LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Slocom Trading Limited a été autorisée par ordonnance d'un juge de l'exécution à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à la société Maritime Villa Holding qui a en sollicité la mainlevée ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande et cantonné l'inscription à une certaine somme, l'arrêt relève que la société reconnaissait dans ses écritures devoir la somme de 3 795 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, la société Maritime Villa Holding affirmait avoir payé l'ensemble des sommes dues, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document et violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Slocom Trading Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Slocom Trading Limited, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Maritime Villa Holding ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Maritime Villa Holding.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Maritime Villa Holding de sa demande de mainlevée et de radiation de l'hypothèque judicaire provisoire prise le 17 juin 2014, au troisième bureau du service de la publicité foncière de Nice (D03372), aux frais exclusifs de la société Slocom Trading Limited et de condamnation à lui verser 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, et cantonné l'inscription, aux frais de la société Maritime Villa Holding, à la somme de 660.000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Slocom justifie à la date du 17 juin 2014 de menaces dans le recouvrement de la créance. En effet, l'engagement de ne pas vendre, nécessairement sanctionné postérieurement à une cession ne constitue pas une garantie suffisante, le comportement de la SCI dans la violation du contrat de prêt conduisant à une cession intervenue en fraude des intérêts de la société Slocom ayant été retenu par les juges anglais. Le bien immobilier objet de l'inscription constitue le seul actif de la SCI, laquelle ne justifie d'aucune autre garantie de paiement. La société créancière n'est pas tenue de rechercher si les sociétés également condamnées au paiement sont solvables, la preuve incombant au demandeur à la mesure étant celle de justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance. L'existence d'une provision dans les comptes de la société Sibir ne constitue pas non plus une garantie suffisante, qu'une garantie bancaire pourrait offrir. Ensuite les paiements réalisés ne sont intervenus que postérieurement à l'ordonnance du 17 juin 2014 autorisant l'inscription litigieuse, soit le 23 et le 26 juin 2014, ce paiement n'étant point intégral, la société reconnaissant également devoir la somme de 3.795 euros, de sorte que la créance n'est pas éteinte par ce paiement. Enfin l'inscription le 17 juin 2014 n'est pas abusive contrairement à ce que l'appelante soutient, le jugement d'appel ne fixant aucun délai pour payer les sommes allouées par le premier juge, les intérêts et les frais de première instance, seuls les frais d'appel bénéficiant d'un délai de 21 jours. L'appelante ne justifiant en cause d'appel d'aucun cautionnement bancaire, la demande de substitution de garantie est rejetée. La demande en dommages intérêts formée par la SCI est rejetée en raison de la succombance. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire et a cantonné la mesure à la somme de 660.000 euros au regard des payements faits de la créance et des frais de la mesure de sorte que le jugement est confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par décision du to mai 2013, la High Court of Justice de LONDRES a notamment condamné la société SIBIR et la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS à payer la somme de 40 156 979,75 € à la société SLOCOM TRADING LIMITED (ou son équivalent en livres sterling lors de son paiement) dont "ils sont chacun redevables" sous 21 jours, outre des intérêts au taux de 1% au-dessus du taux directeur de refinancement fixe de la Banque Centrale Européenne en vigueur, à compter de la date du jugement et jusqu'à la date du paiement (traduction de l'ordonnance du Juge ROTH par Madame X..., expert traducteur auprès de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE). Cette décision était confirmée par arrêt de la Court of Appeal (Civil Division) du 17 juin 2014. Par courrier électronique du même jour, le Conseil de la société SLOCOM TRADING LIMITED mettait la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS en demeure de payer, d'ici le 8 Juillet 2014 : - la somme de 40 156 979, 75 € ; - les intérêts courant du 10 Mai 2013 au 17 Juin 2014 soit 601 694,58C - les intérêts courant à hauteur de 1265,22 € par jour jusqu'au 8 juillet 2014, ou jusqu'au paiement anticipé ; - outre frais à hauteur de 850 000 £ (§ 10 de la décision) et 85 000 £ (§6 de la décision d'appel), soit ensemble 935 000 £. La société SLOCOM TRADING LIMITED présentait une requête aux fins d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en garantie d'une somme de 43 millions d'euros le 17 juin 2014 au Juge de l'Exécution de NICE excipant d'une créance paraissant fondée en son principe en se fondant sur les dites décisions précitées et de craintes quant au recouvrement de celle ci. Autorisée par ordonnance du Juge de l'Exécution de NICE du même jour, la société SLOCOM TRADING LIMITED procédait à cette inscription le même jour au 3ème bureau du service de la publicité foncière de NICE (N° D03372) et la dénonçait à la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS, par exploit d'huissier le 24 JUIN 2014. Aux termes de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, deux conditions sont requises pour que soit autorisée une mesure conservatoire: - que la créance alléguée paraisse fondée en son principe ; - qu'elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. Il n'est pas contesté que par 3 versements effectués entre le 23 et le 26 juin 2014, la Société SIBIR, société mère de la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS, s'est acquittée du paiement d'une somme de 41 941 265 € représentant le principal outre les frais de procédure pour 935000 £ et 3795,66 € correspondant aux intérêts. Courant septembre 2014, la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS s'est également acquittée des frais de justice recouvrables dans les procédures anglaises