LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. Jean-Georges, Pascal et Serge X...ainsi que par la société de La Grand Rue, que sur les pourvois incidents relevés, d'une part, par M. et Mme Y..., Mme Z..., tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de Jean Z..., et la société A..., en qualité de liquidateur judiciaire de Mme Y..., et, d'autre part, par M. B... ;
Donne acte à MM. X...et à la société de La Grand Rue du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse du Régime des indépendants d'Aquitaine, la Mutuelle des architectes français et la société Axa France IARD ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, lors des travaux de démolition d'un immeuble confiés par MM. X...à M. B..., architecte, qui ont été réalisés par la société de Travaux publics Bergerac Biscarosse (la société TP2B), le mur pignon de l'immeuble voisin appartenant à la société de La Grand Rue s'est partiellement effondré ; que M. Y...a été blessé et le local où était exploité le fonds de commerce donné en location-gérance par Jean Z...à sa fille, Mme Sophie Z...épouse Y..., ainsi que l'appartement occupé par M. et Mme Y...ont été endommagés ; que, selon l'expert désigné en référé, l'élément déclencheur de l'effondrement du 13 mai 2003 était une insuffisante reprise, par la société la société TP2B, du parement de ce mur, endommagé un mois auparavant par un coup de pelle d'un engin mécanique utilisé pour déblayer des gravats ; que Mme Y...a été mise en liquidation judiciaire, la société A...étant nommée liquidateur ; que Jean Z...est décédé ; qu'un arrêt du 8 septembre 2010, devenu irrévocable, a statué sur l'action indemnitaire engagée par Mme C...veuve Z..., M. Joël Z..., M. et Mme Y...(les consorts Z...-Y...) et la société A..., ès qualités, contre MM. X...et la société de La Grand Rue, et sur les appels en garantie contre la société Pimouguet Leuret Devos Bot (la société Pimouguet), liquidateur judiciaire de la société TP2B, et M. B... ; qu'à la suite du dépôt des rapports des experts désignés judiciairement pour évaluer le préjudice personnel de M. Y...ainsi que la perte d'exploitation subie par Mme Y..., la société A..., ès qualités, et les consorts Z...-Y..., tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de Jean Z..., ont formé de nouvelles demandes indemnitaires ;
Sur les premiers moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident des consorts Z...-Y...et de la société A..., ès qualités, ainsi que le moyen unique du pourvoi incident de M. B... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que MM. X...et la société de La Grand Rue font
grief à l'arrêt de limiter la garantie par la SCP Pimouget, ès qualités, et M. B... des condamnations prononcées contre ceux-là au seul titre des conséquences de l'effondrement du 13 mai 2003 au profit de M. Y...et de la société A..., ès qualités, au titre de la perte d'exploitation de Mme Y...pour la période du 13 mai au 29 juin 2003 alors, selon le moyen :
1°/ qu'il n'est pas interdit au juge appelé à se prononcer sur les suites d'un précédent arrêt de s'appuyer sur les motifs de celui-ci pour en éclairer la portée de son dispositif ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son précédent arrêt du 8 septembre 2010 rendu dans le même litige et devenu définitif, la cour d'appel de Bordeaux avait dit que M. B... et la société TP2B devraient relever les consorts X...des condamnations prononcées à leur encontre, en précisant dans les motifs de sa décision, éclairant la portée de son dispositif, que « la société TP2B devra relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge » et s'agissant de M. B... que « sa responsabilité doit être retenue et il doit relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge » ; que dès lors, en refusant de tenir compte de ces motifs pour éclairer la portée du dispositif de l'arrêt du 8 septembre 2010 quant à l'étendue de la responsabilité de la société TP2B, entreprise ayant réalisé les travaux de démolition, et de M. B..., architecte maître d'oeuvre, et ainsi déterminer les limites du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en déclarant que le dispositif de l'arrêt du 8 septembre 2010 énonçant « Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a : (...) débouté les consorts X...de leur action récursoire à l'encontre de M. B... et statuant à nouveau de ce chef dit que M. B... et la société TP2B devront relever indemne M. Serge X...et M. Paul X...des condamnations prononcées à leur encontre » devait prévaloir sur les motifs de l'arrêt énonçant que « la société TP2B devra relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge », quand ces motifs ne contredisaient en rien ce chef de dispositif, la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 8 septembre 2010, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que s'appuyant sur les motifs de l'arrêt du 8 septembre 2010 pour en déterminer la portée, l'arrêt relève que, si, dans ces motifs, il est dit que la société TP2B et M. B... doivent garantir MM. X...de toutes les sommes mises à leur charge, l'arrêt du 8 septembre 2010 ne fait pas référence aux sinistres postérieurs au 13 mai 2003 et, dans son dispositif, n'infirme pas les condamnations prononcées contre ceux-là par le jugement portant sur la garantie de MM. X...pour les sommes dues par eux en réparation des seuls préjudices résultant de l'effondrement du 13 mai 2003 ; qu'il retient qu'il ne peut donc être déduit du dispositif, qui prévaut sur les motifs, une réformation quant à l'étendue de la responsabilité de la société TP2B et de M. B... