LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Groupama méditerranée (société Groupama) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme X... et la société conseil Habitat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 mars 2016), que Mme X... et la société conseil Habitat, assurée par la société Groupama, ont conclu un contrat de construction de maison individuelle ; qu'après réception des travaux, des fissures ont été constatées ; que la société Groupama a réglé à Mme X... une somme correspondant au devis de réparation établi par la société Eiffage construction Roussillon (société Eiffage) qui a réalisé les travaux de reprise ; que, malgré une seconde intervention de la société Eiffage, les désordres ont persisté ; que Mme X... a assigné la société conseil Habitat, la société Groupama et la société Eiffage en réparation des préjudices subis ;
Sur le premier moyen ci-après annexé :
Attendu que la société Groupama fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir, à concurrence des deux tiers, la société Eiffage du paiement de la totalité des travaux de reprise et des dommages intérêts et de condamner la société Eiffage à la garantir, à concurrence d'un tiers, du paiement de la totalité des travaux de reprise et des dommages intérêts ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les désordres affectant l'immeuble avaient pour origine un vice grave de la construction initiale, soit l'inadaptation des fondations à la nature du sol, et avaient été aggravés par une mauvaise exécution des travaux de reprise, la cour d'appel, qui, procédant aux recherches prétendument omises, a pu déduire de ces motifs que les sociétés conseil Habitat et Eiffage avaient commis des fautes ayant contribué à la réalisation du même dommage, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Groupama en remboursement du montant de l'indemnité versée pour la réalisation des travaux de reprise, l'arrêt retient que la société Eiffage ne peut pas être condamnée à rembourser, à la fois, le montant des travaux exécutés et le coût des travaux de leur reprise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les travaux effectués par la société Eiffage, mal exécutés, n'avaient pas permis la réparation des désordres liés à l'intervention de la société Conseil, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Groupama en remboursement du montant des travaux exécutés par la société Eiffage construction Roussillon, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Eiffage construction Roussillon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Méditerranée.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie Groupama Méditerranée, assureur de la société Conseil habitat, à garantir, à concurrence des deux tiers, la société Eiffage Construction Roussillon du paiement de la totalité des travaux de reprise et des dommages intérêts, et d'AVOIR condamné la société Eiffage à garantir, à concurrence d'un tiers, la compagnie Groupama du paiement de la totalité des travaux de reprise et des dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur les désordres et leur imputabilité : les travaux d'origine ont été exécutés par la société conseil habitat et, après constatation de fissures dans l'immeuble, les travaux de reprise en sous oeuvre ont été effectués par la société Eiffage construction Roussillon mandatée par la compagnie Groupama sud, assureur responsabilité décennale de la société conseil habitat ; que l'expert judiciaire a relevé sur les façades de l'immeuble de nombreuses fissures qui se sont reproduites aux emplacements des précédentes fissures rebouchées ; qu'à l'intérieur le carrelage est affaissé caractérisant un mouvement de basculement du plancher côté façade ; que l'expert judiciaire affirme que les désordres sont dus à un enfoncement hétérogène de la maison par appui sur un mauvais sol aussi bien lors de la construction d'origine qu'après les travaux de renforcement ; que ces désordres sont d'abord la conséquence d'un vice grave de construction qui compromet la solidité de l'ouvrage et entraînera à terme une impropriété à destination ; qu'ils sont la résultante du tassement différentiel d'une semelle de fondation peu profonde sur un sol de nature hétérogène aggravé par la présence d'argiles et de fines interstitielles lavées par les écoulements ; qu'ensuite les travaux de renforcement ont été réalisés au regard d'une étude adaptée à la semelle armée d'origine, mais la société Eiffage n'a pas exécuté les travaux conformément aux prescriptions : le béton repose sur un cailloutis terreux et non sur le schiste sain, les deux plots en béton visibles ne pénètrent pas sous la totalité de l'épaisseur de la semelle et sont d'une largeur insuffisante et le fond de fouille arrondi ne repose pas sur un sol plat ; que les parties supérieures des plots prenant appui sur le dessus de la semelle ajoutent des contraintes supplémentaires par leur poids propre ; que le manque d'appui et de liaison entre les deux bétons empêche le renforcement de jouer son rôle ; que l'expert conclut que le travail a été exécuté sans réflexion avec un terrassement insuffisant et une absence de vérification de la nature du fond de fouille qui n'a pas été nettoyé ; qu'il ne met pas en cause le principe de renforcement par plots en sous-oeuvre mais uniquement son exécution non conforme à l'étude du bureau technique et techniquement aggravante des désordres d'origine ; qu'en conséquence les graves désordres affectant l'immeuble de Mme X... ont pour origine un vice grave de la construction initiale, soit l'inadaptation des fondations à la nature du sol, ainsi qu'une mauvaise exécution des travaux de reprise qui ont aggravé les désordres puisque les plots qui prennent appui sur le dessus de la semelle filante ajoutent, par leur poids propre, des contraintes supplémentaires ; que lors de sa première visite, le 11 avril 2007, l'expert avait constaté plusieurs fissurations en escalier sur les façades et un affaissement du carrelage intérieur témoignant d'un mouvement de basculement du plancher ; qu'il avait également relevé d'autres anomalies d'origine : absence de drain en amont du bâtiment et absence de