à hauteur de 1 650 000 €. Ces paiements sont postérieurs à la requête et l'inscription d'hypothèque de sorte que la créance alléguée, fondée sur un titre judiciaire exécutoire était fondée en son principe. Par ailleurs, vu la multiplicité des procédures ayant abouti à la dernière décision, l'engagement imposé par les juges anglais à la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS de ne pas vendre ou gager la villa dont elle est propriétaire ne pouvait garantir un règlement de cette créance particulièrement importante sans difficultés, de sorte que les circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement sont de ce fait démontrées. L'hypothèque judiciaire provisoire prise par la société SLOCOM TRADING LIMITED sur les biens immobiliers (propriété constituée de trois villas à Roque brune Cap Martin) dont la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS est propriétaire étant dès lors parfaitement justifiée, la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS sera déboutée de sa demande principale et de sa demande de dommages-intérêts subséquente. 2/ sur le cantonnement Compte tenu des paiements effectués par la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS : - 41 941 265 € entre le 23 et le 26 JUIN ; - 1 650 000 € courant Septembre 2014. Il apparaît que le principal, intérêts et frais de justice recouvrables ont été payés par la SCI MARITIME VILLA HOLDINGS. Cependant, conformément à l'article L 512-2 du code des procédures civiles d'exécution « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge ». En l'espèce, la sûreté prise étant légitime et fondée, aucun motif ne justifierait que les frais occasionnés par l'inscription provisoire ne soient pas à sa charge. Vu l'état de frais produit au dossier par le Conseil de la société SLOCOM TRADING LIMITED, les frais occasionnés par l'inscription d'hypothèque se sont élevés à une somme de 651 968,91 €. A défaut d'éléments précis versés au dossier permettant au juge de l'Exécution de substituer à l'inscription d'hypothèque sus dite une autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties, il est justifié de cantonner l'inscription prise à la somme de 660 000 € ;
1) ALORS QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que même lorsque l'autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparait que les conditions prescrites par l'article L.511-1 ne sont pas réunies ; que selon l'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution, les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge ; qu'en refusant d'ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le 17 juin 2014 et en la cantonnant à la somme de 660.000 €, correspondant aux frais « occasionnés par l'inscription provisoire », après avoir pourtant constaté que le principal, les frais et les intérêts avaient été payés, les frais occasionnés par la mesure elle-même ne pouvant constituer la créance qui paraît fondée en son principe visée par l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L.512-1 et L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
2) ALORS QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que le juge peut, à tout moment, donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparait que ces conditions ne sont pas réunies ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté, par motifs adoptés, que compte tenu des paiements effectués entre les 23 et 26 juin 2014, le principal, intérêts et frais de justice recouvrables avaient été payés par elle, motif pris que « ces paiements sont postérieurs à la requête et à l'inscription d'hypothèque de sorte que la créance alléguée, fondée sur un titre judicaire exécutoire était fondée en son principe », la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date à laquelle elle statuait pour apprécier si les conditions de la mesure conservatoire étaient réunies, a violé les articles L.511-1 et L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
3) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel déposées et signifiées le 10 juillet 2015 (p. 7), la société Maritime Villa Holding faisait expressément valoir que « le 26 juin 2014, un troisième virement de 3.795,66 euros correspondant aux intérêts ayant courus sur la créance en principal entre le 21 juin 2014 (ordre de virement) et le 23 juin 2014 (date de réception des fonds par Slocom) avait été réalisé par la société Sibir » et que « alors même qu'elle avait reçu le versement de la quasi-totalité des condamnations (ne manquait que la somme de 3.795 euros), la société Slocom a signifié à la société Maritime l'inscription de l'hypothèque par exploit d'huissier du 24 juin 2014 », indiquant ainsi que la signification d'inscription d'hypothèque provisoire avait été réalisée le 24 juin 2014 avant que le paiement de 3.795,66 euros correspondant aux intérêts ayant couru sur la créance en principal entre le 20 juin et le 23 juin 2014 ait été effectué, le 26 juin suivant ; qu'en affirmant que la société Villa Maritime Holding reconnaît « également devoir la somme de 3.795 euros de sorte que la créance n'est pas éteinte » par les paiements réalisés les 23 et 26 juin 2014 (arrêt attaqué, p. 5, § 2), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la société Maritime Villa Holding, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge ; que dans ses dernières conclusions d'appel, régulièrement déposées et signifiées le 10 juillet 2015 (p. 13) , la société Maritime Villa Holding faisait expressément valoir que la société Slocom n'ayant pas respecté les conditions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution et inscrit l'hypothèque judiciaire provisoire de manière abusive, elle devait être condamnée à prendre à sa charge les frais qu'elle alléguait avoir déboursés pour cette inscription ; qu'en se bornant à cantonner l'inscription aux frais occasionnés par celle-ci, la cour d'appel a méconnu les pouvoirs qu'elle tient de l'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
5) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifies le 10 juillet 2015, la société Maritime Villa Holding faisait expressément valoir que les frais occasionnés par la mesure ne pouvaient excéder la somme de 412.000 euros, compte tenu à la fois des paiements opérés et de l'assiette initiale de cette mesure ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.