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident des consorts Z...-Y...et de la société A..., ès qualités :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes d'indemnisation de la perte du fonds de commerce de Mmes Z...et Y..., la cour d'appel a retenu que, si celles-ci étaient recevables à former cette demande en leur qualité d'héritières de Jean Z..., l'estimation de leur expert M. D...ne pouvant être retenue comme probante, elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour fixer la valeur réelle du fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu de faire droit à leur demande subsidiaire d'expertise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait refuser de se prononcer sur l'évaluation d'un préjudice dont elle avait admis le principe et qu'il lui appartenait, si elle ne s'estimait pas suffisamment informée, d'ordonner toutes mesures d'instruction nécessaires pour l'éclairer afin d'y parvenir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident de M. B... ;
Et sur le pourvoi incident formé par les consorts Z...-Y...et par la société A..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Y...:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mmes Z...et Y..., en qualité d'héritières de Jean Z..., d'indemnisation de la perte du fonds de commerce ayant appartenu à celui-ci, l'arrêt rendu le 8 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Met hors de cause, sur leurs demandes, la société Axa France IARD et la Mutuelle des architectes français dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige ;
Condamne MM. Jean-Georges, Pascal et Serge X...et la société de La Grand Rue ainsi que M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. Jean-Georges, Pascal et Serge X...et la société de La Grand Rue à payer à la société Axa France IARD la somme globale de 1 500 euros, à la Mutuelle des architectes français la somme globale de 3 000 euros et à la SCP Bénabent et Jéhannin la somme globale de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour MM. Jean-Georges, Pascal et Serge X...et la SCI de La Grand Rue
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X...de leurs demandes tendant à voir juger que le contrat de location-gérance accordé à Mme Sophie Z...épouse Y...par M. Jean Z...le 1er janvier 1991 était nul et de nul effet, avec effet rétroactif, et que Mme Sophie Z...épouse Y...ne pouvait se prévaloir d'un préjudice d'exploitation en raison de la nullité de son contrat de location-gérance, et d'avoir, en conséquence, condamné solidairement MM. Serge, Jean et Pascal X...à payer à Me A..., membre de la SELARL A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme Sophie Z...épouse Y..., la somme de 29. 640 € au titre de la perte d'exploitation afférente à la période de 13 mai 2003 au 7 juillet 2006 ;
AUX MOTIFS QUE, selon les pièces versées aux débats, la SCI de la Grand Rue a donné à bail à M. Jean Z...par acte sous seing privé en date 31 décembre 1990 un local commercial situé dans l'immeuble n° 43 Grand Rue à Bergerac, que M. Jean Z...a confié en gérance libre à sa fille Melle Sophie Z...par contrat du 2 janvier 1991 pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1991. Les consorts X...invoquent la nullité de ce contrat de location gérance, en soutenant que M. Jean Z...ne remplissait pas les conditions exigées par la loi pour donner valablement ce fonds de commerce en location-gérance, plus précisément celle de l'exploitation de ce fonds pendant au moins deux ans. En application des articles L. 144-3 et L. 144-10 du code de commerce applicable au 1er janvier 1991, le contrat de location gérance qui ne remplit pas les conditions prévues au premier de ces articles est nul d'une nullité absolue d'ordre public qui peut être soulevée par tout intéressé, même tiers à ce contrat, sans qu'il ait à justifier de l'existence d'un préjudice. Mme Sophie Z...ne peut valablement contester la recevabilité de ce moyen de nullité au motif que l'article L. 144-5 du code de commerce dispose que l'article L. 144-3 posant les conditions concernant le bailleur n'est pas applicable aux héritiers d'un commerçant ou d'un artisan décédé en ce qui concerne le fonds recueilli, dès lors qu'en l'espèce ces conditions devaient bien être remplies par M. Jean Z...à l'époque de la conclusion du contrat de location gérance litigieux. Mme Z...épouse Y...invoque la prescription de cette demande de nullité, sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil, aux termes desquelles « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Elle prétend que les consorts X...ont eu connaissance du contrat de location gérance en 1991, date de sa formation, puisqu'ils étaient associés majoritaires de la SCI de la Grand Rue et que Jean Georges X...