La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2017 | FRANCE | N°16-12521

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2017, 16-12521


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la SCP X..., prise en la personne de M. Jean-Pierre X..., de sa reprise d'instance en qualité de mandataire liquidateur de l'association Ballet d'Europe ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée à compter du 1er juillet 2003 par le Ballet des jeunes d'Europe devenu l'association Ballet d'Europe, en qualité de répétitrice de ballet rattachée à la direction artistique « chargée des répétitions de la compagnie et du planning hebdomadaire d'activité », puis promue assistant

e du directeur, a été licenciée le 3 août 2012 pour inaptitude d'origine non ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la SCP X..., prise en la personne de M. Jean-Pierre X..., de sa reprise d'instance en qualité de mandataire liquidateur de l'association Ballet d'Europe ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée à compter du 1er juillet 2003 par le Ballet des jeunes d'Europe devenu l'association Ballet d'Europe, en qualité de répétitrice de ballet rattachée à la direction artistique « chargée des répétitions de la compagnie et du planning hebdomadaire d'activité », puis promue assistante du directeur, a été licenciée le 3 août 2012 pour inaptitude d'origine non professionnelle ; que le 24 janvier 2012 elle avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de faits de harcèlement moral ; que l'association Ballet d'Europe a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 14 août 2013, résolue en plan de redressement le 16 décembre 2014, M. X...étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et convertie en liquidation judiciaire par jugement du 1er mars 2017 ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième, troisième et quatrième branches du moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique pris en sa cinquième branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 625-3 et l'article L. 622-22 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que l'arrêt condamne l'employeur à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, du harcèlement moral et une indemnité pour frais irrépétibles ;

Attendu cependant que les sommes dues par un employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'association avait été placée en redressement judiciaire le 14 août 2013 soit après le licenciement pour inaptitude intervenu le 3 août 2012, date à laquelle la cour d'appel a fixé les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, si bien qu'elle devait se borner à déterminer, pour les sommes dues jusqu'à la date du redressement judiciaire, le montant à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci à la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il condamne l'association Ballet d'Europe à payer à Mme Y...les sommes qui lui ont été attribuées à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, harcèlement moral, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de l'association Ballet d'Europe les créances de 20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, 10 303, 48 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 1 030, 34 euros de congés payés afférents ;

Condamne Mme Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le trente novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association Ballet d'Europe et M. X..., ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR constaté la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y...en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime, avec effet au 3 août 2012 et d'AVOIR condamné l'association Ballet d'Europe à lui verser les sommes de 20. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10. 303, 43 euros d'indemnités de préavis, 1030, 34 euros au titre des congés payés afférents, 10. 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE c'est à bon droit que Madame Anne Cécile Y...fait valoir que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire, qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; qu'en l'espèce la salariée invoque à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire des faits de harcèlement moral ; qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de, porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; que l'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce Madame Anne Cécile Y...reproche à son employeur : d'avoir subi, comme d'autres salariés de l'association, les " scènes " de Monsieur Z...de plus en plus fréquentes sur les dernières années de la collaboration, qui se manifestaient par des accès de colère, ou " des critiques éminemment personnelles, parfois aussi physiques que psychologiques ", " la plupart des temps suivies d'excuses ce qui n'empêchaient pas qu'elles se reproduisent ", les altercations verbales avec Monsieur Z...qui se sont multipliées à partir du moment où elle a exigé de ne plus être dérangée le soir et durant ses repos, sa mise au placard à compter du mois de septembre 2011 qui a consisté à la " sortir " des studios de répétitions où elle exerçait toujours les fonctions de répétitrice nonobstant l'évolution de ses attributions et à la cantonner à des fonctions administratives ; le comportement violent et humiliant de Monsieur Z...