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18/10/2017 | FRANCE | N°16-12508

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2017, 16-12508


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Multitech's, qui a pour activité la vente et la pose de portails automatisés, et M. X..., qui exploite une pharmacie, ont conclu, courant 2010, un contrat pour l'installation d'une barrière réservant l'accès d'un parking aux clients de la pharmacie selon un systÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Multitech's, qui a pour activité la vente et la pose de portails automatisés, et M. X..., qui exploite une pharmacie, ont conclu, courant 2010, un contrat pour l'installation d'une barrière réservant l'accès d'un parking aux clients de la pharmacie selon un système grâce auquel la caisse enregistreuse générait un code valable durant quelques minutes permettant d'actionner l'ouverture de la barrière ; que M. X... n'ayant pas réglé la facture de cette prestation, la société Multitech's l'a assigné en paiement ;

Attendu que, pour prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Multitech's, l'arrêt retient qu'il résulte à suffisance des documents et pièces versés aux débats, notamment des témoignages de clients et de médecins installés aux alentours de la pharmacie exploitée par M. X..., non discutés par la société Multitech's, que le contrat litigieux n'a pas été correctement exécuté ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'exécution non correcte de la prestation justifiait, par sa gravité, la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2015, rectifié le 9 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Multitech's la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Multitech's

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR, infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau, déclaré M. Jean-François X... recevable et fondé en son opposition à l'ordonnance du 26 novembre 2012 portant injonction de payer, prononcé la résolution judiciaire du contrat ayant donné lieu à l'établissement du devis n° 10.06.115 et à la facture subséquente n° 10.06.419 du 17 juin 2010, débouté la société Multitech's de l'ensemble de ses demandes en paiement du chef de cette facture, et condamné la société Multitech's à verser à M. Jean-François X... soixante neuf mille six cents euros (69.600 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, et d'AVOIR ordonné la rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif de cet arrêt en ce sens, que c'est la société à responsabilité limitée Multitech's qui est condamnée à verser à M. Jean-François X... une indemnité de trois mille euros (3.000 euros) à titre de frais irrépétibles et non l'inverse ;

