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06/12/2017 | FRANCE | N°16-21424

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 décembre 2017, 16-21424


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 janvier 2014, Mme Suzanne X... (la mandante), usufruitière d'un bien immobilier donné à bail commercial, a assigné la société Foncia Languedoc Provence (le mandataire), chargée de la gestion locative du bien, en paiement de diverses sommes correspondant à des charges qui n'avaient pas été réclamées aux locataires, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que Mme Janie X..., nue-propriétaire du bien, a également agi à cette fin ;

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ur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 2224 du code ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 janvier 2014, Mme Suzanne X... (la mandante), usufruitière d'un bien immobilier donné à bail commercial, a assigné la société Foncia Languedoc Provence (le mandataire), chargée de la gestion locative du bien, en paiement de diverses sommes correspondant à des charges qui n'avaient pas été réclamées aux locataires, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que Mme Janie X..., nue-propriétaire du bien, a également agi à cette fin ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu que, pour juger l'action relative aux charges antérieures au 13 janvier 2009 irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient que le dommage subi par la mandante du fait de l'inaction du mandataire s'est produit à la date d'exigibilité de chaque paiement par les locataires, soit le 1er décembre de chaque année pour les assurances et le 1er janvier de chaque année pour les taxes foncières ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance, par la mandante, de son dommage résultant de l'inaction du mandataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes relatives au prorata d'assurances et de taxes foncières pour 2009 et 2010, l'arrêt retient que le mandataire justifie avoir demandé à la mandante les copies des taxes foncières pour 2010 afin de pouvoir les réclamer à la nouvelle locataire entrée dans les lieux au cours de ladite année et qu'il s'en déduit aisément, comme le soutient le mandataire, que la mandante a fait sciemment le choix de ne pas réclamer à l'ancien locataire le paiement des assurances et taxes foncières dont il pouvait être redevable, et que, connaissant la clause d'indexation stipulée au bail, elle n'a manifestement pas entendu la faire jouer pour l'ancien locataire ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la renonciation sans équivoque de la mandante à obtenir le paiement de ses créances, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'action de Mme Janie X... pour défaut d'intérêt à agir, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Foncia Languedoc Provence aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme Suzanne X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mmes Suzanne et Janie X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé irrecevable la demande de Mme Suzanne X... ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que par ailleurs, la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que Mme Suzanne X... poursuit une action en responsabilité contractuelle selon acte introductif d'instance en date du 13 janvier 2014 ; que, du compte dressé par le mandataire le 20 novembre 2012 à destination de la société RD Savoie, locataire, une somme de 23 530,74 euros est recherchée au titre des assurances à compter de l'exercice 2005/2006 jusqu'à l'exercice 2011/2012 ainsi que les taxes foncières 2007 et 2009 ; que s'ajoute un prorata de 176,30 euros au titre de l'assurance 2009/2010 et de 4 169 euros au titre des taxes foncières 2010 ; que Mme Suzanne X... affirme n'avoir pas eu connaissance avant le cours de l'année 2012 que la taxe foncière et les impôts locaux n'étaient pas sollicités par le mandataire ; qu'au-delà du mode incantatoire d'une telle allégation, elle n'est pas cohérente ; que dès le décès de son époux qui était précédemment mandant, survenu le 12 décembre 2003, Mme Suzanne X... est destinataire de la situation locative de l'Empire Hôtel éditée le 19 décembre 2003 (sa pièce 9) laquelle fait apparaître pour le dernier trimestre 2003 les opérations clairement identifiées « taxes foncières » et « assurances » ; que la créance dont elle poursuit le recouvrement via cette action en responsabilité contractuelle exclut les taxes foncières 2004 à 2006 et 2008, induisant par là qu'elle en a été défrayée ; que Mme Suzanne X... savait donc pertinemment que ces charges étaient payables par les locataires et qu'en ne les réclamant pas, elle s'exposait à se voir opposer la prescription ; que le dommage qu'elle a subi du fait de l'inaction du mandataire pour les sommes en litige s'est produit à la date d'exigibilité de chaque paiement par les locataires, soit au le 1er décembre de chaque année pour les assurances, au 1er janvier de chaque année pour les taxes foncières ; qu'ainsi, la dette du locataire étant payable par termes successifs, le dommage qui s'en est suivi suit le même régime si bien que sont prescrites toutes les indemnités qui pourraient être allouées antérieurement au 13 janvier 2009, ne restant plus en discussion que celles de 176,30 euros et de 4 169 euros au titre des prorata d'assurances 2009/2010 et taxes foncières 2010 ;

