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15/11/2017 | FRANCE | N°16-19406

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 novembre 2017, 16-19406


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL Renov habitat a été mise en liquidation judiciaire le 4 février 2011 ; que M. X..., propriétaire d'un immeuble qui a été incendié en 2008, et qui avait confié à l'EURL Renov habitat des travaux de reconstruction, a déclaré une créance au titre du préjudice qu'il exposait avoir subi du fait de malfaçons commises par la débit

rice ; que sa créance ayant été contestée, M. X... a assigné le liquidateur aux fins d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL Renov habitat a été mise en liquidation judiciaire le 4 février 2011 ; que M. X..., propriétaire d'un immeuble qui a été incendié en 2008, et qui avait confié à l'EURL Renov habitat des travaux de reconstruction, a déclaré une créance au titre du préjudice qu'il exposait avoir subi du fait de malfaçons commises par la débitrice ; que sa créance ayant été contestée, M. X... a assigné le liquidateur aux fins de la faire fixer ;

Attendu que l'arrêt fixe la créance de M. X... en ajoutant au coût des travaux de démolition et de réfection des ouvrages imputables aux malfaçons commises par l'EURL Renov habitat les sommes qu'il avait versées à celle-ci en paiement du prix des travaux ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a alloué au maître de l'ouvrage à la fois le remboursement du prix convenu pour les travaux et l'intégralité du coût de leur reprise et celui de la remise en état de l'immeuble incendié, réparant ainsi deux fois le préjudice subi par M. X..., a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société EMJ, ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé au passif de la procédure collective de l'Eurl Renov Habitat la créance de M. X... aux sommes de 125 634,44 euros au titre de la réfection des ouvrages, en ce compris la réactualisation de ce coût, 50 479,62 euros au titre de la restitution des sommes versées par M. X... outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2009, 1 012,80 euros TTC au titre du coût de la bâche de protection de la toiture et de la charpente, 4 427,60 euros au titre des frais de relogement, 3 000 euros au titre du trouble de jouissance, 10 000 euros au titre du coût des intérêts du prêt souscrit pour faire face aux travaux, 2 000 euros au titre du l'article 700 du code de procédure civile en première instance, 2 000 euros au titre du l'article 700 du code de procédure civile en appel et 2 000 euros au titre des frais engagés par le cabinet d'expertise EBE ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les expertises, M. Y..., gérant de l'Eurl Renov Habitat, était présent le 21 avril 2010 lors de la réunion d'expertise organisée sur site par M. Z... remplacé ensuite par M. A... ; que M. Z... a relevé sur les travaux effectués par l'Eurl : - qu'il n'existe aucun dispositif de contreventement de la charpente ; - qu'en l'absence d'entraits pour les liaisonner entre les arbalétriers, les pieds de ferme exercent une poussée horizontale sur les maçonneries existantes provoquant des phénomènes de rupture des maçonneries anciennes en façade principale, ce qui a vraisemblablement causé la ruine des maçonneries de la façade arrière ; - que l'absence de contreventement de la charpente explique qu'elle a commencé à se déverser en entraînant la couverture posée sur liteaux ; - que le linteau en béton armé d'une ouverture de la façade principale ne comporte aucun ancrage latéral dans les maçonneries anciennes ; - que la ceinture en béton armé sur laquelle repose la charpente a été réalisée en indépendance par rapport aux maçonneries existantes ; - que le pignon ouest du corps principal du bâtiment présent une lézarde et n'est pas en mesure de participer à la reprise des efforts horizontaux apportés par la charpente ; que dans son projet de rapport à l'issue de la réunion du 21 avril 2010 tenue en présence de M. Y..., M. Z... indique « compte tenu des graves vices de construction affectant l'ensemble de la structure du bâtiment, les intervenants présents à la réunion dit 21 avril 2010 sont convenus de la nécessité de démolir la totalité des maçonneries de façade du bâtiment » ; qu'il