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18/10/2017 | FRANCE | N°16-86166

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 octobre 2017, 16-86166


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Paul X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE , chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim.1er avril 2015, n°13-81.191), pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'artic

le 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rappor...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Paul X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE , chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim.1er avril 2015, n°13-81.191), pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6-1, 6-2 et 6-3 d de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 du code pénal, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel, statuant sur renvoi de cassation, a confirmé le jugement du TGI de Pointe-à-Pitre du 1er décembre 2011 ayant condamné le requérant du chef d'atteinte sexuelle et statué sur l'action civile, sans entendre les témoins cités par la défense ni visionner le vidéogramme de la confrontation entre les parties qui avait « disparu » du dossier ;

"aux motifs qu'un prévenu poursuivi du chef d'agression sexuelle ne peut être condamné sans la caractérisation, d'une part, de la nature des actes reprochés et, d'autre part, des conditions dans lesquelles le consentement de la victime a pu être obtenu ; que, sur la nature des gestes incriminés, Gwenaëlle Y... se plaint d'avoir été l'objet pendant le temps de son séjour au service des urgences du CHU de Pointe-à-Pitre, de gestes de la part d'un infirmier du service qui, à deux reprises, aurait procédé à une « vérification » consistant, après lui avoir demandé de relever sa robe et sans ôter sa culotte, à écarter les lèvres de son sexe « pour voir ce qui se passait » ; qu'elle impute au même infirmier des gestes de palpation des seins lors de la pose des patchs de l'électrocardiogramme ; que les actes constituant l'atteinte sexuelle s'entendant de tout agissement en rapport avec l'activité sexuelle, il en résulte que les mêmes gestes pratiqués sur les parties intimes d'un patient par le personnel infirmier en dehors de toute justification de soins, entrent dans le champ de l'article 222-22 du code pénal ; que l'examen du dossier médical annexé à la procédure fait apparaître que Gwenaëlle Y... a été admise au service des urgences du CHU de Pointe-à-Pitre, le 23 août 2009 à 2 heures 23, pour une « crise d'asthme avec asthénie et malaise... » […] ; qu'aucun acte de soins justifiant l'examen de la zone intime de Gwenaëlle Y... n'a été ni prescrit, ni consigné dans le dossier médical ; que les conclusions du docteur Guy Z..., expert requis le 24 septembre 2009, pendant le temps de l'enquête pour se prononcer sur l'éventuelle compatibilité des gestes dénoncés par Gwenaëlle Y... avec les actes de soins infirmiers nécessaires à sa prise en charge, confirment que la patiente n'étant pas admise pour un problème infectieux, sa température étant normale, aucun examen des urines n'était envisageable et n'a pas été prescrit ; que de surcroît, l'expert ajoute que l'examen cytobactériologique des urines, à supposer que celui-ci soit opportun ou prescrit, « ne se fait plus par sondage, il se fait en demandant à la patiente en dehors de toute intervention directe de l'infirmier, de faire une toilette intime et d'uriner dans un petit pot stérile. » ; qu'enfin, l'expert souligne que la palpation des seins d'une patiente est un acte médical qui échappe aux soins infirmiers, ceux-ci se limitant à la pose instantanée de patchs de l'électrocardiogramme ; que les gestes dénoncés par Gwenaëlle Y... sont donc insusceptibles de se rattacher à un quelconque protocole de soins eu égard à son affection ; qu'ils présentent un caractère sexuel suffisamment affirmé pour conduire une jeune fille, âgée de seize ans lors de son admission aux urgences, sujette à de fréquentes crises d'asthme, familiarisée aux soins dont elle a pu faire l'objet lors de précédentes hospitalisations et ayant admis sans réticences avoir déjà entretenu des relations sexuelles, à percevoir quelques jours après sa sortie, le caractère injustifié de ces gestes ; que, sur la caractérisation de la circonstance de surprise, Gwenaëlle Y... a reconnu devant les enquêteurs avoir consenti à subir à deux reprises la « vérification » proposée par l'infirmier, consistant