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16/11/2017 | FRANCE | N°16-18831

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 novembre 2017, 16-18831


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été engagé le 1er octobre 1996 par la société SMA ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Becs, en qualité de coordinateur de sécurité avec le statut de cadre ; que par lettre du 16 mai 2011, le salarié a informé son employeur de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite et de cesser son activité le 31 décembre 2011 ; qu'il a indiqué respecter le délai de préavis prévu par les textes de manière à lui permettre d'organiser son rem

placement ainsi que la passation de ses dossiers ; que le salarié a été licenci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été engagé le 1er octobre 1996 par la société SMA ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Becs, en qualité de coordinateur de sécurité avec le statut de cadre ; que par lettre du 16 mai 2011, le salarié a informé son employeur de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite et de cesser son activité le 31 décembre 2011 ; qu'il a indiqué respecter le délai de préavis prévu par les textes de manière à lui permettre d'organiser son remplacement ainsi que la passation de ses dossiers ; que le salarié a été licencié pour faute lourde le 29 juillet 2011 et qu'il a contesté ce licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et quatrième moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner une cassation ;

Mais, sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Vu l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que pour dire que le licenciement du salarié repose sur une faute lourde, le débouter de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail et le condamner à verser à l'employeur une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient qu'en contactant, pendant la relation contractuelle, le principal client de son employeur, en utilisant les moyens matériels mis à sa disposition par celui-ci, afin de l'informer de l'ouverture prochaine de son entreprise dans un domaine concurrent, et en se mettant à sa disposition, le salarié a eu un comportement déloyal à l'égard de la société Becs, constitutif d'une faute, qu'en nouant des relations avec le client de son employeur aux fins de conclure, pour l'avenir, avec lui des relations contractuelles, alors qu'il était lié par un contrat de travail avec la société Becs, il a également violé la clause d'exclusivité à laquelle il était tenu contractuellement et que ces comportements, qui ont pour objet de détourner la clientèle de son employeur, constituent une faute lourde ne permettant pas le maintien de la relation contractuelle ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans caractériser la volonté de nuire du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement du salarié repose sur une faute lourde, le déboute de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail et le condamne à verser à l'employeur une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 13 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Becs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Becs et condamne celle-ci à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de M. X...tendant à voir juger que le contrat de travail avait été rompu le 16 mai 2011 et que l'employeur ne pouvait procéder ultérieurement à son licenciement, voir dire et juger que la procédure était irrégulière, obtenir le paiement d'une indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure, d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis, d'un rappel de congés payés, d'une indemnité de départ à la retraite, de dommages et intérêts, d'avoir dit que le licenciement de M. X...repose sur une faute lourde et de l'avoir condamné à verser à la société BECS la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE M. X...soutient que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en une rupture anticipée du préavis dans le cadre de sa demande de départ à la retraite et non en un licenciement ; en l'espèce, M. X...a informé la société BECS le 16 mai 2011 de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite et de cesser son activité à la date du 31 décembre 2011 ; aux termes de l'article 20 de la convention collective Syntec tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier de son droit à la retraite et ayant au moins deux ans d'ancienneté bénéficie d'un préavis d'une durée de deux mois ; la date de la fin des relations contractuelles étant fixée précisément par M. X...au 31 décembre 2011, il en résulte nécessairement que le point de départ du délai de congé conventionnel a été différé au 1er novembre 2011 ; dès lors, au moment de son licenciement, le 29 juillet 2011, M. X...ne se trouvait pas en période de préavis ; il importe peu, à cet égard, que, par une méconnaissance des termes juridiques, M. X...ait indiqué, dans son courrier du 11 mai 2011, qu'il donnait, dès mai 2011 « (…) un délai de préavis [vous] permettant de me remplacer au sein de votre entreprise », la seule citation du terme « préavis » ne suffisant pas à qualifier comme tel l'ensemble de la période restant à courir jusqu'à son départ à la retraite, soit 7 mois et demi ; d'ailleurs, les bulletins de salaire émis entre le 16 mai 2011 et le 29 juillet 2011 ne comportent aucune rubrique intitulée « préavis » ce que M. X...n'a jamais contesté ; dès lors, la rupture des relations contractuelles par la société BECS le 29 juillet 2011 s'analyse en un licenciement et non en une rupture de préavis ;