AUX MOTIFS QUE, vu la note en délibéré reçue le 15 juin 2015, la Cour statue finalement, non pas sur le mérite d'une exception pour inexécution opposée par le débiteur d'une prestation de fourniture et de pose d'une barrière automatique destinée à équiper le parking d'un fonds de commerce de pharmacie mais sur le bien-fondé d'une demande car la résolution judiciaire de ce contrat pour inexécution fautive de la prestation commandée, dont le paiement est réclamé ; que, sur la recevabilité des pièces déposées par la société Multitech's, l'intimée n'ayant déposé aucune écriture pour justifier sa position, les pièces qu'elle verse aux débats pour fonder des prétentions inexistantes, ne sauraient logiquement pouvoir être retenues ; qu'il sera subséquemment statué, sur les seules conclusions et pièces présentées par M. Jean-François X... ainsi que sur les énonciations du jugement entrepris ; que, sur le principe de responsabilité de la société Multitech's, M. Jean-François X... explique : - que la partie adverse ayant dû lui proposer un devis complémentaire a, à l'évidence, manqué à l'obligation d'information et de conseil à laquelle elle était tenue à son égard, en s'abstenant d'effectuer des essais sur la barrière existante avant de rédiger le devis initial et ce, d'autant que la barrière finalement installée est strictement identique à celle-ci ; - que le règlement de la facture du 17 juin 2010 se rapportant au dernier devis ne saurait valoir levée des réserves portées au procès-verbal de réception du 15 juin précédent puisque ce dernier a uniquement trait au devis initial ; - que la société Multitech's est vainement intervenue à trois reprises pour tenter de remédier aux défaillances de l'installation et a même fait appel à un sous-traitant parisien ; - que l'incompatibilité entre le code généré par la pharmacie et l'ouverture de la barrière empêchait tout client quittant la pharmacie de sortir du parking avoisinant, ainsi qu'en attestent plusieurs témoignages et les énonciations d'un constat d'huissier du 31 janvier 2013 ; - que le système installé n'a ainsi, jamais fonctionné ; - qu'au demeurant, la barrière incriminée a été fixée directement sur le macadam alors que les règles applicables en la matière imposent qu'elle soit fixée sur un socle en béton; - que faute d'avoir correctement exécuté la prestation commandée, la société Multitech's doit par conséquent être déboutée de sa demande en paiement ; - qu'au demeurant, aucun contrat de maintenance et d'entretien ne lui a été proposé, au mépris des règles élémentaires de sécurité; - que compte tenu de la situation de blocage dans laquelle il se trouvait, il a enfin fait appel à un informaticien, la société Infosoft, pour que cette dernière tente de remédier à cette situation ; - que l'absence de collaboration de la société Multitech's n'a pas permis d'y parvenir ; que, vu l'article 1184 du code civil dont il ressort que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait point à son engagement, ensemble l'article 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ainsi que l'article L. 110-3 du Code de commerce en vertu duquel à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi ; qu'il résulte à suffisance des documents et pièces versés aux débats, notamment des témoignages de clients et de médecins installés aux alentours de la pharmacie exploitée par M. Jean-François X..., non discutés par la société Multitech's, que le contrat de prestation litigieux tendant à la fourniture et à la pose de la barrière litigieuse, n'a pas été correctement exécuté ; que faute pour l'intimée de justifier de l'exécution correcte de son obligation, le contrat litigieux doit être résolu à ses torts avec les conséquences légales ci-après énoncées ; que, sur l'indemnisation des préjudices, matériel et financier, prétendument subis par M. Jean-François X..., la résolution du contrat litigieux justifie le débouté de la société Multitech's de sa demande en paiement de la facture n° 10.06.419 du 17 juin 2010 correspondant au coût des travaux réalisés ; que le réclamant s'estime fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice financier pour perte de clientèle liée à l'envahissement de son parking, à hauteur d'une somme équivalant à 69.600 euros arrêtée au 31 décembre 2014 ; que le constat d'huissier précité établi le 31 janvier 2013 par Maître Pascal Y..., huissier de justice à Nancy, précise : « La pharmacie se trouve au Centre Ville de Neuves Maisons où le stationnement est extrêmement difficile, le parking favorise nécessairement la bonne exploitation de l'établissement. En conséquence les barrières sont laissées en position ouverte pour permettre le stationnement des véhicules des clients mais aussi, involontairement, ceux des intrus. À proximité immédiate du parking se trouvent une supérette, d'autres commerces, plusieurs agences bancaires, mairie, poste, et une église dont les enterrements sont malheureusement récurrents... À ce propos j'observe la présence de nombreux véhicules sur le parking remplissant la quasi-totalité des emplacements de stationnement. La plupart des personnes quittant ou reprenant leur véhicule ne vont ou ne viennent de la pharmacie » ; que ces énonciations, corroborées par et adossées aux, nombreuses attestations produites aux débats, établissent la réalité d'une perte de chance d'une partie de clientèle subie par M. Jean-François X... et fondent subséquemment la condamnation de la société Multitech's à lui payer la somme réclamée en indemnisation de ce préjudice puisque le quantum de ce dernier, arrêté au 31 décembre 2014, ne fait l'objet d'aucune contestation de la partie adverse ; que selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier que c'est par une erreur matérielle manifeste au sens de cet article, que le dispositif de l'arrêt prononcé le 23 septembre 2015 condamne M. Jean-François X... à verser à la société à responsabilité limitée Multitech's, partie perdante, une indemnité à titre de frais irrépétibles de 3.000 euros et non l'inverse ; que le dit arrêt sera subséquemment rectifié selon le dispositif ci-après ;

1°) ALORS QUE seule justifie la résolution judiciaire d'un contrat aux torts d'une partie l'inexécution suffisamment grave de ses obligations ; qu'en se bornant dès lors, pour prononcer la résolution du contrat litigieux, aux torts de la société Multitech's, à retenir qu'elle n'avait pas correctement exécuté son obligation (arrêt, p. 4, al. 5 et antépén. al.), sans préciser en quoi cette inexécution justifiait par sa gravité la résolution du contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant pourtant sa décision sur le moyen tiré de ce que le préjudice causé à M. X... par la faute imputée à la société Multitech's s'analysait en « une perte de chance d'une partie de clientèle » (arrêt, p. 5, al. 3), bien qu'aucune des parties ne l'ait soutenu, et sans inviter au préalable celles-ci à présenter leurs observations à cet égard, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée ; qu'en condamnant la société Multitech's à payer à M. X... une somme correspondant au montant du préjudice certain qu'il alléguait, quand elle relevait que son préjudice ne s'analysait qu'en une perte de chance, de sorte qu'elle ne pouvait indemniser qu'une fraction de l'avantage escompté, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'indemnisation octroyée à la victime doit être à l'exacte mesure du préjudice qu'elle a subi ; qu'en évaluant le montant du préjudice subi par M. X... à « la somme réclamée [par la victime] en indemnisation de ce préjudice », aux motifs que « le quantum de ce dernier, arrêté au 31 décembre 2014, ne fai[sait] l'objet d'aucune contestation de la partie adverse » (arrêt, p. 5, al. 3), qui n'avait pu conclure en temps utile, sans vérifier si cette somme était l'exacte mesure du préjudice subi par M. X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-12508
Date de la décision : 18/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 09 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 2017, pourvoi n°16-12508


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12508
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