à lui demander de relever sa robe, à écarter sa culotte puis les lèvres de son sexe « pour voir ce qui se passait » et d'avoir subi sans résistance la palpation de ses seins ; que les relations de soins étant fondées sur la confiance du patient à l'égard du personnel soignant, le consentement de Gwenaëlle Y..., arrivée en pleine nuit dans un service d'urgence, est imputable à l'état de dépendance de la patiente à l'égard du personnel hospitalier qui jusqu'à lors ne lui avait inspiré aucune réticence à l'occasion des soins prodigués ; que, sur l'imputabilité à M. X... des gestes dont se plaint Gwenaëlle Y..., qu'en application de l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie ; que M. X... ne peut être déclaré coupable du délit d'agression sexuelle sur la personne de Gwenaëlle Y... que s'il est suffisamment démontré par un faisceau d'indices la réalité des actes délictueux, au-delà de tout doute raisonnable ; que l'examen médico-psychiatrique de Gwenaëlle Y... n'a révélé aucun élément de type confusionnel ; que son discours a été qualifié de cohérent et de structuré ; qu'il a été relevé qu'elle n'éprouvait aucun ressentiment à l'égard de M. X... qu'elle n'avait jamais rencontré auparavant et qu'elle mettait pourtant en cause formellement, tant à l'issue d'une présentation derrière une vitre sans tain, que lors d'une confrontation avec celui contre lequel elle portait ses accusations ; que M. X..., après s'être montré hésitant sur sa présence dans le service le jour des faits qui lui sont imputés, a affirmé au cours de l'enquête et à l'audience, ne se souvenir ni de la jeune fille, ni de la prise de sang qu'il aurait pu lui faire, estimant possible que quelqu'un d'autre ait pu effectuer le prélèvement sur une session ne lui appartenant pas ; que l'incertitude émise par M. X... dans ses conclusions déposées à l'audience quant à l'état de lucidité de la jeune fille au cours de son séjour dans le service des urgences, l'ayant conduit à confondre la couleur de l'uniforme de l'infirmier s'étant livré sur elle aux gestes dénoncés, à ne pas remarquer le badge portant le nom et à ne pas s'apercevoir du port de gants lors des actes infirmiers, est combattue par la chronologie précise des faits donnée par Gwenaëlle Y... et sa concordance avec les éléments contenus dans le dossier médical ; qu'ainsi, la jeune fille a déclaré être arrivée consciente au service des urgences ; que l'état général de Gwenaëlle Y... n'a suscité aucune observation particulière quant à son état de conscience de la part de l'interne, de sorte que le docteur Guy Z... a pu relever que le dossier médical faisait état d'une situation peu alarmante qui ne laisse aucune place au doute quant à son état de lucidité ; qu'enfin le récit des faits que la jeune fille impute exclusivement à M. X... : « le monsieur qui lui a fait une prise de sang et lui a fait subir des attouchements sexuels », recueilli par les policiers quatre jours après sa sortie du service des urgences est compatible avec la chronologie des investigations détaillées retranscrites dans son dossier médical ; que c'est ainsi que Gwenaëlle Y... a déclaré avoir d'abord été installée seule dans un box pendant le temps des investigations médicales mais avant la visite du médecin, puis placée dans un couloir dans l'attente des résultats de la prise de sang vers 6 heures 30 ; que ce contexte conforte les déclarations de la jeune fille, indiquant que M. X... en lui demandant de rester couchée, a pratiqué les gestes incriminés, de manière furtive en écartant sa culotte à deux reprises, laissant apparaître le caractère anormal de ces actes dans l'esprit même de celui qui les a pratiqués et auxquels il tente de trouver une possible justification, sans toutefois reconnaître les avoir accomplis ; qu'en présence d'un faisceau d'indices excédant le seuil du doute raisonnable, il convient de confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2011 par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions ; que les premiers juges ont relevé à juste titre l'absence de condamnations inscrites au bulletin n°1 du casier judiciaire de M. X..., lui ouvrant le bénéfice du sursis ; que, sur l'action civile, la cour ne trouve pas de motifs à modifier la décision critiquée ; que toutefois, Gwenaëlle Y... étant désormais majeure, le jugement déféré sera réformé afin de prévoir que la somme allouée au titre des dommages intérêts lui soit versée et non plus à sa mère, Mme Katia Y... ;