à son égard le 14 octobre 2011 tel que décrit dans sa lettre du 25 octobre 2011 ; qu'elle fait également grief à son employeur de n'avoir diligenté aucune enquête, ni pris attache avec la médecine du travail pour évaluer son état de souffrance et d'avoir au contraire pris le parti de Monsieur Z...en lui transmettant directement son courrier du 25 octobre 2011 et ce faisant en validant la réponse qu'il lui ferait ; qu'elle conclut qu'harcelée et sous pression, elle a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de dépression à compter du 17 octobre 2011 et n'a jamais pu reprendre le travail au sein du Ballet d'Europe ; que pour étayer ses allégations, la salariée produit : ses lettres du 25 octobre, du 18 novembre et du 27 décembre 2011, dont le contenu est retranscrit dans l'exposé du litige, la lettre manuscrite du 8 novembre 2011 de Monsieur Z...précitée, sa lettre non datée adressée à Monsieur Z...en réponse au courrier du 8 novembre 2011, ainsi rédigée : " Jean Charles, je me doutais évidemment que la teneur de mon courrier te serait retransmise mais je n'avais aucune raison de t'en rendre destinataire puisque, je te le rappelle, seul le ballet est mon employeur et seule sa Présidente le dirige effectivement. Je crois, de toute façon, que tu n'ignorais rien de sa teneur qui ne reflète que la réalité des relations difficiles, le mot est faible, que tu as pu entretenir avec moi. Notre métier est difficile... comme tous les autres... soumis au stress, aux doutes, comme tous les autres, à des crises d'identification, pas en ce qui me concerne et mon équilibre sur le plan personnel est absolument complet, heureusement, car je n'ose imaginer à quel stade moral je pourrais sinon en être. Mais ce que tu me fais endurer depuis trop longtemps déjà va bien au-delà de cela et je ne l'ai jamais connu avec d'autres qu'avec toi, en dépit de la notoriété et du talent sans bornes qui étaient les leurs. Il n'est pas question de " jouer le jeu-d'une carrière " mais d'humiliations, de récriminations, de rabaissements qu'il ne m'est plus possible de supporter pour ma santé physique comme mentale. Je n'ose même pas croire que tu puisses m'accuser, à mots à peine couverts, d'être l'auteur de tels agissements. Je te rappelle que je ne suis pas Jean Charles Z...et que personne n'aurait jamais accepté de moi ce qui a été accepté de toi. Je vois que la solution pour toi est simple : je dois partir et " régler la question " avec Alain B.... Tu prétends que c'est ce que je veux depuis quelques temps... c'est faux... Je serais partie, sinon, comme d'autres avant moi. J'espérais autre chose, une solution qui n'arrive malheureusement pas !
As-tu au moins conscience de la situation dans laquelle tu me mets en demandant mon départ après ce que tu m'as fait endurer ? T'es-tu au moins posé la question ? Cela n'était pas le sens de mon courrier dans lequel je demandais de l'aide, une solution... Elle semble être toute trouvée puisque je suppose que tu ne m'écris pas ce courrier sans concertation avec les décisionnaires officiels des ballets. Tu me permettras cependant de les relancer pour obtenir d'eux une réponse officielle afin de vérifier qu'ils n'entendent donner aucune suite digne et normale à la dénonciation qui est la mienne " ; qu'elle produit également plusieurs attestations et notamment : une attestation de Mme C...Sylvie, témoin des faits du 14 octobre 2011 qui fait notamment état d'une " altercation d'une rare violence verbale où des paroles agressives et injustifiées (malade, hystérique d'Anne-Cécile mettait les danseurs mal à l'aise) ", des cris de Monsieur Z...(" des danseurs sont venus demander ce qu'il se passait car les cris portaient … (JC Z...") et ajoute avoir retrouvé Madame Anne Cécile Y...en larmes et tremblante ; que le témoin ajoute : " ce n'est pas la première fois que Jean-Charles Z...met une pression tant à la fois verbale que par ces actes dans le travail ", deux attestations de danseurs de l'association, Monsieur Erik E...et Monsieur Pierre F..., qui indiquent avoir été témoins " à plusieurs reprises " et à " tellement d'occasions " du comportement " déshonorant " et " irrespectueux " de Monsieur Z...