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07/12/2017 | FRANCE | N°16-12480

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2017, 16-12480


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 19 et 20 de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a collaboré avec la société France médias monde (la société), en qualité de journaliste à compter du 1er octobre 1990, puis par contrat de piges à compter du 29 juin 1998, selon un contrat à durée indéterminée, avec une reprise d'ancienneté de 2 ans 8 mois et 14 jours ; que la société a reconnu son anc

ienneté à compter du 10 septembre 1993 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 19 et 20 de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a collaboré avec la société France médias monde (la société), en qualité de journaliste à compter du 1er octobre 1990, puis par contrat de piges à compter du 29 juin 1998, selon un contrat à durée indéterminée, avec une reprise d'ancienneté de 2 ans 8 mois et 14 jours ; que la société a reconnu son ancienneté à compter du 10 septembre 1993 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation contractuelle depuis le 1er octobre 1990 en contrat à durée indéterminée et rappel de prime d'ancienneté ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée des sommes au titre des rappels de prime d'ancienneté, pour les années 2008 à 2014, la cour d'appel retient que les dispositions des accords d'entreprise Servat et des accords postérieurs en 2008 et 2011 sont insuffisamment précises quant aux modalités de calcul de la prime d'ancienneté, et ne prévoient pas d'articulation sur ce point avec les dispositions conventionnelles antérieures, à savoir celles de l'avenant de la convention collective nationale, ce qui a conduit la société à créer les notions non contractuelles de supplément de reclassement, d'indemnité différentielle et de salaire de qualification, qu'il convient donc d'écarter ces trois notions non contractuelles et de calculer la prime d'ancienneté sur la base du salaire revalorisé dit Servat, les modalités appliquées jusqu'à présent ne correspondant pas à la manière simple et courante de calculer les primes d'ancienneté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les accords dits Servat ne comportaient pas d'autre définition de la prime d'ancienneté que celle issue de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes alors applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France médias monde à payer à Mme Y... les sommes de 16 662,63 euros au titre des rappels de prime d'ancienneté pour les années 2008 à 2014 et 1 388,55 euros au titre du treizième mois, outre celle de 1 805,12 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société France médias monde

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Medias Monde à payer à Mme Y... les sommes de 16 662,63 € brut au titre des rappels de prime d'ancienneté, pour les années 2008 à 2014, 1388,55 € au titre du 13ème mois, outre celle de 1805,12 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013, d'AVOIR ordonné à la société France Medias Monde de régulariser le paiement des cotisations afférentes aux rappels de prime auprès des organismes de retraite de base et complémentaire, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du délai de 30 jours suivant la notification du présent arrêt, d'AVOIR ordonné à la société de remettre à Mme Y... un bulletin de salaire conforme au présent arrêt sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent arrêt et d'AVOIR condamné la société France Medias Monde à payer à Mme Y... la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Au vu des bulletins de salaire produits, avant et après décembre 2003, il apparaît que la prime d'ancienneté a toujours été calculée sur le salaire de base de la fonction (hors revalorisation SERVAT).
Pour déterminer le mode de calcul de la prime d'ancienneté, il ne faut pas se référer à l'usage (la pratique unilatérale de l'employeur en l'espèce) lequel est contesté, mais il convient d'analyser les dispositions conventionnelles, à savoir tant l'avenant audiovisuel à la convention collective que les accords SERVAT :
* L'article 19-1 de l'avenant à la convention collective précise que le salaire de base minimum garanti est le montant du "produit de l'indice d'entrée en fonction de journaliste dans la grille minimale garantie, ou s'il est plus élevé, de l'indice de l'échelon de l'ancienneté acquise, par la valeur indiciaire."
Selon l'article 20-1 de l'avenant, "les salaires de base des journalistes employés dans l'entreprise sont majorés d'une prime d'ancienneté, calculée en fonction de l'ancienneté dans la profession, soit 5 % pour 5 ans, 10 % pour 10 ans, 15 % pour 15 ans, 20 % pour 20 ans, 25 % pour 25 ans.
Le taux de cette prime s'apprécie par rapport au salaire de base de la fonction ou s'il est plus avantageux par rapport au salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise."
* Selon les accords d'entreprise dits SERVAT : Entre 1994 et 2000, chacun des accords mentionne dans son article 1 que "les modalités de calcul des promotions fonctionnelles et pécuniaires, ainsi que la prime d'ancienneté ne sont pas modifiées", ce qui sous-entendrait, selon la société FRANCE MEDIAS MONDE, que cette prime serait calculée sur la base des minima conventionnels.
Cependant, l'accord d'entreprise du 28 mai 2008, qui se substitue aux accords dit SERVAT, ne fait plus cette mention et n'évoque plus la prime d'ancienneté, puisqu'il a pour objet de fixer de nouvelles grilles de salaire à compter du 1er janvier 2008.
Le dernier accord d'entreprise du 9 février 2011, indique que "chaque journaliste perçoit, en plus de son salaire de qualification, une prime d'ancienneté calculée en fonction de l'ancienneté dans la profession ... le taux de cette prime s'apprécie par rapport au salaire de base de la fonction, ou s'il est plus avantageux par rapport au salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise", formule qui reprend in extenso les termes de l'article 20-1 susvisé de l'avenant à la convention collective ; il est important de constater que l'accord ne dit pas que la prime d'ancienneté est calculée sur le "salaire de qualification" (qui apparaît face à l'indice sur les bulletins de salaire), ce qui aurait eu le mérite de la clarté, alors que c'est cette pratique que la société a adoptée.
Par ailleurs, il n'existe pas de définition claire de ces deux termes, "salaire de base de la fonction" et "salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise tant dans l'avenant à la convention collective (qui définit en son article 19-1 le salaire de base minimum garanti, en son article 23 le salaire de base réel -salaire de base plus prime d'ancienneté- et le salaire brut, mais non le salaire de base de la fonction et le salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise, sur lesquels est calculée la prime d'ancienneté d'après l'article 20) ; que dans les accords d'entreprise "SERVAT" et les accords postérieurs à 2008, lesquels en outre ne définissent pas ce qu'est le "salaire de qualification", nouvelle notion, base sur laquelle la société calcule la prime d'ancienneté, ni l'indemnité différentielle et le supplément de reclassement, notions qu'applique aussi la société sans aucune base conventionnelle.
En effet, c'est seulement dans le document non contractuel édité par la société FRANCE MEDIAS MONDE intitulé "étude des systèmes salariaux FRANCE MEDIAS MONDE" que ces trois notions sont définies ; il y est également précisé en page 9 que la grille de salaire dite SERVAT assure une rémunération minimum par indice fonction, qui tient compte à la fois de l'ancienneté et de l'indice de la fonction, notion qui se rapproche de la notion susvisée de "salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise" qui est une des références de l'avenant à la convention collective.
Dès lors, il apparaît que les dispositions des accords d'entreprise SERVAT et les accords postérieurs en 2008 et 2011 sont insuffisamment précises quant aux modalités de calcul de la prime d'ancienneté, et ne prévoient pas d'articulation sur ce point avec les dispositions conventionnelles antérieures, à savoir celles de l'avenant de la convention collective nationale, ce qui a conduit la société à créer des notions non contractuelles (le supplément de reclassement, l'indemnité différentielle et le salaire de qualification) ; il convient donc d'écarter ces trois notions non contractuelles et de calculer la prime d'ancienneté sur la base du salaire revalorisé dit SERVAT, d'autant que les modalités appliquées jusqu'à présent (calcul de cette prime sur le salaire de qualification, notion non contractuelle) ne correspondent pas à la manière simple et courante de calculer les primes d'ancienneté (fonction du salaire fixe de base brut, qui devrait apparaître sur les bulletins de salaire).
La société FRANCE MEDIAS ne peut donc opposer à Mme Y... un mode de calcul de sa prime d'ancienneté, qui n'apparaît ni intelligible ni conforme aux dispositions contractuelles.
Mme Y... était employée depuis octobre 1990 par la société FRANCE MEDIAS MONDE, mais n'avait une ancienneté en tant que journaliste professionnelle que depuis 1992, année à prendre en compte pour le calcul de l'ancienneté.
La requalification de la relation contractuelle entraîne l'application des dispositions conventionnelles sur l'évolution de carrière, le salaire garanti et la prime d'ancienneté.
En conséquence, la Cour fait entièrement droit à la demande de rappel de prime d'ancienneté depuis 2008, sur la base d'une ancienneté professionnelle remontant à 1992 (date à laquelle Mme Y... a obtenu le statut de journaliste), avec un mode de calcul fonction de la grille de salaire issue des accords SERVAT et des accords d'entreprise de 2008 et 2011.
La société FRANCE MEDIAS MONDE devra donc verser à sa salariée le sommes de 16662,63 € à titre de rappel de prime d'ancienneté de 2008 à 2014 et celle de 1388,55 € au titre du 13ème mois, outre celle de 1805,12 € au titre des congés payés afférents »