"1°) alors que les dispositions de l'article 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme, garantissant au prévenu le droit d'interroger et de faire interroger les témoins, ne permettent pas à la juridiction de passer outre à l'audition, régulièrement requise et circonstanciée par la défense, de témoins qui n'avaient pas été entendus auparavant ; que s'il peut en aller autrement en cas de renonciation du prévenu, il faut encore que cette renonciation soit formelle, claire et dénuée d'équivoque ; que la formule « passer outre » n'emporte pas constat d'une renonciation ; qu'ainsi, la déclaration de culpabilité du requérant est intervenue de manière irrégulière ;

"2°) alors que la cour a constaté la disparition d'un élément de conviction important (vidéogramme de la confrontation entre les parties durant l'enquête) dont elle avait cependant précédemment reconnu le visionnage nécessaire à la manifestation de la vérité ; qu'en cet état, la cour ne pouvait statuer au fond sans ordonner, fût-ce d'office, des diligences particulières ou faire apparaître les raisons pour lesquelles la nécessité de ce visionnage ne s'imposerait plus ; qu'en passant outre comme elle l'a fait, la cour a derechef privé sa décision de toute base légale ;

"3°) alors qu'il appartient à l'accusation de rapporter la preuve des éléments de l'infraction reprochée au prévenu et au juge de s'expliquer sur lesdits éléments ; qu'en considérant qu'un faisceau d'indices « excédant le seuil du doute raisonnable » permettait, selon elle, de retenir la culpabilité du requérant, la cour a inversé la charge de la preuve en faisant produire au doute une portée qu'il ne pouvait avoir, violant ainsi la présomption d'innocence ;

"4°) alors que la vérification de la crédibilité de la parole d'un plaignant est substantielle ; qu'en se bornant à relever la cohérence et la lucidité de la plaignante sans établir la crédibilité de son propos, la cour a derechef privé son arrêt de toute base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Gwenaëlle Y..., admise au service des urgences de l'hôpital de Pointe-à-Pitre, a déposé plainte contre un infirmier, M. X..., en l'accusant d'attouchements sexuels pendant son séjour à l'hôpital ; qu'à l'issue de l'enquête, ce dernier a fait l'objet de poursuites pénales pour agressions sexuelles aggravées ; que le tribunal a retenu sa culpabilité, a prononcé la peine et a statué sur les intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel du jugement ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il résulte tant des mentions de l'arrêt attaqué que des notes d'audience que toutes les parties ont renoncé à l'audition des témoins cités par la défense et non comparants à l'audience ; qu'en conséquence, le moyen manque en fait en sa première branche ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que, par conclusions déposées le 4 avril 2016, la défense a sollicité le visionnage de l'enregistrement audiovisuel de la confrontation organisée par les enquêteurs entre la plaignante et M. X... ; qu'à l'audience du 5 avril 2016, la cour a renvoyé l'affaire au 6 septembre 2016, afin de retrouver l'enregistrement ; qu'à l'audience du 6 septembre 2016, elle a constaté l'absence de l'enregistrement et l'impossibilité de procéder au visionnage ;

Qu'en cet état, le demandeur, qui ne conteste d'ailleurs pas la disparition de l'enregistrement, ne saurait faire grief à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à de nouvelles investigations afin de le retrouver, alors que les précédentes n'avaient pas abouti ;

D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu, l'arrêt retient que Gwenaëlle Y..., hospitalisée pour une violente crise d'asthme, a décrit de manière précise et circonstanciée les attouchements sexuels commis par M. X..., qu'elle était consciente, qu'au vu des conclusions de l'examen médico-psychiatrique, ses déclarations sont crédibles, enfin que les gestes accomplis par le prévenu ne sauraient avoir aucune justification médicale ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs formulés dans le moyen ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86166
Date de la décision : 18/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 27 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 oct. 2017, pourvoi n°16-86166


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.86166
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