ventilation du vide sanitaire ; que lors des deux visites postérieures en octobre 2007 et novembre 2008 l'expert a constaté une aggravation des fissures et un sondage du mois de mars 2009 a permis de conclure à une aggravation de la situation due à une mauvaise exécution des travaux de renforcement par la société Eiffage ; que la SARL conseil habitat et la société Eiffage construction Roussillon ont donc commis des fautes ayant contribué à la réalisation du même dommage et doivent donc être condamnées in solidum au paiement des travaux de reprise ; que l'expert judiciaire a préconisé la mise en place de micro pieux ancrés dans le schiste sain pour un coût de 74 716 euro hors-taxes ainsi que la reprise des embellissements pour un coût de 47 526 euro hors taxes, soit un total de 141 800,47 euro hors-taxes y compris les frais de maîtrise d'oeuvre, de coordination et d'une assurance dommages ouvrage, indispensables au regard de l'importance et de la nature des travaux ; que la société conseil habitat et la société Eiffage doivent donc être condamnées à payer à Mme X... ladite somme assortie de la TVA applicable et de l'indexation ; que la société Groupama sud, assureur responsabilité décennale de la société conseil habitat, ne conteste pas sa garantie et devra donc être condamnée solidairement avec son assuré au paiement des travaux de reprise ; que la société Groupama sud et la société Eiffage construction Roussillon forment chacune une demande de garantie à l'encontre de l'autre ; qu'au regard du grave vice de construction d'origine et de son aggravation par l'intervention de la société Eiffage, il convient d'imputer, dans les rapports entre les deux constructeurs, les deux tiers de la responsabilité à la société Conseil habitat et le tiers à la société Eiffage construction Roussillon ; que sur justification du paiement de la totalité des travaux de reprise à Mme X... la société Eiffage construction sera condamnée à en payer le tiers à la société Groupama sud ; que sur la même justification la société Groupama sud sera condamnée à en payer les deux tiers à la société Eiffage construction Roussillon ; que la société Groupama sud ne peut réclamer à la société Eiffage construction Roussillon le remboursement du coût des travaux inutiles car mal exécutés ; qu'en effet le paiement de ces travaux par la société d'assurance correspond à l'exécution de ses obligations dans le cadre de l'assurance obligatoire de la responsabilité décennale de la société conseil habitat et par la présente décision elle ne supporte que le coût des travaux de reprise des vices de la construction imputables à son assuré ; que la société Eiffage ne peut pas être condamnée à la fois à rembourser le montant des travaux exécutés et le coût des travaux de leur reprise ;
1°) ALORS QUE doit seul supporter la charge de la réparation des désordres affectant une construction immobilière l'entrepreneur qui, chargé d'effectuer les travaux de reprise appropriés de l'ouvrage imparfaitement réalisé par un premier entrepreneur, n'a pas mis fin aux dommages initiaux en raison d'une mauvaise exécution des travaux qui lui étaient confiés ; qu'en faisant droit au recours en garantie exercé par la société Eiffage et en rejetant partiellement celui la compagnie Groupama, après avoir pourtant constaté, d'une part, que la société Eiffage avait été chargée de réaliser des travaux adaptés à la reprise des désordres initiaux causés par l'intervention de la société Conseil habitat et, d'autre part, qu'elle avait mal exécuté ces travaux et aggravé les désordres existants, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1382 du code civil ;
2°) ALORS subsidiairement QU 'en ne recherchant pas si les travaux qui avaient été confiés à la société Eiffage, d'une part étaient appropriés à la reprise des désordres résultant de l'intervention de la société Conseil habitat et, d'autre part, avaient été mal exécutés par elle – de telle sorte que la faute commise par la société Conseil habitat n'aurait pu être en lien avec le dommage invoqué par le maître de l'ouvrage –, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la compagnie Groupama de sa demande de remboursement du montant des travaux exécutés par la société Eiffage construction Roussillon ;
AUX MOTIFS QUE la société Groupama sud ne peut réclamer à la société Eiffage construction Roussillon le remboursement du coût des travaux inutiles car mal exécutés ; qu'en effet le paiement de ces travaux par la société d'assurance correspond à l'exécution de ses obligations dans le cadre de l'assurance obligatoire de la responsabilité décennale de la société conseil habitat et par la présente décision elle ne supporte que le coût des travaux de reprise des vices de la construction imputables à son assuré ; que la société Eiffage ne peut pas être condamnée à la fois à rembourser le montant des travaux exécutés et le coût des travaux de leur reprise ;
1°) ALORS QUE la cour constatait que les travaux effectués par la société Eiffage, dès lors qu'ils avaient été mal exécutés, n'avaient pas permis la réparation des désordres liés à l'intervention de la société Conseil habitat, ce dont il résultait que la compagnie Groupama pouvait prétendre à la restitution de la somme de 31 468,95 € qu'elle avait versée pour la réalisation desdits travaux ; que, par suite, en déboutant la compagnie Groupama de sa demande de remboursement du montant des travaux exécutés par la société Eiffage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1382 du code civil ;
2°) ALORS QU 'en déboutant la compagnie Groupama de sa demande de remboursement de la somme de 31 468,95 €, versée à la société Eiffage par l'intermédiaire du maître de l'ouvrage afin de payer les travaux de reprise des désordres causés par l'intervention de la société Conseil habitat, quand elle l'avait par ailleurs déjà condamnée in solidum à payer au maître de l'ouvrage le montant des travaux de reprise de ces mêmes désordres et avait fait droit au recours en garantie exercé par la société Eiffage, la cour d'appel a condamné la compagnie Groupama à indemniser deux fois le même préjudice, en violation de l'article 1382 du code civil.
Le greffier de chambre