AUX MOTIFS adoptés QUE M. X...a été engagé le 1er octobre 1996 par la société SMA INGÉNIERIE ; que le 1er août 2000, la société SMA était reprise par la Sarl BECS et que le contrat de M. X...était transféré aux mêmes fonctions et avec une reprise totale de son ancienneté ; que M. X...informait la Sarl BECS dès le 16 mai 2011 par courrier recommandé avec accusé de réception de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite et de cesser son activité à la date fixée au 31 décembre 2011 ; que dans sa formulation, M. X...indiquait à son employeur que cette information largement à l'avance lui permettrait « avec un délai de préavis... » de le « remplacer au sein de (votre) la société et d'assurer une passation des dossiers dans les meilleures conditions possibles » ; que dans le cadre des dispositions de départ volontaire à la retraite, la Convention Collective prévoit un délai de préavis de 2 mois ; que la seule citation du terme « préavis » dans le courrier de M. X...ne suffit pas à qualifier en tant que tel l'ensemble de la période restant à courir jusqu'au 31 décembre, soit les 7, 5 mois ; que les bulletins de salaire émis entre le 16 mai 2011 et le 29 juillet 2011 ne mentionnent aucunement de rubrique intitulée « préavis » ; que M. X...n'apporte pas de contestation quant au libellé de sa situation contractuelle sur ses bulletins de salaire de mai, juin ni juillet 2011 ; que jusqu'au 31 octobre M. X...n'était pas en préavis ; que la rupture du contrat de travail consécutive à la découverte de l'échange de courriel litigieux de juillet 2011 ne pouvait être traitée comme une rupture anticipée de préavis ; que la Sarl BECS était fondée à mener une procédure de licenciement à compter du 18 juillet 2011 compte tenu des éléments qui lui étaient parvenus ; que le conseil de prud'hommes a été saisi pour déclarer l'irrégularité de la procédure compte tenu de la nature de préavis de la période considérée ; que cette période ne peut être confondue avec le préavis légal lui-même ; …/ … que M. Johann X...a saisi le conseil de prud'hommes pour faire reconnaître l'irrégularité de la procédure menée à son encontre ainsi que le caractère abusif de son licenciement ; que la procédure de licenciement ne présente pas d'irrégularité au motif qu'elle se serait tenue alors que le contrat était déjà rompu et se poursuivait par le préavis en cours ;