ALORS QUE selon l'article 20-1 de l'avenant audiovisuel à la convention collective des journalistes applicable aux faits de l'espèce, « les salaires de base des journalistes employés dans l'entreprise sont majorés d'une prime d'ancienneté, calculée en fonction de l'ancienneté dans la profession, soit 5 % pour 5 ans, 10 % pour 10 ans, 15 % pour 15 ans, 20 % pour 20 ans, 25 % pour 25 ans. Le taux de cette prime s'apprécie par rapport au salaire de base de la fonction ou s'il est plus avantageux par rapport au salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise » ; que l'article 19-1 définit le salaire de base minimum garanti comme étant le montant du « produit de l'indice d'entrée en fonction de journaliste dans la grille minimale garantie, ou s'il est plus élevé, de l'indice de l'échelon de l'ancienneté acquise, par la valeur indiciaire » ; qu'il en résulte que la prime d'ancienneté est assise sur le salaire de base minimum garanti ainsi défini ; qu'en jugeant que faute de définition précise des notions de « salaire de base de la fonction » et de « salaire de base correspondant à l'indice minimum équivalent à l'ancienneté reconnue dans l'entreprise », la prime d'ancienneté devait être calculée sur la base du salaire revalorisé dit Servat issus des accords d'entreprise du même nom conclus postérieurement à l'avenant audiovisuel à la convention collective, cependant qu'elle relevait que ces accords ne comportaient pas d'autre définition de la prime d'ancienneté que celle issue de l'avenant audiovisuel, la Cour d'appel a violé les articles 19 et 20 de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12480
Date de la décision : 07/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Presse - Convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 - Avenant pour les sociétés de l'audiovisuel public du 9 juillet 1983 - Article 20 - Prime d'ancienneté - Calcul - Modalités - Détermination

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Journaliste professionnel - Statut - Dispositions conventionnelles - Avenant pour les sociétés de l'audiovisuel public du 9 juillet 1983 - Article 20 - Prime d'ancienneté - Calcul - Modalités - Détermination

Les accords de revalorisation des salaires des journalistes de Radio France Internationale, dits accords Servat, ne comportant pas d'autre définition de la prime d'ancienneté que celle issue de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes, il y a lieu de calculer cette prime selon les conditions prévues par cet avenant


Références :

articles 19 et 20 de l'avenant pour les sociétés de l'audiovisuel public du 9 juillet 1983 à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2017, pourvoi n°16-12480, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12480
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