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08/11/2017 | FRANCE | N°16-15763

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 novembre 2017, 16-15763


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 5 février 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvois n° 13-11. 720 et 13-15. 671), que, le 28 janvier 2010, M. et Mme X... ont signé, sous diverses conditions suspensives, deux actes non indivisibles rédigés par Mme Y..., avocat associé au sein de la SELARL Y...
Z... et associés (l'avocat), valant, d'une part, promesse synallagmatique de vente d'une officine

de pharmacie, d'autre part, promesse de cession par la société Franchise la b...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 5 février 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvois n° 13-11. 720 et 13-15. 671), que, le 28 janvier 2010, M. et Mme X... ont signé, sous diverses conditions suspensives, deux actes non indivisibles rédigés par Mme Y..., avocat associé au sein de la SELARL Y...
Z... et associés (l'avocat), valant, d'une part, promesse synallagmatique de vente d'une officine de pharmacie, d'autre part, promesse de cession par la société Franchise la boucherie (le cédant) d'un fonds de commerce de restaurant assortie d'une clause de dédit moyennant une indemnité forfaitaire ; qu'il a été substitué à ce second acte une promesse de cession du seul droit au bail, sans réitération de la clause relative à la faculté de dédit ; que le projet d'acquisition de l'officine de pharmacie, qui devait être exploitée dans les locaux pris à bail, n'a pas été mené à son terme ; qu'à la demande du cédant, la cession de bail a été judiciairement déclarée parfaite, M. et Mme X... étant condamnés solidairement à payer diverses sommes au mandataire liquidateur du cédant, aux droits desquels se trouve la société Franklin Bach ; que, sur le fondement de la responsabilité civile professionnelle, M. et Mme X... ont appelé en garantie l'avocat ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de l'avocat à les indemniser de leur préjudice ;

Attendu que l'arrêt retient que, par sa faute, l'avocat a privé M. et Mme X... d'une chance de renoncer à signer une promesse de cession de bail comportant la clause de dédit, moyennant paiement d'une indemnité forfaitaire initialement prévue ; qu'après avoir caractérisé l'existence d'un aléa, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice soumis à réparation, et sans porter atteinte au principe de réparation intégrale sans perte ni profit, que la cour d'appel a fixé à 100 000 euros la réparation du dommage subi par M. et Mme X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation in solidum de Me Y... et de la Selarl Y...
Z... envers les époux X... à la somme de 100. 000 € en réparation de leur préjudice ;

