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15/11/2017 | FRANCE | N°16-19036

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2017, 16-19036


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, L. 1232-1 et L. 1235-1 dans sa rédaction applicable en la cause, du code du travail ;

Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé à compter du 5 octobre 1987 par l'union de coopératives agricoles de déshydratation, en qualité de chef de poste, a été licencié par lettre du 31 août 2012 pour cause réelle et sérieuse pour avoir tenu des propos à connotation ouvertement sexuelle lors d'une conversation téléphonique d

urant les heures de travail en présence d'un autre salarié à l'égard d'une jeune in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, L. 1232-1 et L. 1235-1 dans sa rédaction applicable en la cause, du code du travail ;

Attendu selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé à compter du 5 octobre 1987 par l'union de coopératives agricoles de déshydratation, en qualité de chef de poste, a été licencié par lettre du 31 août 2012 pour cause réelle et sérieuse pour avoir tenu des propos à connotation ouvertement sexuelle lors d'une conversation téléphonique durant les heures de travail en présence d'un autre salarié à l'égard d'une jeune intérimaire de 21 ans nouvellement embauchée ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer des dommages-intérêts au salarié et rembourser Pôle emploi de six mois d'indemnité de chômage, l'arrêt retient que la réalité des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne se trouve pas sérieusement contestable au vu des témoignages produits ni du reste contestée même si l'auteur des propos entend les nuancer ce qui n'en modifie ni la teneur ni la nature ; que ce n'est que le sérieux de la faute et son caractère proportionné à sa gravité et à la situation du salarié qui sont soumis à l'appréciation de la cour ; que les propos tenus à l'occasion de la relation de travail obligeaient l'employeur sur plainte de leur victime à protéger celle-ci et relevaient bien de l'exercice du pouvoir disciplinaire ; qu'en revanche, c'est avec pertinence que le salarié fait valoir la disproportion de la sanction infligée quand bien même l'employeur a renoncé à qualifier les faits de faute grave pour ne retenir qu'une faute simple ; que le salarié assurant l'exploitation du silo avec pour objectif d'améliorer le comportement en équipe n'était pas le supérieur hiérarchique, celui-ci étant le responsable d'exploitation ayant reçu les doléances de la jeune femme intérimaire ; que l'avertissement visé dans la lettre de licenciement remontait à près de deux ans et était sans rapport avec les présents griefs ; que le message téléphonique adressé par le salarié postérieurement au licenciement ou les propos tenus par son fils en réaction au licenciement de son père ne peuvent être retenus ; qu'au vu des 25 années d'ancienneté ayant donné toute satisfaction selon le dernier entretien d'évaluation, c'est de manière disproportionnée que l'employeur a eu recours à la sanction la plus élevée dans l'échelle disciplinaire alors que par exemple une mise à pied aurait été de nature à rappeler au salarié ses obligations et à assurer la protection de la victime des propos malheureux ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que le salarié avait tenu envers une jeune femme intérimaire les propos suivants : " Comment tu fais pour tes relations sexuelles ? Tu prends tes doigts ? ", ce qui était de nature à caractériser un harcèlement sexuel constitutif à tout le moins d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président et Mme Slove, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société France Luzerne, Union de coopératives agricoles de deshydratation (UCAD).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société FRANCE LUZERNE à payer à Monsieur X... les sommes de 70. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3. 000 € pour frais irrépétibles, et d'AVOIR condamné la société FRANCE LUZERNE, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement à celui de la présente décision ;

