LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 février 2016), que, le 10 août 2006, la société Kempische dépannage Dienst (la société KDS) a été mandatée par la société VTB-VAB, assurée auprès de la société KBC assurances, afin de transporter en Belgique plusieurs véhicules automobiles accidentés ; que ce chargement, réduit à l'état d'épave à la suite d'un incendie, a été transporté puis entreposé le même jour dans les locaux de la société Bernard ; qu'une mesure d'expertise ayant été ordonnée en référé à la demande de la société KBC assurances, l'assureur d'un des véhicules sinistrés a assigné celle-ci ainsi que les sociétés VTB-VAB et KDS en responsabilité et indemnisation ; que la société Bernard, intervenue volontairement à l'instance, a formé contre ces dernières une demande en paiement de différentes sommes au titre des frais de dépannage et de gardiennage du chargement litigieux ; que les sociétés KBC assurances et VTB-VAB ont demandé à être garanties par la société KDS du chef de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elles ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que la société KDS fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Bernard la somme de 6 589,96 euros toutes taxes comprises au titre des frais de dépannage et celle de 132 134,40 euros toutes taxes comprises au titre des frais de gardiennage du 11 août 2006 au 11 janvier 2016 ;
Attendu qu'après avoir constaté que la prestation de dépannage et d'entreposage des véhicules calcinés accomplie par la société Bernard n'a été rendue nécessaire que par le sinistre survenu à l'occasion du contrat de transport liant la société VTB-VAB, commissionnaire, à la société KDS, transporteur, que les sociétés VTB-VAB et KBC assurances n'étaient pas sur place lors du sinistre et n'ont ni choisi ni contacté la société Bernard, dont elles ignoraient l'existence, et que les ordres de dépannage signés de la société VTB-VAB sont antérieurs au sinistre et relatifs à l'enlèvement initial des véhicules accidentés depuis les différents garages où ils étaient stationnés en vue de leur transport en Belgique, l'arrêt relève que la main courante établie par les fonctionnaires de police fait exclusivement référence aux déclarations de la société KDS qui s'engageait à faire évacuer les véhicules, sans aucune mention de l'identité ou du choix de la société VTB-VAB ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a relevé qu'il était constant que seule la société KDS se trouvait sur les lieux, a pu, en dépit d'une rédaction maladroite mais sans dénaturer les conclusions de celle-ci, en déduire qu'elle avait seule fait le choix du dépôt du chargement litigieux auprès de la société Bernard dont elle était le donneur d'ordre ; qu'ayant ainsi fait ressortir l'existence d'un accord de la société KDS à la formation d'un contrat de dépôt avec la société Bernard, elle a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :
Attendu que la société KDS fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Bernard la somme de 6 589,96 euros toutes taxes comprises au titre des frais de dépannage ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 455, 4, 5 et 954 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à la cour d'appel qui a estimé que la facture de dépannage n'était pas sérieusement contestée et, dès lors, était due à la société Bernard ; qu'il ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :
Attendu que la société KDS fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Bernard la somme de 132 134,40 euros toutes taxes comprises au titre des frais de gardiennage des véhicules du 11 août 2006 au 11 janvier 2016 ;
Attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'accessoire à un contrat d'entreprise, le contrat de dépôt était présumé à titre onéreux, et estimé que la société KDS avait, à la suite de l'incendie du chargement qu'elle transportait, conclu un contrat de dépôt nécessaire pour le dépannage et le gardiennage de celui-ci avec la société Bernard, l'arrêt relève que le tarif pratiqué par cette dernière est conforme à sa grille de tarification et qu'il n'est pas soutenu qu'il revêtirait un caractère excessif au regard des usages ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Kempische dépannage Dienst aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés KBC assurances et VTB-VAB la somme globale de 3 000 euros, ainsi qu'une somme de même montant à la société Bernard ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Kempische dépannage Dienst.