était gérant de la SCI dès mars 1990. Or la lecture du bail commercial consenti à M. Jean Z...en décembre 1990 fait apparaître que le gérant de la SCI de la Grand Rue était alors M. Joël Z.... Les consorts X...font justement observer que leur qualité d'associés majoritaires n'impliquait pas nécessairement qu'ils avaient connaissance de tous les actes passés par la gérance de la SCI lorsqu'elle était exercée par la famille Z.... Ils ajoutent que par courrier du 7 décembre 1999, qu'ils versent effectivement aux débats, Mme Sophie Z..., interrogée par le conseil de la SCI, afin de savoir si elle entendait poursuivre son bail commercial, a répondu qu'elle entendait poursuivre « son bail commercial », qu'ils n'étaient toujours pas informés en décembre 1999 de la qualité de locataire gérant de celle-ci, et que ce n'est qu'au fil des pièces communiquées par la partie adverse dans le cadre de la procédure de première instance qu'ils ont découvert que M. Jean Z...avait mis en location gérance son fonds de commerce, ce qui leur avait été dissimulé auparavant. Il n'est pas démontré qu'en décembre 1999 les consorts X...étaient informés de la situation de locataire gérante de Mme Z...ou auraient dû la connaître. Ce contrat de location gérance est expressément évoqué par la cour dans son arrêt du 16 janvier 2006 ayant constaté la résiliation du bail consenti par la SCI de la Grand Rue à M. Jean Z..., et il n'est pas contesté qu'à cette date le gérant de la SCI était M. Jean Georges X.... En conséquence les consorts X...ont nécessairement eu connaissance de ce contrat au plus tard à cette date. Ils invoquent ce moyen de nullité en défense à la demande d'indemnisation formée à leur encontre par Mme Sophie Z..., et donc par voie d'exception. Or l'exception de nullité est perpétuelle et les consorts X...ne peuvent donc se voir opposer la prescription de leur demande, dans la mesure où à la date où il est certain qu'ils ont eu connaissance du contrat de location gérance ce dernier était nécessairement résilié du fait de la résiliation du bail commercial et ne pouvait plus être exécuté. La demande de nullité du contrat de location gérance est donc recevable. Les pièces produites par Mme Sophie Z...établissent la qualité de commerçant de M. Jean Z...pendant une durée de sept années. Le bail entre la SCI de la Grand Rue et M. Jean Z...est en date du 31 décembre 1990, avec effet au 1er janvier 1991, soit deux jours avant la signature du contrat de location gérance, lequel prenait effet au 1er janvier 1991. Le fonds de commerce donné en location gérance à Mme Sophie Z...à compter du 1er janvier 1991 avait pour objet une activité d'appareils électriques, et les renseignements figurant sur l'extrait K du RCS relatif à Mme Z...font état d'une activité de vente de lampes et appareils électriques. Les documents fiscaux produits font apparaître que M. Jean Z...a exercé à partir de 1974 au 43 Grand Rue à Bergerac en exploitation directe une activité d'électricien, d'électricité générale, mais aussi de vente de lampes et matériel et appareillages électriques au détail, ainsi que de travaux d'installation. La déclaration fiscale relative à l'année 1984 mentionne au titre des activités exercées : « Electricité générale », et celles des années 1985 et 1986 l'activité « Electricien », mais sur les documents comptables annexés apparaissent des achats et des ventes de marchandises, et les pièces concernant la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales pour ces mêmes années font référence à l'activité de vente de matériel et appareils électriques, ce qui corrobore le maintien d'une activité identique à celle objet du bail commercial souscrit en décembre 1990 et de la location gérance consentie à Mme Sophie Z.... Il en résulte une exploitation par le loueur du fonds au titre de cette activité pendant plus de deux ans, étant observé que l'article L. 144-3 du code de commerce n'exige pas que cette période précède immédiatement le contrat par lequel est concédé le fonds, et qu'il ne ressort pas des pièces produites que M. Jean Z...ait été radié du registre du commerce et des sociétés pendant les années 1987 à 1990. La condition d'exploitation du fonds pendant au moins deux ans était donc remplie lors de la mise en location gérance de ce fonds, de sorte que le moyen de nullité doit être écarté. En conséquence Mme Sophie Z...épouse Y...peut se prévaloir de la qualité de locataire gérante pour solliciter l'indemnisation d'une perte de matériel et d'exploitation ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir été commerçants ou avoir été immatriculées au répertoire des métiers pendant sept années ou avoir exercé pendant une durée équivalente les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique et avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance ; que l'inobservation de ces conditions d'ordre public est sanctionnée par la nullité absolue du contrat de location-gérance ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, par acte sous seing privé du 31 décembre 1990, la SCI de la Grand Rue a donné à bail commercial à M. Jean Z...un fonds de commerce de vente d'appareillages électriques sis 43, Grand Rue à Bergerac, lequel M. Jean Z...a, par contrat du 2 janvier 1991, à effet au 1er janvier 1991, immédiatement donné ce fonds de commerce en location-gérance à sa fille, Mme Sophie Z...; que dès lors, le fonds de commerce mis en gérance par M. Z...deux jours après la signature du bail commercial en constituant l'élément essentiel ne pouvait avoir été préalablement exploité par celui-ci pendant deux années au moins ; qu'en refusant cependant de prononcer la nullité dudit contrat de location-gérance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 144-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 en l'espèce applicable et de l'article L. 144-10 du même code ;
2) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en considérant que l'activité d'électricien exercée par M. Jean Z...à partir de 1974 était identique à l'activité de vente d'appareils électriques exploitée par sa fille dans le cadre du contrat de location-gérance consenti le 2 janvier 1991, quand cette activité d'électricien est principalement de nature artisanale, c'est-à-dire civile, à l'inverse de celle de vendeur d'appareils électriques, de nature commerciale, la cour d'appel a violé l'article L. 110-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 144-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 en l'espèce applicable.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la SCP Pimouget-Lauret, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TP2B, et M. Hans Philip B..., doivent garantir et relever indemnes les consorts X...des condamnations prononcées à leur encontre, uniquement au titre des conséquences de l'effondrement du 13 mai 2003, à savoir les condamnations prononcées au profit de M. Karim Y...et de la RSI d'Aquitaine, ainsi que celle prononcée au bénéfice de Me A..., ès qualités de liquidateur de Mme Sophie Z..., au titre de la perte d'exploitation pour la période du 13 mai au 29 juin 2003, soit la somme de 1. 178 € ;
AUX MOTIFS QUE, SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE TP2B : Le rapport d'expertise fait apparaître que cette société a réalisé la démolition sans la moindre précaution et en endommageant gravement le mur mitoyen sans prendre la mesure des conséquences de ce dommage et en effectuant une réparation de fortune qui n'a pas tenu. Le tribunal dans le dispositif de son jugement du 3 octobre 2008 a déclaré la société TP2B responsable de l'effondrement du mur pignon Sud de l'immeuble situé 43 Grand Rue à Bergerac survenu le 13 mai 2003, et a dit que cette société était tenue de garantir les consorts X...des sommes dues par eux en réparation des seuls préjudices résultant de cet effondrement. L'arrêt du 8 septembre 2010 confirme dans son dispositif le jugement entrepris sauf sur certains points au nombre desquels ne figure pas la déclaration de responsabilité de la société TP2B et la condamnation de celle-ci à garantir les consorts X...uniquement des préjudices consécutifs à l'effondrement du 13 mai 2003. Si dans ses mots l'arrêt dit que « la société TP2B devra relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge », il ne reprend pas cette formulation dans son dispositif, lequel énonce « Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu ‘ il a : (...) Débouté les consorts X...de leur action récursoire à l'encontre de Monsieur Hans Philip B... et statuant à nouveau de ce chef dit que Monsieur B... et la société TP2B devront relever indemne Monsieur Serge X...et Monsieur Paul X...des condamnations prononcées à leur encontre (...) ». Il ne peut donc être déduit de ce dispositif qui doit prévaloir sur les motifs une réformation du jugement quant à l'étendue de la responsabilité de la société TP2B. Il s'évince du rapport d'expertise qu'à la suite de l'effondrement du 13 mai 2003 les consorts X...n'ont pas pris toutes les mesures préconisées par l'expert E...pour conforter le mur pignon et empêcher la dégradation de l'immeuble n° 43 qui a finalement conduit à sa démolition partielle en mai 2004. Compte tenu de cette carence des propriétaires de l'immeuble n° 41 ayant participé à la survenance des sinistres ultérieurs, la SCP Pimouguet-Leuret, en sa qualité de liquidateur de la société TP2B, fait justement observer que seules peuvent être imputables à celle-ci les conséquences de l'effondrement du mur pignon survenu le 13 mai 2003. SUR LA RESPONSABILITE DE M. B... : Dans son arrêt du 8 septembre 2010, la cour a retenu la responsabilité de M. B... eu relevant que l'architecte avait dépassé le cadre limité de sa mission tendant à l'obtention de divers permis, qu'en effet était produite la situation n° 2 établie par la société TP2B concernant les travaux de démolition, que ce document qui avait été transmis aux consorts X...portait la signature et le timbre humide de M. B... sous la mention « vérifié le 2 juin 2003 » donc plus de 15 jours après l'effondrement. La cour a déduit de ce document que M. B... avait non seulement exécuté les travaux qui étaient prévus à son contrat mais aussi s'était en sa qualité d'architecte rendu sur les lieux et avait surveillé l'exécution des travaux, omettant de constater que ceux-ci avaient été réalisés en dehors de tout respect des règles de l'art et que le dommage qui avait été causé à l'ouvrage avait été repris de façon « rapide ». Elle a jugé que M. B... et la société TP2B devaient relever indemnes les consorts X...des condamnations prononcées à leur encontre, sans aggraver expressément la responsabilité de la société TP2B au delà de ce qui avait été décidé par le tribunal dans le dispositif de son jugement du 3 octobre 2008. Force est de constater que la cour ne fait aucune référence dans les motifs de sa décision aux sinistres postérieurs au 13 mai 2003. M. B... est fondé à soutenir d'une part que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 8 septembre 2010 ne rend irrecevables ses contestations qu'en ce qui concerne les demandes formées par Mme Sophie Y...
Z...représentée par son liquidateur, cet arrêt n'ayant aucune autorité de chose jugée s'agissant des demandes formées par M. Y...et les consorts Z..., d'autre part que du fait de l'autorité de chose jugée de cet arrêt, il ne peut être tenu pour responsable que des seuls préjudices subis par Mme Y...
