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06/12/2017 | FRANCE | N°16-21870

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 décembre 2017, 16-21870


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 5 mars 2014, n° 12-27. 050), que par contrat du 1er décembre 1983, la société Total raffinage distribution, aux droits de laquelle vient la société Total raffinage marketing, a confié l'exploitation d'une station-service à la société X... ; que cette dernière a mis fin au contrat le 1er mars 1985 ; que, le 13 décembre 2004, M. et Mme X... cogérants de cette société, ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal des co-gérants :

Attendu que les époux X... font grief ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 5 mars 2014, n° 12-27. 050), que par contrat du 1er décembre 1983, la société Total raffinage distribution, aux droits de laquelle vient la société Total raffinage marketing, a confié l'exploitation d'une station-service à la société X... ; que cette dernière a mis fin au contrat le 1er mars 1985 ; que, le 13 décembre 2004, M. et Mme X... cogérants de cette société, ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal des co-gérants :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées au titre de l'exposition au benzène doublée d'un défaut de suivi médical, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, de prendre toutes les mesures mises à sa charge par la réglementation applicable pour assurer la protection de la santé des travailleurs et la prévention des risques et, en cas de contestation, de démontrer qu'il s'est acquitté de cette obligation ; qu'il incombe, dans ces conditions, à l'entreprise propriétaire d'installations classées de distribution d'hydrocarbures de démontrer avoir pris l'ensemble des mesures prescrites par la réglementation applicable à effet de protéger les travailleurs et des usagers des risques inhérents à son activité ; que cette preuve ne peut résulter de ses seules allégations ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande de dommages et intérêts pour exposition au benzène, motif pris que la société Total fait valoir que la station service exploitée par la société X... était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, assertion non combattue par les époux X..., la cour d'appel a violé les articles 43 de la convention collective des industries du pétrole du 31 mars 1953 et 28 de l'accord cadre du 17 mars 1975, ensemble l'article 1315, recodifié 1353 du code civil ;

2°/ que les termes du litige sont fixés par les conclusions des parties oralement reprises ; qu'en l'espèce, il ressort des conclusions oralement reprises des époux X... au soutien de leur demande de dommages et intérêts en raison de leur exposition pendant l'exploitation de la station service aux hydrocarbures manipulés dans ce lieu dangereux et cancérigènes, que la société Total, qui a voulu ignorer la personne de M. et Mme X..., n'a respecté aucune des mesures prévues pour surveiller et protéger la santé de ses travailleurs ; qu'ils énuméraient ensuite les divers impératifs de protection existant en droit interne et notamment, ceux prescrits par la chambre de commerce et d'industrie de Paris, imposant pour limiter les émissions de vapeurs de benzène, la mise en place obligatoire de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbure pour les opérations de remplissage des cuves [et] à la pompe, sur les pistolets de distribution de carburants ; qu'ils concluaient être bien fondés à demander une indemnité pour avoir été exposés sans surveillance médicale à des produits dangereux, les hydrocarbures contenant des substances cancérigènes ; qu'aux termes de ces écritures, les époux X... contestaient expressément que la société Total ait pris les mesures de protection décrites et, notamment, la mise en place de dispositifs obligatoires d'extraction des vapeurs de benzène, mentionnée au nombre des mesures n'ayant pas été respectées ; qu'en retenant, pour conclure qu'ils ne démontraient pas avoir été exposés au benzène et les débouter, en conséquence, de leur demande de dommages et intérêts à ce titre, que la société Total fait valoir que la station service exploitée par la société X... était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, assertion non combattue par les époux X..., la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant, d'une part retenu, sans dénaturation, que la société Total faisait valoir, par une assertion non combattue par les époux X..., que la station service était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, et d'autre part relevé, que les co-gérants ne démontraient pas qu'ils auraient été exposés à un agent nocif, et ne se prévalaient d'aucun autre préjudice particulier consécutif à la carence de la société Total dans l'organisation d'un suivi médical à leur bénéfice pendant une durée de dix-sept mois seulement, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal des co-gérants :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Vu les articles L. 7321-1 et suivants du code du travail, ensemble l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, l'article 3 de l'accord Arrco du 8 décembre 1961 et l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

