LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 novembre 2015), que la société Gamag, aux droits de laquelle vient la société Samse, qui avait consenti à la société Bâti Midi un compte de fournitures ouvert dans ses livres stipulant notamment un encours autorisé de 10 000 euros et des règlements à 30 jours fin de mois, a, le 21 mai 2012, tiré à vue une lettre de change d'un montant de 135 259,36 euros sur la société Bâti Midi, sur laquelle Mme X..., présidente de cette société, a apposé deux fois sa signature, l'une sans indication dans la case « acceptation ou aval », l'autre dans la même case, mais précédée de la mention « bon pour aval du tiré » ; que, la lettre de change n'ayant pas été payée et la société Bâti Midi ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Gamag a assigné Mme X... en paiement, en sa qualité d'avaliste ; qu'invoquant l'absence de cause de cette lettre de change, celle-ci a conclu à sa nullité et, par voie de conséquence, à celle de son aval ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la lettre de change et de la condamner à payer à la société Gamag la somme de 135 259,36 euros, avec intérêts capitalisés, alors, selon le moyen, que la lettre de change avalisée qui a pour seul objet de fournir une garantie de paiement à un cocontractant est nulle ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la lettre de change litigieuse, indépendamment des conditions dans lesquelles elle avait été rédigée, avait pour seul objet de garantir la société Gamag contre les risques d'un défaut de paiement de la société Bâti Midi ; qu'en refusant cependant d'annuler la lettre de change, au prétexte que n'était pas caractérisée la complaisance qui suppose, stricto sensu, la simulation d'opérations en vue de la mise en place d'un crédit fictif, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la lettre de change n'était pas nulle pour avoir été établie uniquement dans le but de garantir la société Gamag, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil et L. 511-1 et suivants du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que la créance du tireur ne constitue pas une condition de validité de l'effet de commerce, mais doit seulement, pour constituer la provision, être certaine, liquide et exigible au jour de l'échéance, l'arrêt retient qu'en acceptant la lettre de change le 21 mai 2012, la société Bâti Midi a, à cette date, reconnu l'existence de la provision, qu'à la date de la présentation de la lettre de change au paiement, la provision était réelle et que le total des factures versées aux débats, accompagnées des bons de livraison y afférents, s'établit à la somme de 135 259,36 euros en principal ; que, par ces motifs, dont il résulte que la lettre de change avait été créée par la société Gamag afin de donner l'ordre à la société Bâti Midi de payer le montant d'une provision, qui correspondait au montant d'une créance qu'elle détenait sur cette dernière, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Samse la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR débouté Gisèle X... de sa demande d'annulation de la lettre de change acceptée et avalisée le 21 mai 2012 et d'AVOIR condamné Gisèle X... aux dépens et à payer à la société Gamag la somme de 135.259,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2012, ceux de ces intérêts échus pour une année entière au moins étant eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts au même taux, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QU'à l'appui de son moyen de nullité auquel les premiers juges ont fait droit, Gisèle X... fait valoir qu'au moment où elle a donné ses signatures, elle ignorait le montant de la traite qui était alors laissé en blanc, et en veut pour preuve qu'à la même date la s.a.s. « Bâti midi » demandait encore la prise en compte d'avoirs, de sorte qu'ayant été émise, selon le moyen, bien avant le mois de mai 2012 pour que la s.a.r.l. « Gamag » reprenne ses livraisons, sans indication de son montant et sans autre mention écrite de sa main, que celle concernant l'aval, elle serait « nulle, faute d'avoir une cause légitime, à savoir une créance certaine et faute de respecter toutes les prescriptions de l'Art. 511-1 du code de commerce » et l'aval serait « tout aussi nul, puisqu'au moment où il a été donné, [elle] ne connaissait pas la portée de son engagement » ; que la lettre