à l'égard de Madame Anne Cécile Y...; que Monsieur E...écrit notamment : " je ne pourrais raconter toutes les occasions où Jean-Charles Z..., l'a déshonorée devant nous … quand on est dans un lieu où ton directeur crie, selon le jour et dit des choses de mauvaises manières, fait pleurer les gens … Mais après 5 minutes fait semblant que rien ne s'est passé " ; que Monsieur F...témoigne, quant à lui en ces termes : " j'ai été témoin du comportement irrespectueux de Jean-Charles Z...à tellement d'occasions pas seulement vis à vis d'Anne-Cécile mais aussi vis à vis des danseurs, donc je ne ferai qu'un exemple... " ; que ces deux témoins évoquent les faits du 14 octobre 2011 en ces termes : " C'était à Draguignan avec Anne Cécile on parlait des saluts de la fin du spectacle. Anne Cécile lui a demandé comment il voulait saluer (avec Mathilde sa partenaire de la soirée ou seul) il lui a répondu d'une mauvaise manière devant nous, en la déshonorant devant nous " (cf : extrait de l'attestation de Monsieur E...) "... il a simplement commencé à lui parler d'une manière très brutale et sans respect du tout et tout cela devant tous les danseurs " (cf : extrait de l'attestation de Monsieur F...), une attestation de Madame H..., réalisatrice de costume au sein du Ballet d'Europe qui témoigne du comportement de Monsieur Z...à l'égard des costumières ; ".... il était souvent d'une violence verbale injustifiable, et il essayait de monter les unes contre les autres, Il nous déstabilisait et nous faisait douter de nos compétences " ; qu'elle produit en outre plusieurs extraits de conversation sur Facebook de Madame Y...avec d'anciens danseurs sollicités par celle-ci pour témoigner sur son travail et le comportement de Monsieur Z...et notamment :- un échange de courrier avec Mme Anne I...qui témoigne des difficultés qu'elle a rencontrées avec Monsieur Z...: " j'étais beaucoup trop sensible pour pouvoir tenir dans une ambiance pareille... maintenant je sais je suis tombée en dépression … JC n'a jamais été horrible avec moi, c'était beaucoup plus subtil la façon comment il m'a utilisée mais tu sais je dois pas le raconter " ; que Mme I...invite Madame Anne Cécile Y...à contacter d'autres personnes ayant quitté le ballet " à cause de JC " et établit une liste des dites personnes ;- un échange de courrier avec Emilie J...laquelle écrit à Madame Anne Cécile Y...avoir changé d'avis concernant un éventuel témoignage : " j'en ai parlé à ma famille et bon il me conseille de ne pas m'en mêler... et franchement ça m'embête j'aurais arrêté la danse j'aurais pu t'aider, je suis désolée " et qualifie Monsieur Z...de " tellement manipulateur que ça fait peur " ; qu'elle produit un courrier de Mme Florencia K..., salariée de l'association rédigé sur facebook le 7 novembre 2013 en ces termes : " Salut Anne-Cécile, Je sens le besoin de t'écrire parce que maintenant avec un peu de recul vis-à-vis du ballet je me rends compte que je me suis retrouvée au milieu du conflit entre Jean-Charles et toi et nous n'avons jamais parlé de ce que cela a signifié pour toi et pour moi. J'imagine que tu es très en colère envers moi et tous ceux qui ont témoigné pour Jean-Charles. En ce qui me concerne je veux que tu saches que lorsque mon employeur m'a demandé de témoigner pour lui, dans un moment extrêmement fragile pour la compagnie, j'ai senti qu'il était de mon devoir de le faire, pour la compagnie, mais en aucun cas contre toi. Maintenant en y repensant, je me dis que, peut-être, ce n'était pas vraiment le cas. Dans ma déclaration je ne parle pas de toi mais de mon expérience avec lui, je ne sais pas quel poids ça peut avoir. Mais j'avais besoin de te dire que je suis très mal à l'aise de me retrouver au milieu d'un conflit entre vous deux, Je n'ai absolument rien contre toi et c'est sincère. J'espère qu'un jour tu pourras comprendre, mais moi j'avais besoin de te le dire. Après toutes ces années de travail avec toi je te respecte et j'ai été touchée de te savoir en dépression. Je te souhaite le meilleur dans ta vie privée et professionnelle " ; qu'elle communique également une attestation de Mme Elodie L..., salariée de la compagnie Grenade Josette Bai, qui témoigne qu'en 2008, à l'issue d'une répétition, Monsieur Z...lui a proposé d'occuper le poste d'assistance chorégraphique en remplacement de Madame Anne Cécile Y...et lui a indiqué " que dans un futur proche Anne-Cécile serait de moins en moins dans les studios et qu'elle se consacrerait de plus en plus à un travail administratif dans les bureaux " ; que le témoin ajoute notamment " j'ai été très étonnée de cette explication car je connais depuis longtemps Anne-Cécile nous échangeons beaucoup, elle ne m'avait jamais parlé de ce projet " ; qu'elle verse aux débats plusieurs témoignages relatifs à ses qualités humaines et professionnelles et son dévouement envers l'association et les danseurs pour lesquels elle " (faisait) souvent le tampon (avec) JC Z..." (cf pièces 23/ 24/ 27/ 40) ; que sur son état de santé, elle produit :- son arrêt de travail initial du 17 octobre 2011 qui mentionne un état dépressif réactionnel et ses arrêts de travail de prolongation qui portent mention d'un état de stress généralisé " à mettre en relation avec des difficultés d'ordre professionnel ",- une lettre du médecin du travail en date du 24 janvier 2012 aux termes duquel celui-ci écrit à son confrère : " Madame Anne Cécile Y...est en arrêt maladie depuis le 17 octobre 2011 et rapporte des éléments dépressifs réactionnels à des difficultés dans ses relations professionnelles. Merci de me communiquer des renseignements complémentaires précisant la pathologie présentée... pensez-vous que son état de santé est compatible avec une reprise à son poste de travail ? ",- un certificat médical du mois de février 2012 du docteur Michel N..., spécialiste des maladies nerveuses, ancien interne des hôpitaux psychiatrique, qui atteste que Madame Anne Cécile Y..." se fait suivre pour une symptomatologie constituée de manifestations anxieuses généralisées, troubles du sommeil, psychasthénie, qui entre dans le cadre d'un stress post traumatique ",- les deux fiches de visite de reprise de la médecine du travail en date des 2 mars et 19 mars 2012 précitées dont la dernière conclut à l'inaptitude de Mme Anne Cécile Y...à son poste et portera mention : " pourrait occuper un poste de travail dans un autre environnement professionnel (contexte organisationnel et relationnel différent) " ; que Madame Anne Cécile Y...établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que l'association Ballet d'Europe, qui sollicite la confirmation du jugement de ce chef, réfute les allégations de la salariée et soutient que la preuve du moindre agissement qui caractériserait un harcèlement moral n'est pas rapportée ; que sur le premier grief tiré de faits répétés de harcèlement moral, l'association Ballet d'Europe produit une attestation de Mme Christine T..., avocate bénévole de l'association, dont la valeur probante ne peut être sérieusement contestée par Madame Anne Cécile Y..., qui fait état de l'attention portée par Monsieur Z...à Mme Y...qu'il présentait comme sa plus proche collaboratrice et qu'il a aidée à progresser dans sa carrière ; que le témoin indique en outre que Madame Anne Cécile Y...ne lui a jamais fait part de faits de harcèlement moral, ni n'est apparue en situation de dépendance vis à vis de son directeur et " être persuadée de l'absence totale de harcèlement " de la part de celui-ci à l'égard de son assistante ; qu'elle produit en outre plusieurs attestations relatives à la personnalité de Monsieur Z..., décrit par les témoins, comme un homme passionné et impliqué dans son travail, très exigeant et autoritaire, soucieux du bon fonctionnement de l'association (cf. pièces n° 15, 16, 17) ; que ces attestations, contrairement à ce que soutient la salariée ; présentent des garanties suffisantes pour être retenues comme élément de preuve ; que notamment Mme Minette O..., salariée de l'association, témoigne en ces termes : "... Les rares fois où j'ai pu assister à des différends entre le directeur et ses assistantes ou les différends que j'ai pu avoir avec lui se produisaient toujours quand il s'apercevait que son travail était en danger. Les propos qu'il a pu tenir ont toujours été sous tendus par une recherche perpétuelle de l'excellence dans tous les domaines. " ; que Mme K..., ancienne salariée de l'association, déclare notamment au sujet de Monsieur Z..." la conviction qu'il a dans son art et la passion qui l'anime lui fait parfois lever le ton ce qui est très fréquent dans les activités artistiques et sportives. En tout cas cette levée de ton n'a jamais mis un salarié dans une situation invivable " ; que Monsieur Q..., artiste chorégraphe de l'association, atteste du caractère exigeant et autoritaire de Monsieur Z...ce qui est selon le témoin " essentiel pour une compagnie de danse " ; que c'est à bon droit que la salariée fait valoir qu'aucune de ces attestations n'exclut des faits répétés de harcèlement moral de Monsieur Z...