Attendu que pour condamner la société Total à procéder à l'affiliation rétroactive de chacun des époux X... au régime de retraite complémentaire appliqué dans l'entreprise pendant la période du 2 décembre 1983 au 25 juin 1985, pour toute la durée de la période, l'arrêt retient que les intéressés font à bon droit valoir qu'ils auraient notamment dû être bénéficiaires d'un régime de retraite complémentaire dont le principe a été généralisé à tout salarié par la loi n° 72-123 du 29 décembre 1972, la société Total ayant manqué à ses obligations d'employeur en vertu des dispositions de l'article L. 781-1 2° du code du travail et ne pouvant donc valablement se prévaloir de la demande tardive des appelants à ce titre, à l'issue d'une procédure commerciale qui a duré quinze années, dans la mesure où il n'est pas allégué ni démontré que cette demande serait prescrite ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que les gérants de succursale, qui bénéficient des dispositions du code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, ne sont pas des salariés, la cour d'appel qui n'a pas vérifié si les intéressés remplissaient effectivement les conditions de l'affiliation aux régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Total à procéder à l'affiliation rétroactive de chacun des époux X... au régime de retraite complémentaire appliqué dans l'entreprise pendant la période du 2 décembre 1983 au 25 juin 1985, pour toute la durée de cette période, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de 100 jours, l'arrêt rendu le 15 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux X... " … de leurs demandes … formées au titre de l'exposition au benzène doublée d'un défaut de suivi médical " ;

AUX MOTIFS QUE " … sur l'exposition à des substances dangereuses : l'article 43 des clauses générales communes aux différentes catégories professionnelles de la convention applicable disposait que " les parties contractantes affirment leur volonté de mettre tout en oeuvre pour préserver la santé des salariés occupés dans les différents établissements... en particulier, les salariés employés à des opérations de mise en oeuvre de produits susceptibles d'occasionner des maladies professionnelles et dans des conditions d'emploi où ces produits sont nocifs, seront l'objet d'une surveillance médicale particulièrement attentive " ; l'article 45 que " pour les travaux où le personnel est exposé aux vapeurs, poussières, fumées ou émanations nocives, la direction fournira des effets de protection efficace " ; enfin l'article 46 que " tout salarié fera obligatoirement, à l'occasion de son embauchage, l'objet d'un examen médical... Les salariés occupés à des travaux dangereux ou insalubres seront l'objet d'une surveillance spéciale " ;

QU'ensuite, l'article 28 de l'accord-cadre du 17 mars 1975 sur l'amélioration des conditions de travail disposait que : " Là où existent des nuisances particulières, tout doit être mis en oeuvre pour parvenir à la disparition des effets nocifs qu'elles présentent. Les conditions d'utilisation de certains produits, qu'il s'agisse de produits déjà en usage ou de produits nouveaux, posent des problèmes difficiles qui nécessitent un examen approfondi, afin de parvenir, malgré ces obstacles, à une protection plus efficace des travailleurs et des consommateurs. Des études en ce sens pourront être demandées par chaque branche professionnelle intéressée à des organismes techniques compétents, comme par exemple, l'l. N. R. S., et les chefs d'entreprise s'efforceront de recueillir toutes informations de nature à permettre la diminution et la suppression des risques encourus " ;

QUE le simple manquement par un employeur à son obligation de protection d'un salarié contre l'exposition à des substances dangereuses, même en l'absence de maladie contractée, caractérise son manquement à l'obligation de sécurité de résultat qui s'impose à lui, du fait de la simple exposition à un risque pour le salarié ;

QU'en l'espèce, la Société Total ne conteste pas que l'exposition des salariés à l'inhalation de produits dérivés du benzène est susceptible d'être à l'origine de pathologies assimilables à des maladies professionnelles, ainsi qu'il résulte du tableau n° 4 annexé à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale ; que cependant, dans la mesure où, comme en l'espèce, les époux X... ne prétendent pas avoir été victimes d'une pathologie référencée à cette annexe, ils ne peuvent se prévaloir d'une quelconque présomption d'imputabilité, au sens de l'article L. 461-2 du même code ; qu'il leur incombe dès lors d'établir qu'ils ont été exposés de façon habituelle à l'action des agents nocifs dans l'exercice de leur profession afin de prétendre à réparation du préjudice qui en découle ;

QUE la Société Total fait valoir que la station service exploitée par la SARL X... était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, assertion non combattue par les époux X... ; qu'il s'en suit que les époux X... ne rapportent pas la preuve qu'ils ont été régulièrement exposés au risque dont ils se prévalent au cours de leur activité professionnelle pour le compte de la Société Total ;

QUE par ailleurs, l'employeur est tenu à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs, et notamment de prendre l'initiative d'organiser la visite médicale d'embauche ainsi que les examens médicaux annuels prévus par les dispositions des anciens articles R. 241-48 et R. 241-49 du code du travail, dans leurs dispositions alors en vigueur, puisqu'issues du décret n° 79-231 du 20 mars 1979 ;

