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09/11/2017 | FRANCE | N°16-24319

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 novembre 2017, 16-24319


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite du décès le 2 juillet 2009 de Joseph X... (la victime), salarié de la société Bourgey-Montreuil, aux droits de laquelle vient la société Geodis (l'employeur), ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail le 11 décembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) a notifié le 3 mars 2010 à l'employeur une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle ; que Mme X.

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite du décès le 2 juillet 2009 de Joseph X... (la victime), salarié de la société Bourgey-Montreuil, aux droits de laquelle vient la société Geodis (l'employeur), ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail le 11 décembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) a notifié le 3 mars 2010 à l'employeur une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle ; que Mme X..., la veuve de la victime, intervenant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses deux enfants mineurs et ayant formé un recours contre cette décision, la commission de recours amiable a reconnu, le 7 juillet 2009, le caractère professionnel du décès de la victime ; que Mme X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur le moyen annexé du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu les articles 2 du code civil, 2 du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, alinéa 3, dans sa rédaction antérieure à ce même décret ;

Attendu que pour dire que la décision de refus de prise en charge du décès litigieux au titre de la législation professionnelle notifiée à l'employeur le 21 juillet 2010 reste acquise à ce dernier, l'arrêt énonce qu'en application du principe de l'indépendance des rapports caisse/employeur et employeur/victime, cette décision n'est pas remise en cause par la décision de prise en charge par la commission de recours amiable sur recours de Mme X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du troisième des textes susvisés que la décision de la caisse refusant la prise en charge d'un accident ou d'une maladie au titre de la législation professionnelle, qui n'est envoyée que pour information à l'employeur, ne peut acquérir un caractère définitif à son profit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que la décision de refus de prise en charge de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 2 juillet 2009 de Joseph X... notifiée à la société Bourgey-Montreuil le 21 juillet 2010 lui reste acquise, l'arrêt rendu le 28 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société Geodis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
,
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les ayants droit d'un salarié (les consorts X..., les exposants), décédé par suicide, de leur demande en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur (la société Géodis) ;

AUX MOTIFS QU'il n'existait aucun élément permettant d'établir que Joseph X... eût été soumis à des contraintes de travail anormales ou eût subi des pressions hiérarchiques susceptibles de porter atteinte à sa santé ; que le projet "Master Parc", sur lequel il travaillait depuis 2008 et qui consistait à mettre en place l'informatisation des ateliers, avait débuté en 2005 et ne présentait pas une urgence absolue ; que d'ailleurs Eric Y..., qui collaborait avec Joseph X... sur ce projet et qui relatait que, lors d'une réunion qui s'était tenue le 2 juin 2009, ce dernier avait paru paniqué en lui déclarant « je ne vais pas y arriver, je me suis trompé dans le choix du logiciel », affirmait que les réunions suivantes s'étaient passées normalement parce qu'une solution avait été trouvée et qu'« il ne compren(ait) pas du tout le geste de son collègue car il n'y avait pas de problème particulier et tout avait été mis en place pour l'aider » ; que l'enquête administrative diligentée par la CPAM de Chambéry confirmait que ses collègues de travail n'avaient pas eu conscience du mal-être professionnel de Joseph X... et que ceux qui avaient noté un changement de comportement peu avant les faits l'avaient attribué à des problèmes physiques (problème d'oreille) ou personnels (insomnies) ; que la société Bourgey-Montreuil n'avait été destinataire d'aucune alerte et, au moins jusqu'à la dernière visite médicale qui avait eu lieu le 20 novembre 2007, le médecin du travail n'avait fait état d'aucune réserve sur les aptitudes du salarié à assumer ses fonctions ; qu'il ne pouvait dès lors être reproché à la société Bourgey-Montreuil, qui n'avait pas été informée, comme d'ailleurs tout l'entourage professionnel de Joseph X..., de ses difficultés professionnelles, de n'avoir pris aucune mesure pour le soutenir et d'avoir manqué à son obligation de sécurité à son égard ; qu'il convenait dès lors de débouter les consorts X... de leur demande en reconnaissance de faute inexcusable ;

ALORS QUE, d'une part, tenu d'une obligation légale de sécurité de résultat en vertu du contrat de travail le liant au salarié, l'employeur commet une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il l'exposait sans prendre les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en s'appuyant uniquement, pour écarter cette qualification, sur des extraits orientés de déclarations émanant de collègues ou collaborateurs de la victime entendus dans le cadre de l'enquête administrative de la caisse, et en affirmant que l'employeur n'avait reçu aucune alerte, tout au moins jusqu'à la date de la dernière visite médicale du 20 novembre 2007, sans s'expliquer, bien qu'elle y eût été invitée, sur les attestations de collègues et proches confirmant l'anxiété et la pression s'exerçant sur la victime, ni sur le mot qu'elle avait laissé avant son geste fatal et qui ne faisait planer aucun doute sur son état de stress en l'absence de soutien, ni davantage sur le compte rendu de deux consultations médicales des 22 et 29 juin 2009 révélateur d'une angoisse liée à l'exercice professionnel, tous éléments significatifs d'une souffrance au travail que l'employeur ne devait et ne pouvait ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, d'autre part, l'employeur sur qui pèse une obligation de résultat de sécurité doit prendre toutes mesures pour protéger la santé et la sécurité du salarié ; qu'en limitant son examen à la fiche d'aptitude de la médecine du travail du 20 novembre 2007, tandis que, dans son précédent arrêt avant dire droit, elle avait retenu que les proches de la victime, famille et amis, faisaient état d'éléments indicateurs d'un mal-être, fatigue et déprime depuis le mois d'août 2008 en lien avec son travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 4121-1 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'ISERE refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 2 juillet 2009 de Joseph X... notifiée à la société BOURGEY-MONTREUIL le 2 juillet 200 lui reste acquise.

AUX MOTIFS QUE «Par lettre du 2 juillet 2009, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère a notifié à la société BOURGEY-MONTREUIL sa décision de refus de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 2 juillet 2009 de Joseph X....

En application du principe de l'indépendance des rapports caisse/employeur et employeur/victime, cette décision n'est pas remise en cause par la décision de prise en charge prise par la commission de recours amiable sur recours de Corinne X.... »

ALORS D'UNE PART QUE les dispositions du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 modifiant, notamment, l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale, entrées en vigueur le 1er janvier 2010, ne sont pas applicables aux procédures d'instruction des accidents ou maladies engagées avant cette date par la caisse primaire ; qu'en faisant application de ces dispositions à une procédure d'instruction d'un accident du travail déclaré le 14 décembre 2009, jour de la réception de la déclaration établie par l'employeur le 11 décembre 2009, la cour d'appel a violé les articles 2 du code civil, R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, et 2 du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

ALORS D'AUTRE PART QU'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2010, applicable au litige, la décision de la caisse refusant la prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle n'est envoyée que pour information à l'employeur et ne fait courir aucun délai susceptible de rendre cette décision définitive à son égard; qu'en décidant dès lors, pour dire la prise en charge inopposable à l'employeur, que la décision initiale de refus de la caisse était devenue définitive à l'égard de l'employeur qui en avait reçu copie pour information, la cour d'appel a violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-24319
Date de la décision : 09/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 28 juillet 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 nov. 2017, pourvoi n°16-24319


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.24319
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