ALORS QUE d'une part, lorsque le salarié décide de quitter volontairement l'entreprise pour faire valoir ses droits à la retraite, la rupture est effective dès que cette décision est portée à la connaissance de l'employeur ; que, d'autre part, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une expression de volonté expresse et non équivoque du salarié ; que la cour d'appel, après avoir constaté que, le 16 mai 2011, le salarié avait informé l'employeur de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, a considéré que le préavis n'avait commencé que le 31 octobre en retenant que le salarié avait indiqué qu'il cesserait son activité le 31 décembre 2011 et qu'il n'avait pas contesté alors que les fiches de paie ne faisaient pas état du préavis ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants, quand la rupture était effective au 16 mai 2011 du fait de la notification à l'employeur de la décision du salarié de faire valoir ses droits à la retraite, que le salarié était en droit de se prévaloir des conséquences légales de sa décision et que la cour d'appel n'a ni constaté une renonciation expresse et non équivoque du salarié à ce droit, ni un accord de sa part pour différer le point de départ de son préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard des articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X...repose sur une faute lourde, débouté M. X...de l'intégralité de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, de l'avoir condamné à verser à la société BECS la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE la faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé non seulement du droit au préavis et à l'indemnité de licenciement, mais également, en application de l'article L. 3141-26 du code du travail, de l'indemnité compensatrice de congés payés prévue à l'article L. 3141-21 du même code ; elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié ; l'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en apporter la preuve ; en l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : « Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 mai 2011, vous nous avez informés de votre décision de faire valoir vos droits à la retraite et de quitter les fonctions de directeur technique que vous exercez le 31 décembre 2011, ce que nous avons naturellement accepté. Cependant, nous avons découvert que le 11 juillet, depuis votre adresse mail professionnelle, vous transmettiez à un de nos clients, les coordonnées de la société que vous êtes en train de créer, l'incitant ainsi à vous recommander auprès de ses collègues. Cette situation est d'autant plus inacceptable que votre démarche concernait notamment Monsieur Y...coordinateur sécurité référent à la SNCF pour les Grands Projets. En agissant de la sorte, en particulier compte tenu de votre expérience, de votre ancienneté et du caractère stratégique du poste de directeur technique en charge des Grands Projets que vous occupez, vous ne pouvez ignorer que vos agissements constituent un manquement particulièrement grave à votre obligation de loyauté. Il s'agit en effet d'une tentative flagrante de détournement de clientèle. De surcroît, vous utilisez les moyens de la société, adresse mail, téléphone portable, fax et vous entretenez ainsi une confusion entre votre nouvelle société et la nôtre. En outre, la réponse de Monsieur Y...démontre que vous l'aviez préalablement informé de vos projets et de vos intentions. Ainsi, vous causez délibérément un préjudice à la société en sollicitant de ses principaux clients qu'ils vous rejoignent dans une autre structure. Votre intention de nuire est en outre manifeste, dès lors que vous entendez détourner des clients de la société et/ ou les dissuader de contracter avec elle. Vous avez ainsi décidé de ne pas respecter l'obligation de non concurrence inhérente à votre contrat de travail jusqu'à son expiration. Lors de l'entretien préalable, vous vous êtes contenté de nier être l'auteur du courrier électronique du 11 juillet en prétendant même que nous en serions les responsables dans le seul but de vous priver de votre indemnité de départ à la retraite. Vos dénégations de pure forme et accusations intolérables ne nous permettent pas de modifier notre appréciation des fautes qui vous sont reprochées. Nous vous notifions en conséquence par la présente votre licenciement pour faute lourde » ; la société BECS estime que M. X...a usé de manoeuvres déloyales en utilisant les moyens matériels qu'elle avait mis à sa disposition afin de détourner la clientèle au profit de sa future société COORDICA, dont l'activité devait débuter au 1er janvier 2012 ; elle affirme que les missions qui lui ont été confiées lui ont permis de rencontrer de futurs clients et d'entrevoir ainsi les possibilités des nombreuses missions qu'il pourrait leur proposer ; en envoyant à la SNCF, client principal de la société BECS, un courriel lui fournissant, pour l'avenir, les coordonnées de la société concurrente qu'il venait de créer, elle estime que le client a pu considérer que la société BECS ne pourrait plus poursuivre l'exécution de ses missions lorsque M. X...l'aurait quittée ; elle relève d'ailleurs qu'est indiqué dans le mail en retour de M. Y...que la société COORDICA a « beaucoup d'expérience y compris les risques ferroviaires » alors qu'il a débuté son métier de coordinateur au sein de la société BECS et que ce sont les projets qui lui ont été confiés par cette société qui lui ont permis d'acquérir une expérience dans ce domaine ; M. X...conteste avoir été l'auteur du courriel litigieux et relève qu'il n'était pas le seul à avoir accès à sa boîte d'e-mail ; sa secrétaire, Mme Z..., y avait accès et procédait ainsi à des transferts de courriels ; son employeur avait également librement accès à sa messagerie et pouvait dès lors adresser des courriels, voir même les modifier ; à titre subsidiaire, il soutient que durant une période de préavis, des actes préparatoires à une activité concurrentielle qui ne débuterait réellement que postérieurement à la rupture du contrat peuvent être tolérés ; or une simple communication d'adresse d'une société future ne saurait être considérée en un détournement de clientèle, d'autant plus qu'il n'y avait aucune confusion possible entre les deux sociétés ;

