La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2017 | FRANCE | N°16-14407

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2017, 16-14407


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 29 janvier 2016), que M. X..., engagé le 9 juillet 2007 en qualité de commercial par la société Ricard a été licencié le 19 novembre 2012 au motif que la privation de son permis de conduire le plaçait dans l'impossibilité d'exercer ses missions ; que contestant le caractère réel et sérieux du licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement

est justifié par une cause réelle et sérieuse et de le débouter de toutes ses deman...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 29 janvier 2016), que M. X..., engagé le 9 juillet 2007 en qualité de commercial par la société Ricard a été licencié le 19 novembre 2012 au motif que la privation de son permis de conduire le plaçait dans l'impossibilité d'exercer ses missions ; que contestant le caractère réel et sérieux du licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve que le salarié est dans l'impossibilité d'exercer la mission pour laquelle il a été engagé ; que pour dire le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que l'utilisation d'un véhicule était indispensable à l'exercice de son activité et que, par application du principe de réciprocité, la suspension du permis de conduire dans un pays de l'Union entraîne nécessairement interdiction de conduire sur le territoire national tant que l'intéressé ne justifie pas avoir respecté la réglementation du pays concerné en matière de suspension ; qu'en statuant ainsi sans que l'employeur ait communiqué la moindre pièce d'où il résulterait que M. X... ait été dans l'impossibilité de conduire, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