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement ayant dit la société VTB-VAB donneur d'ordre du dépannage et gardiennage et d'AVOIR, statuant à nouveau, condamné la société KDS à payer à la société Bernard la somme de 6 589,96 euros TTC au titre des frais de dépannage, la somme de 132 134,40 euros TTC au titre des frais de gardiennage des véhicules du 11 août 2006 au 11 janvier 2016 et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE la prestation de dépannage et d'entreposage des véhicules calcinés assurée par la société Bernard, qui n'a été rendue nécessaire que par le sinistre survenu à l'occasion du contrat de transport liant la société VTB-VAB, commissionnaire, à la société KDS, voiturier, relève d'un contrat distinct du contrat de transport, lequel avait pris fin avec la perte de la marchandise à livrer, ce contrat n'étant pas l'accessoire nécessaire du contrat de transport ; qu'il s'agit d'un contrat de dépôt au sens des articles 1945 et suivants du code civil et en l'espèce d'un dépôt nécessaire comme il est dit à l'article 1949 du même code ; que confié à un professionnel, il est présumé l'être à titre onéreux, de sorte que la demande en paiement du garage Bernard, qui n'est pas soumise à la prescription annale de la convention CMR relative au contrat de transport international de marchandises par route du 19 mai 1956, est fondée en son principe ; sur le donneur d'ordre, que les premiers juges ont retenu que le donneur d'ordre était le commissionnaire de transport, soit la société VTB-VAB au motifs décisoires que les ordres de dépannage avaient été délivrés par le commissionnaire et que la main courante établie par les fonctionnaires de police indiquait notamment que le transporteur se chargeait d'évacuer les véhicules du parking de l'hôtel sur lequel ils avaient pris feu ; mais que les sociétés appelantes font justement valoir que les premiers juges se sont mépris sur la portée des éléments ayant fondé leur opinion ; qu'en effet, les ordres de dépannage évoqués, antérieurs au sinistre, ne concernaient nullement le transfert des véhicules calcinés vers le garage Bernard mais leur enlèvement initial depuis les garages épars où ils étaient stationnés en vue de leur rapatriement en Belgique, de sorte qu'ils ne font nullement la preuve d'une intervention directe du commissionnaire dans le choix du garage Bernard une fois le sinistre advenu ; que par ailleurs, la main courante fait exclusivement référence aux déclarations du transporteur KDS qui s'engage à faire évacuer les véhicules, sans aucune mention de l'identité ou d'un choix du commissionnaire de transport belge ; qu'il est constant que seule la société KDS qui se trouvait sur les lieux et qui était propriétaire du poids-lourd transportant les véhicules, poids lourd lui-même sinistré ensuite de l'incendie, a fait le choix d'un dépôt auprès de la Sarl Bernard dont elle était le seul donneur d'ordre ; que la société Bernard, qui poursuit quant à elle la condamnation in solidum du plus grand nombre de parties possible, à savoir le commissionnaire, son assureur et le transporteur, ne saurait inférer de la prompte intervention sur place de la société KBC Assurances, assureur du commissionnaire VTB-VAB, que cette dernière et son assureur auraient été les déposants et seraient à ce titre tenus à son égard d'une obligation de paiement au titre du dépôt, alors qu'elles ne se trouvaient pas sur place à la date des faits, qu'elles n'ont pas choisi ni contacté le garage Bernard dont elles ignoraient l'existence et qu'aucune preuve d'un mandat donné à la société KDS de déposer son ensemble routier chez un tiers n'est rapportée, et ce nonobstant les éventuels recours dont pourrait disposer le transporteur à l'égard du commissionnaire VTB-VAB ou garantie contre l'assureur KBC au titre de la police d'assurance du commissionnaire, recours et demande en garantie dont la cour n'est pas saisie dans le cadre de la présente instance, faute de toute demande de la société KDS en ce sens tant contre la société VTB-VAB que contre l'assureur KBC ; qu'en cet état, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a dit la société VTB-VAB donneur d'ordre du dépannage et du gardiennage et en ce qu'il a prononcé condamnation in solidum à l'encontre de VTB-VAB et KBC Assurances ; que la société Bernard sera déboutée de ses demandes à leur égard, seule la société KDS étant tenue à paiement,
1- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société KDS contestait expressément avoir conclu le moindre contrat avec la société Bernard ; qu'en jugeant pourtant qu'il était « constant » que « seule la société KDS, […] a fait le choix d'un dépôt auprès de la SARL Bernard dont elle était le seul donneur d'ordre », la cour d'appel, qui a tenu pour constant un point expressément contesté, a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
2- ALORS QUE la formation d'un contrat de dépôt nécessaire est subordonnée à l'accord des parties ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'un contrat de dépôt liant les sociétés Bernard et KDS, la cour d'appel s'est bornée à constater que la main courante faisait référence aux déclarations de la société KDS, laquelle s'engageait à faire évacuer les véhicules, et qu'il était « constant que seule la société KDS, […] a fait le choix d'un dépôt auprès de la SARL Bernard dont elle était le seul donneur d'ordre » ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser, autrement que par voie de simple affirmation, l'existence d'un accord donné par la société KDS à la formation d'un contrat de dépôt avec la société Bernard, qui était expressément contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1915, 1949 et 1951 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société KDS à payer à la société Bernard la somme de 6 589,96 euros TTC au titre des frais de dépannage,