Z...consécutifs à l'effondrement du 13 mai 2003. Concernant les demandes de M. Y...et des consorts Z..., l'architecte soutient que la seule convention de maîtrise d'oeuvre conclue entre les consorts X...et lui-même est le contrat du 2 juin 2000 limité à une mission de dépôt de demande de permis de construire et de demande de permis de démolir. La convention signée le 2 juin 2000 versée aux débats porte sur les missions suivantes : avant projet sommaire, avant projet définitif, dossier permis de construire et demande de permis de démolir. Il ressort cependant des pièces produites par les consorts X...que M. B... a dépassé le cadre limité de ces missions, qui devaient se terminer avec l'obtention du permis de démolir ; qu'il a en octobre 2001 demandé à la société TP2B d'établir un devis tenant compte de la démolition complète du bâtiment, de l'évacuation des gravats ainsi que de toutes les prestations accessoires (mesures de protection et de sécurité, état des lieux par un huissier, obtention des droits de voirie etc), a retourné à ladite société en décembre 2001 un devis actualisé signé pour acceptation par le maître de l'ouvrage, en lui précisant qu'il la contacterait ultérieurement pour déterminer les détails et le planning de son intervention. Sur le devis de la société TP2B apparaît la précision : « démolition manuelle vu les risques importants de l'immeuble ». Comme l'a relevé la cour dans son arrêt du 8 septembre 2010, M. B... a apposé sa signature et son timbre humide sur la situation n° 2 concernant les travaux de démolition établie par la société TP2B, sous la mention : « vérifié le 2 juin 2003 », alors que l'effondrement s'était produit le 13 mai 2003. Il s'ensuit qu'il a de fait assuré un suivi des opérations de démolition, impliquant un contrôle des conditions dans lesquelles les travaux étaient réalisés d'autant plus rigoureux qu'il avait conscience des risques engendrés par ces travaux, et qu'il ne justifie pas avoir accompli, ce qui lui aurait permis de constater le non respect des règles de l'art par la société TP2B et l'insuffisance de la reprise du dommage initial. Sa responsabilité est donc engagée à ce titre, et il devra garantir les consorts X...des condamnations prononcées à leur encontre, mais seulement en ce qui concerne les conséquences de l'effondrement du 13 mai 2003, eu égard au comportement ultérieur des propriétaires de l'immeuble 41 ;
1) ALORS, D'UNE PART, QU'il n'est pas interdit au juge appelé à se prononcer sur les suites d'un précédent arrêt de s'appuyer sur les motifs de celui-ci pour en éclairer la portée de son dispositif ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son précédent arrêt du 8 septembre 2010 rendu dans le même litige et devenu définitif, la cour d'appel de Bordeaux avait dit que M. B... et la société TP2B devront relever les consorts X...des condamnations prononcées à leur encontre, en précisant dans les motifs de sa décision, éclairant la portée de son dispositif, que « la SARL TP2B devra relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge » et s'agissant de M. B... que « sa responsabilité doit être retenue et il doit relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge » ; que dès lors, en refusant de tenir compte de ces motifs pour éclairer la portée du dispositif de l'arrêt du 8 septembre 2010 quant à l'étendue de la responsabilité de la société TP2B, entreprise ayant réalisé les travaux de démolition, et de M. B..., architecte maître d'oeuvre, et ainsi déterminer les limites du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;
2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en déclarant que le dispositif de l'arrêt du 8 septembre 2010 énonçant « Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a : (...) débouté les consorts X...de leur action récursoire à l'encontre de M. Hans Philip B... et statuant à nouveau de ce chef dit que M. B... et la société TP2B devront relever indemne M. Serge X...et M. Paul X...des condamnations prononcées à leur encontre » devait prévaloir sur les motifs de l'arrêt énonçant que « la SARL TP2B devra relever indemne les consorts X...de toutes les sommes mises à leur charge », quand ces motifs ne contredisaient en rien ce chef de dispositif, la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 8 septembre 2010, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y..., Mme Z..., tous trois agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de Jean Z..., décédé, et la société A..., en qualité de liquidateur judiciaire de Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. Karim Y...de ses demandes d'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la perte de gains professionnels actuels
Qu'il n'est pas contesté que M. Y...travaillait dans le local commercial détruit comme conjoint collaborateur de Mme Sophie Z...;
Que le tribunal a considéré à juste titre que sa demande d'indemnisation, fondée sur le rapport de l'expert F..., faisait doublon avec celle de son épouse puisque le couple exerçait son activité professionnelle au sein du commerce de celle-ci, dont ils tiraient tous deux leurs revenus, et que Mme Y...avait été indemnisée à ce titre ;
La perte de gains professionnels futurs
Qu'il résulte du rapport d'expertise médicale déposé par le docteur G..., lequel s'est adjoint l'avis d'un sapiteur, le docteur H..., médecin psychiatre, que M. Y...présente des troubles psychiques résiduels qui n'entraînent pas une incapacité professionnelle ; que si l'intéressé ne travaille plus depuis le 13 mai 2003, c'est parce qu'il fonctionne, ainsi que l'indique le docteur H..., dans une logique de tout ou rien : soit la « restitutio in integrum » de sa situation antérieure, soit l'oisiveté « marastique » ;
Qu'il s'ensuit que M. Y...n'est pas atteint d'une incapacité de travailler du fait des séquelles du sinistre, de sorte qu'il ne peut demander une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs (...) » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur les pertes de gains professionnels actuels
Qu'il n'est pas contesté que M. Y...était conjoint collaborateur de Mme Sophie Z...épouse Y...et donc qu'il travaillait dans le local commercial détruit ;