de change versée aux débats (mais soumise en copie à l'examen de la Cour), contient toutes les mentions exigées par l'article L.511-1 du code de commerce, quand bien même elles n'auraient pas été rédigées par Gisèle X..., affirmation au demeurant plausible, mais dépourvue d'intérêt dès lors que le tireur bénéficiaire est admis à la créer et donc à la rédiger, de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à la vérification d'écriture à laquelle la défenderesse offre de se soumettre ; que si Gisèle X... prétend avoir accepté la lettre de change pour la société tirée et avoir donné son aval à une date et pour un montant qui n'étaient alors pas renseignés, de sorte que la traite serait effectivement nulle, elle ne fait pas la preuve de l'altération des termes de l'effet postérieurement à l'acceptation et l'aval, la circonstance selon laquelle dans la même période, avant et après la date de création de la lettre de change, la s.a.s. « Bâti midi » réclamait le bénéfice d'avoirs, n'étant pas de nature à démontrer le blanc-seing allégué, de sorte que l'effet de commerce ne saurait être annulé de ce chef ; que Gisèle X..., soutient ensuite que la lettre de change n'aurait pas de cause, dès lors qu'elle serait un effet de complaisance destiné à garantir la s.a.r.l. « Gamag », afin que celle-ci accepte de poursuivre ses livraisons et qui a été « sorti » lorsque la s.a.s. « Bâti midi » a été dans l'impossibilité, en raison de ses difficultés financières d'apurer sa dette, alors que la créance ne serait pas certaine, mais particulièrement contestable ; que ce moyen tiré de l'absence de cause doit être rapproché de celui tiré de la cause illégitime, développé à propos du blanc-seing allégué, qui selon le moyen caractériserait la complaisance ; que l'effet de complaisance se caractérise par la simulation d'opérations en vue de la mise en place d'un crédit fictif, alors qu'en l'espèce il est justifié, d'une part, de la convention d'ouverture d'un compte de fournitures dans les livres de la s.a.r.l. « Gamag », stipulant notamment un encours autorisé de 10.000 euros et des règlements à 30 jours fin de mois, d'autre part, des factures et bons de livraison de marchandises commandées par la s.a.s. « Bâti midi » correspondant aux sommes portées à l'extrait de relevé du compte de ce client au 13 juin 2012, ainsi que le justificatif de chèques revenus impayés, de sorte que la lettre de change litigieuse ne saurait s'analyser comme un effet de complaisance ; que par ailleurs la lettre de change étant un titre qui se suffit à lui-même, la créance du tireur ne constitue pas une question de validité de l'effet de commerce, mais doit seulement, pour constituer la provision, être certaine, liquide et exigible au jour de l'échéance, de sorte que le blanc-seing allégué n'ayant pas été démontré, la nullité ne saurait être davantage prononcée de ce chef ; qu'au fond, Gisèle X... oppose que la créance de la s.a.r.l. « Gamag » ne serait pas certaine, dès lors que si celle-ci invoque des titres exécutoires pour chèques impayés, la s.a.s. « Bâti midi » revendique divers avoirs et dans ses livres sa dette s'établit à 76.088,98 euros, alors que les comptes de la s.a.r.l. « Gamag » ne feraient état que d'une créance de 68.704,29 euros ; que la s.a.r.l. « Gamag », qui conteste les demandes d'avoirs qui lui ont été présentées par la s.a.s. « Bâti midi », lui répond que la provision de 135.259,36 euros est constituée, d'une part, des factures recensées pour un montant total de 68.704,29 euros suivant extrait du compte produit en pièce n° 4, d'autre part, de celles produites en pièce n° 15, correspondant aux chèques de règlement revenus impayés pour lesquels elle a obtenu depuis un titre exécutoire pour la somme de 73.088,94 euros, incluant des pénalités conventionnelles ; que de fait il ressort des factures versées aux débats, accompagnées des bons de livraison y afférents, que leur total s'établit bien à la somme de 135.259,36 euros en principal ; que si le titre exécutoire dressé par huissier de justice le 10 septembre 2012 au vu des trois certificats de non-paiement établis le 6 juillet 2012 à la suite des rejets des chèques émis par la s.a.s. « Bâti midi » en règlement de partie de ces factures, est postérieur à la présentation au paiement de la lettre de change tirée « à vue », le rejet de ces trois chèques est intervenu les 3, 9 et 29 