AUX MOTIFS QUE la facture de dépannage pour un montant de 5 589,96 euros HT, soit 6 589,96 euros TTC est justifiée et n'est pas sérieusement contestée de sorte que cette somme est due,
1- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la facture de dépannage n'était pas sérieusement contestée et était donc due, sans répondre aux conclusions qui soutenaient, rapport d'expertise à l'appui, que cette facture de dépannage avait déjà été acquittée par l'expert pendant les opérations d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
2- ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; qu'en l'espèce, la société Bernard se bornait à solliciter la somme de « 5 589,96 TTC » au titre du dépannage dans le dispositif de ses conclusions, les motifs de ces conclusions indiquant par ailleurs que le montant hors taxe sollicité était celui de « 5 160 € HT » ; qu'en condamnant pourtant l'exposante à payer, au titre du dépannage, la somme de « 5 589,96 euros HT », soit « 6 589,96 euros TTC », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société KDS à payer à la société Bernard la somme de 132 134,40 euros TTC au titre des frais de gardiennage des véhicules du 11 août 2006 au 11 janvier 2016,
AUX MOTIFS QUE la prestation de dépannage et d'entreposage des véhicules calcinés assurée par la société Bernard, qui n'a été rendue nécessaire que par le sinistre survenu à l'occasion du contrat de transport liant la société VTB-VAB, commissionnaire, à la société KDS, voiturier, relève d'un contrat distinct du contrat de transport, lequel avait pris fin avec la perte de la marchandise à livrer, ce contrat n'étant pas l'accessoire nécessaire du contrat de transport ; qu'il s'agit d'un contrat de dépôt au sens des articles 1945 et suivants du code civil et en l'espèce d'un dépôt nécessaire comme il est dit à l'article 1949 du même code ; que confié à un professionnel, il est présumé l'être à titre onéreux, de sorte que la demande en paiement du garage Bernard, qui n'est pas soumise à la prescription annale de la convention CMR relative au contrat de transport international de marchandises par route du 19 mai 1956, est fondée en son principe,
ET QUE la société Bernard sollicite au titre des frais de gardiennage depuis le 11 août 2006 au 11 janvier 2016, la somme de 132 134,40 euros, soit 16 euros HT par jour et par éléments sur la base de deux éléments (cabine et plate-forme de la remorque) sur 3 441 jours ; qu'il est constant que les véhicules sont à ce jour toujours entreposés dans le garage Bernard, que la société ne réclame plus, comme elle l'avait fait au cours des opérations d'expertise, un prix de gardiennage pour les cinq véhicules calcinés se trouvant sur la remorque du poids-lourd, lequel n'était évidemment pas justifié aucun encombrement supplémentaire n'en résultant pour elle, et que le tarif pratiqué, conforme à sa grille de tarification et dont il n'est pas soutenu qu'il revêtirait un caractère excessif au regard des usages, avait été porté à la connaissance de l'expert initialement mandaté par la société KBC Assurances en mars 2007 puis de l'expert judiciaire le 18 mars 2010 sans susciter de contestation de la part de quiconque ; et qu'aucune faute ne pouvant être reprochée à la société Bernard tirée de la situation dans laquelle elle s'est trouvée placée, tous les protagonistes en ayant eu parfaitement connaissance comme de la facturation qui courrait depuis plusieurs années sans prendre aucune initiative à son égard en vue de mettre fin au dépôt ou d'ordonner la destruction des véhicules, c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir plafonner la somme réclamée, laquelle ne correspond nullement à des dommages-intérêts ou à des intérêts moratoires mais au prix d'une prestation continue non réglée ; que le paiement de cette somme sera donc mis à la charge de la société KDS,
1- ALORS QUE le dépôt est présumé fait à titre gratuit, serait-il fait auprès d'un professionnel, dès lors qu'il n'est pas l'accessoire d'un contrat d'entreprise ; qu'en jugeant pourtant que le contrat de dépôt conclu avec la société Bernard, professionnel, était présumé être à titre onéreux, la cour d'appel a violé l'article 1917 du code civil.
2- ALORS, à tout le moins, QUE lorsque le dépôt est rémunéré, le prix doit être fixé par un accord des parties ; qu'en faisant droit à la demande de la société Bernard sur le fondement d'un tarif unilatéralement annoncé par ses soins à l'expert amiable et à l'expert judiciaire, sans constater que ce prix avait été accepté par la société KDS, ce que le silence conservé par cette dernière ne pouvait suffire à établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1928 du code civil.
3- ALORS, en tout état de cause, QUE dans ses conclusions, la société KDS avait souligné que la société Bernard ne pouvait réclamer un paiement pour des sommes dont elle n'avait pas sollicité le règlement en 2009, lors de l'émission de sa première facture ; qu'en s'abstenant de rechercher si, effectivement, la société Bernard n'avait pas renoncé au paiement de ces sommes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.