à son encontre mais viennent au contraire conforter ses allégations selon lesquelles Monsieur Z...se comportait de la même manière avec tous les salariés de l'association sans que personne ne s'offusque du fait qu'un supérieur hiérarchique puisse " lever le ton " ou provoquer des " différends " avec les personnes placées sous son autorité " quand il s'apercevait que son travail était en danger " ; que c'est vainement que l'employeur conteste la valeur probante des attestations produites aux débats par la salariée au motif qu'elles ne font état d'aucun fait précis et qu'elles ne " font qu'exprimer un jugement de valeur " alors que les témoins évoquent en des termes concordants, ci-dessus rappelés, avoir constaté à plusieurs reprises avant les faits du 14 octobre 2011 des " pressions verbales " et un comportement " irrespectueux " et " déshonorant " de Monsieur Z..., à l'égard de Madame Anne Cécile Y...; que c'est encore vainement que l'association Ballet d'Europe demande à la cour de ne pas tenir compte des extraits de conversations sur Facebook entre Madame Anne Cécile Y...et d'anciens danseurs de l'association alors qu'aucun élément de la cause ne permet de douter de leur authenticité ; que s'agissant du grief tiré de l'incident au Théâtre de Draguignan le 14 octobre 2011, l'employeur ne conteste pas sérieusement les faits mais fait valoir qu'il s'agissait " d'un simple agacement dû à la pression qui pesait sur Monsieur Z...en sa qualité de Directeur, chorégraphe et au surplus interprète ce soir-là " et que Madame Anne Cécile Y...par la question inopportune qu'elle lui a posée, est à l'origine de l'incident ; que toutefois c'est à bon droit que la salariée fait valoir que les exigences de Monsieur Z...à l'égard de lui-même et de son équipe et la pression qu'il subissait ce soir-là ne justifiaient pas qu'il ait pu " crier " sur elle et l'agresser verbalement en présence des danseurs en des termes humiliants et vexatoires ; qu'en outre la question posée par Madame Anne Cécile Y..., relative à la façon dont les danseurs allaient effectuer le salut final, ne pouvait justifier de tels excès de comportement de la part d'un supérieur hiérarchique vis à vis d'une personne placée sous son autorité ; que sur le grief tiré du cantonnement de Madame Anne Cécile Y...à des fonctions administratives à compter du mois de septembre 2011, l'employeur sans contester la réalité de ce grief fait valoir que Madame Anne Cécile Y...avait souhaité cette évolution de fonctions ; que toutefois le contenu des attestations qu'il verse aux débats sur ce point notamment l'attestation de Mme R..., chargée des relations publiques de l'association, est contredit par les attestations produites par la salariée en particulier celle de Mme L...précitée ; que c'est vainement que l'employeur soutient, sans produire aucun élément probant, reprenant les termes de Monsieur Z...dans sa lettre manuscrite du 8 novembre 2011 précitée, qu'en réalité Madame Anne Cécile Y...voulait quitter l'association et " voler de ses propres ailes " ; que c'est encore vainement qu'il fait état de l'attitude désobligeante et agressive de Mme Y...vis-à-vis d'autres salariés alors que les attestations susvisées produites par la salariée démontrent le contraire et que l'attestation de Mme T... précitée, dont il se prévaut, n'a aucune valeur probante sur ce point, le témoin rapportant les propos de danseurs sur Madame Anne Cécile Y...sans avoir été personnellement témoin des faits ; que sur l'obligation de sécurité résultat de l'employeur que c'est à juste titre que la salariée fait valoir que l'association Ballet d'Europe n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé physique et mentale suite à la réception de son courrier du 25 octobre 2011 précité dénonçant des faits de harcèlement moral ; qu'en effet, le Ballet d'Europe ne justifie pas avoir répondu à ladite lettre, ni avoir tenté de trouver une solution aux difficultés que la salariée y rencontrait en organisant des auditions ou une confrontation entre Monsieur Z...et Madame Anne Cécile Y...; qu'elle ne justifie pas plus avoir saisi la médecine du travail ou l'inspection du travail ; que le simple courrier du vice-président de l'association, Monsieur S...du 23 novembre 2011 précité et l'entretien téléphonique de celui-ci avec Madame Anne Cécile Y...qui s'en est suivi, ne constitue pas une mesure suffisante de l'employeur au regard de son obligation de sécurité résultat en matière de harcèlement moral résultant de l'article L. 1152-4 du code du travail ; que comme le relève justement la salariée, en transmettant son courrier du 25 octobre 2011 à Monsieur Z..., sans au préalable prendre les mesures qui s'imposaient, l'employeur a, ce faisant, validé implicitement la réponse que Monsieur Z...apporterait à Madame Anne Cécile Y...et puis parti par son directeur ; qu'enfin, s'agissant de l'état de santé de Madame Anne Cécile Y..., l'employeur ne peut sérieusement soutenir que la salariée ne produit aucun élément corroborant ses dires alors qu'elle verse aux débats, comme il l'a été ci-dessus rappelé, son arrêt de travail initial et ses arrêts de prolongation qui fournissent des éléments