QU'en l'espèce, la Société Total ne conteste pas n'avoir organisé au bénéfice des époux X... ni visite médicale initiale, ni suivi médical annuel ; que cependant, les époux X..., qui ne démontrent pas qu'ils auraient été exposés à un agent nocif, ne se prévalent d'aucun autre préjudice particulier consécutif à la carence de la Société Total dans l'organisation d'un suivi médical à leur bénéfice pendant une durée de dix-sept mois seulement ; qu'il en résulte qu'ils seront déboutés de leur demande à ce titre " ;

1°) ALORS QU'il appartient à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, de prendre toutes les mesures mises à sa charge par la réglementation applicable pour assurer la protection de la santé des travailleurs et la prévention des risques et, en cas de contestation, de démontrer qu'il s'est acquitté de cette obligation ; qu'il incombe, dans ces conditions, à l'entreprise propriétaire d'installations classées de distribution d'hydrocarbures de démontrer avoir pris l'ensemble des mesures prescrites par la réglementation applicable à effet de protéger les travailleurs et des usagers des risques inhérents à son activité ; que cette preuve ne peut résulter de ses seules allégations ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande de dommages et intérêts pour exposition au benzène, motif pris que " … la Société Total fait valoir que la station service exploitée par la SARL X... était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, assertion non combattue par les époux X... (…) ", la Cour d'appel a violé les articles 43 de la convention collective des industries du pétrole du 31 mars 1953 et 28 de l'accord cadre du 17 mars 1975, ensemble l'article 1315, recodifié 1353 du Code civil ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE les termes du litige sont fixés par les conclusions des parties oralement reprises ; qu'en l'espèce, il ressort des conclusions oralement reprises des époux X... au soutien de leur demande de dommages et intérêts en raison de leur exposition pendant l'exploitation de la station service aux " hydrocarbures manipulés dans ce lieu … dangereux et cancérigènes ", que " la Société Total, qui a voulu ignorer la personne de Monsieur et Madame X..., n'a respecté aucune des mesures prévues pour surveiller et protéger la santé de ses travailleurs " (leurs conclusions Titre V p. 32) ; qu'ils énuméraient ensuite les divers impératifs de protection existant " en droit interne " et notamment (p. 37 et 38), ceux prescrits par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, imposant " pour limiter les émissions [de vapeurs de benzène] ", la mise en place obligatoire de " dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures … pour les opérations de remplissage des cuves [et] à la pompe, sur les pistolets de distribution de carburants (…) " ; qu'ils concluaient être " bien fondés à demander une indemnité pour avoir été exposés sans surveillance médicale à des produits dangereux : les hydrocarbures contenant des substances cancérigènes (…) " (ibid. p. 49) ; qu'aux termes de ces écritures, les époux X... contestaient expressément que la Société Total ait pris les mesures de protection décrites et, notamment, la mise en place de dispositifs obligatoires d'extraction des vapeurs de benzène, mentionnée au nombre des mesures n'ayant pas été respectées ; qu'en retenant, pour conclure qu'ils ne démontraient pas avoir été exposés au benzène et les débouter, en conséquence, de leur demande de dommages et intérêts à ce titre, que " … la Société Total fait valoir que la station service exploitée par la SARL X... était équipée de dispositifs de récupération des vapeurs d'hydrocarbures, assertion non combattue par les époux X... (…) ", la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leur demande de condamnation de la Société Total Marketing France à procéder à leur immatriculation aux régimes de protection complémentaire et supplémentaire en vigueur dans l'entreprise ;

AUX MOTIFS QUE " … il appartenait aux époux X... de préciser les autres régimes complémentaires qui auraient été alors en vigueur au sein de la Société Total, et dont ils revendiquent le bénéfice, au titre de la prévoyance, de la protection sociale et des retraites supplémentaires " ;

ALORS QUE lorsque le calcul des droits du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande d'immatriculation aux régimes spéciaux de prévoyance et de retraite dont bénéficiaient les salariés de la Société Total Raffinage Marketing aux motifs qu'il leur incombait de préciser les régimes complémentaires en vigueur, quand il appartenait à cet employeur, qui, en leur déniant le statut de salarié pendant la durée de la relation de travail, les avait mis dans l'impossibilité de se procurer les éléments justificatifs de leurs droits, de produire les éléments de nature à justifier l'existence et la nature des engagements spécifiques dont il faisait bénéficier les salariés de même qualification qu'eux, la Cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du Code civil.

TROSIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables la demande des époux X... en condamnation de Total à l'allocation de dommages et intérêts pour méconnaissance des durées maximales de travail hebdomadaire ;

AUX MOTIFS QUE " La Société Total oppose époux X... la fin de non-recevoir de leurs demandes formées à ce titre, tirée de l'autorité de la chose jugée ainsi que la prescription de ces demandes indemnitaires ;

QU'il est patent que le troisième chef de demande formé par les époux X..., relatif au non-respect par la Société Total du temps de travail autorisé par semaine, maintenu devant la cour de renvoi, alors qu'il a été expressément déclaré irrecevable pour être prescrit par la Cour d'Appel de Nancy dans les motifs de son arrêt et que ce rejet n'a pas fait l'objet d'une cassation, se heurte à l'autorité de la chose jugée, ce en quoi cette demande telle que présentée à nouveau devant la cour de renvoi est irrecevable, en vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile " ;

ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en déclarant irrecevable la demande de dommages et intérêts pour méconnaissance de la durée maximale de travail hebdomadaire au motif que cette demande avait été déclarée irrecevable comme prescrite par la Cour d'appel de Nancy dans les motifs de son arrêt du 29 août 2012 quand cette irrecevabilité ne résultait pas du dispositif de cette décision, la Cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du Code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes des époux X... tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour atteinte à leur droit aux repos et congés (repos hebdomadaire, congés annuels, jours fériés …) ;

AUX MOTIFS QUE " La Société Total oppose époux X... la fin de non-recevoir de leurs demandes formées à ce titre, tirée de l'autorité de la chose jugée ainsi que la prescription de ces demandes indemnitaires ;

QU'il est patent que le troisième chef de demande formé par les époux X..., relatif au non-respect par la Société Total du temps de travail autorisé par semaine, maintenu devant la cour de renvoi, alors qu'il a été expressément déclaré irrecevable pour être prescrit par la Cour d'Appel de Nancy dans les motifs de son arrêt et que ce rejet n'a pas fait l'objet d'une cassation, se heurte à l'autorité de la chose jugée, ce en quoi cette demande telle que présentée à nouveau devant la cour de renvoi est irrecevable, en vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile ;

QU'en revanche, les manquements de l'employeur à son obligation d'assurer à ses salariés le bénéfice de leurs droits à repos hebdomadaire ou pour jours fériés ou encore la jouissance de leurs jours de congés, se résolvent, s'ils sont avérés, par l'allocation de dommages et intérêts réparant l'entier préjudice subi par ces salariés durant toute la durée de leur contrat de travail ; qu'il s'agit donc de demandes nouvelles, formées devant la cour de renvoi par les époux X... pour la première fois dans leurs conclusions enregistrées au greffe de la présente cour le 30 juillet 2014 ; qu'elles ne sont toutefois recevables que dans la mesure où elles ne sont pas prescrites ;

QU'aux termes de l'article 2224 du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

QUE [les] dispositions de l'article 2222 alinéa 2 du code civil […] prévoient qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle précitée, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

QU'en l'espèce, les époux X... ont cessé la gérance de la station-service le 24 avril 1985 ;

QUE la Cour de Cassation, dans l'arrêt de renvoi, a jugé que la cour d'appel de Nancy avait appliqué à bon droit la règle légale prévoyant une prescription quinquennale des actions en justice relatives à des créances de nature salariale, au motif que les époux X... n'avaient pas été dans l'impossibilité d'agir en requalification des contrats, lesquels ne présentaient pas de caractère frauduleux ;

QUE le même constat doit être fait s'agissant de leurs demandes formées au titre de créances de nature indemnitaire, et ce d'autant plus que dans leur lettre de rupture envoyée le 1er mars 1985 à la Société Total, ils avaient souligné le caractère indigne de leurs conditions de travail ;

QUE dès lors, les époux X... disposaient d'un délai de cinq ans à compter du 19 juin 2008 pour former de nouvelles demandes en cours de procédure ; que celles dont ils se prévalent désormais ayant été présentées pour la première fois le 30 juillet 2014, elles sont prescrites ; que dès lors, ces demandes seront déclarées irrecevables, en vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile " ;

1°) ALORS QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution de la même relation de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les époux X... ont saisi la juridiction prud'homale de leur action tendant à se voir reconnaître le bénéfice du statut de gérant de succursale le 13 décembre 2004 (arrêt p. 3 §. 1er) ; que l'effet interruptif de prescription en résultant s'étendait à leurs demandes de dommages et intérêts pour méconnaissance de leurs droits, issus du même statut, aux repos hebdomadaire, congés et jours fériés ; qu'en déclarant ces demandes prescrites au motif qu'elles avaient été présentées pour la première fois le 30 juillet 2014 devant la cour de renvoi, la Cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du Code du travail ;