2°/ subsidiairement que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne justifie le licenciement que s'il est de nature à apporter un trouble objectif et caractérisé au fonctionnement de l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer que la suspension du permis de conduire de M. X... rendait nécessairement l'exercice de son activité professionnelle de commercial impossible, sans indiquer en quoi cette circonstance aurait entraîné un trouble objectif et caractérisé dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ subsidiairement que devant la cour d'appel, M. X... faisait valoir que la suspension de son permis de conduire n'avait aucune incidence sur son activité dans la mesure où il était domicilié à côté du siège social à Marseille et que les éventuels déplacements étaient toujours effectués à deux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, d'où il résultait que la mesure de suspension ne le plaçait pas dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur produisait aux débats la pièce de procédure émanant d'une juridiction espagnole portant mise en demeure au salarié de s'abstenir de conduire des véhicules terrestres à moteur pendant huit mois et de remettre son permis de conduire, et que le salarié, au moment du licenciement, n'était pas en mesure de justifier de sa capacité à conduire sur le territoire national, et ayant relevé que cette situation rendait impossible l'exercice de son activité professionnelle pour laquelle l'usage d'un véhicule était indispensable, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le retrait du permis de conduire de l'intéressé pendant une durée de huit mois entraînait un trouble objectif caractérisé dans le fonctionnement de l'entreprise, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était justifié par une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR débouté le salarié de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... été embauché par la SAS Ricard le 9 juillet 2007 suivant contrat à durée déterminée en qualité de commercial ; que les relations contractuelles se sont poursuivies à compter du 1er janvier 2008 par la signature d'un contrat à durée indéterminée ; que l'employeur lui a notifié son licenciement par courrier du 19 novembre 2012 au motif que la privation de son permis de conduire par le jeu d'une décision de la justice espagnole ordonnant sa suspension pendant une durée de 8 mois, le 2 septembre 2012, à la fin de ses congés, avait une incidence sur son activité professionnelle, le plaçait dans l'impossibilité d'exercer ses missions, cet élément étant indispensable à la réalisation de sa prestation de travail et confrontait l'employeur à des difficultés l'obligeant à revoir l'organisation des équipes commerciales pour pallier son absence ; qu'il est ajouté que dans la mesure où l'infraction ayant donné lieu à cette suspension a été commise avec un véhicule portant la marque de l'entreprise, ce comportement était de nature à mettre en cause l'image de la société (…) ; qu'il résulte en premier lieu de la lettre de licenciement, et plus particulièrement des termes suivants : « bien que ces faits relèvent de votre vie privée, vous nous placez devant des difficultés d'organisation professionnelle en raison du trouble occasionné dans le fonctionnement de la Direction Régionale des Ventes. Nous sommes dans l'obligation de revoir l'organisation des équipes commerciales pour palier à votre absence » ; que nonobstant l'indication plus haut de l'engagement d'une procédure disciplinaire qui recouvre au demeurant le second grief tiré de l'atteinte à l'image de l'entreprise, l'employeur s'est placé non pas sur ce terrain disciplinaire mais sur celui de l'incapacité du salarié à satisfaire aux obligations de son contrat de travail ; qu'il sera rappelé à cet égard que le retrait du permis de conduire, même s'il a été opéré en dehors du temps de travail, peut, à l'instar de tous les comportements relevant de la vie privée, néanmoins constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si celui-ci, compte tenu de la nature des fonctions du salarié et de la finalité de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ; qu'en l'espèce, il ressort clairement du contrat de travail que les fonctions de M. X... consistaient à effectuer notamment des déplacements rendant l'usage d'un véhicule indispensable à l'exercice de l'activité, l'employeur mettant même un véhicule de fonction à sa disposition ; qu'il est expressément indiqué dans la rubrique « véhicule » que le fait d'être titulaire d'un permis de conduire non suspendu est un élément indispensable dans l'accomplissement des activités confiées ; que le fait que M. X... ait été basé au siège de la société à Marseille depuis le 1er juillet 2009 ne signifie nullement que ses fonctions de commercial avaient été substantiellement modifiées de sorte que lesdites dispositions contractuelles seraient devenues caduques ; que ce point observé, l'employeur produit aux débats la copie et sa traduction d'une pièce de procédure émanant du tribunal d'instruction de Tarragona portant mise en demeure de M. X... de s'abstenir de conduire des véhicules à moteur et des cyclomoteurs pendant 8 mois et de remettre le permis de conduire dont il est titulaire ; que M. X... reconnait dans un mail adressé à l'employeur le 16 novembre 2012 et produit par ses soins (pièce n° 16 ) que les services de police espagnols ont conservé son permis de conduire à la sortie de l'audience ; que ce permis n'a donc pas été « égaré » comme il le prétend ; que cette circonstance très particulière n'a pas été mentionnée dans la déclaration effectuée par l'intéressé qui a en outre, de manière erronée, déclaré que cette « perte » avait eu lieu le 31 août 2012 ; qu'il sera en outre relevé que la date d'établissement de cette déclaration au 7 septembre 2012 a été surchargée ; que M. X... prétend désormais, pour les besoins de sa démonstration, l'avoir effectuée le 27 septembre 2012 ; qu'il rappelle cependant à plusieurs reprises dans des mails adressés à l'employeur avoir procédé à ladite déclaration le 7 septembre 2012 (pièce n° 12 de M. X..., pièce n° 8 de l'employeur) ; qu' il s'ensuit d'une part qu'il ne peut prétendre à l'extension jusqu'au 27 novembre 2012, soit postérieurement au licenciement, de l'autorisation de conduire qui en résulte, ni se prévaloir plus généralement de ce document qui contient des déclarations mensongères et du duplicata du permis de conduire qui a été délivré en conséquence ; qu'en outre, il sera rappelé que le principe de réciprocité et de reconnaissance mutuelle posé par la directive 91/439 du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 1991 relative au permis de conduire s'applique à la validité des permis de conduire mais également à l'autorité attachée aux jugements et décisions administratives des pays membres de l'Union Européenne ; que par application de ce principe, la suspension d'un permis de conduire dans l'un des pays de l'Union entraîne nécessairement l'interdiction de conduire sur le territoire national, tant que l'intéressé ne justifie pas avoir respecté la réglementation du pays concerné en matière de suspension, ce qui ne saurait résulter de la fourniture d'une information quant au solde de points restant sur le permis de conduire par l'autorité préfectorale qui peut tout aussi bien s'expliquer par l'absence d'échanges des informations entre les autorités concernées ou par l'absence de prise en compte de ces informations ; que de la même façon, le suivi d'un stage sur le territoire national est sans incidence sur la mise à néant de la mesure de suspension ordonnée par les autorités espagnoles ; qu'il s'ensuit qu'au moment du licenciement, M. X... n'était pas en mesure de justifier de sa capacité à conduire sur le territoire national ; que cette situation rendait nécessairement l'exercice de son activité professionnelle de commercial impossible ; que la mesure de rupture repose donc sur une cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. Emmanuel X... est engagé par la société Ricard dans le cadre d'un contrat à durée déterminée le 9 juillet 2007 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2008 en qualité de commercial ; que son contrat en son article 3 stipule « l'usage d'un véhicule est indispensable à l'exercice de son activité. Notre société met à votre disposition une voiture de fonction » ; que M. X... est en congés payés jusqu'au dimanche 2 septembre 2012, congés qu'il passait en Espagne ; que le 2 septembre 2012, était rendue à son encontre par une juridiction espagnole et dans le cadre d'une procédure d'urgence, une décision « d'interdiction de conduire tout véhicule terrestre à moteur et de retrait du permis du conduire, avec remise immédiate du document à la juridiction et ce, pendant huit mois et d'une condamnation à une peinte pénale de 1440 € et à une peine d'amende civile de 270 € ; qu'à la reprise d'activité, M. X... indiquait à la société qu'il avait perdu son permis de conduire ; que le 7 septembre 2012, il procédait auprès du Commissariat de Police à une déclaration de perte afin de pouvoir obtenir une autorisation de conduire ; que M. X... transmettait à la société la copie de la déclaration de perte ainsi que la copie du jugement mentionnant un retrait de permis de huit mois ; que compte tenu des termes du jugement, la société Ricard procédait au retrait du véhicule de M. X... et plaçait ce dernier au repos et en congés jusqu'au 14 octobre 2012 ; que par courrier du 9 octobre 2012, la société Ricard demandait à M. X... de justifier de sa capacité à conduire ; que M. X... rappelait qu'il avait remis trois éléments : - la déclaration de perte, - un relevé d'information intégral ne stipulant aucune invalidation du permis, - une attestation de stage donnant droit à la récupération de quatre points ; que la société Ricard s'informait auprès du chef du bureau des permis de conduire sur les conséquences en France du retrait par une autorité judiciaire espagnole du permis ; qu'il lui était confirmé : - le 5 octobre 2012 : que M. X... ne pouvait pas conduire en France, - le 16 octobre 2012 : que la déclaration de perte valant permis de conduire pendant deux mois était nécessairement un faux, - le 24 octobre 2012 : que la décision rendue par la juridiction espagnole était immédiatement applicable en France ; que c'est dans ces circonstance que M. X... était convoqué à un entretien préalable visé et reporté à sa demande au 15 novembre 2012 ; que par une lettre du 19 novembre 2012, il sera licencié en raison du retrait du permis de conduire rendant impossible l'exercice de son activité professionnelle et le respect de ses obligations découlant du contrat de travail ; qu'il est incontestable que le licenciement est fondé de cause réelle et sérieuse dès lors que le permis de conduire est nécessaire à l'exercice de l'activité et que le salarié ne peut plus par ses propres moyens remplir ses fonctions ; que le licenciement et parfaitement justifié ;

