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14/11/2017 | FRANCE | N°16-84763

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2017, 16-84763


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 16-84.763 F-D

N° 2627

FAR
14 NOVEMBRE 2017

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formé par :

- M. Patrick X...,
- M. Abdelhakim Y..., partie civi

le,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 24 mai 2016, qui, dans la procédure suivie contre le pre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 16-84.763 F-D

N° 2627

FAR
14 NOVEMBRE 2017

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formé par :

- M. Patrick X...,
- M. Abdelhakim Y..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 24 mai 2016, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs d'entrave aux fonctions de délégué du personnel et de harcèlement moral, a ajourné le prononcé de la peine, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de Me BALAT, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I- Sur le pourvoi de M. X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II- Sur le pourvoi de M. Y... :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., président directeur général de la société Mediatell Informatique, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, discrimination à raison des activités syndicales et harcèlement moral, au préjudice de M. Abdelhakim Y..., délégué du personnel au sein de ladite société depuis le 18 juin 2008, puis délégué syndical à compter du 25 mars 2009 ; que, par jugement du 21 mai 2015, le tribunal a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils en condamnant notamment M. X... à payer à M. Y... la somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que M. X..., puis le ministère public, ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-1, 225-2 du code pénal, L. 1134-5, L. 2141-5 du code du travail, 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a relaxé M. X..., prévenu, du chef de discrimination syndicale, et débouté en conséquence M. Y..., partie civile, de sa demande de dommages-intérêts afférente ;

"aux motifs que la procédure et les débats ont établi que M. Y..., embauché comme analyste programmeur suivant contrat à durée indéterminée du 7 septembre 1998 par la société Groupe Système rachetée en janvier 2006 par Scigma Group, a travaillé pour l'une des filiales de ce groupe, la société Mediatell Informatique dirigée par M. X... ; que les relations entre ce dernier et le salarié ont été cordiales jusqu'à ce que le premier soit élu le 18 juin 2008 délégué du personnel, puis désigné le 25 mars 2009 délégué syndical ; que, le 25 janvier 2011, M. Y... a déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de M. X... pour entrave, discrimination syndicale et harcèlement moral commis entre 2008 et 2011 ; qu'à l'issue de l'information judiciaire, M. X... a été renvoyé de ces chefs devant le tribunal correctionnel ; que, s'agissant du délit de discrimination syndicale commis par le prévenu pour avoir entre 2008 et 2011 prononcé des sanctions disproportionnées, voire injustifiées, puis avoir engagé une procédure pour faute grave en raison des activités syndicales de M. Y..., celui-ci a fait valoir qu'à partir de son élection en tant que délégué du personnel en juin 2008, il avait comme d'autres délégués du personnel, tel M. Florent Z... qui en a attesté, fait l'objet de mesures discriminatoires comme le fait d'avoir différé une nouvelle affectation en décembre 2008, d'avoir refusé des congés à l'intéressé ou de lui avoir infligé des sanctions abusives, ou disproportionnées au regard de ses qualités professionnelles, comme un avertissement le 12 juin 2009 pour avoir transmis des informations inexactes ayant entraîné des facturations erronées, une procédure de licenciement engagée à la suite d'altercations entre employeur et salarié et jugée par deux fois injustifiées par l'inspection du travail ; qu'il ne ressort pas de la procédure cependant que la discrimination, serait-elle établie, ait été exercée à raison de l'activité syndicale de M. Y... ; qu'en effet, le comportement de M. X... a commencé non pas à compter de l'élection de la victime comme délégué syndical mais de son élection en tant que délégué du personnel ; que s'il est vrai que M. Y... a bien été élu délégué du personnel avec le soutien d'un syndicat et sous son étiquette, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que les discriminations dont le salarié aurait été victime auraient été commises à raison de son activité syndicale ;

"et aux motifs que, sur l'action civile, si l'article 5 du code de procédure pénale dispose que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive, il en va autrement lorsque la juridiction répressive a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile ; qu'en l'espèce, alors que le procureur de la République a été saisi de la plainte de la victime dès le 19 octobre 2010, une décision prud'homale définitive a été rendue le 5 septembre 2013 et a condamné la société Mediatell Informatique dont M. X... est le gérant, à payer à M. Y... les sommes de 8 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination et de 8 000 euros pour harcèlement moral ; qu'il s'établit de ces éléments que M. Y..., certes recevable à agir devant la juridiction correctionnelle, a été rempli de ses droits à réparation de son préjudice causé par les faits de harcèlement ; qu'il y a dès lors lieu de modérer l'appréciation du préjudice moral faite par le tribunal en condamnant le prévenu à payer à M. Y... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice causé par le délit d'entrave commis par M. X... ;