Que M. Y...évalue son préjudice à ce titre, pour la période de DFT du 13/ 05/ 2003 au 13/ 11/ 2004 à 750 euros par mois (1500 € : 2) soit pour 17 mois, 12 750 euros ; qu'il se fonde pour évaluer son préjudice sur le rapport établi par M. F...;
Que cependant la demande de M. Y...fait doublon avec la demande de Mme Y...à ce titre puisque le couple exerçait son activité professionnelle au sein du commerce de Mme Y...et ils tiraient donc tous deux leurs revenus du commerce ; que Mme Y...ayant été indemnisée à ce titre, la demande de M. Y...est irrecevable ;
Sur les pertes de gains professionnels futurs
Qu'il résulte du rapport d'expertise médicale du docteur G..., qui a pris soin de prendre l'avis d'un sapiteur en la personne d'un médecin psychiatre, le docteur H..., que les troubles résiduels psychiques présentés par M. Y...ne constituaient pas une incapacité professionnelle ; que dès lors, si M. Y...ne travaille plus depuis le 13/ 05/ 2003, c'est qu'il fonctionne dans une logique de « tout ou rien » : soit la « restitution ad integrum » de sa situation antérieure soit l'oisiveté « marastique » ;
Qu'il en résulte que M. Y...n'est pas dans l'incapacité de travailler en raison des séquelles du sinistre et qu'en conséquence, il ne peut y avoir réparation au titre de la perte de gains futurs professionnels, l'inactivité persistante de M. Y...n'étant pas la conséquence du sinistre mais de sa volonté de ne pas chercher un nouvel emploi alors que sa formation très spécialisée lui aurait permis au contraire soit de créer une nouvelle entreprise soit de trouver un emploi salarié en France dans son domaine d'activité » ;
1° ALORS QUE M. Karim Y...réclamait, dans ses conclusions d'appel, la réparation de son dommage corporel qui incluait l'indemnisation de la perte de ses gains professionnels actuels ; que, plus précisément, M. Y...soutenait que son action qui était une action en réparation d'un dommage corporel constituait un propre par nature et ne pouvait être déclarée irrecevable à raison de l'existence de la demande de son épouse avec laquelle elle ne pouvait être confondue ; qu'en déboutant M. Y...de sa demande pour la seule raison qu'elle aurait fait « doublon avec celle de son épouse puisque le couple exerçait son activité professionnelle au sein du commerce de celle-ci, dont ils tiraient tous deux leurs revenus et que Mme Y...avait été indemnisée à ce titre » la Cour d'appel qui s'est placée sur le terrain de la réparation de la perte de gains professionnels de Mme Z...épouse Y...lorsqu'il s'agissait de la réparation du dommage corporel de M. Y...a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en outre, en vertu du principe de la réparation intégrale, l'indemnité servie à la victime doit permettre de replacer cette dernière dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée en l'absence de survenue de l'acte dommageable ; que s'agissant de l'indemnisation de la perte de ses gains professionnels futurs M. Karim Y...avait fait valoir la particularité de sa situation qui l'avait empêché de reprendre une activité professionnelle ; que cette particularité tenait au fait qu'il exerçait une activité atypique de restaurateur de luminaires anciens au moyen d'un outil de travail unique qui avait été détruit, que faute de moyens financiers, sa tentative de se réinstaller dès juillet 2003 avait échoué et qu'il n'existait aucune autre entreprise exerçant la même activité dans la région ; que M. Y...avait donc mis en évidence les conséquences concrètes du dommage survenu le 13 mai 2003 sur sa vie professionnelle ; qu'en refusant néanmoins de fixer une quelconque indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs de M. Y...sans s'expliquer sur son moyen déterminant tenant à la particularité concrète de sa situation professionnelle, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté Mme Paulette C...veuve Z...et Mme Sophie Z...épouse Y...de leurs demandes d'indemnisation de la perte du fonds de commerce et des loyers provenant de la location gérance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la qualité d'héritières de Mme C...et de Mme Sophie Z...est établie par les pièces produites ;
Qu'elles sont recevables à ce titre à réclamer aux consorts X..., tiers responsables de la destruction des lieux loués, l'indemnisation de la perte du fonds de commerce et des loyers qui étaient versés par la locataire gérante ;
Que concernant la perte du fonds, elles produisent un avis de M. D..., expert foncier et agricole, daté du 14 janvier 2014 ;
Que celui-ci indique que : « Sur un plan strictement commercial, le peu d'éléments fournis ne permettent pas de rechercher une valeur raisonnable du fonds de commerce » ; qu'il note que l'activité exercée, de vente et réparation de lampes, était plutôt marginale et en déclin ce que confirment les chiffres d'affaires relevés par M. F..., expert comptable, dans son rapport du 1er septembre 2009 ;
Qu'il propose cependant de tenir compte de la valeur du droit au bail en partant de l'hypothèse selon laquelle dans le contexte familial, le père à la fois bailleur commercial à travers la SCI et bailleur du fonds de commerce à travers le contrat de location gérance aurait pu consentir un bail commercial tous commerces à sa fille qui aurait alors pu céder le droit au bail dans de meilleures conditions que pour la cession du fonds de commerce, et compte tenu de l'emplacement et de la configuration des locaux, évalue le droit au bail à la somme de 80 000 euros, somme réclamée par les consorts Z...;
Que cette estimation ne peut être retenue comme probante, dès lors qu'elle fait abstraction de la situation juridique à l'époque du sinistre, la SCI étant alors le bailleur commercial et non M. Z..., et le fonds de commerce ayant un objet déterminé qui était celui de la vente de lampes et d'appareils électriques, étant précisé que M. D...ne fonde son appréciation que sur des généralités sans référence à un quelconque élément de comparaison ;
Qu'aucun autre document probant ni constitutif d'un commencement de preuve de la valeur réelle de ce fonds n'est fourni au soutien de la demande des consorts C...-Z..., et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire d'expertise destinée à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ;
