LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2324-14, L. 2324-15 et L. 2324-18 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la Fédération CGT commerce distribution services (la fédération) a saisi le 28 octobre 2016 le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des candidatures de MM. X...et Y..., directeurs de magasins, en vue de l'élection des représentants du personnel titulaires et suppléants, troisième collège, au comité d'établissement de la région Ouest de la société Carrefour supermarchés France (CSF), ainsi que d'annulation des élections ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation de ces candidatures et des élections subséquentes, le jugement énonce que la fédération ne soutient pas que les directeurs de magasin, ou MM. X...et Y..., en particulier, disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, qu'elle se prévaut uniquement du fait que ces directeurs de magasin président les réunions des délégués du personnel, voire celle du CHSCT, ce point n'étant ni contesté, ni contestable, que le protocole d'accord préélectoral signé le 30 juin 2016, quoique maladroitement rédigé, prévoit expressément, en son article 5-2, au paragraphe « Cas particulier » que « Compte tenu de la différence de définition du périmètre de l'établissement, les directeurs de magasin intégrés ne seront ni électeurs, ni éligibles pour les élections des délégués du personnel et du CHSCT dans leur magasin », que la fédération ne conteste pas qu'en pratique, au sein de la société CSF, des directeurs de magasin ont précédemment et à plusieurs reprises été élus au sein des comités d'établissement, comme c'est le cas de MM. Z..., X...et Patrick Y..., qu'en l'occurrence, le protocole d'accord préélectoral litigieux prévoit dix comités d'établissements au sein de la société CSF, que le comité d'établissement pour la direction opérationnelle Ouest regroupe trente-six magasins, que le comité d'établissement le plus large de l'entreprise, à savoir celui du Nord et de l'Est, comporte quatre-vingt-sept magasins, que le périmètre géographique et le niveau d'influence des comités d'établissement, d'une part, et des délégués du personnel ou des CHSCT, d'autre part, sont donc notablement distincts, que de même légalement les attributions de ces instances représentatives du personnel sont notablement différentes, qu'il est constant que les directeurs de magasin ne représentent pas l'employeur au sein du comité d'établissement dont ils dépendent, que dans ces conditions, il n'y a pas de contradiction, ni d'ambiguïté au fait que les directeurs de magasin soient éligibles aux comités d'établissement de la société CSF, de sorte qu'il convient de rejeter les demandes de la fédération ;
Attendu cependant que ne peuvent exercer un mandat de représentation du personnel les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les salariés représentant l'employeur aux réunions des délégués du personnel de l'établissement qu'ils dirigeaient, ils ne pouvaient pas représenter les salariés au comité d'établissement quand bien même le périmètre couvert par ce dernier eut été plus large que celui au sein duquel ils représentaient l'employeur, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevables les demandes de la Fédération CGT commerce distribution services, le jugement rendu le 3 janvier 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Fougères ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CSF à payer la somme de 600 euros à la Fédération CGT commerce distribution services et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la Fédération CGT commerce distribution services.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir débouté la Fédération CGT Commerce Distribution Services de ses demandes tendant à voir annuler la candidature de M. X...dans le 3ème collège, en vue des élections des membres titulaires du comité d'établissement de la région Ouest de la société CSF, à voir annuler la candidature de M. Y...dans le 3ème collège, en vue des élections des membres suppléants du comité d'établissement de la région Ouest de la société CSF, et en conséquence à voir annuler le 1er tour des élections des membres titulaires du comité d'établissement de la région Ouest de la société CSF du 14 octobre 2016 (3ème collège), à voir annuler le 1er tour des élections des membres suppléants du comité d'établissement de la région Ouest de la société CSF du 14 octobre 2016 (3ème collège) et à voir ordonner à la société CSF d'organiser de nouveaux scrutins pour les élections annulées ;
AUX MOTIFS QU'en application des articles L. 2314-15 et L. 1441-4 du code du travail, en matière d'élections professionnelles, ne sont ni électeurs, ni éligibles les salariés qui sont assimilés à l'employeur comme exerçant ses pouvoirs ; que plus particulièrement, ne sont ni électeurs, ni éligibles les salariés qui, soient disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les instances représentatives du personnel ; qu'en l'espèce, la CGT ne soutient pas que les directeurs de magasin, ou Messieurs Z...