"1°) alors que constitue une discrimination toute distinction opérée par l'employeur au regard des fonctions représentatives exercées par le salarié dans l'entreprise ; que, pour relaxer M. X... du chef de discrimination syndicale et débouter M. Y... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que les discriminations dont ce dernier a été victime ayant commencé à compter de son élection en tant que délégué du personnel et non pas de son élection comme délégué syndical, il ne ressort pas de la procédure qu'elles auraient été commises à raison de son activité syndicale ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les mesures discriminatoires dont M. Y... était victime étaient liées à l'exercice de ses fonctions représentatives dans l'entreprise, de sorte que le délit poursuivi était caractérisé en tous ses éléments constitutifs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que constitue une discrimination toute distinction opérée par l'employeur au regard des fonctions représentatives et/ou de l'activité syndicale du salarié ; que, pour relaxer M. X... du chef de discrimination syndicale et débouter M. Y... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que les discriminations dont ce dernier a été victime ayant commencé à compter de son élection en tant que délégué du personnel et non pas de son élection comme délégué syndical, il ne ressort pas de la procédure qu'elles auraient été commises à raison de son activité syndicale ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les mesures discriminatoires avaient persisté après l'élection de M. Y... comme délégué syndical le 25 mars 2009, ce dont il résultait qu'elles étaient liées au moins après cette date, en tout état de cause, à l'activité syndicale du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite du chef de discrimination syndicale, l'arrêt relève qu'il ne ressort pas de la procédure que la discrimination, serait-elle établie, ait été exercée à raison de l'activité syndicale de M. Y... ; que les juges ajoutent que le comportement de M. X... a commencé non pas à compter de l'élection de la victime comme délégué syndical mais de son élection en tant que délégué du personnel ; qu'ils précisent enfin que, s'il est vrai que M. Y... a bien été élu délégué du personnel avec le soutien d'un syndicat et sous son étiquette, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que les discriminations dont le salarié aurait été victime auraient été commises à raison de son activité syndicale ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que les agissements discriminatoires poursuivis n'avaient pas pour origine l'exercice par la partie civile des fonctions de délégué syndical, et dès lors qu'il ne se déduit pas nécessairement de l'appartenance d'un délégué du personnel à un syndicat que les mesures discriminatoires dont il est susceptible de faire l'objet sont prises en considération de son activité syndicale, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a débouté M. Y..., partie civile, de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

"aux motifs que, sur le délit de harcèlement moral, à la suite des insultes et provocations de toutes sortes proférées par M. X..., des sanctions injustifiées allant jusqu'à deux tentatives de licenciement prises à l'égard de M. Y... et au mépris de la qualité de son travail, ainsi que des difficultés rencontrées par le salarié pour faire valider ses congés, tous comportements ressortant du témoignage de Mme A... ou de M. Z... et des courriers de M. B..., l'intéressé, aux termes de plusieurs certificats médicaux, a présenté un syndrome dépressif et anxieux, a fait l'objet de trois arrêts de travail en 2009 et d'un autre en 2010 ; qu'en l'état de ces éléments, le délit de harcèlement moral, défini comme le fait de répéter des propos ou des comportements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d'autrui, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est caractérisé en tous ses éléments ;

"et aux motifs que, sur l'action civile, si l'article 5 du code de procédure pénale dispose que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive, il en va autrement lorsque la juridiction répressive a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile ; qu'en l'espèce, alors que le procureur de la République a été saisi de la plainte de la victime dès le 19 octobre 2010, une décision prud'homale définitive a été rendue le 5 septembre 2013 et a condamné la société Mediatell Informatique dont M. X... est le gérant, à payer à M. Y... les sommes de 8 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination et de 8 000 euros pour harcèlement moral ; qu'il s'établit de ces éléments que M. Y..., certes recevable à agir devant la juridiction correctionnelle, a été rempli de ses droits à réparation de son préjudice causé par les faits de harcèlement ; qu'il y a dès lors lieu de modérer l'appréciation du préjudice moral faite par le tribunal en condamnant le prévenu à payer à M. Y... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice causé par le délit d'entrave commis par M. X... ;

"alors que les dommages-intérêts doivent réparer l'entier préjudice résultant pour la victime du harcèlement moral qu'elle a subi ; que, pour débouter M. Y... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt attaqué retient qu'il a été rempli de ses droits à réparation par la somme de 8 000 euros que la société Médiatell Informatique a été condamnée par la juridiction prud'homale à lui payer à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il était soutenu, si, outre le préjudice moral ainsi indemnisé, il n'était pas résulté des faits de harcèlement moral dont M. X... a été déclaré coupable un préjudice également en matière d'avancement et de rémunération sur la période visée à la prévention dont M. Y... était fondé à demander réparation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour M. Y... du délit de harcèlement moral, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 1 500 euros la somme que M. Y... devra payer à M. X... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84763
Date de la décision : 14/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 nov. 2017, pourvoi n°16-84763


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.84763
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