AUX MOTIFS QUE les époux X... reprochent à Me Isabelle Y... un manquement à son obligation de conseil ; que la première promesse synallagmatique de vente concernant le fonds de commerce de restauration sous l'enseigne « la Boucherie » exploitée par François A..., en date du 28 janvier 2010, était conclue sous les 6 conditions suspensives suivantes (page 15) qui devaient être réalisées au plus tard le 1er avril 2010 :-1°) existence et pleine capacité d'agir et d'exprimer sa volonté du bénéficiaire au jour fixé pour la signature de l'acte de vente,-2°) obtention de renseignements d'urbanisme ne relevant aucune servitude particulière sur l'immeuble où est exploité le fonds et de nature à entraver l'exploitation de celui-ci,-3°) la situation du fonds hors des zones super protégées définies par la loi et règlements concernant les débits de boissons,-4°) renonciation par la mairie de Saint-Denis à son droit de préemption,-5°) infériorité du total des dettes superprivilégiées et inscrites par rapport au prix de cession convenu,-6°) absence d'opposition des bailleurs à la cession et leur accord pour le changement d'activité des baux en cours pour l'exercice de la pharmacie et la parapharmacie ; qu'elle prévoyait page 11 au paragraphe « conventions alternatives » qu'en cas de renonciation du promettant ou du bénéficiaire une indemnité forfaitaire et irréductible de 49. 000 €, dite faculté de dédit ; que la promesse de cession des droits au bail datée du 1er février 2010 qui a remplacé la promesse de vente du fonds de commerce de restauration et a été signée le 31 mars 2010 a été conclue sous quatre des mêmes conditions suspensives que celles prévues dans le premier acte (conditions 1, 2, 4 et 6) ; qu'aucun des deux actes ne comportait une condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt ; que les deux actes ont été rédigés par un rédacteur unique, Me Isabelle Y... de la Selarl Y...
Z... ; qu'il est exact que par courriel du 19 mars 2010, Me Isabelle Y... a avisé les époux X... que M. A... souhaitait repartir sur une cession de droit au bail car la cession du fonds de commerce risquait de lui causer des soucis avec son franchiseur ; qu'elle leur précisait : « seriez-vous d'accord pour resigner une cession de bail au lieu et place de la cession du fonds … en sachant que ce montage ne change rien pour vous, à l'exception des garanties qui pourraient être prises par votre Banque » ; que par courriel du 25 mars 2010, elle précisait : « Je vous confirme que le changement de procédure concernant la cession avec M. A... n'entraînera pas de conséquence pour vous au niveau des garanties prises par votre établissement bancaire. J'ai préparé l'acte … Il s'agit tout simplement d'une reprise des termes du compromis de cession, simplifiés dans le cadre d'une cession de droit au bail » ; que par courrier du 26 mars 2010, l'avocate rédactrice transmettait aux époux X... le projet de promesse de cession des droits aux baux en leur précisant : « en sachant que nous avons d'ores et déjà levé toutes les conditions suspensives » ; que par courriel du 31 mars 2010, elle leur transmettait la dernière version de l'acte de cession du droit au bail « quelque peu modifié suivant les observations de M. A... », leur précisant qu'elle se tenait à leur disposition pour s'entretenir avec eux s'ils avaient des questions ; que de nombreux échanges de mail de courriels ont eu lieu entre Me Isabelle Y... et les époux X... en mai et juin 2010, que cependant ils concernaient principalement les prêts et la cession de la pharmacie ; qu'il est exact que contrairement à la promesse initiale de vente du fonds de commerce de restauration du 28 janvier 2010, la promesse de cession de bail signée le 31 mars 2010 ne comportait plus de faculté de dédit et il ne ressort d'aucun des documents produits que l'avocat rédactrice ait attiré l'attention des époux X... sur cette modification substantielle, ni même que ce point ait été abordé dans leurs échanges ; qu'il ressort du courriel adressé par Raphaël X... à Me Isabelle Y... le 21 juillet 2010 que ce dernier s'interrogeait sur son engagement sur le local de la boucherie car il n'était pas sûr d'être financé pour la pharmacie ; qu'il interrogeait l'avocate rédactrice sur la possibilité de repousser l'acte et précisait « nous avons fait sauter la clause suspensive d'obtention du transfert pour prendre ce local, ce qui nous a mis dans cette situation, soit, amis cela serait quand même logique d'attendre l'accord définitif de la Banque afin de s'engager pleinement » ; qu'il confirmait sa position par courriel du 26 juillet 2010 ; que le fait que par courrier du 9 août 2010, Raphaël X... ait fait part à Isabelle Y... de son souhait de « laisser tomber complètement le projet » s'il n'avait pas l'accord de la Banque sur ce dossier, puis que par courriel du 19 août 2010 qu'il a qualifié de confidentiel, Raphaël X... ait informé Isabelle Y... de son souhait dans la mesure du possible de tout arrêter car il se rendait compte que c'était un projet complètement fou, ne permet pas d'établir que les époux X... étaient parfaitement informés des conséquences de leurs engagements ; que bien au contraire, il ressort de ces courriels qu'ils n'avaient pas clairement compris que leur engagement concernant la cession du droit au bail ne faisait l'objet d'aucune possibilité de dédit ; que concernant la possibilité qu'auraient eue les époux X... d'obtenir du cédant l'insertion d'une clause de dédit dans l'acte litigieux s'ils avaient été informés des risques inhérents à un engagement ferme et définitif, il ressort de l'ensemble des échanges par courriel que François A..., gérant de la Sarl Franchise La Boucherie de Saint-Denis, avait intérêt à céder son fonds ou son bail le plus rapidement possible alors que les époux X... avaient intérêt à ce que cette cession intervienne après obtention du prêt concernant la vente de la pharmacie ; que cependant la promesse synallagmatique de vente du fonds de commerce du 28 janvier 2010 prévoyait la signature de l'acte de vente le 1er août 2010, et la promesse de cession des droits au bail prévoyait également la signature de l'acte définitif à compter du 1er août 2010 ; qu'en outre il ressort des courriels adressés à Me Isabelle Y... par François A... en mars 2010 que ce dernier lui a demandé la requalification de la cession du fonds de commerce en cession de droit au bail au motif principal de la possibilité d'opposition du franchiseur, et aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir que François A... se serait opposé au maintien de la clause de dédit insérée dans la première promesse, ce point n'ayant jamais été abordé ; qu'en n'attirant pas l'attention des époux X... sur cette modification substantielle, et en leur affirmant au contraire qu'il n'y avait aucun changement, ce qui a nécessairement eu pour effet de réduire leur vigilance, Me Y... a manqué à son obligation de conseil, et sa responsabilité professionnelle personnelle est engagée ; que quelles que soient les causes de l'abandon par les époux X... de leur projet d'acquisition de l'officine de pharmacie de M. B... et de transfert de ladite office dans les locaux du restaurant de la Sarl Franchise La Boucherie Saint-Denis, il n'est pas douteux qu'ils ont perdu la possibilité de se dédire contre indemnité qui leur avait été réservé au départ sans en avoir été avertis ; que la perte de cette possibilité a contribué à la survenue du préjudice qui résulte pour eux de l'obligation d'honorer cette cession ; que le préjudice subi par les époux X... est établi par le fait que la cession des droits au bail a été déclarée parfaite par arrêt, définitif sur ce point, du 29 octobre 2010, et par leur condamnation définitive subséquente à régler à Me C... l'intégralité du prix convenu soit 460. 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2010, alors qu'ils avaient abandonné la vente du fonds de pharmacie et n'avaient plus intérêt à cette cession ; que le manquement de l'avocat rédacteur à son devoir d'information et de conseil a fait perdre aux époux X... une chance de ne pas signer la promesse de cession de bail qui constituait un engagement ferme et définitif et a concouru à leur préjudice puisque, si la clause de dédit avait été reprise dans l'acte de cession du fonds de commerce, ils n'auraient perdu que 49. 000 € ; que compte tenu des éléments de la cause, le préjudice causé par cette perte sera fixé à 100. 000 € ;