Et AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la lecture du contrat de travail de M. X...ainsi que des avenants ultérieurs enseignent qu'il était tenu par une clause d'exclusivité de son exercice professionnel ; par contre, aucune clause de non-concurrence au-delà de la date de rupture du contrat de travail n'était prévue de sorte que rien ne lui interdisait d'envisager une activité ultérieure, fut-elle concurrentielle, dès lors qu'il ne commettait, durant la période de son contrat de travail, d'activité concurrente ou d'acte préparatoire à une activité concurrente ; les pièces produites aux débats permettent de constater que le 11 juillet 2011, un courriel a été adressé à M. Y..., interlocuteur principal de la société BECS pour la SNCF en charge des grands projets, libellé ainsi « Bonjour Kamel, Ci-après les coordonnées de la nouvelle société de C SPS à partir du 1er janvier 2012. COORDICA 4 rue Jean Perrin 60700 PONT SAINT MAXENCE Provisoirement jusqu'en septembre, mon tel reste le même et l'adresse mail est ci-dessous Johann X...Tel : ...Fax : ...
...» ; il n'est pas contestable que ce message a été envoyé de l'ordinateur mis à disposition de M. X..., depuis son adresse mail professionnelle, ..., c'est à dire celle de la société BECS, alors que toutes les coordonnées fournies pour recevoir la réponse sont les coordonnées personnelles du salarié, de sorte d'assurer une entière confidentialité ; ainsi, l'ensemble des coordonnées, téléphone, fax et courriel, transmis par M. X...à M. Y...étaient inaccessibles à la société BECS qui n'aurait jamais dû avoir connaissance de ces échanges si le destinataire n'avait pas, par erreur, répondu sur l'adresse mail de la société ; si M. X...conteste avoir été l'auteur de ce message, il convient de relever qu'il a été adressé sur le matériel qui lui était personnellement attribué et qu'il conservait à son domicile, que ses coordonnées sont des coordonnées personnelles et qu'il aurait été le seul à bénéficier du contrat de service sollicité, alors même que la société ignorait qu'il avait constitué une société ayant une activité concurrente ; par ailleurs, à la date de l'envoi du mail, la société BECS ne pouvait pas connaître l'existence de la société que M. X...constituait, puisque ses statuts n'ont été déposés que le 7 octobre 2011 et qu'elle n'a été immatriculée au registre du commerce que le 18 octobre 2011 ; enfin, il n'est pas contestable que la publicité faite par M. X...sur la création de son entreprise n'est pas restée confidentielle puisque le destinataire du mail litigieux, M. Y..., l'a transféré en interne au sein de la SNCF, notamment auprès de Mme A..., maître d'ouvrage déléguée au sein de la SNCF, en vantant par ailleurs la grande expérience de la société, ce qui ne pouvait être le cas pour une société en cours de création ; les termes du courriel de M. Y...démontrent sans ambiguïté qu'il avait été préalablement informé par M. X...de la création de sa société et de sa volonté de contracter avec la SNCF ; d'ailleurs la société SETEC ORGANISATION, agissant au nom et pour le compte de Réseaux Ferrés de France, devait contracter avec la société COORDICA en début d'année 2013 ; dans ces conditions, en contactant, pendant la relation contractuelle, le principal client de son employeur, en utilisant les moyens matériels mis à sa disposition par celui-ci, afin de l'informer de l'ouverture prochaine de son entreprise dans un domaine concurrent, et en se mettant à sa disposition, M. X...a eu un comportement déloyal à l'égard de la société BECS, constitutif d'une faute ; en nouant des relations avec le client de son employeur aux fins de conclure, pour l'avenir, avec lui des relations contractuelles, alors qu'il était lié par un contrat de travail avec la société BECS, il a également violé la clause d'exclusivité à laquelle il était tenu contractuellement ; ces comportements, qui ont pour objet de détourner la clientèle de son employeur constituent une faute lourde ne permettant pas le maintien de la relation contractuelle ;- sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés sur préavis : aux termes de l'article L. 1234-1 du contrat de travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit (…), s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois ; M. X...ayant été licencié pour faute lourde, il ne peut prétendre à une indemnisation de ce chef ;- sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, M. X...ayant été licencié pour faute lourde, c'est à juste titre que l'employeur a pris une mesure de mise à pied et a opéré une retenue sur salaire correspondant à la période non travaillée ; aucun rappel de salaire n'a donc à être opéré ;- sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : il a été précédemment démontré que M. X...a exécuté de manière déloyale le contrat de travail qui le liait avec la société BECS ; à défaut de plus amples précisions sur l'importance du préjudice subi par la société, il convient de fixer celui-ci à la somme de 2000 euros ;