AUX MOTIFS QUE « la réalité des motifs de rupture énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne se trouve pas sérieusement contestable au vu des témoignages produits, ni du reste contestée même si Monsieur X... entend nuancer les propos sans que ses arguments soient de nature à en modifier la teneur comme la nature ; Attendu que ce n'est donc que le sérieux de la faute considérée ainsi que le caractère proportionné ou non à sa gravité et à la situation du salarié qui sont soumis à l'appréciation de la cour, et cela sans qu'il soit excipé de moyens nouveaux ; Attendu qu'il n'est pas douteux que les propos incriminés tenus à l'occasion de l'exécution du contrat de travail et alors que la victime s'en est plainte auprès de l'employeur obligeait celui-ci à protéger celle-ci et relevait bien de l'exercice du pouvoir disciplinaire ; Attendu qu'en revanche au contraire de l'opinion des premiers juges c'est avec pertinence que Monsieur X... fait valoir la disproportion de la sanction infligée quand bien même la SAS FRANCE LUZERNE a renoncé à qualifier les faits de faute grave pour ne retenir qu'une faute simple ; Que tout d'abord c'est sans preuve suffisante que la SAS FRANCE LUZERNE tente de justifier le choix de la sanction par l'allégation que Monsieur X... aurait eu un pouvoir hiérarchique sur l'intérimaire concernée et aurait pu influer sur d'autres mises à disposition de cette dernière à l'occasion d'autres missions de travail temporaire ; Que rien de tel ne s'évince de manière certaine de l'entretien d'évaluation de Monsieur X... où il est désigné comme assurant l'exploitation du silo, avec comme l'un de ses objectifs d'améliorer le comportement en équipe mais sans que ce ne soit précisée à son intention une sphère d'exercice d'un pouvoir hiérarchique ; Que le contrat de mise à disposition de la salariée intérimaire ne vient rien apporter sur ce point ; Que les propres attestations versées par la SAS FRANCE LUZERNE contredisent cette affirmation alors qu'ainsi que le relève avec pertinence l'appelant, Monsieur Y..., coordinateur de maintenance désigne Monsieur Z..., responsable d'exploitation, comme étant le responsable de Mademoiselle A...et ce dernier relate bien que c'est en cette qualité qu'il a reçu les doléances de cette salariée ; Attendu que l'avertissement visé dans la lettre de licenciement remontait à près de deux ans et son objet était sans rapport avec les griefs invoqués pour justifier la rupture contractuelle ; Attendu que c'est vainement que la SAS FRANCE LUZERNE croit pouvoir faire état, afin de laisser penser que Monsieur X... aurait été habituellement verbalement agressif avec ses collègues, d'un message téléphonique adressé par lui postérieurement au licenciement à un salarié et même-ce qui ne peut être imputé à l'appelant-les propos tenus par son fils là encore en réaction à la mesure de licenciement ; Attendu que par ailleurs au vu de sa très importante ancienneté il apparaît-et l'entretien d'évaluation le confirme-que Monsieur X... avait donné toute satisfaction ; Attendu qu'en considération du tout c'est en effet de manière disproportionnée que la SAS FRANCE LUZERNE a eu recours à la sanction la plus élevée dans l'échelle disciplinaire, alors que par exemple une mise à pied-tant par ses conséquences financières que par l'éviction temporaire du salarié de l'entreprise-aurait été de nature à rappeler à Monsieur X... ses obligations et à assurer la protection de la victime des propos malheureux ; Attendu que cette analyse suffit donc à commander, en infirmant totalement le jugement querellé, de dire que le licenciement se trouve dépourvu de cause sérieuse ; Qu'en considération de son âge, de son ancienneté, de son salaire, de l'effectif de l'entreprise, de sa situation de demandeur d'emploi encore justifiée par un relevé Pôle Emploi jusqu'en mai 2015, Monsieur X... sera rempli de son droit à réparation du préjudice causé par son licenciement par la condamnation de la SAS FRANCE LUZERNE à lui payer la somme de 70. 000 € de dommages et intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur a pour obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement sexuel, au besoin en procédant au licenciement du salarié auteur de tels agissements ; que doit être qualifié de harcèlement sexuel tout comportement tendancieux d'un salarié vis-à-vis d'une de ses subordonnées présentant une ambiguïté de nature sexuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait été licencié pour avoir tenu-en public et pendant les heures de travail-à l'égard d'une jeune salariée intérimaire de 21 ans, les propos à connotation ouvertement sexuelle suivants « Bah dit donc, comment fais tu pour tes relations sexuelles ? tu prends tes doigts ? » (arrêt pp. 2 et 3) ; que de tels propos étaient juridiquement constitutifs de harcèlement sexuel ; qu'en retenant néanmoins qu'ils ne justifiaient pas le licenciement pour faute de Monsieur X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1153-1 et L. 1153-6 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET POUR LA MEME RAISON, QUE l'atteinte à la dignité d'un salarié constitue de la part de son auteur une faute grave justifiant son licenciement ; qu'en retenant au contraire que les propos à connotation sexuelle tenus par Monsieur X... à l'encontre d'une jeune intérimaire-dont elle constate la matérialité-ne justifiaient pas le licenciement pour faute de ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 4121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19036
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 20 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-19036


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19036
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