une mesure d'expertise médicale ; qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé en référé ; qu'il existe ainsi un principe général de compétence du Président du tribunal de grande instance, statuant en référé, pour ordonner une mesure d'expertise avant tout procès, cette compétence générale n'est pas contredite par une compétence d'attribution spécifiquement prescrite en ce qui concerne la CIVI dont la compétence d'attribution est limitée à la phase d'indemnisation et de liquidation ; qu'à ce stade, la CIVI n'est pas saisie de sorte qu'il ne peut être soutenu devant le juge des référés que celle-ci aurait seule le pouvoir d'ordonner une mesure d'expertise préalable à une demande d'indemnisation par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions ; que si les dispositions des articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale prévoient des règles procédurales spécifiques pour la prise en charge par le Fonds des indemnisations allouées par le CIVI, ces dispositions n'interdisent pas à la victime, qui se voit opposer une non garantie de l'assureur et risque de devoir subir une insolvabilité du tiers responsable, d'attraire simultanément devant le juge des référés cet assureur, ce tiers responsable et le Fonds pour que soit ordonnée une mesure d'expertise contradictoire ; que le fait que cette expertise prescrite en référé se déroule contradictoirement, au contraire de celle qui se déroulement dans le cadre d'une expertise prescrite par la CIVI ajoute aux obligations de l'expert sans rien retirer aux exigences expertales sollicitées dans le cadre d'une mission CIVI de sorte qu'il n'est pas justifié qu'une telle expertise soit moins garantie des droits des parties, au contraire puisque le Fonds aurait ainsi la possibilité de présenter ses observations contradictoirement ; que si les dispositions de l'article 155 du code de procédure civile prévoient que la mesure d'instruction est exécutée sous le contrôle du juge qui l'a ordonnée, celles de l'article 155-1 du même code prévoient que le président de la juridiction peut dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice désigner un juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction confiées à un technicien en application de l'article 232 du code de procédure civile, mesure qui a été mise en place au tribunal de grande instance de Bourges de sorte que les mesures d'expertise qu'elles soient ordonnées par la CIVI ou par une autre formation du tribunal sont sous le contrôle du même juge ; qu'en conséquence, l'autonomie des règles procédurales invoquées ne concernent que la procédure d'indemnisation et n'est pas utilement invoquée devant le juge des référés saisi en application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la CIVI n'est pas par ailleurs saisie ; qu'il s'ensuit que la demande présentée est bien recevable et que le Fonds ne peut être mis hors de cause comme il le sollicite ; qu'en outre, il est de bonne administration de la justice que les victimes ne soient pas tenues d'engager plusieurs procédures pour parvenir à faire évaluer leur préjudice, qu'il ne soit pas exigé d'elles qu'elles se fassent examiner successivement par des experts (parfois différents) alors que le coût de ces expertises est finalement à la charge de la collectivité et que la multiplication de ces frais de justice est un non-sens dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques, d'autant que la multiplication des décisions ordonnant une expertise et les dites expertises n'apportent au total aucune plus-value à quiconque et est plutôt source de retard dans le déroulement des procédures ; que Mme A... justifiant avoir été victime de coups et avoir subi un préjudice tant physique que psychologique peut à bon droit solliciter que son préjudice soit évalué dans le cadre d'une expertise judiciaire contradictoire ;

ALORS QUE les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale instituent en faveur des victimes d'infraction un mode de réparation autonome répondant à des règles propres ; que ce mode de réparation est fondé sur une procédure autonome et spécifique exclusive de la procédure de droit commun ; que le Fonds de garantie des victimes d'infraction ne peut donc être appelé, par la victime, devant le juge des référés de droit commun, statuant en application de l'article 145 du code de procédure civile, afin que l'expertise qu'il ordonne lui soit déclarée opposable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 706-6 du code de procédure pénale et 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-24137
Date de la décision : 14/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 09 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 déc. 2017, pourvoi n°16-24137


Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.24137
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