Qu'en ce qui concerne la perte des loyers, la résiliation du bail à compter du 13 mai 2003 a entraîné celle du contrat de location gérance, de sorte qu'à compter de cette date M. Z...ne devait plus percevoir de loyer de Mme Sophie Z...(...) » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur l'indemnisation pour la perte du fonds de commerce
Que si les demandeurs, ès qualités d'héritiers du locataire, en peuvent exiger du bailleur, la SCI, l'indemnisation résultant de la résiliation forcée au 13/ 05/ 2003, ils peuvent poursuivre le tiers responsable de la destruction des lieux loués, les consorts X..., mais encore faut-il pour ce faire qu'ils justifient de la valeur du fonds de commerce perdu lors du sinistre ;
Qu'or à l'appui de leurs demandes, les consorts Z...ne produisent aucun élément relatif à la valeur du fonds de commerce mais uniquement un rapport d'expertise de M. D..., désigné pour décrire et estimer les parts sociales de la SCI dépendant de l'actif de Sophie Z..., au terme duquel l'indemnité pour résiliation de bail de M. I...peut être évaluée à la valeur du pas de porte autour de 50 à 80 000 euros ;
Qu'il convient de rappeler que M. I...exploite au rez de chaussée du n° 43 un commerce de vente de produits asiatiques et est titulaire d'un bail commercial avec un loyer de 350 € par mois ;
Que toutefois, en l'absence de tout autre élément probant, il est impossible de comparer la valeur de deux fonds de commerce qui n'ont en commun que le seul fait qu'ils soient à la même adresse alors qu'en outre, Mme Sophie Y..., devant l'expert J..., évaluait le fonds de commerce à 40 000 euros et que les consorts Z...l'estiment aujourd'hui au double, ce qui démontre le caractère fantaisiste des demandes ;
Qu'en conséquence, faute d'élément probant, il convient de débouter les consorts Z...de leur demande à ce titre sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, celle-ci ne pouvant être ordonnée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Sur l'indemnisation pour la perte des loyers
Que quant aux pertes de loyers depuis mai 2003, il convient de rappeler que le contrat de location gérance passé entre Jean Z...et sa fille est nul ; que d'autre part, le contrat de bail a lui-même été résilié le 13/ 05/ 2003 et il en va de même pour le contrat de location gérance ; que dès lors à compter du 13/ 05/ 2003, M. Z...ne devait plus percevoir de loyer de Sophie Y...et qu'il convient donc de débouter les consorts Z...de leur demande au titre de la perte des loyers sur 8 ans à compter du mois de mai 2003 » ;
ALORS QUE commet un déni de justice la cour qui, tout en admettant le bien fondé d'une demande, refuse de prescrire une mesure d'instruction ou de chiffrer elle-même le montant des dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, tout en relevant que Mmes Paulette C...et Sophie Z...en leur qualité d'héritières de Jean Z...étaient recevables à réclamer aux consorts X...l'indemnisation de la perte du fonds de commerce et des loyers qui étaient versés par la locataire gérante, la Cour d'appel a débouté ces dernières de leurs demandes au motif que l'estimation de M. D..., expert foncier et agricole, n'aurait pas été probante et qu'elle n'aurait pas disposé d'éléments suffisants pour fixer la valeur réelle du fonds de commerce ; qu'en statuant ainsi sans procéder elle-même à l'évaluation du préjudice, la Cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. B...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR condamné Monsieur B... à payer à Me A..., en sa qualité de liquidateur de Madame Sophie Z..., au titre de la perte d'exploitation pour la période du 13 mai au 29 juin 2003, la somme de 1178 euros ;
AUX MOTIFS QU'« selon les pièces versées aux débats, la SCI de la Grand Rue a donné à bail à M. Jean Z...par acte sous seing privé en date 31 décembre 1990 un local commercial situé dans l'immeuble n° 43 Grand Rue à Bergerac, que M. Jean Z...a confié en gérance libre à sa fille Melle Sophie Z...par contrat du 2 janvier 1991 pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1991. Les consorts X...invoquent la nullité de ce contrat de location gérance, en soutenant que M. Jean Z...ne remplissait pas les conditions exigées par la loi pour donner valablement ce fonds de commerce en location-gérance, plus précisément celle de l'exploitation de ce fonds pendant au moins deux ans. En application des articles L. 144-3 et L. 144-10 du code de commerce applicable au 1er janvier 1991, le contrat de location gérance qui ne remplit pas les conditions prévues au premier de ces articles est nul d'une nullité absolue d'ordre public qui peut être soulevée par tout intéressé, même tiers à ce contrat, sans qu'il ait à justifier de l'existence d'un préjudice. Mme Sophie Z...ne peut valablement contester la recevabilité de ce moyen de nullité au motif que l'article L. 144-5 du code de commerce dispose que l'article L. 144-3 posant les conditions concernant le bailleur n'est pas applicable aux héritiers d'un commerçant ou d'un artisan décédé en ce qui concerne le fonds recueilli, dès lors qu'en l'espèce ces conditions devaient bien être remplies par M. Jean Z...à l'époque de la conclusion du contrat de location gérance litigieux. Mme Z...épouse Y...invoque la prescription de cette demande de nullité, sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil, aux termes desquelles « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Elle prétend que les consorts X...ont eu connaissance du contrat de location gérance en 1991, date de sa formation, puisqu'ils étaient associés majoritaires de la SCI de la Grand Rue et que Jean Georges X...