LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Le procureur général près la cour d'appel de Douai,
contre l'arrêt n° 398 de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 17 mars 2017, qui, dans l'information suivie contre la société Is Prestige du chef de blanchiment en bande organisée, M. Florian X..., Mme Marylène Y..., M. Mohamed Z... et Mme Elodie A... des chefs de blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux et travail dissimulé, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la demande en restitution de plusieurs véhicules automobiles et ordonné leur restitution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 juin 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 131-21 alinéas 1,3 et 6 ; 324-1 du code pénal; 99 alinéa 4, 706-148 alinéa 1 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
Vu l'article 99 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en application de ce textes, il n'y a pas lieu à restitution notamment lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité et que le bien est le produit direct ou indirect de l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Is Prestige, mise en examen du chef de blanchiment en bande organisée, a acquis plusieurs automobiles de luxe dont des véhicules de marque BMW, Bentley, Chrysler, Lincoln qui ont été saisis le 14 septembre 2016 et ont fait l'objet d'ordonnances ,frappées d'appel, en date des 4 et 28 novembre 2016, de remise à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) ; que par ordonnance du 22 décembre 2016, le juge d'instruction a rejeté la demande de restitution de ces voitures, que la société Is Prestige a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance déférée et ordonner la restitution des véhicules en cause, la chambre de l'instruction, après avoir rappelé que le juge d'instruction saisi d'une requête en restitution de bien saisi est tenu de statuer sur son bien fondé indépendamment de l'existence de l'appel d'une ordonnance de remise du bien à l'AGRASC en vue de l'aliénation, a retenu qu'en l'état de la procédure aucun élément ne vient conforter la provenance illégale des fonds investis par la société associée Redbox et avec lesquels les véhicules ont été acquis, les renseignements fournis par les services du Luxembourg ne faisant état d'aucune suspicion sur ce point ; que les pièces produites apportent, alors que des investigations sont en cours, une réponse possible sur l'origine des fonds investis par la société Redbox dont l'objet social n'interdit aucun type d'investissement ; que les conditions de participation de la société Is Prestige aux faits reprochés reposent sur un indice, soit l'investissement de plus de 800 000 euros de la part d'une société luxembourgeoise, qui n'a pas encore été corroboré par des éléments confirmatifs ; que l'importance des sommes susceptibles d'avoir été blanchies n'a pas fait l'objet d'une évaluation ce qui ne permet pas d'apprécier l'opportunité et la proportionnalité des mesures provisoires prises avec celle de la fraude fiscale dont proviendraient les sommes investies, et qu'à ce stade de la procédure, les mesures de saisies apparaissent disproportionnées en ce qu'elles privent la société Is Prestige de l'usage des véhicules ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi , alors que, d'une part, saisie d'une demande sur le fondement de l'article 99 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction ne peut, à cette occasion, remettre en cause l'existence des indices graves et concordants de commission du délit de blanchiment justifiant la mise en examen des intéressés, d'autre part, il résulte de ses propres constatations que les automobiles saisies sont susceptibles d'être le produit direct ou indirect de l'infraction et que le montant des sommes susceptibles d'être l'objet du blanchiment et investies dans les véhicules saisis évalués à 800 000 euros est supérieur à la valeur totale des biens saisis, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 17 mars 2017 ;
DIT n'y avoir lieu à restitution ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.