LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Henry X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2016 qui, pour abandon de famille l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle HÉMERY et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 373 du code civil et 227-3 du code pénal et des articles 591 et 592 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré le prévenu coupable du délit d'abandon de famille ;
"aux motifs que, sur l'action publique, aux termes de l'article 227-3 du code pénal, le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le titre 9 du livre premier du code civil, en demeurant plus de deux mois sans s'acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, les décisions rendues par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bonneville, en date des 20 novembre 2007, et 17 juin 2008, doivent être interprétées, sur la question de la contribution financière de M. X... pour ses enfants Lance et Chloé et leur mère, comme l'homologation judiciaire d'une convention entre les parties, ayant, dès lors, force exécutoire, alors qu'elles s'inscrivent au final, à partir d'une initiative de M. X..., dans une volonté commune de fixer judiciairement les mesures annexes à leur divorce, le juge aux affaires familiales tranchant celles des prétentions présentées par l'un d'entre eux, prise en charge des mineurs Lance et Chloé, exercice de l'autorité parentale, et entérinant par un donné acte voulu par eux deux leur accord préexistant quant au principe et au montant de la contribution financière de M. X... ; qu'en se bornant, par ailleurs, à affirmer qu'aucune pension alimentaire ne pourrait être mise à la charge de l'ex-époux au profit du conjoint dont il est divorcé en vertu d'une décision rendue par une juridiction étrangère alors qu'en l'espèce la Haute Cour de justice de Londres ne s'était pas prononcée sur ce point et que Mme Y... résidait avec ses enfants sur le territoire français, M. X... ne soutient pas sérieusement que le juge aux affaires familiales, dont la décision n'a fait l'objet d'aucun recours de sa part, ne pouvait pas se prononcer sur ce point ; qu'enfin, le fait que M. X... ait saisi le juge aux affaires familiales de Bonneville d'une requête en rectification matérielle donnant lieu au jugement du 17 juin 2008, suite à des erreurs contenues dans le premier jugement notamment sur le montant de sa contribution, 40 023 livres sterling annuellement et non 43 023 livres sterling mensuellement, montre qu'il s'estimait tenu par les dispositions reprises dans le jugement, dispositions qu'il a respectées jusqu'en 2009 ; que sur le non-respect, non contesté, du versement de cette contribution à compter de courant 2009, et en tous cas durant la période d'avril 2010 au 5 août 2014 reprise dans la prévention, M. X... excipe de difficultés financières en relation avec la crise de 2008 alors que Mme Y... produit des pièces allant à l'encontre de ces affirmations, sur le quartier prestigieux dans lequel il réside à Dubaï (pièces 5 et 5 ter) et son statut de président d'une société financière (pièce 6) en 2013 ; qu'il apparaît ainsi qu'il s'est volontairement abstenu de verser cette contribution, dont il n'a pas non plus sollicité la révision, pendant plus de deux mois alors que les décisions exécutoires susvisées du juge aux affaires familiales de Bonneville lui avaient été notifiées et étaient définitives ; que sa culpabilité est, dès lors, établie et le jugement du tribunal correctionnel de Bonneville sera confirmé sur ce point ; que, s'agissant de la peine, il y a de même lieu à confirmation du jugement qui prend en compte tant la nature des faits que le comportement du prévenu et son absence d'antécédents ; que la demande présentée par l'intéressé sur la base de l'article 800-2 du code de procédure pénale est, dès lors, sans objet ; que, sur l'action civile, compte-tenu du préjudice financier subi par Mme Y... et dont elle justifie dans la prise en charge de leurs enfants Lance et Chloé (pièces 8, 9, 12), il y a lieu de lui allouer une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que, s'agissant de sa demande présentée sur la base de l'article 475-1 du code de procédure pénale, il y a lieu à confirmation du jugement du tribunal correctionnel de Bonneville, en y ajoutant la somme de 2 000 euros en cause d'appel ;
"1°) alors que l'infraction d'abandon de famille suppose l'existence d'une décision judiciaire ou d'une convention judiciairement homologuée imposant de verser à un descendant ou à un conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature due en raison de l'une des obligations familiales prévues par le code civil ; que pour entrer en voie de condamnation la cour d'appel ne pouvait retenir qu'un simple jugement de donné acte, qui se bornait à constater l'existence d'un accord entre les parties, valait homologation judiciaire d'un accord exécutoire ;
"2°) alors que la cour d'appel a jugé que les décisions rendues les 20 novembre 2007 et 17 juin 2008, devaient être « interprétées » sur la question de la contribution financière de M. X... pour ses enfants Lance et Chloé et leur mère, comme l'homologation judiciaire d'une convention entre les parties, ayant donc force exécutoire ; qu'en statuant ainsi, par voie d'interprétation, quand les décisions se bornaient pourtant très clairement et très précisément à un simple « donné acte aux parties du fait que M. X... verse chaque mois au titre de sa contribution pour la mère et les deux enfants une somme de 40 023 livres sterling [montant résultant du jugement rectificatif] », la cour d'appel a contredit en les dénaturant les pièces qu'elle citait" ;
Vu l'article 227-3 du code pénal ;
Attendu que ne peut servir de base à une poursuite pour abandon de famille un jugement qui, se bornant à donner acte de l'offre d'une pension alimentaire, ne présente pas un caractère exécutoire ;
Attendu que, pour constater que M. X... était resté plus de deux mois sans s'acquitter de la pension alimentaire et le déclarer coupable d'abandon de famille, l'arrêt attaqué énonce que les décisions rendues par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bonneville en date des 20 novembre 2007 et 17 juin 2008 et notamment celle entérinant par un donné acte l'accord préexistant des parties quant au principe et au montant de la contribution financière de M. X..., doivent être interprétées, sur cette question, comme l'homologation judiciaire d'une convention entre les parties ayant dès lors force exécutoire, alors qu'elles s'inscrivent au final, à partir d'une initiative de M. X..., dans une volonté commune de fixer judiciairement les mesures annexes au divorce ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la déclaration de donné acte n'avait pas le caractère d'une décision exécutoire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 3 février 2016,
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.