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09/11/2017 | FRANCE | N°16-22297

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2017, 16-22297


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 juin 2016), que Mme X..., engagée le 6 juin 2007 en qualité de conducteur receveur par la société Rhodanienne des cars Ginhoux, a été déclarée inapte à son poste à l'issue de deux examens médicaux des 4 et 21 octobre 2011 ; qu'elle a été licenciée le 16 novembre 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que contestant son licenciement et invoquant un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, elle a s

aisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le moyen unique...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 juin 2016), que Mme X..., engagée le 6 juin 2007 en qualité de conducteur receveur par la société Rhodanienne des cars Ginhoux, a été déclarée inapte à son poste à l'issue de deux examens médicaux des 4 et 21 octobre 2011 ; qu'elle a été licenciée le 16 novembre 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que contestant son licenciement et invoquant un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique, pris en ses autres branches, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit que l'employeur avait procédé à des recherches loyales, exhaustives et sérieuses en vue de procéder au reclassement de la salariée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement ayant dit que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse, condamné la Sarl Rhodanienne des Cars Ginhoux à lui payer les sommes de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation de sécurité résultat, 2 175,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, 9 700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1 200 euros en application de l'article du code de procédure civile, et statuant à nouveau, d'avoir débouté Mme X... de toutes ses demandes, et de l'avoir condamnée à payer à la Sarl Rhodanienne des Cars Ginhoux la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que sur l'obligation de sécurité de résultat, le conseil de la salariée a précisé que l'argumentation concernant le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat était exclusivement fondée sur le comportement critiquable de ses collègues de travail auquel l'employeur n'a pas mis un terme ; que dès lors, l'événement allégué concernant la journée du 1er décembre 2009 est étranger au présent débat, étant observé que sa réalité n'est pas rapportée, les constatations opérées à partir du disque chrono tachygraphe effectuées par la cour, et ne rejoignant nullement en cela celles auxquelles se sont livrés les premiers juges, invalident les déclarations de M. Y..., dans un témoignage communiqué seulement en octobre 2013 (qui ne figure pas dans le dossier des parties, qui ne figure pas sur le bordereau de communication de pièces de Mme X.... mais dont lecture a été donnée lors de l'audience), loin d'être aussi précises que ce que les premiers juges ont pu l'estimer, que l'agression déclarée a été prise en charge au titre de la législation professionnelle, après déclaration d'AT régulièrement formalisée par l'employeur, en sorte que toute réclamation concernant ses conséquences doivent être portées devant la juridiction de sécurité sociale ; que la salariée n'indique nullement en quoi la survenance d'une agression provenant d'éléments tiers à l'entreprise, dont la réalité n'est nullement rapportée, caractériserait un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, alors qu'il n'est pas précisé quelle précaution celui-ci aurait omis de prendre ; que Mme X... dénonce une « problématique liée à des pressions et des faits de harcèlement exercés à son endroit par Mr Z... mais également Mme A..., autre salariée travaillant dans l'entreprise » qui seraient à l'origine de son état dépressif ayant abouti à sa déclaration d'inaptitude ; qu'elle produit - un courrier du 21 avril 2011 comportant ses seules allégations notamment en ce qui concerne une prétendue agression verbale de M. Z... qui ne résulte d'aucun élément matériel pas plus que les propos prêtés à Mme A..., ce document étant dès lors dénué de valeur probante, - un procès-verbal de plainte du 12 mai 2011 dans lequel elle indique avoir été harcelée et insultée par M. Z..., ce qui, pas plus que les événements qui précèdent, n'est étayé, - le compte rendu de la réunion extraordinaire du CHSCT du 13 mai 2011 dans lequel M. Z... reconnaît avoir eu une altercation avec Mme X... qui a refusé de le reconduire au dépôt alors qu'elle avait été missionnée pour ce faire par le chef de dépôt et qui se plaint lui aussi de menaces proférées « sur son intégrité physique au travers du mari de celle-ci » ; que ces éléments ne caractérisent aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et au contraire démontrent que d'une part les tensions au sein de l'entreprise résultaient des absences répétées et inopinées de la salariée contraignant ses collègues de travail à la remplacer à l'improviste, que d'autre part l'enquête menée par le CHSCT, instaurée en réponse au courrier du 21 avril 2011 par lequel Mme X... faisait état d'un harcèlement moral de la part de ses collègues de travail, ce qui a curieusement suscité l'étonnement de la salariée, a mis en exergue le fait que : « ses arrêts maladie à répétition, l'amalgame fait de sa vie privée et vie professionnelle que Mme X... a des problèmes personnels qui débordent sur sa vie professionnelle