était gérant de la SCI dès mars 1990. Or la lecture du bail commercial consenti à M. Jean Z...en décembre 1990 fait apparaître que Je gérant de la SCI de la Grand Rue était alors M. Joël Z.... Les consorts X...font justement observer que leur qualité d'associés majoritaires n'impliquait pas nécessairement qu'ils avaient connaissance de tous les actes passés par la gérance de la SCI lorsqu'elle était exercée par la famille Z.... Ils ajoutent que par courrier du 7 décembre 1999, qu'ils versent effectivement aux débats, Mme Sophie Z..., interrogée par le conseil de la SCI, afin de savoir si elle entendait poursuivre son bail commercial, a répondu qu'elle entendait poursuivre « son bail commercial » ; qu'ils n'étaient toujours pas informés en décembre 1999 de la qualité de locataire gérant de celle-ci, et que ce n'est qu'au fil des pièces communiquées par la partie adverse dans le cadre de la procédure de première instance qu'ils ont découvert que M. Jean Z...avait mis en location gérance son fonds de commerce, ce qui leur avait été dissimulé auparavant. Il n'est pas démontré qu'en décembre 1999 les consorts X...étaient informés de la situation de locataire gérante de Mme Z...ou auraient dû la connaître. Ce contrat de location gérance est expressément évoqué par la cour dans son arrêt du 16 janvier 2006 ayant constaté la résiliation du bail consenti par la SCI de la Grand Rue à M. Jean Z..., et il n'est pas contesté qu'à cette date le gérant de la SCI était M. Jean Georges X.... En conséquence les consorts X...ont nécessairement eu connaissance de ce contrat au plus tard à cette date. Ils invoquent ce moyen de nullité en défense à la demande d'indemnisation formée à leur encontre par Mme Sophie Z..., et donc par voie d'exception. Or l'exception de nullité est perpétuelle et les consorts X...ne peuvent donc se voir opposer la prescription de leur demande, dans la mesure où à la date où il est certain qu'ils ont eu connaissance du contrat de location gérance ce dernier était nécessairement résilié du fait de la résiliation du bail commercial et ne pouvait plus être exécuté. La demande de nullité du contrat de location gérance est donc recevable. Les pièces produites par Mme Sophie Z...établissent la qualité de commerçant de M Jean Z...pendant une durée de sept années. Le bail entre la SCI de la Grand Rue et M. Jean Z...est en date du 31 décembre 1990, avec effet au 1er janvier 1991, soit deux jours avant la signature du contrat de location gérance, lequel prenait effet au 1er janvier 1991. Le fonds de commerce donné en location gérance à Mme Sophie Z...à compter du 1er janvier 1991 avait pour objet une activité d'appareils électriques, et les renseignements figurant sur l'extrait K du RCS relatif à Mme Z...font état d'une activité de vente de lampes et appareils électriques. Les documents fiscaux produits font apparaître que M. Jean Z...a exercé à partir de 1974 au 43 Grand Rue à Bergerac en exploitation directe une activité d'électricien, d'électricité générale, mais aussi de vente de lampes et matériel et appareillages électriques au détail, ainsi que de travaux d'installation. La déclaration fiscale relative à l'année 1984 mentionne au titre des activités exercées : « Electricité générale », et celles des années 1985 et 1986 l'activité « Electricien », mais sur les documents comptables annexés apparaissent des achats et des ventes de marchandises, et les pièces concernant la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales pour ces mêmes années font référence à l'activité de vente de matériel et appareils électriques, ce qui corrobore le maintien d'une activité identique à celle objet du bail commercial souscrit en décembre 1990 et de la location gérance consentie à Mme Sophie Z.... Il en résulte une exploitation par le loueur du fonds au titre de cette activité pendant plus de deux ans, étant observé que l'article L. 144-3 du code de commerce n'exige pas que cette période précède immédiatement le contrat par lequel est concédé le fonds, et qu'il ne ressort pas des pièces produites que M. Jean Z...ait été radié du registre du commerce et des sociétés pendant les années 1987 à 1990. La condition d'exploitation du fonds pendant au moins deux ans était donc remplie lors de la mise en location gérance de ce fonds, de sorte que le moyen de nullité doit être écarté. En conséquence Mme Sophie Z...épouse Y...peut se prévaloir de la qualité de locataire gérante pour solliciter l'indemnisation d'une perte de matériel et d'exploitation » ;
ALORS QUE les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir été commerçants ou avoir été immatriculées au répertoire des métiers pendant sept années ou avoir exercé pendant une durée équivalente les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique et avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance ; que l'inobservation de ces conditions d'ordre public est sanctionnée par la nullité absolue du contrat de location gérance ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, par acte sous seing privé du 31 décembre 1990, la SCI de la Grand Rue a donné à bail commercial à Monsieur Jean Z...un fonds de commerce de vente d'appareillages électriques sis 43, Grand Rue à Bergerac, lequel Monsieur Jean Z...a, par contrat du 2 janvier 1991, à effet au 1er janvier 1991, immédiatement donné ce fonds de commerce en location-gérance à sa fille, Madame Sophie Z...; que dès lors, le fonds de commerce mis en gérance par Monsieur Z...deux jours après la signature du bail commercial en constituant l'élément essentiel ne pouvait avoir été préalablement exploité par celui-ci pendant deux années au moins ; qu'en refusant cependant de prononcer la nullité dudit contrat de location-gérance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 144-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 en l'espèce applicable et de l'article L. 144-10 du même code.
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en considérant que l'activité d'électricien exercée par Monsieur Jean Z...à partir de 1974 était identique à l'activité de vente d'appareils électriques exploitée par sa fille dans le cadre du contrat de location gérance consenti le 2 janvier 1991, quand cette activité d'électricien est principalement de nature artisanale, c'est-à-dire civile, à l'inverse de celle de vendeur d'appareils électriques, de nature commerciale, la cour d'appel a violé l'article L. 110-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 144-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 en l'espèce applicable.