sur sa maladie ainsi que la lettre du médecin du travail en date du 24 janvier 2012, le certificat-médical du mois de février 2012 du docteur Michel N...et les fiches de reprise du médecin du travail qui établissent un lien entre son état dépressif et son environnement professionnel ; qu'il résulte de ce qui précède que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Madame Anne Cécile Y...sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de sorte que le harcèlement moral est établi ; que l'association Ballet d'Europe a en outre méconnu l'obligation de sécurité de résultat qui s'imposait à elle en matière de prévention du harcèlement moral ; que ces faits constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations contractuelles pour justifier la résiliation du contrat aux torts de celui-ci qui produira ses effets au jour de la rupture intervenue le 3 août 2012 ; que la rupture des relations contractuelles résultant de la résiliation judiciaire du contrat doit s'analyser non seulement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais en application de l'article L. 1152-3 du code du travail en un licenciement nul ;

1°) ALORS QU'un acte isolé, même fautif, ne peut recevoir la qualification de harcèlement moral ; qu'en retenant le harcèlement moral quand elle n'avait constaté qu'un unique incident intervenu le 14 octobre 2011 entre Mme Y...et M. Z...qui lui aurait « crié dessus » en présence d'autres danseurs juste avant une représentation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'en l'absence d'agissements répétés, la qualification de harcèlement moral ne pouvait être retenue, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE seuls les actes répétés dirigés contre la personne qui se prétend victime de harcèlement moral peuvent être de nature à le caractériser ; qu'en retenant l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme Y...au vu du comportement général de M. Z...à l'égard des danseurs de la troupe, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser des agissements répétés à l'encontre de Mme Y...a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

3°) ALORS QUE lorsque le salarié se prétend victime d'un harcèlement moral, il doit établir des faits précis et concordants qui sont seuls susceptibles d'en présumer l'existence ; qu'en jugeant que les témoignages concordants suivant lesquels M. Z...aurait été coutumier de « pressions verbales » et d'un comportement « irrespectueux » et « déshonorant » à l'égard des membres de l'association Ballet d'Europe, dont Mme Y..., suffisaient à établir une présomption d'agissements répétés de harcèlement, quand il ne s'agissait là que de considérations d'ordre général qui ne venaient au soutien d'aucun fait précis, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en retenant, au titre du harcèlement moral, le cantonnement de Mme Y...à des tâches uniquement administratives à compter du mois de septembre 2011 dans la mesure où il se serait agi d'un fait constant et non contesté par l'employeur, quand l'association Ballet d'Europe énonçait, dans ses conclusions d'appel, que « l'essentiel des pièces versées aux débats par Mme Y..., porte sur cet unique incident [du 14 octobre 2011]. Le reste n'étant que pures allégations, diffamatoires de surcroît » (p. 10), ce dont il résultait que l'association contestait en des termes clairs et non équivoques la réalité du grief invoqué par la salariée, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption du plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective ; que les créances salariales qui résultent de la rupture du contrat de travail intervenue avant que l'employeur ne soit placé en redressement judiciaire, ne peuvent donner lieu à condamnation contre le débiteur ; qu'en condamnant l'association Ballet d'Europe à payer à Mme Y...différentes sommes en conséquence de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail à la date du 3 août 2012 quand elle avait constaté que la société, admise au bénéfice du redressement judiciaire le 14 août 2013, avait fait l'objet d'un plan de redressement homologué le 16 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Marseille, de sorte que la créance de Mme Y...était née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'employeur, la cour d'appel qui aurait dû se borner à déterminer le montant de la somme à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci à la salariée, a violé l'article L. 621-40 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12521
Date de la décision : 30/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2017, pourvoi n°16-12521


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12521
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award