note que « les travaux neufs ont provoqué diverses forces de poussée sur les existants dont la solidité est aujourd‘hui compromise. Non seulement les conditions de mise en oeuvre de l‘empoutrement bois du plancher de l'étage indique une grave méconnaissance des règles de l'art, qui s'est traduite par des amorces de rupture des solives, mais encore, l'entrepreneur qui a constaté dès la pose de la charpente le déversement du lindier supportant les solives en raison de la poussée ait vide non équilibrée en tête des maçonneries a jugé bon, bien que constatant l'amorce d'effondrement de la structure, de couler une ceinture en béton armé totalement hétéroclite sur la maçonnerie en pierres apparentes. Enfin le constructeur a fait preuve d‘une rare inconscience en remplaçant après son effondrement le mur de façade en maçonnerie de pierres apparentes par un simple mur en parpaings de 20 cm d'épaisseur surmonté par la chaînage en béton armé mis en oeuvre en console dont la stabilité n'est assurée à ce jour que par les étais métalliques qui le soutiennent. » ; qu'il note aussi que l'entreprise Renov Habitat « a déchaussé sur environ 80 cm les anciennes maçonneries jusqu'au niveau de leur fondation avec pour conséquence la déstabilisation des ouvrages existants. » ; que l'expert A... confirme et reprend l'analyse du premier expert en ajoutant que, pour les raisons indiquées ci-dessus, l'effondrement était inévitable et que la société Renov Habitat « [..] a démontré son incompétence notoire à achever les travaux pour lesquels elle s ‘est contractuellement engagée » ; qu'il conclut notamment que « les dommages actuels, qui imposent la démolition/reconstruction de la quasi-totalité du bâtiment, à l'exception de l'extrémité Est et dit pignon est, sont imputables en totalité à la société Renov Habitat » ; que le rapport de M. B... issu d'une expertise sur pièces non contradictoire et sans déplacement sur les lieux ne peut utilement contredire tes constatations et conclusions du cabinet Expertises Bretagne Environnement puis des deux experts judiciaires qui se sont succédés ; qu'en outre, la nécessité de démolir l'intégralité de ses ouvrages a été admise par M. Y... lui-même en cours d'expertise sans qu'il n'ait présenté aucun dire tendant à en contester les conclusions. M. X... fait aussi pertinemment observé que M. Y... a accepté le marché en pleine connaissance des conséquences de l'incendie ayant ruiné l'immeuble et de l'état de celui-ci ; que c'est donc à bon droit que le premier juge s'est fondé sur le rapport d'expertise de M. A... pour retenir la responsabilité contractuelle de l'Eurl Renov Habitat dont le gérant a en outre été reconnu coupable d'avoir contracté un contrat de louage d'ouvrage et ouvert le chantier de M. X... sans être couvert par une assurance au titre de la garantie décennale ; qu'il ne sera pas ordonné de contre-expertise ; que, sur les demandes indemnitaires, le rapport d'expertise détaillé, argumenté et circonstancié de M. A... permet de fixer le coût de réfection des ouvrages à l'identique incluant le surcoût des corps d'état secondaire, dont l'intervention avait été sous-évaluée par la société Renov Habitat, à la somme de 122 309,37 euros TTC ; que le coût est fondé sur le devis CSK du 28 juin 2010 réévalué au 19 mai 2011 à hauteur de 3 % ; que compte tenu du temps écoulé entre le dépôt du rapport d'expertise et le présent arrêt, il y a lieu, par voie d'infirmation, de réévaluer et de fixer à la somme de 125 634,44 euros le coût de la reconstruction à l'identique ; que, par des motifs pertinents adoptés, le premier juge a condamné la société Renov Habitat d'une part à rembourser à M. X... la somme de 50 479,62 euros versée en pure perte en exécution du contrat de louage d'ouvrage pour l'édification d'un ouvrage devant être détruit et ayant lui-même causé des dommages aux existants, et d'autre part à lui payer la somme de 1 012,80 euros TTC au titre du bâchage de protection de la toiture et de la charpente selon facture Peyssard C02 ; que M. X... ayant été tenu de se loger pendant 20 mois dans un studio dont il produit le contrat de bail et le décompte des loyers au 12 mai 2010, le premier juge a pertinemment fixé son indemnisation au titre des loyers à la somme de 4 427,60 euros et au titre du préjudice