février 2012, de sorte qu'à la date de la présentation au paiement, la provision était réelle ; que dans le même temps les demandes d'avoir dont se prévaut Gisèle X..., ont été émises par la s.a.s. « Bâti midi » les 15 décembre 2011, 30 avril 2012 et 21 mai 2012, cette dernière transmise le 23 mai 2012 avec le récapitulatif des précédentes demandes et concernant des livraisons du mois d'avril 2012, non comprises dans le nombre des factures constituant la provision, de même que partie des livraisons visées dans la demande du 30 avril 2012, tandis que le récapitulatif du 21 mai 2012, inclut des sommes non explicitées par des pièces ; que ces demandes portent pour l'essentiel sur la remise en cause des tarifs de la s.a.r.l. « Gamag », sans justificatif particulier, alors qu'en acceptant la lettre de change à tout le moins à la date du 21 mai 2012, la s.a.s. « Bâti midi » a reconnu l'existence de la provision à cette date, en l'état de ces demandes d'avoirs non acceptées par la s.a.r.l. « Gamag » et dont le bien-fondé n'est toujours pas démontré devant la Cour ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de condamner Gisèle X... à payer la somme réclamée, soit 135.259,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2012, la capitalisation de ces intérêts étant de droit à compter de la demande qui en est faite en justice, dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; que Gisèle X..., qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance ; qu'il n'y a cependant pas lieu en équité de faire à son encontre application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
1) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « Gisèle X... prétend avoir accepté la lettre de change pour la société tirée » (arrêt page 4, § 4) pour en déduire « qu'en acceptant la lettre de change à tout le moins à la date du 21 mai 2012, la s.a.s. "Bâti midi" a reconnu l'existence de la provision à cette date » (arrêt page 6, § 2) ; que cependant, Mme X... n'avait jamais fait valoir qu'elle aurait accepté la lettre de change au nom de la société Bâti midi, mais, au contraire, « qu'il a été remis à la société Gamag une traite non remplie, Mme X... ayant simplement apposé la formule manuscrite "bon pour aval" et sa signature. Toutes les autres mentions, en particulier le montant et la date, ont été à l'époque laissées en blanc et ont été remplies ultérieurement par la société Gamag » (conclusions d'appel de l'exposante page 3, al. 8 et 9) ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme X... en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la lettre de change avalisée qui a pour seul objet de fournir une garantie de paiement à un cocontractant est nulle ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la lettre de change litigieuse, indépendamment des conditions dans lesquelles elle avait été rédigée, avait pour seul objet de garantir la société Gamag contre les risques d'un défaut de paiement de la société Bâti midi ; qu'en refusant cependant d'annuler la lettre de change au prétexte que n'était pas caractérisée la complaisance qui suppose, stricto sensu, la simulation d'opérations en vue de la mise en place d'un crédit fictif, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la lettre de change n'était pas nulle pour avoir été établie uniquement dans le but de garantir la société Gamag, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil et L.511-1 et suivants du code de commerce ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en affirmant qu'il ressortait des factures versées aux débats accompagnées des bons de livraison afférents que leur total s'établissait à la somme de 135 259,36 euros, correspondant au montant de la lettre de change, quand les factures versées aux débats totalisaient un montant inférieur, de 111 558,96 euros, la cour d'appel a dénaturé les factures versées aux débats et a violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en retenant que la créance de la société Gamag était bien de 135 259,36 euros sans viser ni examiner l'impression du grand livre des comptes de la société Bâti midi (pièce d'appel n° 2) dont il ressortait que même en faisant abstraction des avoirs et reprises de palettes qu'elle avait sollicités, la créance de la société Gamag était inférieure au montant stipulé dans la lettre de change, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.