entraînant de l'animosité de l'ensemble du dépôt envers elle (permutation du planning à cause de ces absences à répétition justifiées ou non). Mme X... a eu et obtenu toutes les facilités afin de mener au mieux sa mission au sein de l'entreprise (aménagement de son planning au détriment d'un autre chauffeur qui n'a pas hésité à céder sa ligne) et malgré tout Mme X... continue à sentir des problèmes de cohabitation... les problèmes personnels de Mme X... ont pris le dessus et l'on mise vis-à-vis de l'ensemble du personnel du dépôt dans une situation de non dialogue, elle n'hésite pas à mettre en pratique le dogme seul contre tous... le CHSCT préconise avant tout par la médecine du travail une rencontre afin de bien cerner les différents problèmes physiques et psychologiques de Mme X... car le CHSCT rappelle que le transport de personnes est une responsabilité et que la bonne santé et l'équilibre mental est de mise. Mme X... ne doit rien cacher de ses traitements au médecin du travail afin que celui-ci évalue au mieux la reprise ou non de sa mission professionnelle » ; qu'au regard du résultat de cette enquête, l'employeur ne disposait d'aucun moyen de nature à remédier au ressenti de la salariée en raison de l'agacement vécu par ses collègues de travail qui étaient amenés à pallier ses fréquentes absences au demeurant non contestées ; que l'employeur énonce à juste titre que : - la réunion du CHSCT prouve qu'il a agi avec diligence au regard de son obligation générale de sécurité et de manière parfaitement loyale à l'égard de Mme X... qui a été destinataire du compte rendu du CHSCT le 11 octobre 2011 ; qu'elle avait multiplié les arrêts de travail dès septembre 2007 soit bien avant les événements qu'elle dénonce en sorte qu'il ne peut être sérieusement soutenu que ses conditions de travail se sont dégradées à partir d'octobre 2010, - la société a adapté l'organisation du service de Mme X... en fonction des contraintes familiales qu'elle rencontrait notamment en acceptant de réduire sa durée de travail, un autre salarié M. B... ayant accepté de céder sa ligne à l'intimée ; que la société produit les attestations de différents salariés qui indiquent : - M. Z... : « suite à ses nombreuses absences... a perturbé l'ambiance qu'il y avait dans le groupe… elle critiquait les collègues et la société à des chauffeurs d'autres sociétés… de plus lors d'un service elle devait me ramener au dépôt, elle m'a laissé sur le bord de la route » - M. C... : « Mme X... était toujours malade dans sa tête chaque fois un conducteur à tour de rôle la remplaçait ce que j'ai fait souvent » - M. B... : « à cause d'elle je sautais souvent mes jours de repos car elle était toujours malade soi-disant, elle voulait jamais laver son car et c'est toujours moi qui le faisais, elle était toujours de mauvaise foi et ne parlait à personne » - Mme A... : « Mme X... dit que je le l'ai harcelée or j'ai toujours été à l'écoute de Marie-Christine, elle venait me confier ses petits soucis surtout avec sa famille... elle voyait du mal partout, elle provoquait des disputes avec les chauffeurs et ensuite comme elle envenimait tout elle se disait malade et s'arrêtait pour un oui ou pour un non » - M. D... : « J'ai dû remplacer Mme X... à plusieurs reprises pour la remplacer sur son service Bellegarde scolaire, les plannings ont été changés au dernier moment pour la remplacer et perturbaient nos plannings... » - M. E..., responsable du dépôt de Nîmes : « Il m'a fallu à plusieurs reprises changer le planning au dernier moment, cela se passait toujours le dimanche soir... nous étions souvent obligés de sortir un chauffeur en repos » ; qu'il en résulte que seul le comportement de Mme X... à l'égard de ses collègues de travail est à l'origine du malaise qu'elle a pu ressentir au sein de la société, sa déclaration d'inaptitude ne peut être en aucun cas imputée à une carence ou à une omission quelconque de son employeur en lien avec son obligation de sécurité ; que sur l'obligation de reclassement, après la déclaration d'inaptitude, l'employeur a pris attache avec le médecin du travail, notamment par courrier du 11 octobre 2011, afin de rechercher des possibilités de reclassement ; que la société a procédé à des recherches et un poste d'agent de comptoir en agence de voyages était identifié dans l'agence d'Aubenas ; que toutefois, il ne pouvait être confié qu'à une personne titulaire d'un BTS tourisme que ne possédait pas Mme X..., étant rappelé que l'employeur n'est pas tenu de dispenser au salarié une formation initiale qui lui fait défaut ; que la société Rhodanienne des Cars F... a justifié de sa recherche, en communiquant ses registres du personnel, ainsi que sa lettre au médecin du travail à laquelle était annexé le tableau qui indiquait l'ensemble des postes disponibles ; qu'en effet, le médecin du travail a visé le tableau comportant l'ensemble des postes éventuellement disponibles au sein de la société, en émettant, le 28 octobre 2011, un avis négatif pour les postes de conducteurs et dans les ateliers, et en émettant un avis positif pour le seul poste disponible d'agent de comptoir en agence ; que le poste de secrétariat et comptabilité requérant une formation en bureautique et en comptabilité que ne présentait pas Mme F... n'était alors pas disponible ; qu'il en résulte que l'employeur a procédé à des recherches loyales, exhaustives et sérieuses en vue de procéder au reclassement de sa salariée ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