1°) ALORS QUE la prescription ne commence à courir qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; qu'en relevant, pour juger prescrite l'action de Mme X... à l'encontre de l'agence, mandataire chargée de recouvrer les créances que la mandante avait contre le locataire, que le dommage qu'elle avait subi du fait de l'inaction de l'agence s'était produit à la date d'exigibilité des sommes dues, quand Mme X... ne pouvait avoir connaissance du dommage subi qu'à la date où elle avait été informée de ce que l'agence n'avait pas recouvré les sommes dues, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE le mandant qui confie une tâche à un professionnel n'a pas à veiller à son exécution ; qu'en affirmant que « Mme Suzanne X... savait pertinemment que ces charges étaient payables par les locataires et qu'en ne les réclamant pas, elle s'exposait à se voir opposer la prescription » quand il était constant que Mme X... avait confié un mandat de recouvrement à l'agence de sorte qu'elle n'avait pas à vérifier l'exécution par le mandataire de ses obligations et partant, le paiement par le locataire des sommes dont il était débiteur et que le professionnel était chargé de recouvrer, la cour d'appel a violé l'article 1984 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le délai de prescription quinquennale qui, depuis la loi du 17 juin 2008, remplace le délai de prescription décennale en matière commerciale, ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de cette réforme ; qu'en faisant courir ce délai quinquennal à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances invoquées cependant que certaines étaient antérieures à la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, ensemble l'article 2 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé non fondée la demande de Mme Suzanne X... ;

AUX MOTIFS QUE la dette du locataire étant payable par termes successifs, le dommage qui s'en est suivi suit le même régime si bien que sont prescrites toutes les indemnités qui pourraient être allouées antérieurement au 13 janvier 2009, ne restant plus en discussion que celles de 176,30 euros et de 4 169 euros au titre des prorata d'assurances 2009/2010 et taxes foncières 2010 ; qu'or, pour celles-ci, le mandataire justifie avoir demandé (pièces 10 et 11) les copies de ses taxes foncières 2010 pour pouvoir les réclamer au nouveau locataire la société BD dont la confrontation des termes « prorata » et du courrier du conseil de l'indivision Quéralt en date du 2 avril 2012 permet de retenir qu'elle est entrée dans les lieux courant 2010 ; qu'il s'en déduit aisément, comme le soutient l'agence, que Mme X... a fait sciemment le choix de ne pas réclamer à l'ancien locataire, la SARL BD, le paiement des assurances et taxes foncières dont elle pouvait être redevable ; que l'action est non seulement prescrite pour partie mais mal fondée pour le surplus ; que le même raisonnement vaut pour l'indexation légale du prix du bail en application de la clause d'indexation du bail commercial, bailleresse et locataire étant en pourparlers depuis le décembre 2006 sur le renouvellement du bail, la commission de conciliation ayant été saisie. Mme X... connaissait l'existence de cette clause d'indexation stipulée au bail et n'a manifestement pas entendu la faire jouer avec l'ancien locataire ; que pour le surplus, à défaut de précision quant à la date d'effet et aux modalités du nouveau bail contracté avec le nouveau locataire, l'indexation a été réclamée par le mandataire au locataire par courrier du 21 janvier 2015 à compter de l'année 2008 ;

1°) ALORS QUE la renonciation à un droit doit être dénuée d'équivoque ; qu'en déduisant d'un courrier de l'agence immobilière réclamant de pièces justifiant le paiement des taxes foncières pour pouvoir en réclamer le paiement au nouveau locataire que la bailleresse avait renoncé à réclamer le paiement de ces sommes incombant à l'ancien locataire, quand une telle circonstance n'était pas de nature à établir la renonciation sans équivoque de la bailleresse à son action en paiement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°) ALORS QUE la renonciation à un droit doit être dénuée d'équivoque ; qu'en déduisant la renonciation de la bailleresse à se prévaloir de la clause d'indexation du loyer de ce qu'elle avait connaissance de cette clause et qu'elle avait mené des pourparlers depuis l'année 2006 pour le renouvellement du bail quand de telles circonstances n'étaient pas de nature à établir une renonciation sans équivoque de Mme X... à sa créance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'agent immobilier investi d'un mandat de gestion locative doit recouvrer les sommes dues au bailleur, mandant, par le locataire, le propriétaire mandant étant déchargé de cette obligation ; qu'en retenant, pour écarter la demande de Mme X... en paiement des sommes qui incombaient au locataire conformément au contrat de bail, que le bailleur n'avait pas réclamé les sommes dues quand il appartenait à l'agent immobilier, mandaté à cette fin, de procéder au recouvrement des sommes litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 1992 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-21424
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 19 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 déc. 2017, pourvoi n°16-21424


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21424
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