ALORS QUE le salarié ne manque pas à ses obligations contractuelles lorsqu'au cours de l'exécution de son contrat de travail, il procède uniquement à des actes préparatoires en vue de mettre en place une autre activité professionnelle ne débutant qu'après la fin de son préavis et ce, même si, en l'absence de clause de non concurrence, cette activité peut être concurrentielle de celle de son employeur ; que la cour d'appel a retenu que le salarié était lié à son employeur par une clause d'exclusivité, mais non par une clause de non concurrence et que, durant l'exécution de son contrat de travail, il avait noué des relations avec le client de son employeur aux fins de conclure, mais pour l'avenir seulement, avec lui, des relations contractuelles ; qu'en considérant que le salarié avait méconnu ses obligations d'exclusivité et de loyauté, quand elle ne constatait aucun acte de concurrence au cours de l'exécution du contrat mais uniquement des actes préparatoires en vue de mettre en place une activité ne débutant qu'après la fin du préavis, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail.

Et ALORS QUE l'employeur ayant reproché au salarié d'avoir envoyé un message de son adresse mail professionnelle, le salarié a protesté en soulignant notamment qu'il n'en était pas l'auteur et qu'il n'était pas le seul à avoir accès à sa boîte mail ; que la cour d'appel a considéré que le grief était établi en retenant qu'il n'était « pas contestable que ce message avait été envoyé de l'ordinateur mis à disposition de M. X..., depuis son adresse mail professionnelle … » et que ce message a été « adressé sur le matériel qui lui était personnellement attribué et qu'il conservait à son domicile » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand l'employeur n'avait pas soutenu que le message provenait du matériel qui était personnellement attribué au salarié qui le conservait à son domicile, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, en outre, QUE la charge de la preuve de la faute grave ou lourde incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer et n'a pas à prouver que les faits qui lui sont reprochés sont imputables à d'autres ; que la cour d'appel a considéré que le grief était établi en retenant que le mail en question contenait des informations que l'employeur ne connaissait pas et que le salarié aurait été le seul à bénéficier du contrat de service sollicité ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants pour établir l'existence d'une faute lourde commise par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;

Et ALORS en tout cas QUE le licenciement pour faute lourde suppose que soit caractérisée la volonté du salarié de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que la cour d'appel a dit que le licenciement de M. X...reposait sur une faute lourde, sans constater, ni caractériser son intention de nuire à l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. X...à verser à la société BECS la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et aux dépens ;

AUX MOTIFS QU'il a été précédemment démontré que M. X...a exécuté de manière déloyale le contrat de travail qui le liait avec la société BECS ; à défaut de plus amples précisions sur l'importance du préjudice subi par la société, il convient de fixer celui-ci à la somme de 2000 euros ;

ALORS QUE la responsabilité pécuniaire du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, ce qui implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que la cour d'appel a condamné M. X...à verser à la société BECS la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater, ni caractériser l'intention de nuire à l'employeur la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde et violé l'article L. 1231-1 du code civil (anciennement article 1147).