Alors 1°) que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en ayant statué par des motifs qui ne font pas ressortir que l'employeur avait pris toutes les mesures prévues par ces textes, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;

Alors 2°) que lorsque l'intimé a conclu à la confirmation du jugement, les motifs du jugement se trouvent intégrés dans ses conclusions d'appel et constituent autant de moyens auxquels les juges du second degré sont tenus de répondre s'ils entendent infirmer cette décision ; qu'en ayant infirmé le jugement, sans avoir réfuté ses motifs déterminants selon lesquels la lettre de licenciement mentionnant que seuls les postes d'agent de comptoir, sous réserve d'une formation de billetique, ou de secrétariat et comptabilité, sous réserve d'une formation en informatique, « seraient conformes aux préconisations du médecin du travail, mais ces postes seraient situés sur Aubenas et non sur votre lieu de résidence actuel », révélait que l'employeur n'avait manifestement effectué aucune recherche loyale et sérieuse sur ces postes, « présumant un refus de la salariée eu égard à leur situation géographique » (jugement p. 6), la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que l'employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement, au besoin par la mise oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée par Mme X..., qui soutenait que « l'employeur doit réfléchir sur des mesures telles que des mutations ou transformations de postes » et qu'à aucun moment, il ne s'était rapproché du médecin du travail pour envisager un aménagement de poste ou une permutation de salariés (conclusions d'appel p. 8), si l'employeur avait tenté de telles mesures, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'impossibilité effective pour l'employeur de reclasser la salariée, au besoin par des mesures telles que transformations de poste ou aménagement du temps de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Alors 4°) qu'en s'étant bornée à relever, de manière inopérante, que le médecin du travail avait visé le tableau comportant l'ensemble des postes éventuellement disponibles au sein de la société, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par Mme X..., si l'employeur avait effectué des recherches de reclassement au sein du groupe auquel il reconnaissait appartenir, et justifiait l'impossibilité, à la date du licenciement, d'y reclasser Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22297
Date de la décision : 09/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 28 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2017, pourvoi n°16-22297


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.22297
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