1°) ALORS QU 'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve que le salarié est dans l'impossibilité d'exercer la mission pour laquelle il a été engagé ; que pour dire le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que l'utilisation d'un véhicule était indispensable à l'exercice de son activité et que, par application du principe de réciprocité, la suspension du permis de conduire dans un pays de l'Union entraîne nécessairement interdiction de conduire sur le territoire national tant que l'intéressé ne justifie pas avoir respecté la règlementation du pays concerné en matière de suspension ; qu'en statuant ainsi sans que l'employeur ait communiqué la moindre pièce d'où il résulterait que M. X... ait été dans l'impossibilité de conduire, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entrainant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne justifie le licenciement que s'il est de nature à apporter un trouble objectif et caractérisé au fonctionnement de l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer que la suspension du permis de conduire de M. X... rendait nécessairement l'exercice de son activité professionnelle de commercial impossible, sans indiquer en quoi cette circonstance aurait entraîné un trouble objectif et caractérisé dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE devant la cour d'appel, M. X... faisait valoir que la suspension de son permis de conduire n'avait aucune incidence sur son activité dans la mesure où il était domicilié à côté du siège social à Marseille et que les éventuels déplacements étaient toujours effectués à deux (cf. arrêt p. 4 § 1) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, d'où il résultait que la mesure de suspension ne le plaçait pas dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-14407
Date de la décision : 09/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2017, pourvoi n°16-14407


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14407
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award