ALORS QUE, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que si la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, les dommages et intérêts alloués à la victime doivent néanmoins réparer le préjudice subi par la victime, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé qu'il ressortait de l'ensemble des échanges par courriel que François A..., gérant de la Sarl Franchise La Boucherie Saint-Denis avait intérêt à céder son fonds ou son bail le plus rapidement possible, alors que les époux X... avaient intérêt à ce que cette cession intervienne après obtention du prêt concernant la vente de la pharmacie, qu'aucune des pièces versées aux débats ne permettait d'établir que François A... se serait opposé au maintien de la clause de dédit insérée dans la première promesse, et que la perte pour les époux X... de la possibilité de se dédire contre indemnité avait contribué à leur préjudice qui résultait pour eux de l'obligation d'honorer cette cession ; qu'elle a ensuite retenu que « le préjudice subi par les époux X... (était) établi (…) par leur condamnation définitive à régler à Me C... l'intégralité du prix convenu soit 460. 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2010 alors qu'ils avaient abandonné la vente du fonds de pharmacie et n'avaient plus intérêt à cette cession », et que « le manquement de l'avocat rédacteur à son devoir de conseil et d'information (…) (avait) concouru à leur préjudice puisque, si la clause de dédit avait été reprise dans l'acte de cession du fonds de commerce, ils n'auraient perdu que 49. 000 € » ; qu'il résultait nécessairement de ces constatations et appréciations que le montant du préjudice des consorts X... ne pouvait être inférieur au prix de cession de 460. 000 € majoré des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2010, sous déduction de la somme de 49. 000 € correspondant au montant qu'ils auraient dû régler à la Sarl Franchise de la Boucherie Saint-Denis pour se dédire ; qu'en limitant cependant à 100. 000 € le montant du préjudice subi par les époux X..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-15763
Date de la décision : 08/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 05 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 nov. 2017, pourvoi n°16-15763


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15763
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