X...et Patrick Y..., en particulier, disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ; qu'elle se prévaut uniquement du fait que ces directeurs de magasin, et Messieurs Z...
X...et Patrick Y..., notamment, président les réunions des délégués du personnel, voire celle du CHSCT, ce point n'étant ni contesté, ni contestable ; que le protocole d'accord préélectoral signé le 30 juin 2016, quoique maladroitement rédigé, prévoit expressément, en son article 5-2, au paragraphe « Cas particulier » (p. 10/ 25), « Compte tenu de la différence de définition du périmètre de l'établissement, les Directeurs de magasin intégrés ne seront ni électeurs, ni éligibles pour les élections des Délégués du Personnel et du CHSCT dans leur magasin » ; que la CGT ne conteste pas qu'en pratique, au sein de la société CSF, des directeurs de magasin ont précédemment et à plusieurs reprises été élus au sein des comités d'établissement, comme c'est le cas de Messieurs Z...
X...et Patrick Y...; qu'en l'occurrence, le protocole d'accord préélectoral litigieux prévoit 10 comités d'établissement au sein de la société CSF ; que le comité d'établissement pour la direction opérationnelle Ouest regroupe 36 magasins ; que le comité d'établissement le plus large de l'entreprise, à savoir celui du Nord et de l'Est, comporte 87 magasins ;
que le périmètre géographique et le niveau d'influence des comités d'établissement, d'une part, et des délégués du personnel ou des CHSCT, d'autre part, sont donc notablement distincts ; que de même légalement les attributions de ces instances représentatives du personnel sont notablement différentes ; qu'il est constant que les directeurs de magasin, et Messieurs Z...
X...et Patrick Y...en particulier, ne représentent pas l'employeur au sein du comité d'établissement dont ils dépendent ; que dans ces conditions, il n'y a pas de contradiction, ni d'ambiguïté au fait que les directeurs de magasin soient éligibles aux comités d'établissement de la société CSF ; qu'il convient de rejeter les demandes de la CGT ;
1°) ALORS QUE ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ; qu'il suit de là qu'en retenant l'éligibilité des directeurs de magasins, catégorie à laquelle appartiennent MM. X...et Y..., aux élections aux comités d'établissement, cependant qu'il constatait qu'il n'était ni contesté ni contestable que ces derniers présidaient les réunions des délégués du personnel, voire celle du CHSCT, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 2324-14 et suivants du code du travail ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, méconnaître le sens clair et précis d'un protocole d'accord préélectoral dépourvu de toute ambiguïté ; qu'en retenant l'éligibilité des directeurs de magasins pour les élections au comité d'établissement, aux motifs que « Le protocole d'accord préélectoral signé le 30 juin 2016, quoique maladroitement rédigé, prévoit expressément, en son article 5-2, au paragraphe « Cas particulier » (p. 10/ 25), « Compte tenu de la différence de définition du périmètre de l'établissement, les Directeurs de magasin intégrés ne seront ni électeurs, ni éligibles pour les élections des Délégués du Personnel et du CHSCT dans leur magasin », cependant que le protocole d'accord préélectoral du 30 juin 2016, dont la rédaction avait évolué par rapport aux protocoles préélectoraux précédents, indiquait expressément que « Compte tenu de leurs missions et des pouvoirs qu'ils détiennent en représentation du chef d'entreprise, les salariés suivants ne sont ni électeurs, ni éligibles (…) : toute autre personne assurant la présidence d'une instance », le tribunal d'instance en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil ;
3°) ALORS QUE les salariés représentant l'employeur aux réunions des délégués du personnel de l'établissement qu'ils dirigeaient, voire à celles du CHSCT, ils ne pouvaient pas représenter les salariés au comité d'établissement dont ils dépendaient, quand bien même le périmètre couvert par ce dernier eut été plus large que celui au sein duquel ils représentaient l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-14 et suivants du code du travail ;