de jouissance à celle de 3 000 euros ; que, par courrier du 10 septembre 2009, le Crédit mutuel de Bretagne atteste avoir accordé à M. X..., dont le revenu mensuel s'élève à 1 257 euros selon la décision d'aide juridictionnelle, un prêt de 37 000 euros remboursable sur 15 ans dans le cadre de travaux sur son habitation ; que cet emprunt n'ayant été contracté qu'en raison des fautes contractuelles de l'Eurl Renov Habitat, le premier juge l'a justement condamnée à ce titre au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des intérêts ; que, par des motifs adoptés, le jugement déféré a aussi condamné l'Eurl Renov Habitat, par voie de fixation de cette créance à son passif, au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'expertise confiée par M. X... au cabinet Expertises Bretagne Environnement qui l'a aussi assisté durant les opérations d'expertise judiciaire ; que, sur les autres demandes, succombant en appel, les frais de cette procédure seront mis au passif de la procédure collective de l'Eurl Renov Habitat ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les désordres particulièrement graves constatés par l'expert engagent la responsabilité contractuelle de l'Eurl Renov Habitat et justifient le droit à indemnisation du préjudice de M. X... ; que l'expert judiciaire a chiffré à la somme de 122 308,60 euros TTC le coût de réfection des ouvrages sinistrés du fait de l'intervention de la société Renov Habitat et celui du surcoût par rapport aux corps d'état secondaires ; que dès lors, M. X... ne saurait se fonder sur le devis établi par la société CSK Construction Caska le 22 juin 2010 à hauteur de 184 824,12 euros TTC pour voir fixer son préjudice à un montant plus important incluant le coût des travaux à réaliser par les corps d'état secondaire ; que M. X... est en outre fondé à réclamer la restitution des sommes versées par lui à l ‘Eurl Renov Habitat à hauteur de 50 479,62 euros, dans la mesure où l'ensemble des travaux réalisés par la société Renov Habitat doivent être repris, ce qui rend le paiement effectué par M. X... à hauteur de 50 479.62 euros dépourvu de cause ; que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 16 janvier 2009 ; qu'il sera également fait droit à sa demande formée à hauteur de 1 012,80 euros TTC correspondant au coût de la bâche de protection de la toiture et de la charpente (facture entreprise Peyssard CO2 du 16 avril 2008) ; que le demandeur a par ailleurs été contraint de se reloger dans un studio moyennant un loyer mensuel de 221,38 euros, ce qui justifie qu'il soit fait droit à sa demande formée au titre des frais de relogement à hauteur de 4 427,60 euros, la durée de la location imputable à l'intervention de I'Eurl Renov Habitat étant retenue à hauteur de 20 mois ; que M. X... subit, en outre, sur une durée équivalente un préjudice de jouissance puisqu'il ne peut pas profiter de son cadre de vie dans sa maison et qu'il est contraint de vivre dans un studio ; que son préjudice sera retenu à hauteur de 150 euros par mois, soit au total 3 000 euros ; qu'il justifie également qu'il a été contraint d'avoir recours à un contrat de prêt de 37 000 euros remboursable en 15 ans auprès du CMBl dans le cadre des travaux de son habitation ; que les intérêts de ce prêt ne sauraient rester à sa charge. M. X... sera condamné à lui verser une indemnité de 10 000 euros ;

ALORS QUE la réparation du préjudice doit être intégrale, sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en inscrivant au passif de la liquidation judiciaire de l'entreprise non seulement des créances correspondant à la restitution du prix des travaux défectueux et à la réparation des préjudices de toute nature subis du fait de ces travaux mais également une créance correspondant au coût intégral des travaux de réfection de l'immeuble, la cour d'appel, qui a fait bénéficier le maître de l'ouvrage d'une reconstruction gratuite de sa maison détruite par un incendie, a violé les articles 1147 et 1149 du code civil et le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-19406
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 24 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-19406


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19406
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