2°) ET ALORS QUE l'effet interruptif de prescription attaché à une action en justice se prolonge pendant la durée de l'instance ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'action engagée par les époux X... contre la Société Total Marketing France par requête du 13 décembre 2004, ayant donné lieu à un premier jugement d'incompétence du 1er septembre 2005, s'était poursuivie au cours de différentes instances et recours successifs ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 26 septembre 2006, un jugement ordonnant expertise du Conseil de prud'hommes de Nancy du 28 juin 2007, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 17 décembre 2008, une ordonnance de sursis à statuer du 24 juin 2010, un jugement sur le fond du Conseil de prud'hommes de Nancy du 12 mai 2011 et un arrêt sur le fond du 29 août 2012 dont la cassation par arrêt du 5 mars 2014 était à l'origine de sa saisine ; qu'aucune prescription des demandes indemnitaires susceptibles d'être formées par les époux X... contre la Société Total Marketing France au titre de la relation de travail les ayant liés du 1er décembre 1983 au mois de mars 1985 n'était donc acquise ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 2241 à 2243 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total marketing France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Total à procéder à l'affiliation rétroactive de chacun des époux X... au régime de retraite complémentaire appliqué dans l'entreprise pendant la période du 2 décembre 1983 au 25 juin 1985, pour toute la durée de cette période, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de 100 jours ;

AUX MOTIFS QUE les époux X... affirment en dernier lieu devant la présente cour, et ce pour la première fois depuis le début de l'instance, avoir été dans l'obligation de demander leur affiliation au régime général de la sécurité sociale en leur qualité de mandataire social de la Sarl X..., en application des dispositions alors en vigueur. Ils soutiennent qu'ils auraient dû malgré tout être affiliés en réalité par la société Total à ce même régime général à raison de leur activité subordonnée, telle qu'elle leur a été reconnue par application des dispositions de l'article L. 781-1. 2°) du code du travail ; qu'or, l'affiliation rétroactive à un régime d'assurances sociales ne peut être ordonnée qu'en cas d'absence totale d'affiliation pour l'activité et la période concernées ; qu'il s'en déduit que s'il est vrai que les époux X... auraient dû être affiliés par l'employeur au régime général de l'assurance sociale, leur demande d'affiliation rétroactive par ladite société se heurte en tout état de cause au principe de la prohibition du cumul d'affiliation pour l'activité et ! a période concernées, peu important qu'ils aient exercé cette activité en qualité de gérants de la société X... et que cette activité ait été dans le même temps subordonnée à la société Total ; que dès lors, ils ne peuvent prétendre à nouvelle affiliation à ce titre par la société Total ; […] ; qu'en revanche, les époux X... font à bon droit valoir qu'ils auraient notamment dû être bénéficiaires d'un régime de retraite complémentaire dont le principe a été généralisé à tout salarié par la loi n° 72-123 du 29 décembre 1972, la société Total ayant manqué à ses obligations d'employeur en vertu des dispositions de l'article L. 781-1 2° du code du travail et ne pouvant donc valablement se prévaloir de la demande tardive des appelants à ce titre, à l'issue d'une procédure commerciale qui a duré 15 années, dans la mesure où il n'est pas allégué ni démontré que cette demande serait prescrite ; mais que sur ce point encore, les époux X... ne peuvent agir pour le compte de l'organisme collecteur, ce en quoi la mesure d'expertise sollicitée est sans objet ; qu'aussi, convient-il de condamner à ce titre la société Total à procéder à l'affiliation rétroactive de chacun des époux X... au régime de retraite complémentaire pour la période et l'activité considérée, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de 100 jours ;

ALORS QUE le statut de gérant de succursale n'entraîne pas l'affiliation automatique aux régimes de retraite Arrco et/ ou Agirc ; que l'affiliation à la sécurité sociale n'emporte pas automatiquement adhésion à l'Agirc ; que l'affiliation à l'Agirc et/ ou à l'Arrco ne se déduit pas de la seule assimilation de l'activité exercée à une activité salariée pour l'application de la législation de la sécurité sociale ; qu'en décidant le contraire, sans vérifier si les époux X... remplissaient effectivement les conditions de l'affiliation aux dits régimes de retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail, ensemble l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, l'article 3 de l'accord Arrco du 8 décembre 1961 et l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-21870
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 15 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 déc. 2017, pourvoi n°16-21870


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21870
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