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X...de ses demandes tendant à obtenir le paiement des sommes de 58880, 02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, 5888 euros à titre de congés payés et 51076, 44 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et de l'avoir condamné aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE la nullité de la convention de forfait jours doit être prononcée ; M. X...peut dès lors réclamer le paiement des heures de travail qu'il aurait effectuées au-delà des 35 heures hebdomadaires ; que la durée légale du travail effectif prévue à l'article L. 3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code ; aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; en l'espèce, M. X...expose qu'il a travaillé « environ » 14 heures par jour, et retient une moyenne de 40 heures par semaine ; si pour étayer ses dires, M. X...produit un tableau dressé par ses soins reprenant une moyenne de travail de 40 heures de travail hebdomadaire, il reconnaît que ce tableau n'a pas été réalisé à la suite d'une comptabilité suivie de ses heures de travail, mais d'une estimation globale et empirique ; il ne produit par ailleurs aucun autre élément permettant de justifier, dans le détail, les 14 heures qu'il estime avoir effectuées quotidiennement, alors que sa qualité de directeur technique n'avait pas vocation à le faire travailler le week-end, les chantiers étant sans activité à ces périodes ; par ailleurs, disposant de tout le matériel de bureautique à son domicile, il lui était facile de justifier que, pour réaliser ses missions, il était tenu de travailler le soir et/ ou les fins de semaine ; le tableau produit n'est donc pas suffisant pour faire la démonstration de la réalité d'un travail complémentaire, d'autant plus qu'il ne tient compte ni de ses congés annuels ni de ses RTT ; la demande de M. X...relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée ; M. X...échouant à démontrer qu'il a régulièrement dépassé la durée légale de travail, sera débouté de sa demande au titre du travail dissimulé ;

Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE M. X...a signé le 31 décembre 2001 un avenant à son contrat de travail mettant en place une convention de forfait jours annuel conformément à l'accord collectif du 22 juin 1999 ; que M. X...bénéficiait de jours de RTT ; que M. X...affirme qu'il effectuait de nombreuses heures supplémentaires ; que M. X...reconnaît qu'il n'est pas en mesure de justifier dans le détail des 14 heures qu'il estime avoir effectuées quotidiennement ; que M. X...n'a jamais fait part de cette réclamation entre 2002 et 2011 si ce n'est en évoquant sa surcharge de travail ; que les bulletins de salaire de que M. X...ne font état d'aucune heure supplémentaire pendant toutes ces années ; que la Sarl BECS a mis à disposition de M. X...une assistante à compter de janvier 2011 ; que M. X...se satisferait d'une indemnisation sur la base de 5 h supplémentaires par semaine ; que M. X...ne justifie en aucune manière ni par aucun élément l'accusation de travail dissimulé qu'il prononce à l'encontre de la Sarl BECS ; que M. X...ne démontre en aucune façon ni sur aucun document que la Sarl BECS ait eu l'intention de dissimuler le travail effectué de quelque manière que ce soit ; que dans ses conditions, l'accusation de travail dissimulé à l'encontre de la Sarl BECS n'est pas recevable ;

ALORS QUE les juges ne peuvent faire peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié ; que la cour d'appel a constaté qu'au soutien de sa demande, le salarié produisait un tableau, mais a rejeté sa demande en retenant, par des motifs propres ou adoptés, que ledit tableau était insuffisant, que le salarié n'avait pas présenté de réclamations pendant plusieurs années, que ses fiches de paie ne mentionnaient pas d'heures supplémentaires et qu'il bénéficiait de jours de RTT ; qu'en rejetant les demandes par des motifs inopérants, en faisant peser la charge de la preuve sur le seul salarié, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18831
Date de la décision : 16/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 nov. 2017, pourvoi n°16-18831


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.18831
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